Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Montpellier 15 décembre 2014
Tribunal de Commerce de Montpellier 15 décembre 2017
Tribunal de Commerce de Montpellier 04 janvier 2020
Cour d'appel de Montpellier 03 janvier 2023

Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 3 janvier 2023, 21/01120

Mots clés Prêt - Demande en remboursement du prêt · banque · procédure civile · cautionnement · populaire · nullité · SUD · caution · adresse · prêt · subsidiaire · tribunal de commerce · engagement · fonds de commerce · nantissement

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro affaire : 21/01120
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Montpellier, 04 janvier 2020, N° 2020011030
Président : Monsieur Jean-Luc PROUZAT

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Montpellier 15 décembre 2014
Tribunal de Commerce de Montpellier 15 décembre 2017
Tribunal de Commerce de Montpellier 04 janvier 2020
Cour d'appel de Montpellier 03 janvier 2023

Texte

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 03 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01120 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4E4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 DECEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020011030

Ordonnance de jonction en date du 23 février 2021 des procédures N° RG 21/01120 et 21/01119 sous le numéro 21/01120.

APPELANT :

Monsieur [E] [T]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Axel SAINT MARTIN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

BANQUE POPULAIRE DU SUD

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 05 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE - PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES:

La S.A.R.L. Le Memo, dont le gérant était [E] [T], exploitait un fonds de commerce de portails internet à [Localité 6].

Elle a souscrit, par acte sous seing privé du 13 octobre 2014 auprès de la Banque populaire du Sud un prêt d'un montant de 50 000 euros sur une durée de 48 mois au taux de 3,75 % dont l'objet était le financement de besoins en fond de roulement.

Ce prêt était garanti par :

- le cautionnement solidaire de M. [T], en date du 13 octobre 2014, pour une durée de 72 mois, dans la limite de la somme de 65 000 euros,

- le nantissement du fonds de commerce en rang 1 à hauteur de 50 000 euros.

Par jugement du 15 décembre 2014, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Le Memo.

La Banque populaire du Sud a déclaré sa créance par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 9 décembre 2015 à titre privilégié (nanti) et à échoir pour la somme de 59 047, 60 euros.

La Banque populaire du Sud a obtenu le 6 janvier 2016 un certificat d'admission de sa créance délivrée par le greffe du tribunal de commerce au visa de l'article R. 624-3 du code de commerce pour un montant de 49 032, 88 euros outre intérêts.

Par jugement du 15 décembre 2017, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société Le Memo.

Selon courriers recommandés du 19 décembre 2017, elle a mis en demeure M. [E] [T] de payer les sommes dues en sa qualité de caution.

Par exploit d'huissier du 13 octobre 2020, la Banque populaire du Sud a fait assigner M. [E] [T] en paiement devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement réputé contradictoire du 4 décembre 2020, a :

- condamné M. [E] [T] à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 62 934,88 euros avec intérêts au taux de 3,75 % sur la somme de 49 032,88 euros du 7 octobre 2020 jusqu'à parfait paiement et au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 4 903, 29 euros,

- dit et juger que toutes sommes susceptibles d'être versées par le requis sur les sommes susvisées s'imputeront tout d'abord sur les intérêts dus si le règlement n'est pas intégral,

- appliqué l'article 1343-1 du code civil,

- ordonné l'exécution provisoire ('),

- condamné M. [E] [T] à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le présent jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par cet huissier, par application de l'article L. 111-8 du code de procédures civiles d'exécution, devra être supportée par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [E] [T] aux dépens (').

Par déclaration enregistrée le 19 février 2021, M. [T] a relevé appel de ce cette décision.

Il demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 18 mai 2021 via le RPVA, de :

Réformer le jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [E] [T] à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 62 934,88 euros avec intérêts au taux de 3,75 % sur la somme de 49032,88 euros du 7 octobre 2020 jusqu'à parfait paiement et au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 4 903,29 euros,

- dit et jugé que toutes sommes susceptibles d'être versées par le requis sur les sommes susvisées s'imputeront tout d'abord sur les intérêts dus si le règlement n'est pas intégral,

- appliqué l'article 1343-1 du code civil,

- condamné M. [E] [T] à payer à la Banque populaire du Sud la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau sur ces points :

A titre principal :

Vu les articles 654, 655, 656 et 659 du code de procédure civile,

- constater que l'huissier n'a pas accompli les diligences nécessaires pour délivrer les actes de procédure à M. [E] [T],

En conséquence,

- dire et juger que l'assignation est nulle et de nul effet, ainsi que tous les actes subséquents,

- constater que la nullité fait grief à M. [E] [T] qui n'a pas pu se défendre en première instance,

- dire et juger en conséquence nul le jugement déféré,

- en prononcer la nullité,

A titre subsidiaire au fond,

Si la cour devait estimer que le jugement n'est pas nul,

A titre principal,

Vu l'article L. 342-2 du code de la consommation,

- constater que la mention manuscrite est nulle,

- dire et juger en conséquence que le cautionnement est nul,

- débouter la Banque populaire du Sud de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation,

- constater que le cautionnement est manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [E] [T],

- dire et juger en conséquence que la Banque populaire du Sud ne peut pas s'en prévaloir,

- la débouter de ses demandes ('),

A titre encore plus subsidiaire,

Vu l'article 2314 du code civil,

- constater que la subrogation dans le bénéfice du nantissement de fonds de commerce a été rendue impossible du fait de la banque populaire du Sud,

- décharger M. [E] [T] du prétendu engagement de caution,

- débouter la Banque Populaire du Sud de ses demandes ('),

A titre infiniment subsidiaire,

Vu l'article L. 341-6 du code de la consommation,

- constater que la Banque Populaire du Sud n'a pas respecté son obligation d'information annuelle,

- prononcer la déchéance des intérêts,

En tout état de cause,

- condamner la Banque Populaire du Sud à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

- la signification du jugement litigieux aurait pu être faite à personne, dès lors que la banque avait les moyens de connaître l'adresse de la caution ;

- la nullité du jugement qui en découle l'a privé du double degré de juridiction ;

- la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique à celle prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation ;

- son engagement de caution était, au jour de la souscription, manifestement disproportionné à ses biens et revenus et sa situation n'est pas meilleure au jour de l'appel en garantie ;

- elle est déchargée de son engagement, dès lors que la banque a nécessairement reçu le prix de cession du fonds par suite de la liquidation judiciaire et elle lui a fait perdre le bénéfice du nantissement ;

- la banque n'a pas satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution.

La Banque populaire du Sud sollicite, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 22 juin 2021, de :

('),

- confirmer le jugement déféré,

- émandant sur le montant,

- condamner M. [E] [T] à lui payer la somme de 49 032, 88 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- le condamner au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner M. [E] [T] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Elle expose en substance que :

- l'huissier ne disposait pas d'indication suffisante pour joindre le débiteur et lui signifier l'acte à personne ;

- les mentions manuscrites de l'acte de cautionnement sont conformes aux prescriptions légales prévues à l'articles L.331-1 du code de la Consommation;

- la cautionnement n'est pas disproportionné, compte-tenu des éléments de solvabilité déclarés par la caution dans la fiche de situation patrimoniale ;

- elle n'est pas fautive, dès lors qu'elle a bien déclaré sa créance en vertu de l'obligation garantie, elle n'a pas vocation à recevoir le prix de la cession du fonds nanti, ni à reporter sa sureté du fait de la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif ;

- la cession du fonds par suite de la procédure collective emporte purge des inscriptions ;

- elle n'est pas en mesure de justifier de l'obligation d'information annuelle de la caution.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 octobre 2022.


MOTIFS de la DECISION


Sur la nullité de l'assignation et la nullité du jugement critiqué :

Selon les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme est prononcée dès lors que celui qui l'invoque prouve le grief que lui cause cette irrégularité.

L'exploit d'huissier du 13 octobre 2020 mentionne l'adresse de M. [T] comme étant celle du [Adresse 3].

Cette adresse est celle mentionnée sur l'acte de cautionnement du 13 octobre 2014, sur la fiche patrimoniale de M. [T], sur la lettre recommandée du 9 février 2015 par laquelle la banque a rappelé à ce dernier son engagement de caution à la suite de l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

M. [T] a été cité selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

L'huissier instrumentaire mentionne dans le procès-verbal qu'il s'est déplacé à l'adresse indiquée ([Adresse 3]), qu'il y a rencontré le nouveau locataire lequel ne connaissait pas la nouvelle adresse de M. [T], qu'il a effectué sans succès les recherches habituelles auprès des services municipaux et postaux, consulté le K bis de la société Le Mémo, outre diverses recherches sur les annuaires téléphoniques et électroniques concernant M. [T] ou sa société.

M. [T] soutient que son adresse était en réalité depuis l'année 2015 située 82 traverse du cardinal à [Localité 7], ce que la banque ne pouvait ignorer.

Il indique à ce titre que la Banque populaire des Alpes connaissait sa nouvelle adresse, avec laquelle il a eu un litige ayant donné lieu à une ordonnance de référé en date du 25 juin 2019 qui mentionne sa bonne adresse, et qu'il était par ailleurs inscrit au répertoire Sirène (depuis le mois de septembre 2020).

Cependant, comme le soutient à bon droit l'intimée, d'une part la Banque populaire du sud et la Banque populaire des Alpes sont deux banques à la personnalité juridique distincte, quand bien même elles appartiennent au même groupe Banque populaire, et d'autre part les pages Web sur lesquelles M. [T] apparaît au titre de sa nouvelle activité de conseil ne mentionnent pas son adresse personnelle.

Surtout, il convient de constater à la suite de l'intimée que l'huissier de justice a effectué les diligences régulières de sorte que l'assignation en justice du 13 octobre 2020 n'encourt aucun grief de nullité.

Les demandes de nullité seront en conséquence rejetées.

Sur le fond du litige :

Les mentions manuscrites prévues à l'article L. 331-1 du code de la consommation :

Il convient de constater que contrairement à ce que soutient l'appelant, l'acte de cautionnement comporte bien les mentions manuscrites prescrites à l'article L. 331-1 du code de la consommation.

Le moyen sera rejeté.

Le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de M. [T] :

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus.

La charge de la preuve du caractère disproportionné de l'engagement appartient à la caution qui l'invoque. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements, sans avoir en l'absence d'anomalies apparentes l'affectant, à en vérifier l'exactitude et la caution n'est pas admise à établir, devant le juge, que sa situation était, en réalité, moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

M. [T] a indiqué dans la fiche patrimoniale établie le 18 septembre 2014, qu'il percevait un salaire brut annuel de 40 000 euros et qu'il était propriétaire d'un terrain d'une valeur estimée à 100 000 euros (mais faisant l'objet d'un prêt avec un capital restant dû de 61 000 euros).

Au titre de ses charges, il a également indiqué l'existence d'un prêt de 9 000 euros (sans préciser la date de souscription ni le montant restant dû) et un loyer annuel de 19 200 euros.

Il convient de constater qu'il a mentionné sur la fiche patrimoniale les revenus de sa compagne avec laquelle il n'est cependant pas marié, lesquels ne doivent ainsi pas être pris en considération contrairement à ce que M. [T] a indiqué au titre de son reste à vivre disponible, et ce que la banque ne pouvait ignorer.

En conséquence, il résulte de ces seuls éléments que l'engagement de caution de M. [T] envers la Banque populaire du Sud est manifestement disproportionné de sorte que cette dernière doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de M. [T].

Le jugement sera réformé.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

La Banque populaire du Sud qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens.

Il n'est pas inéquitable de condamner la Banque populaire du Sud à payer à M. [T] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

,

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Rejette les demandes de nullité présentées par [E] [T],

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau,

Déboute la Banque populaire du Sud de toutes ses demandes formées à l'encontre de [E] [T],

Condamne la Banque populaire du Sud aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Banque populaire du Sud à payer à M. [T] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,