Cour d'appel de Paris, 10 janvier 2014, 2013/03570

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2013/03570
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : BONTON SARL / CDEC SARL ; CDEC BELGIUM SPRL (Belgique)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 07/02/2013
  • Président : Madame Marie-Christine AIMAR
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2014-01-10
Tribunal de grande instance de Paris
2013-02-07

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 2 ARRET DU 10 JANVIER 2014 Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03570. Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème Chambre 4ème Section - RG n° 11/14833. APPELANTE : SARL BONTON prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [...], représentée par Maître Philippe POUX JALAGUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0955. INTIMÉES : SARL CDEC prise en la personne de sa gérante, ayant son siège social [...] SUR SEINE, - Société de droit belge CDEC BELGIUM SPRL prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [...]), représentées par Maître Mathieu DAVY de l'AARPI ORIA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0997. assistées de Maître Mathieu D et de Maître Aline M de l'A ORIA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0997. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2013, en audience publique, devant Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente, magistrat chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, Madame Sylvie NEROT, conseillère, Madame Véronique RENARD, conseillère. Greffier lors des débats : Monsieur T Lam NGUYEN.

ARRET

: Contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur T Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile, Vu le jugement contradictoire du 7 février 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 4ème section), Vu l'appel interjeté le 22 février 2013 par la S.A.R.L. Bonton, Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. Bonton appelante en date du 7 octobre 2013, Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. CDEC et de la société CDEC Belgium, intimées et appelantes incidentes en date du 14 octobre 2013, Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 octobre 2013,

SUR CE,

LA COUR , Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties, Il sera simplement rappelé que : La société Bonton créée en 1999 produit une gamme de vêtements pour enfants. La société créée en 2006 crée et vend au détail des vêtements pour bébés et pour enfants. La société CDEC Belgium est une filiale de la société CDEC et a pour activité la distribution des vêtements de la marque CDEC dans le monde. En juillet 2011 la société Bonton a estimé que trois modèles de ses collections étaient repris à l'identique par la société CDEC et commercialisés sur son site de vente en ligne www.cordeliadecastellane.com, dans ses points de vente à Paris et Lyon, et sur différentes plate formes multi marques notamment sur www.malau.collection.com : * un robe référencée BTS297 correspondant au modèle référencé Catalina par la société SDEC, * un cardigan de la collection hiver 2007/2008 référencé BTS243 correspondant au modèle Carmel de la société SDEC, * un pull référencé BTS correspondant au modèle référencé César par la société CDEC. La société Bonton faisait dresser le 1er août 2011 un procès verbal de constat d'huissier, et procédait à l'achat des trois vêtements argués de contrefaçon. La société Bonton, autorisée par ordonnance présidentielle du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris du 2 août 2011 a tenté de procéder le 25 août 2011 à une mesure de saisie-contrefaçon dans des boutiques de la SDEC à Paris. Elle a également fait procéder le 25 août 2011 suivant autorisation du délégué du président du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 4 août 2011 à une mesure de saisie-contrefaçon au siège social de la société CDEC. Selon acte d'huissier du 23 septembre 2011 la société Bonton a fait assigner les sociétés CDEC et CDEC Belgium devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement : - dit que la société Bonton ne peut bénéficier de la protection sur les modèles référencés BTS 296, BTS 297 BTS 243 et BTS 208 au titre du droit d'auteur, - rejeté la demande de la société Bonton au titre de la concurrence déloyale, - rejeté la demande tendant à la publication de la décision, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, - condamné la société Bonton à payer aux sociétés CDEC et CDEC Belgium la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En cause d'appel la société Bonton appelante demande dans ses dernières écritures du 7 octobre 2013 de : - infirmer le jugement, - 'constater ' que les modèles BTS 243 et BTS 297 doivent recevoir protection au titre du droit d'auteur, - 'constater' que les modèles Catalina et Carmel sont des modèles contrefaisants des modèles BTS 297 et BTS 243, - dire et juger que les sociétés CDEC et CDEC Belgium se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de ces deux modèles et les condamner solidairement à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, - 'constater' qu'en commercialisant à vil prix les deux copies serviles César et Valentina les sociétés CDEC et CDEC Belgium se sont rendues coupables en s'attribuant les efforts créatifs et de commercialisation d'actes de concurrence déloyale et parasitaires, - 'constater' qu'en commercialisant à vil prix les modèles Catalina et Carmel les sociétés CDEC et CDEC Belgium se sont rendues coupables d'actes distincts de concurrence déloyale, - à titre subsidiaire, - 'constater' à défaut de protection au titre des droits d'auteur, qu'en commercialisant les modèles Catalina et Carmel, les sociétés CDEC et CDEC Belgium ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires venant s'ajouter à ceux concernant la commercialisation des modèles César et Valentin, - en toute hypothèse, - condamner solidairement les sociétés CDEC et CDEC Belgium à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonner la publication du dispositif de la décision. Les sociétés CDEC et CDEC Belgium intimées s'opposent aux demandes de l'appelantes et demandent essentiellement dans leurs dernières écritures du 14 octobre 2013 de : A titre liminaire, - déclarer irrecevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel visant à obtenir réparation pour commercialisation de copies serviles des modèles BTS 243, BTS 296, BTS 297 et BTS 208, - confirmer le jugement en toutes ses dispositions, - condamner la société appelante à leur payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. ******** Sur la protection au titre du droit d'auteur : La société Bonton qui indique avoir créé pour les vêtements d'enfants un style 'bobo branché pour enfant' ou 'rétro chic' soutient que ses modèles de robe BTS 297 et de cardigan référencé BTS 243 dont elle détiendrait les droits d'auteur, sont éligibles à la protection du droit d'auteur, ce que contestent les intimées. L'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Le droit de l'article susmentionné est conféré selon l'article L 112-1 du même code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il s'en déduit le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale. Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ; Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ; Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ; * modèle de robe BTS 297 La société Bonton caractérise l'originalité de ce modèle comme suit : - une petite robe trapèze classique sur laquelle y a été apporté un style 'rétro chic' et décontracté, - qui comporte des petites manches à ailettes qui sont froncées sur l'épaule lui conférant légèreté et effet papillonné, fermées par un bouton à 2 trous sur chacune des épaules, - les manches et le bas de la robe sont terminés par des bords francs roulés vers l'extérieur, ce qui donne un côté élégant et raffiné, - le col fait l'objet d'un tricotage fin de mailles, tout particulier, que l'on retrouve aux épaules, - le choix de la teinture naturelle et pastel. Elle ajoute que les modèles présentés par les sociétés intimées sont très éloignés des siens ou dépourvus de date certaine. Il convient de relever que la société appelante fait une description de ce modèle sans expliquer en quoi les choix opérés traduisent un parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Elle indique seulement que ses vêtements basique comporteraient des finitions originales. Cependant, comme le souligne l'appelante elle-même il s'agit d'un vêtement basique qui fait partie du fond commun de l'habillement et dès lors la forme trapèze de la robe utilisée fréquemment dans la mode enfantine combinée avec l'emploi traditionnel de boutons en nacre, de manches papillons et de bords roulottés employés depuis plusieurs années comme cela ressort des modèles 'petit bateau', 'carolus', 'ikks' communiqués aux débats ne revêt pas en soi d'originalité. Faute de démontrer que ce modèle de robe par la combinaison des éléments qu'elle revendique porte l'emprunte de la personnalité de son créateur, c'est à bon droit que le tribunal a dit que ce modèle n'était pas éligible à la protection du droit d'auteur. * modèle de cardigan BTS 243 La société Bonton fait valoir que ce modèle présente les critères d'originalité suivants : - petit cardigan en laine à grosses côtes, - sont apposées autour du cou et sur le bord du vêtement trois bandes de lurex, ce qui souligne les lignes du vêtement, lui donne une finition soignée, et une touche de brillance, - cinq boutons nacrés qui relèvent cette touche de brillance qui donnent un aspect chic et précieux tout en conservant le caractère décontracté et rétro du cardigan, - le long des boutons la maille est finie en zigzag. Cependant, comme le soulignent les sociétés intimées, la société Bonton ne démontre pas plus de l'effort personnel ou de l'interprétation individuelle du créateur de ce cardigan. En effet, les éléments cités : boutons nacrés, bandes de lurex, qui font partie du fonds commun de l'habillement couramment apposés sur ce type de vêtement ne présentent pas une configuration particulière qui le distinguerait des autres modèles appartenant au même style. La maille en laine fine et tricotée pour un cardigan d'enfant ne revêt pas plus de caractère d'originalité. Aussi à défaut d'établir que la combinaison des éléments revendiqués témoigne d'un effort personnel de création susceptible de révéler la personnalité de leur auteur, l'absence d'antériorité de toute pièce en droit d'auteur étant inopérante, seule l'originalité l'étant, c'est également à bon droit que le tribunal a jugé qu'il ne pouvait bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur. Il convient de relever que la société Bonton s'emplace dans un 'style Bonton' défini comme 'basique 'retro chic' dont elle ne peut s'approprier. Par ailleurs, la société Bonton ne communique aucun document extérieur à sa société justifiant de la commercialisation à son nom des modèles dont s'agit et donc de détenir des droits opposables aux sociétés intimées, qui le contestent. C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que la société Bonton ne pouvait revendiquer la protection au titre du droit d'auteur sur ces deux vêtements. Sur la contrefaçon : N'étant titulaire d'aucun droit opposable aux sociétés intimées à ce titre, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société Bonton de ce chef. Sur la concurrence déloyale et parasitaire : La demande formée par la société Bonton au titre de la concurrence déloyale et parasitaire au motif notamment de la commercialisation de copies serviles qui tend aux mêmes fins, sur les mêmes fondements juridiques que les demandes formées au titre de la concurrence déloyale en première instance pour ventes à vil prix et appropriation de ses investissements, est recevable. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. Ainsi le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence. Pour que la vente d'un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale il convient de démonter que cette reproduction est fautive. Le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie la valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d'un savoir faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. En l'espèce, concernant les modèles Catalina et Carmel à défaut d'invoquer et de justifier d'actes distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, la société Bonton est irrecevable en ses demandes à ce titre, cette action ne devant pas constituer une action de repli à celle de la précédente. Concernant les modèles César et Catalina qui reproduiraient ses modèles BTS 296 et BTS 208b relatifs pour le premier à un pull coton tricoté en jersey avec des emmanchures raglantes, dont la gauche comporte 3 boutons et des terminaisons en rib, et BTS 208b relatif à un cardigan en jersey, avec trois boutons nacrés, une emmanchure raglante resserrée au poignet, col froncé et sûrpiquerés au niveau des manches du dos et du bas du cardigan, la société Bonton, à qui la preuve incombe, ne démontre pas que la reprise d'un modèle banal, qui en soi n'est pas constitutive de faute, caractérise la responsabilité des intimées. Il apparaît des pièces communiquées par les sociétés intimées que le modèle Catalina est une déclinaison de son modèle Tiffany créé antérieurement. De plus celles-ci justifient qu'elles apposent sur chacun de leurs modèles leur marque CdeC By cordelia de Castellane toujours visible qui sont vendus dans des conditionnements différents et des sites internet différents exclusifs de toute confusion dans l'esprit de la clientèle. Par ailleurs, la vente de modèle d'inspiration commune à des prix inférieurs, n'est pas, en regard de la liberté du commerce un élément de déloyauté. Il en ressort que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société Bonton au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Sur les autres demandes : L'équité commande d'allouer aux sociétés intimées la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante. Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe, qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

, Rejette l'ensemble des demandes de la société Bonton, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Bonton à payer aux sociétés CDEC et CDEC Belgium la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Bonton aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.