Vu la requête
, enregistrée le 17 septembre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Société de protection de la nature de Sète-Frontignan-Balaruc, dont le siège est ... ; la Société de protection de la nature de Sète-Frontignan-Balaruc demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 29 septembre 1984 du préfet de l'Hérault déclarant d'utilité publique la construction d'une déviation du chemin départemental n° 2 au nord de Sète entre "la pointe longue et la pointe du Barrou" et tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
de l'urbanisme notamment ses articles
L. 146-6, L. 146-7, L. 300-2 et R. 300-1 ;
Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 et notamment son article 27 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Odent, avocat de la commune de Sète,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que
par un arrêté en date du 29 septembre 1987, le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique la réalisation par la commune de Sète d'une déviation du chemin départemental n° 2 au nord de la commune entre "la pointe longue et la pointe du Barrou" ;
Sur la légalité externe :
Considérant que le I de l'article
L. 300-2 du code de l'urbanisme prévoit que : "Le conseil municipal délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant ... toute opération d'aménagement réalisée par la commune ou pour son compte, lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune ... Un décret en Conseil d'Etat détermine les caractéristiques des opérations d'aménagement soumises aux obligations du présent alinéa" ; que l'article
R. 300-1 du code de l'urbanisme range parmi les opérations soumises aux dispositions précitées "la réalisation d'un investissement routier dans une partie urbanisée d'une commune d'un montant supérieur à 12 000 000 F, et conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants" ;
Considérant que la concertation prescrite par les dispositions susmentionnées doit se dérouler avant que le projet ne soit arrêté dans sa nature et ses options essentielles et que ne soient pris les actes conduisant à la réalisation effective de l'opération, au nombre desquels figure notamment la déclaration d'utilité publique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que des réunions d'information et des débats ont eu lieu avec les habitants et les autres personnes concernés pendant le mois d'octobre 1986 ; que le conseil municipal en a délibéré avant d'arrêter le projet définitif ; qu'ainsi, le moyen tiré du non-respect des articles
L. 300-2 et
R. 300-1 du code de l'urbanisme doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article
L. 146-6 :
Considérant que la première phrase du premier alinéa de l'article
L. 146-6 du code de l'urbanisme énonce que "les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques" ; que les catégories d'espaces et milieux à préserver à ce titre sont mentionnés de façon non limitative par la deuxième phrase du même alinéa de l'article
L. 146-6 ; que si l'article L. 146-6 a prévu l'intervention d'un décret tant pour fixer la liste des espaces et milieux à préserver au titre de son premier alinéa que pour définir la nature et les modalités de réalisation des aménagements autorisés en vertu de son deuxième alinéa, l'intervention de ces dispositions réglementaires ne constituait pas une condition nécessaire à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article
L. 146-6 pour ceux des espaces et milieux qui sont énumérés dans la deuxième phrase de son premier alinéa ; qu'au nombre de ces derniers, figurent les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que des zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 ;
Considérant, toutefois, qu'eu égard tant au caractère très limité de la partie du tracé du projet qui affecte une zone humide qu'aux mesures de protection qui ont été prévues pour éviter la formation de terres et gravats, le préfet de l'Hérault, en déclarant d'utilité publique l'opération contestée, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article
L. 146-6 du code de l'urbanisme ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article
L. 146-7 du code de l'urbanisme :
Considérant que l'article
L. 146-7 du code de l'urbanisme, applicable en vertu de son premier alinéa à la réalisation de nouvelles routes dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, énonce dans son deuxième alinéa que "les nouvelles routes de transit sont localisées à une distance minimale de 2 000 mètres du rivage" et dans son quatrième alinéa que les "nouvelles routes de desserte locale ne peuvent être établies sur le rivage, ni le longer" ; que, toutefois, aux termes du cinquième alinéa du même article, les dispositions qui précèdent "ne s'appliquent pas en cas de contraintes liées à la configuration des lieux ou, le cas échéant, à l'insularité ..." ; que dans ce cas, la commission départementale des sites est consultée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard au caractère fortement urbanisé de la zone comprise entre le mont Saint-Clair et l'étang de Thau, et aux contraintes d'ordre topographique en résultant, la réalisation d'une voie routière de contournement en bordure de l'étang de Thau entre la "pointe longue et la pointe du Barrou", entrait dans le champ des prévisions du cinquième et dernier alinéa de l'article
L. 146-7 ; qu'il est constant que la commission départementale des sites a été consultée ; que dans ces conditions, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions des deuxième et quatrième alinéas de cet article ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 27 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 :
Considérant que cet article dispose que : "En dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sous réserve de l'exécution des opérations de défense contre la mer et de la réalisation des ouvrages et installations nécessaires à la sécurité maritime, à la saliculture et aux cultures marines, il ne peut être porté atteinte à l'état naturel du rivage de la mer ..., sauf pour des ouvrages ou installations liés à l'exercice d'un service public ou l'exécution d'un travail public dont la localisation au bord de mer s'impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d'utilité publique ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la réalisation d'une déviation du chemin départemental n° 2 au nord de la commune de Sète constitue l'exécution d'un travail public dont la localisation au bord de l'étang de Thau s'impose en l'espèce pour des raisons topographiques ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen invoqué doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation :
Considérant que l'association requérante soutient que l'arrêté attaqué est nécessairement entaché d'erreur manifeste d'appréciation en raison de sa contrariété avec la loi du 3 janvier 1986 et que de ce fait, l'utilité publique de l'opération projetée ne saurait être appréciée en fonction de la comparaison de ses avantages et de ses inconvénients ; que, dès lors que les moyens tirés de la violation de la loi du 3 janvier 1986 ne sont pas fondés, le moyen susanalysé ne peut lui-même qu'être écarté ;
En ce qui concerne le choix du tracé :
Considérant, enfin, que si l'association requérante soutient qu'un autre tracé aurait offert les mêmes avantages que le tracé retenu par l'arrêté contesté au prix d'inconvénients moindres, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier l'opportunité du tracé choisi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société de protection de la nature de Sète-Frontignan-Balaruc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 29 septembre 1987 ;
Article 1er
: La requête de la Société de protection de la nature de Sète-Frontignan-Balaruc est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société de protection de la nature de Sète-Frontignan-Balaruc, à la commune de Sète et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.