Tribunal de grande instance de Paris, 5 mars 2008, 2008/00068

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2008/00068, 08/00068
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : FREE ; FREE LA LIBERTÉ N'A PAS DE PRIX ; FREE MOBILE
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL09 ; CL35 ; CL38 ; CL42
  • Numéros d'enregistrement : 1734391 ; 99875839 ; 3497454 ; 3536224
  • Parties : FREE SAS / FIRST TRADING FRANCE ; MELLIO
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019098021
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Texte intégral

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 3ème section No RG : 08/00068 No MINUTE : Assignation du : 21 Décembre 2007 JUGEMENT rendu le 05 Mars 2008 DEMANDERESSE S.A.S FREE 8 rue de la Ville l'Evêque 75008 PARIS représentée par Me Yves COURSIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C.2186 DÉFENDERESSES Société FIRST TRADING FRANCE 14-16 boulevard Barbès 75018 PARIS Société MELLIO 6-8 rue Léon Gambetta 59000 LILLE représentées par Me Marie MERCIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D741 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision Agnès THAUNAT, Vice-Président Michèle PICARD, Vice-Président, assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 29 Janvier 2008 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE : La société FREE est titulaire de la marque FREE no 1 734 391 déposée le 25 octobre 1989 pour désigner les produits et services de la classe 38 et de la marque semi-figurative FREE no 99 785 839 déposée le 8 avril 1999 pour désigner les produits et services des classes 9, 35, 38 et 42. La société FREE utilise également le signe FREE à titre de dénomination sociale et de nom commercial. Elle a constaté que la société FIRST TRADING FRANCE avait déposé le 25 avril 2007 la marque FREE MOBILE no 07 3 497 454 pour désigner les services de la classe 38, que cette société et la société MELLIO utilisaient le signe FREE MOBILE à titre d'enseigne et de nom commercial pour exploiter leurs activités de téléphonie depuis juin-juillet 2006 et qu'elles avaient déposé en copropriété le 8 novembre 2007 la marque FREE MOBILE no 07 3 536 224 pour désigner des produits de la classe 9. La société FREE a fait assigner à jour fixe après y avoir été dûment autorisée, la société FIRST TRADING FRANCE et la société MELLIO par actes d'huissier délivrés le 21 décembre 2007. Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2008, elle demande au tribunal de juger que le dépôt des marques adverses est frauduleux, que le dépôt et l'utilisation des deux marques FREE MOBILE no 07 3 497 454 et no 07 3 536 224 portent atteinte à ses droits antérieurs sur ses marques, sa dénomination sociale et son nom commercial, que l'adoption et l'utilisation du signe FREE MOBILE à titre de nom commercial et d'enseigne porte atteinte à ses droits antérieurs sur ses marques, sa dénomination sociale et son nom commercial, subsidiairement que l'adoption et l'utilisation du signe FREE MOBILE constituent une atteinte aux marques de renommée FREE, en conséquence, à titre principal elle demande qu'il soit fait droit à ses revendications sur les deux marques litigieuses et d'ordonner leur transfert à son profit, subsidiairement de prononcer leur nullité, de dire que le jugement sera transmis au greffe de l'INPI, d'interdire aux sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO d'utiliser le signe FREE MOBILE sous astreinte, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte à ses marques, la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts pour l'atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial, de l'autoriser à faire publier le jugement, de prononcer l'exécution provisoire et de condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO ont signifié leurs dernières conclusions le 29 janvier 2008. Elles demandent au tribunal de débouter la société FREE de toutes ses demandes, de prononcer la déchéance partielle de la marque semi-figurative FREE no 99 785 839 pour les services de télécommunication télématiques et téléphoniques, télécommunication, d'ordonner la transmission du jugement à l'INPI, de d'ordonner l'exécution provisoire du jugement et de condamner la société FREE à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. II- SUR CE : * Sur la déchéance de la marque FREE no 99 785 839 : Les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO font valoir qu'à défaut pour la société FREE de démontrer qu'elle exploite sa marque semi-figurative FREE no 99 785 839 pour les services de communications télématiques et téléphoniques et télécommunication il conviendra de prononcer la déchéance partielle de celle-ci. Aux termes des dispositions de l'article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. (...) Est assimilé à un tel usage : ... b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif; ...". La marque semi-figurative FREE comporte l'élément verbal FREE écrit en lettres italiques souligné de la phrase "la liberté n'a pas de prix" avec le dessin d'un petit bonhomme stylisé courant en haut à droite du signe FREE. La marque est déposée en couleurs. Sans qu'il soit besoin de déterminer à ce stade si le signe FREE est l'élément distinctif de cette marque, le tribunal constate que sont produites aux débats quantité de pièces démontrant l'exploitation continue de cette marque depuis son dépôt notamment sur les kits de connexion à Internet et à la téléphonie, d'abord aux tarifs locaux puis gratuite. Il convient en conséquence de débouter les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO de leur demande de déchéance, la mise en place des kits de connexion à Internet et à la téléphonie constituant des services de communication télématiques et téléphoniques. * Sur le dépôt frauduleux : La société FREE fait valoir que les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO ont déposé frauduleusement les deux marques FREE MOBILE. Les sociétés défenderesses contestent avoir déposé frauduleusement ces marques et soutiennent qu'en l'absence d'un signe identique antérieur à leur dépôt elles n'avaient aucune intention de nuire à la société FREE. Aux termes des dispositions de l'article L.712-6 du Code de la propriété intellectuelle "Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. (...)." Le tribunal relève que la marque FREE est une marque de grande notoriété en France dans le domaine des télécommunications, notamment par Internet et que la volonté de la société FREE d'obtenir une licence de téléphonie mobile fait l'objet d'une large publicité. Elle avait d'ailleurs acquis la licence WIMAX en 2005 qui permet notamment des accès Internet haut débit sans fil à de grandes distances. Ainsi le signe FREE était associé avant le dépôt des marques litigieuses à la téléphonie mobile. Dès lors, en déposant deux fois, dont la seconde fois après avoir reçu une mise en demeure de la société FREE, la marque FREE MOBILE alors qu'elles ne pouvaient ignorer l'intérêt de la société FREE pour la téléphonie mobile, les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO ont sans aucun doute entendu profiter de la notoriété des marque FREE dans le domaine des communications en général dans un but clairement parasitaire. Ces éléments caractérisent le dépôt frauduleux des deux marques qui leur sont reprochées. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de revendication. * Sur la contrefaçon : La société FREE reproche en outre aux sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO des actes de contrefaçon par imitation de ses deux marques du fait du dépôt des marques FREE MOBILE d'une part et du fait de l'adoption par les sociétés défenderesses du nom commercial et de l''enseigne FREE MOBILE . 1 - La marque verbale no 1 734 391 Les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO font valoir l'absence de similitude entre les produits et services désignés par sa marque no 07 3 497 454 et la marque verbale FREE no 1 734 391. La marque no 1 734 391 FREE désigne les produits de la classe 38 soit les "services de stockage de réception et de diffusion des messages" . La marque FREE MOBILE no 07 3 497 454 désigne dans la classe 38 les "télécommunications; communications radiophoniques ou téléphoniques; services de radiotéléphonie mobile; location d'appareils de télécommunication." La marque FREE MOBILE no 07 3 536 224 désigne les produits et services de la classe 9 soit "Appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction ou le traitement du son ou des images; batteries électriques; cartes à mémoire ou à microprocesseur; Appareil de téléphonie mobile, kit oreillette, oreillette bluetooth." Les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO ont également adopté le signe FREE MOBILE, la première à titre d'enseigne et la seconde à titre de nom commercial. Elles ont toutes deux des activités liées à la téléphonie. Le tribunal constate que les marques FREE MOBILE désignent des produits et services qui, s'ils ne sont pas identiques sont néanmoins similaires à la marque FREE antérieure car ils ont tous un rapport avec la réception et la diffusion de messages, les produits étant complémentaires aux services désignés. Il en est de même de l'enseigne et du nom commercial, les produits et services liés à la téléphonie étant sans conteste similaires aux produits et services protégés par la marque. Aux termes des dispositions de l'article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour les produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." Les signes à comparer sont d'une part le signe FREE et d'autre part les signes FREE MOBILE. Le tribunal constate que s'agissant de téléphones mobiles le vocable MOBILE est purement descriptif du produit ou service que les marques désignent. Dès lors le signe FREE est l'élément distinctif des marques FREE MOBILE, soit un signe identique aux marques antérieures. Le risque de confusion est donc patent, le consommateur ne pouvant qu'attribuer la même origine aux marques litigieuses et aux marques antérieures. Il convient en conséquence de juger que les marques FREE MOBILE , l'enseigne FREE MOBILE et le nom commercial FREE MOBILE contrefont la marque FREE no 1 734 391. 2- La marque semi-figurative FREE no 99 785 839 Les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO font valoir que cette marque étant semi-figurative, il n'existe aucun risque de confusion avec leur marque verbale FREE MOBILE. Il convient en premier lieu de constater que la marque semi-figurative FREE désigne les produits et services des classes 9, 35, 38 et 42 soit des produits et services identiques ou similaires à ceux protégés par les marques FREE MOBILE. Le tribunal relève que dans la marque semi-figurative antérieure, le mot FREE est l'élément conceptuel dominant de la marque, le slogan et l'élément figuratif étant secondaires par rapport à cet élément dénominatif qui seul assure la distinctiveté de la marque, le consommateur ne mémorisant que celui-ci. Le risque de confusion est donc ici encore patent entre les marques litigieuses FREE MOBILE, l'enseigne FREE MOBILE et le nom commercial FREE MOBILE dont le tribunal a déjà relevé que seul le signe FREE en constitue l'élément distinctif et la marque semi-figurative FREE. Il convient en conséquence de retenir des actes de contrefaçon de la marque no 99 785 839. * Sur l'atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial : Le signe FREE constitue également la dénomination sociale et le nom commercial de la société FREE. Il en résulte que le dépôt des marques FREE MOBILE et l'adoption de l'enseigne et du nom commercial FREE MOBILE constituent une atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale de la société demanderesse. * Sur les mesures réparatrices : La société FREE sollicite outre les mesures d'interdiction d'usage et le transfert des marques, qui seront ordonnées la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice né de la contrefaçon des marques et la somme de 100.000 euros en réparation des actes nés de le l'atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale FREE. Le tribunal estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'il convient de fixer le montant de la réparation du préjudice né des actes de contrefaçon de marques à la somme de 30.000 euros. Il en est de même pour le montant du préjudice né des actes d'atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale. Il n'y a pas lieu de prononcer de mesure de publication, le préjudice de la société FREE étant entièrement réparé par l'allocation des dommages et intérêts. Les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO seront condamnées in solidum au paiement de ces sommes. * Sur l'exécution provisoire : L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire pour faire cesser le trouble né de la contrefaçon. Il convient en conséquence de l'ordonner. * Sur l'article 700 : La société FREE sollicite le paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 5.000 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, Statuant en premier ressort, par jugement contradictoire remis au greffe, Déboute les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO de leur demande en déchéance de la marque FREE no 99 785 839, Dit que les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO ont déposé frauduleusement les marques FREE MOBILE no 07 3 497 454 et no 07 3 536 224 au préjudice de la société FREE titulaire des marques FREE no 1 734 391 et no 99 785 839, Dit que la société FIRST TRADING FRANCE a commis des actes de contrefaçon par imitation des marques FREE no 1 734 391 et no 99 785 839 en déposant les marques FREE MOBILE no 07 3 497 454 et no 07 3 536 224 et en adoptant le signe FREE MOBILE à titre d'enseigne, au préjudice la société FREE, Dit que la société MELLIO a commis des actes de contrefaçon par imitation des marques FREE no 1 734 391 et no 99 785 839 en déposant la marque FREE MOBILE no 07 3 536 224 et en adoptant le signe FREE MOBILE à titre de nom commercial, au préjudice la société FREE Dit que ces actes constituent également des atteintes à la dénomination sociale et au nom commercial de la société FREE, Ordonne le transfert des marques FREE MOBILE no 07 3 497 454 et no 07 3 536 224 à la société FREE aux frais des sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO, Dit que la présente décision devenue définitive sera transmise à l'INPI , sur réquisition du greffier par la partie la plus diligente, aux fins d'inscription sur le Registre National des Marques, Fait interdiction aux sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO d ‘utiliser de quelque façon que ce soit le signe FREE MOBILE et d'une façon générale le signe FREE seul ou associé avec quelque signe que ce soit, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées en application de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991, Condamne in solidum les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO à payer à la société FREE la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice né des actes de contrefaçon et la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice né des actes d'atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial, Rejette le surplus des demandes, Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, Condamne in solidum les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO à payer à la société FREE la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne les sociétés FIRST TRADING FRANCE et MELLIO aux dépens. Fait et jugé à Paris le 05 Mars 2008 Le Greffier Le Président