TRIBUNALD E GRANDE INSTANCE DE P A R I S3ème chambre 2ème sectionN° RG : 12/15631JUGEMENT rendu le 23 Mai 2014
DEMANDERESSESSociété MOULIN ROUGE,97 aie Royale 1000 BRUXELLES BELGIQUE
Société BAL DU MOULIN ROUGE.[...]représentées par Maître Pierre LUBET de la SELARL ALT AN A, avocatsau barreau de PARIS, vestiaire SR021
DEFENDERESSESociété FIRMA DIFFUSION MARIE BOUVERO, [...]75002 PARISreprésentée par Me Bruno RYTF.RBAND, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire #A079S
COMPOSITION DU TRIBUNALEric H. Vice-Président, signataire de la décision Arnaud DESGRANGES,
Vice-Président François T, Vice-Présidentassistés de Jeanine R, FF Greffier, signataire de la décision
DÉBATSA l'audience du 20 Février 2014 tenue en audience publique devant Eric H,
Arnaud DESGRANGES, juges rapporteurs, qui, sans opposition des
avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des
parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de
l'article
786 du Code de Procédure Civile
JUGEMENTPrononcé par remise de la décision au greffeContradictoireen premier ressort
FAITS. PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIESU SA BAL DU MOULIN ROUGE, qui a pour principale activité d'exploiter le
fonds de commerce du cabaret le Moulin Rouge, situé [...] à PARES 18ème,
expose que l'enseigne de cet établissement, imaginée et créée par Willette,
est constituée du célèbre moulin avec ses ailes caractéristiques et sa
couleur rouge vif, et de la dénomination Moulin Rouge, laquelle jouit selon
elle d'un notoriété « incontestable sur l'ensemble du territoire national ».
La société anonyme de droit beige MOULIN ROUGE, indique être
notamment titulaire des deux marques suivantes :- marque verbale française MOULIN ROUGE, déposée le 3 mai 1983
sous le ii°] 311 105 en renouvellement d'une marque 876 972 déposée le 3
mai 1973, et régulièrement renouvelée depuis pour désigner différents
produits et services des classes I, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12. 13, 14. 15.
16. 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35,
36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45, en particulier en classe 30 des
produits cacao, biscuits, gâteaux, pâtisserie et confiserie,
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- marque verbale communautaire MOULIN ROUGE, déposée le 21
septembre 2010 et enregistrée le 23 mars 2011 sous len°939O55 I sous
priorité d'un dépôt Bénélux du 8 juin 2010, pour désigner différents produits
et services des classes 3. 4, 14, 18,20,21,24,25,26.28,30. 41 et 43, et en
particulier en classe 30 les mêmes cacao, biscuits, gâteaux, pâtisserie et
confiserie.
Ayant constaté courant 2009 que la SARL FIRMA DIFFUSION MARIE B (ci-
après sociclé FIRMA DIFFUSION), qui a notamment pour activité le négoce
de produits alimentaires, commercialisait des tablettes de chocolat
reproduisant lesdites marques,tant au recto qu'au verso de leur emballage, elles ont, après plusieurs mises
en demeure restées infructueuses, en dernier lieu le 27 janvier 2012, fait
assigner cette dernière en contrefaçon de marques et concurrence déloyale
et parasitaire par acte du 9 août 2012.
Dans ses conclusions signifiées le 14 février 2014, les sociétés BAL DU
MOULIN ROUGE el MOULIN ROUGE (ci-après les sociétés MOULIN
ROUGE), après avoir réfuté les arguments présentés en défense,
demandent en ces termes au Tribunal de :- les dire et juger recevablcs et fondées en leurs demandes,- dire et juger que la société FIRMA DIFFUSION a commis des actes de
contrefaçon des marques verbales française et communautaire MOULIN
ROUGE n° 1 311 105 et n°9390551, propriétés de la s ociété MOULIN
ROUGE SA et dont la société BAL DU MOULIN ROUGE est licenciée en les
reproduisant sur ses produits.- dire cl juyer que les marques verbales française et communautaire
MOULIN ROUGE n°l 311 105 et n°9390551, propriétés d e la société
MOULIN ROUGE SA et dont la société BAL DU MOULIN ROUGE est
licenciée, sont des marques renommées auxquelles la société FI RM A
DIFFUSION a porté atteinte,- dire et juger que la société FIRMA DIFFUSION a commis des actes de
concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de ta société BAL L)U
M ROUGE, distincts de ceux constitutifs de contrefaçon en utilisant sans
bourse délier la notoriété des marques verbales MOULIN ROL'GE dont elle
est licenciée, de sa dénomination sociale, de son nom commercial et de son
enseigne,- constater que la marque française n° 1 3 11 105 fai t l'objet d'un usage
sérieux pour les produits visés au sein de la classe 30. dont notamment les
produits de chocolat,-constaterque la demande formée par la société FIRMA DIFFUSION visant
à faire défense à la société MOULIN ROUGE d'exploiter, directement ou par
l'intermédiaire d'un licencié, une tablette de chocolat reproduisant sur son
conditionnement un graphisme du verso d'une cane postale irrecevable car
mal dirigée,- rejeter toutes demandes, fins et prétentions de ia société FIRMA
DIFFUSION,En conséquence,- interdire à la société FIRMA DIFFUSION l'utilisation des marques
MOULIN ROUGE à quelque titre que ce soit sous astreinte de mille euros
par infraction constatée et par jour à compter de la signification du jugement
à intervenir,
- ordonner le retrait de toute dénomination MOULIN ROUGE sur tout
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produit, sous astreinte de mille euros par joui de retard et par infraction
constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
- ordonner aux frais de la société FIRMA DIFFUSION le retrait et la
destruction sous contrôle d'huissier, à ses frais, des produits contrefaisants
restant détenus par elle, et le rappel des produits entre les mains de ses
distributeurs,
-- condamner la société FIRMA DIFFUSION à verser une somme de 20.000
euros à la société MOULIN ROUGE SA à titre de provision en réparation du
préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,- condamner la société FIRMA DIFFUSION â verser une somme de 10.000
euros à la société MOULIN ROUGE SA et en réparation du préjudice subi
du lait de l'atteinte à la renommée des marques MOULIN ROUGE,- condamner la société FIRMA DIFFUSION à verser une somme de 20.000
euros à la société BAL DU MOULIN ROUGE en réparation du préjudice subi
du fait des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire,- ordonner la publication du Jugement à intervenir dans trois journaux de
leur choix et aux frais de la société FIRMA DIFFUSION dans la limite de 3
000 euros par insertion dans les termes suivantso « Par Jugement en dots du , le Tribunal de grande instance de Paris a
condamné la société FIRMA DIFFUSIONpour contrefaçon de marque et
concurrence déloyale aux préjudice des sociétés MOULIN ROUGE et BAL
DUMOULIN ROUGE, pour avoir commercialisé des produits sous la
marque •< Moulin Rouge »,- ordonner la communication par la société FIRMA DIFFUSION sous
astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 20 jours à
compter de la signification du jugement à intervenir, des documents relatifs
au nombre de produits litigieux vendus ainsi que les prix desdits produits,- condamner la société FIRMA DIFFUSION à payer à chacune d'elles la
somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700
du Code de procédure civile,
- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- dire qu'il restera compétent pour liquider les astreintes par lui ordonnées
en vertu du Jugement a intervenir,
- condamner la société FIRMA DIFFUSION aux entiers dépens qui seront
recouvrés en application dus dispositions de l'article 699 du Code de
procédure civile.
Dans ses dernières écritures signifiées le 17 février 2014, la sociétéFIRMA DIFFUSION entend voir le Tribunal :Vu l'article
L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle,- dire et juger que les actes d'exploitation réalisés par elle
antérieurement au 9 août 2009 sont prescrits,- dire que la société BAL DU MOULIN ROUGE est irrecevable à agir
sur le
fondement de la contrefaçon des marques verbales française et
communautaire MOULTN ROUGE n°l 311 105 et 939055 I, ainsi que sur le
fondement d'une atteinte à la marque renommée MOULIN ROUGE,Vu l'article
L. 712-2 du Code de la propriété intellectuelle,- constater que les marques verbales française et communautaireMOULIN ROUGE n° 1 31 I 103 et 9390551 ne sont pas d éposées pour
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désigner des produits dechocolaterieen classe 30 et qu'en conséquence,
elles ne sauraient lui être opposées.Vu l'article
L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.- prononcer la déchéance des droits de la société MOULIN ROUGE sur
la marque française MOULIN ROUGE n° 1 311 105 pour les produits de la
classe 30, et notamment pour les produits de pâtisserie et de confiserie, à
compter du 3 mai 1978,Vu l'article 52 du Règlement (CE) n° 40/94 du conse il du 20 décembre 1993
sur ia marque communautaire.- prononcer kl nullité de la marque communautaire MOULIN ROUGE n°
939Q551 à compter de son dépôt pour les produits de la classe 30. et
notamment pour les produits de pâtisserie el de confiserie.Vu les articles L 713-1, L 713-3 et L. 713-5 du Code de la propriété
intellectuelle,- dire et juger qu'après avoir autorisé l'exploitation menée par elle, MOULIN
ROUGE est mal fondée à se prévaloir d'un acte de contrefaçon,- dire et juger que l'usage du terme MOULIN ROUGE par elle n'est pas
effectué à titre de marque et, en tout état de cause, ne saurait caractériser
un quelconque risque de confusion aux yeux du consommateur d'attention
moyenne,- dire et juger que MOULIN ROUGE ne peut agir en cumul sur le fondement
d'une contrefaçon et d'une atteinte à la marque renommée pour des faits
identiques et, subsidiairement sur ce point, dire et juger qu'elle n'a commis
aucune atteinte à une marque renommée.Vu l'article
1382 du Code civil.- dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale
et/ou de parasitisme à l'cncontre de la société BAL DU MOULIN ROUGE,En conséquence,- Débouter les sociétés MOULIN ROUGE et BAL DU MOULIN
ROUGE, de leurs demandes au titre de prétendus actes de contrefaçon,
d'atteinte à une marque renommée, de concurrence déloyale el de
parasitisme,Subsidiairement,- dire et juyer que ni la société MOULIN ROUGE, ni la société BAL DU
MOULIN ROUGE n'apportent la preuve d'un quelconque préjudice et,
subsidiairement sur ce point, ramener leur préjudice à la somme de l'euro
symbolique.En tout état de cause,- débouter les sociétés MOULIN ROUGE et BAL DU MOULIN ROUGE de
leur demande d'interdiction, de destaiction des stocks, de mesure de
publication et de communication de pièces,- faire défense à la société MOULIN ROUGE d'exploiter, directement ou par
l'intermédiaire d'un licencié, une tablette de chocolat reproduisant sur son
conditionnement un graphisme du verso d'une « carte postale »,- condamner in solidum les sociétés MOULIN ROUGE et BAL DU MOULIN
ROUGE à lui payer la somme de 17.000 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront
recouvrés par son conseil.
L'ordonnance de clôture ;i été rendue le jour de l'audience des plaidoiries,
soit le 20 février 2014.
MOTIFS PIC LA DÉCISION
- Sur la prescription
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Se fondant sur l'article
L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle qui
dispose que « l'action en contrefaçon se prescrit par trois ans ». la sociéte
FIRMA DIFFUSION qui relève que l'assignation lui a élédélivrée le 9 août 2012. estime que les faits antérieurs au 9 août 2009 qui lui
sont imputés devront être considérés comme prescrits
Défait, il convient effectivement de constater que les feits éventuels qui
auraient été commis plus de trois ans avant l'acte introductif d'instance
seront prescrits.
- Sur la recevabilité
Se fondant sur les dispositions de l'article
L.716-5 du Code de la propriété
intellectuelle selon lesquelles « L'action civile en contrefaçon est engagée
par le propriétaire m la marque. Toutefois le bénéficiaire d'un droit exclusif
d'exploitation peut agir eu contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat
si, après mise en demeure, le titulaire n'exerce pus ce droit », la sociéte
FIRMA DIFFUSION estime que la société BAL DU MOULIN ROUGE,
licencié non-exclusif des marques invoquées, ne saurait agir en contrefaçon
conjointement avec la société MOULIN ROUGE.
Cependant, le texte dont s'agit n'a pas pour effet d'interdire au licencié, qu'il
soit exclusif ou non, d'agir en contrefaçon aux côtés du titulaire de la
marque, mais seulement de permettre dans certaines conditions au licencié
exclusif d'agir seul en cas d'inaction de ce titulaire.
Dès lors, la fin de non-recevoir présentée à ce litre sera rejetée.
– Sur la déchéance do la marque MOULIN ROUGE n° 1 3 11 105
Selon l'article L.7I4-5 du Code de la propriété intellectuelle, « Encourt la
déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs,
n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans
l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.(,..)La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la
déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens, la
déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au
premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ».
Se fondant sur ce texte, la société FIRMA DIFFUSION estime que la
marque MOULIN ROUGI:, déposée Initialement le 3 mai 1973 sous le n°876
972 puis le 3 mai 1983 sous le n°1 311 105 pour dés igner notamment en
classe 30 les produits café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou,
succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, pain,
biscuits, gâteaux, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de
mélasse, levure, poudre pou faire lever, sel, moutarde, poivre, vinaigre,
sauces, épices, glace est décline pour tous les produits de cette classe à
compter du 3 mai 1973. aucun usage de cette marque n'étant selon elle
intervenu durant les 5 ans qui ont suivi son enregistrement.
Cette marque étant opposée à son action principale en contrefaçon, la
société FIRMA DIFFUSION justifie d'un intérêt à agir qui n'est d'ailleurs pas
contestéIl appartient donc aux sociétés MOULIN ROUGE de prouver un usagesérieux de la marque MOULIN ROUGE,
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A cet effet, plutôt que de s'attacher à la période 1973-1978, elles se
réclament des dispositions de l'alinéa 4 du même texte, selon lesquelles «l'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la
période de cinq ans visée ait premier alinéa du présent article n'y fait pas
obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de
déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité
de celte demande ».
A ce titre, elles expliquent que l'usage des marques pour les produits de la
classe 30 a été entrepris bien avant ces trois mois, puisqu'une licence a été
accordée le S décembre 2011 à la société LOC MARIA qui vend des
gaufrettes au chocolat.
Elles ajoutent que par contrat du 8 juin 2012, la société MOULIN ROUGE a
accordé à la société TASTY FRANCE le droit non exclusif d'utiliser les deux
marques en question, pour la création, la fabrication, la distribution et la
vente de produits relevant de la classe 30, et que cette société a notamment
commercialisé, en vertu de cette licence, des boîtes reproduisant la marque
verbale MOULIN ROUGE contenant des oursons en guimauve recouverts
de chocolat.
Enfin elles exposent avoir concédé une troisième licence, le 18 avril 2012, à
la société FRENCH IS IT concernant des produits haut de gamine de la
classe 30, laquelle licence a été complétée le 10 décembre 2012 par le droit
d'utiliser les marques MOULIN ROUGE pour la vente de produits chocolatés
et de confiserie dans des épiceries fines.
La société FIRMA DIFFUSION souligne pour sa part que la simple
communication de contrats de licence, visant de nombreux territoires, est
insuffisante pour justifier de l'usage d'une marque en France, et ajoute que
l'usage, qui doit être sérieux, consisterait en l'espèce en produits de
chocolaterie qui ne sont pas visés à l'enregistrement de la marque attaquée.
Plus précisément, elle fait remarquer que la licence accordée à la société
TASTY FRANCE portait, non sur la marque opposée, mais sur la marque
semi-figurative dans laquelle les mots MOULIN ROUGE sont surmontés
d'un dessin représentant le moulin, et que les produits concernés sont des
produits de confiserie et non de chocolaterie, outre qu'on ignore à quelle
date ils ont été commercialisés.
Pour ce qui est de la licence conclue avec la société FRENCH IS IT, elle
note également que c'est la marque semi-figurative qui est utilisée pour
désigner les produits, tandis que le seul produit de chocolaterie
commercialisé - et pas avant le 25 avril 2013 - serait le florentin au chocolat.
De fait, il convient de rappeler que la première demande de déchéance
émanant de la société défenderesse est intervenue lors des écritures
signifiées le 25 juillet 2013, point de départ à rebours du délai de 3 mois
prévu par l'alinéa 4 du texte sus-visé au-delà duquel les usages d'une
marque ne sont plus considérés comme suspects.
Or, il est manifeste que le contrai de licence passé le 8 décembre 20 M, soit
bien avant celle période suspecte, avec la société LUC MARIA porte sur
tomes les marques MOULIN ROUGE, qu'elles soient nominatives, semi-figuratives ou figuratives, et concerne tous les pays d'Europe, dont
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évidemment la France.
Il en est de même, contrairement à ce qu'affirme la société défenderesse,
du contrat passé en juin 2012 avec la société TASTY FRANCE, la marque
opposée nominative MOULIN ROUGE étant reproduite en annexe, et de la
licence accordée à la société FRENCH IS IT, qui reproduit cette même
marque et précise, pour ce qui est du territoire sur laquelle porte la licence,
que la Grande Epicerie du Bon Marche et Lafayette Gourmet à PARIS fontpartie avec duty free des domaines autorisés en France, la licence de
décembre 2012 ayant ajouté les épiceries fines, les lieux touristiques et les
surfaces alimentaires françaises.
Si la commercialisation par cette société FRENCH IS IT de calissons,
dragées au chocolat et florentins au chocolat noir est imminente, les
produits étant déjà exposés sur le site Internet de la société et ayant fait
l'objet d'une communication dans la presse spécialisée, il apparaît en
revanche que la commercialisation de gaufrettes en chocolat, soit
effectivement des produits de cbocolaterie, et à tout le moins des produits
de biscuiterie, de pâtisserie ou de confiserie contenant du cacao, par la
société LOC MARIA, remonte sans équivoque à une période antérieure à la
période suspecte, de même que la commercialisation d'oursons en
guimauve recouverts de chocolat, ce qui concerne les mêmes produits de la
classe 30, par la société TASTY FRANCE, ces produits étant aujourd'hui en
rupture de stock.
Ainsi, tant par les contrats de licence que par les exploitations effectuées
par les licencies, les sociétés MOULIN ROUGE justifient d'un usage sérieux
de la marque MOULIN ROUGE n°1 311 105 largement ant érieur aux trois
mois précédant la première demande tendant à la déchéance,
Cette demande sera donc rejetée.
- Sur la nullité de la marque communautaire MOULIN ROUGE n°9390551
Se fondant sur l'article 52 du règlement (CE) n°40/ 94 du conseil du 20
décembre 1993 qui dispose que la nullité d'une marque communautaire
peut être demandée à titre reconventionnel clans le cadre d'une action en
contrefaçon, et sans doute, bien que ne l'indiquant pas expressément, sur
l'adage Frans omnia corumpit, la société FIRMA DIFFUSION soutient que la
marque communautaire MOULIN ROUGE n'aurait été déposée, le 21
septembre 2010, que pour « couvrir la déchéance manifeste de la marque
française », el postérieurement à l'exploitation qu'elle a menée elle-même
avec l'accord des sociétés MOULIN ROUGE.
Cependant, outre qu'il vient d'être dit que ladite marque française n'était pas
déchue pour les produits de la classe 30, force est de constater que, si
vraiment le dépôt de la marque communautaire n'était intervenu que pour
éviter une telle déchéance, il aurait été plus judicieux de le réaliser dès 1978
ou encore tous les 5 ans, plutôt que d'attendre 37 ans pour le faire.
Au contraire, ainsi que le soutiennent à juste titre les demanderesses, ce
dépôt avait plutôt pour finalité de conforter des droits sur un signe exploité
depuis plusieurs années.
La fraude n'étant nullement démontrée, la demande présentée à ce titresera aussi rejetée.
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- Sur la contrefaçon des marques MOULIM ROUGE
Selon l'article
L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle, « Sont interdite,
sauf autorisation du propriétaire : a) l.a reproduction, l'usage ou l'apposition
d'une marque („.), ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des
produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ».
Selon l'article L.713-3 du même Code, « sont interdits, sauf autorisation du
propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du
public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que
l'usage de la marque reproduite, pour des produits ou services similaires à
ceux désignés dans l'enregistrement »
Enfin, l'article 9 du règlement CE n°207/2009 du 26 février 2009 dispose
que « La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif Le
titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son
consentement, de faire usage dans la vie des affaires : a) d'un signe
identique à lu marque communautaire pour des produits ou des services
identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ».
Se fondant sur ces textes, les sociétés MOULIN ROUGE considèrent que la
société FIRMA DIFFUSION a commis des actes de contrefaçon des
marques française et communautaire MOULIN ROUGE.
Elles soulignent qu'en utilisant le signe MOULIN ROUGE à l'identique pour
désigner des tablettes de chocolat, tant au recto de l'emballage, puisque
apparaît une vue de la façade du cabaret où figure l'inscription MOULIN
ROUGE, qu'au verso où les mots MOULIN ROUGE sont apposés, ou
encore que sur le carré de chocolat lui-même, recouvert d'un papier
simulant une carte postale sur laquelle le même cabaret et les mêmes mots
sont reproduits, la société FIRMA DIFFUSION a commis des actes de
contrefaçon par reproduction desdites marques.
Pour sa part, la société défenderesse, sans contester cette reproduction, fait
valoir d'une part que, par lettre du 26 février 2009, la société MOULIN
ROUGE lui aurait accordé l'utilisation de l'image du Moulin Rouge, d'autre
part qu'elle n'aurait pas utilise le signe dont s'agit à titre de marque.
Il convient d'examiner ces deux moyens.
* l'accord donné
La société FIRMA DIFFUSION fait valoir ainsi qu'il vient d'être dit que, dans
une lettre du 26 février 2009, la société MOULIN ROUGE avaii donné son
accord de principe pour la reproduction, sur les emballages de ses tablettes
de chocolat, de l'image du Moulin Rouge dans la forme picturale qu'elle
avait approuvée, Vagissant alors, non d'une licence de marque, mais de la
reproduction picturale de la place Blanche et du Moulin Rouge.
Les demanderesses ne contestent pas l'existence de cette lettre mais
l'analysent comme étant une simple « invitation à entrer en pourparlers», qui
devait être suivie de discussions sur les conditions de cette reprise qui n'ontjamais eu lieu.
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De fait, il résulte de l'examen de cette lettre que, bien loin de donner un
accord pour une reproduction, te directeur communication & marketing de la
société BAL DU MOULIN ROUGE écrit que, le « produit respectant la bonne
image » de l'établissement, le droit d'utilisation est accordé à la société
FIRMA DIFFUSION «selon desmodalités (durée, réseau, quantités, droits...)
que nous mettrons en place ensemble dans les jours à venir », étant précisé
dans ce courrier que « les noms et marques MOULIN ROUGE et BAL DU
MOULIN ROUGE et les éléments constituant la façade du caharet sont
protégés par des droits de propriété intellectuelle et ne peuvent être utilisés
sans notre autorisation ».
Dès lors, la société défenderesse ne peut valablement exciper d'un accord
qui n'a jamais été finalisé pour justifier la reproduction des marques en
question, de sorte que le moyen présenté à ce titre est inopérant.
*l'usage à titre de marque
La société FIRMA DIFFUSION soutient aussi que, alors qu'il est constant
que pour être qualifié de contrefaisant l'usage d'un signe déposé à titre de
marque doit être effectué pour désigner des produits ou services, il n'en irait
pas ainsi en l'espèce puisque les produits litigieux sont commercialisés sous
la marque MARIE BOUVERO L'AMOUR DU CHOCOLAT, le terme MOULIN
ROUGE n'étant utilisé que pour identifier la place Blanche qui Fait partie du
patrimoine touristique de PARIS.
Les sociétés demanderesses considèrent au contraire que la société FIRMA
DIFFUSION a bien fait usage, dans la vie des affaires, du signeMOULIN ROUGE pour désigner ses produits, et ce dans un contexte
commercial en visant un avantage économique.
Elles ajoutent que la juxtaposition de deux marques ne saurait en rien
supprimer le grief(îe contrefaçon alors qu'en l'espèce la marque M ARIE
BOUVERO L'AMOUR DU CHOCOLAT est une marque semi-fmurative au
sein de laquelle les éléments figuratifs, à savoir un plan de PARIS stylisé,
dominent, de sorte que l'attention du consommateur sera « forcément attirée» par la marque MOULIN ROUGE.
Enfin, elles estiment que la volonté de faire référence, dans les tablettes
litigieuses, au Moulin Rouge, el non à la place Blanche, ressort de
l'apposition de la marque MOULIN ROUGE au dos des emballages.
Cependant, l'une des visées d'une marque est de garantir au consommateur
la provenance des produits qu'il est susceptible d'acheter, en les distinguant
des produits vendus par la concurrence.
Or, il est manifeste que la réputation dont jouit le A louliii Ronge ne doit rien
au chocolat, de sorte que le client intéressé par des chocolats ne cherchera
pas spécialement des produits revêtus de cette marque.
A l'inverse, il apparaît que l'image emblématique de la ville de PARIS, que le
monde entier associe à l'élégance, à la gastronomie et au plaisir, est de
nature à attirer une clientèle touristique avide de souvenirs, ce qui explique
que la société FIRM A DIFFUSION ait ainsi cherché à la capter en
représentant, sur les emballages de ses produits, plusieurs bâtiments oumonuments représentatifs de notre capitale tels que la Tour Eiffel, l'Opéra
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Garnier, l'Arc de Triomphe ou encore le Sacré Cœur, et que c'est à cet effet
qu'elle a reproduit la façade du cabaret le Moulin Rouge et la place Blanche,
c'est-à-dire plus pour profiter de la réputation de PARIS que pour faire croire
à um origine, inexistante en l'espèce pour ce qui est des chocolats.
En conséquence, le signe MOULIN ROUGE n'ayant pas été utilisé à titre de
marque, les demandes présentées au titre de la contrefaçon seront rejetées,
et ce sans qu'il soit nécessaire de s'attacher à l'identité ou à la similitude des
produits en cause, et à rechercher éventuellement l'existence d'un risque de
confusion
De même, les demandes présentées au titre de l'atteinte à une marque
renommée seront rejetées.
- Sur la concurrence déloyale
La société BAL DU MOULIN ROUGE estime qu'en utilisant ses éléments
distinctifs pour désigner des chocolats, la société FIRMA DIFFUSION a
porté atteinte aux droits qu'elle détient sur sa dénomination sociale, son
nom commercial et son enseigne.
Elle précise que la dénomination MOULIN ROUGE bénéficie d'une
renommée nationale et mondiale pour désigner un haut lieu de la nuit
parisienne, offrant, outre son spectacle, un service de restauration el une
vente de produits dérivés, et qu'en utilisant cette dénomination la société
FIRMA DIFFUSION a cherché à se placer dans son sillage pour profiter
sans bourse délier de sa réputation, produisant une étude selon laquelle
97% des personnes interrogées ont décrit spontanément le Moulin Rouge
comme étant un « spectacle »
La société FIRMA DIFFUSION soutient quant à elle n'exploiter aucune
produit ou service qui serait comparable à ceux exploités par la
demanderesse « sous la dénomination, le nom commercial ou l'enseigne
MOULIN ROUGE », et rappelle bénéficier de l'autorisation portée par la
lettre déjà examinée du 26 février 2009.
Elle met également en évidence le caractère artistique de la décoration
figurant .sur ses tablettes pour exclure tout risque de confusion, ainsi que la
référence, déjà examinée, à d'autres monuments de PARIS sur d'autres
produits qu'elle commercialise.
Toutefois, si le simple fait de reproduire sur un emballage un immeuble sur
lequel est placardée une enseigne n'a pas pour elïet de créer de facto un
risque de confusion avec le commerce auquel ce! enseigne renvoie, il
apparaît néanmoins qu'en l'espèce la société FIRMA DIFFUSION a
indéniablement cherche à profiter de l'image et de la notoriété du Moulin
Ronge, c'est-à-dire de sa dénomination sociale et de son nom commercial,
surtout après la rupture des pourparlers qui avaient été initiés par la lettre du
26 février 2009 et qui l'a visiblement incitée à passer outre, et ce sans
bourse délier.
Ce comportement fautif ayant pour but de se placer dans le sillage de la
demanderesse est constitutif de parasitisme à son préjudice.
- Sur la demande reconventionnelle
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La société FIRMA DIFFUSION forme une demande rcconvcntionnelle
tendant à ce que le Tribunal interdise a la société MOULIN ROUGE
d'exploiter. « directement ou par l'intermédiaire d'un licencié », une tablette
de chocolat reproduisant le graphisme d'une carte postale.
Elle explique que les conditionnements enviâmes par la société FRENCH IS
IT, licenciée de la société MOULIN ROUGE, se rapprocheraient de ses
emballages.
Cependant, outre que la question de la recevabilité de cette demande, sans
lien de connexité avec les demandes principales, se pose, et que la société
ainsi désignée n'a pas été appelée en la cause, il apparaît qu'on ne saurait
accorder à la défenderesse un monopole sur le genre constitué par le recto
d'une carte postale et sur lequel elle ne justifie d'aucun droit privatif.
La demande présentée à ce titre sera donc rejetée.
- Sur les mesures réparatrices
II sera fait droit à la mesure d'interdiction dans les conditions énoncées au
dispositif de la présente décision.
Cette mesure étant suffisante pour faire cesse les actes de parasitisme, il ne
sera pas fait droit aux mesures de retrait et de destruction également
sollicitées.
D'autre part, la société BAL DU MOULIN ROUGE ne justifie ni d'aucun
préjudice commercial autre que l'atteinte à son image et à sa notoriété.
Il lui sera donc alloué la somme de 10.000 euros au titre du parasitisme, et
ce sans qu'il soit Utile de faire droit aux mesures de communication
sollicitées.
Enfin, la mesure de publication sollicitée n'apparaît pas opportune et sera
rejetée.
- Sur les autres demandes
Il y a lien de condamner la société FIRMA DIFFUSION, partie perdante, aux
dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699
du Code de procédure civile.
En outre, elle doit être condamnée à verser à la société BAL DU MOULIN
ROUGE, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits,
une indemnité au titre de l'article
700 du Code de procédure civile qu'il est
équitable de fixer à la somme de 5.000 euros.
Enfui, les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution
provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, parjugement contradictoire et rendu en premier ressort,
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- DIT que les faits antérieurs au 9 août 2009 sont prescrits ;
- REJETTE la fin de non-recevoir ;
- REJETTE les demandes reconventionnelles tendant à la déchéance ou à
la nullité des marques MOULIN ROUGE numéros I 311 105 et 9390551 ;
- REJETTE les demandes formées au titre de la contrefaçon de marques;
- DIT qu'en utilisant sans bourse délier la notoriété du Moulin Rouge, de son
nom commercial et de sa dénomination sociale, la société FIRMA
DIFFUSION MARIE BOUVERO a commis des actes de parasitisme au
préjudice de la société BAL DU MOULIN ROUGE ;
- INTERDIT la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 350 euros
par infraction relevée passe un délai de 1 mois après la signification du
présent jugement ;
- CONDAMNE la société FIRMA DIFFUSION MARIE BOUVERO à payer à
la société BAL DU MOULIN ROUGE la somme de 10.000 euros au titre du
parasitisme ;
- REJETTE les demandes plus amples et contraires ;
- CONDAMNE la société FIRMA DIFFUSION MARIE BOUVERO à payer à
la société BAL DU MOULIN ROUGE la somme de 5.000 euros sur le
fondement de l'article
700 du Code de procédure civile ;
-- CONDAMNE la société FIRMA DIFFUSION MARIE BOUVERO aux
dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699
du Code de procédure civile ;- ORDONNE l'exécution provisoire.
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