LE 5 novembre 2004 OPP 04-1382 / DVE
DECISION
STATUANT SUR UNE OPPOSITION
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LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;
Vu le code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L 411-4, L 411-5, L 712-3 à L 712-5, L 712-7, R 411-17, R 712-13 à R 712-18, R 712-21, R 712-26 et R 718-2 à R 718-4 ;
Vu l'arrêté du 31 janvier 1992 relatif aux marques de fabrique, de commerce ou de service ;
Vu l’arrêté du 12 décembre 2002 relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle.
I.-
FAITS ET PROCEDURE
La société CREEKS (société anonyme) a déposé, le 30 janvier 2004, la demande d'enregistrement n° 04 3 270 774 portant sur le signe verbal FREELAB .
Ce signe est présenté comme destiné à distinguer notamment les produits suivants : "chaussures" (classe 25).
Cette demande a été publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle n° 04/10 NL du 5 mars 2004.Le 4 mai 2004, la société RAUTUREAU SEP SHOES (société anonyme) représentée par Monsieur Stéphane GUERLAIN, avocat du cabinet J. ARMENGAUD & S.GUERLAIN, justifiant d’un pouvoir, a formé opposition à l'enregistrement de cette marque.
L'acte d'opposition était accompagné de la justification du paiement de la redevance correspondante.
La marque antérieure invoquée dans cet acte est la marque complexe FREE LANCE, renouvelée par déclaration en date du 15 juillet 1996 sous le n° 1 364 036.
Cet enregistrement porte notamment sur les produits suivants : "Chaussures" (classe 25).
L’opposition, formée à l'encontre d'une partie seulement des produits désignés dans la demande d'enregistrement contestée, à savoir ceux précités, a été notifiée, le 7 mai 2004 à la société déposante, sous le numéro 04-1382. Cette notification l'invitait à présenter ses observations en réponse à l'opposition dans un délai de deux mois.
Le 6 juillet 2004, la société CREEKS, représentée par Monsieur Frédéric BLANC, conseil en propriété industrielle mention "marques, dessins et modèles" du cabinet BREESE MAJEROWICZ, a présenté des observations en réponse à l'opposition et invité la société RAUTUREAU APPLE SHOES à produire des pièces propres à établir que la déchéance pour défaut d'exploitation de ses droits sur la marque invoquée à l'appui de son opposition n'était pas encourue.
Ces observations et demande ont été notifiées à la société opposante par l'Institut, le 9 juillet 2004. Il lui était précisé que les pièces sollicitées devaient être produites dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette notification.
Le 5 août 2004, la société opposante a produit les pièces susvisées, transmises à la société CREEKS par l'Institut, en application du principe du contradictoire.
Le 10 août 2004, la société déposante a demandé le bénéfice des dispositions de l'article
L 712-8 du Code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel "le déposant peut demander qu'une marque soit enregistrée nonobstant l'opposition dont elle fait l'objet s'il justifie que cet enregistrement est indispensable à la protection de la marque à l'étranger".
A la suite de cette demande, l'Institut a procédé à l'enregistrement de la marque FREELAB, lequel a été publié au Bulletin officiel de la propriété industrielle n°04/38 NL du 17 septembre 2004, ce don t ont été informées les parties.
Le 13 septembre 2004, l'Institut a notifié aux parties un projet de décision établi au vu de l'opposition et des observations en réponse. Cette notification les invitait, si elles souhaitaient en contester le bien-fondé, à présenter des observations en réponse au plus tard le 18 octobre 2004, fin de la procédure écrite.
Le 15 octobre 2004, la société RAUTUREAU SEP SHOES a présenté des observations contestant le bien-fondé du projet de décision et une requête aux fins de réunir la Commission mise en place pour recueillir les observations orales.
Ces observations et requête, transmises à la société CREEKS par l'Institut, par télécopie du 18 octobre 2004 confirmée par courrier, étant tardives, l'Institut a repoussé au 22 octobre 2004 la fin de la procédure écrite, afin de respecter le principe du contradictoire, ce dont les parties ont été informées.
Le 21 octobre 2004, la société déposante a présenté des observations en réponse à celles précitées de la société opposante, transmises à cette dernière par l'Institut en application du principe du contradictoire.
La commission s'est tenue le 27 octobre 2004, en présence des mandataires respectifs des parties.II.- ARGUMENTS DES PARTIES
A.- L'OPPOSANT
La société RAUTUREAU SEP SHOES fait valoir, à l'appui de son opposition et dans ses observations contestant le bien-fondé du projet de décision, les arguments exposés ci-après.
Suite au projet de décision, la société opposante soulève l’irrecevabilité des observations de la société déposante car celles-ci ont été présentées au nom de la société KOOKAI et non de la société CREEKS.
Sur la comparaison des produits
Les produits de la demande d'enregistrement contestée, objets de l'opposition, sont identiques aux produits invoqués de la marque antérieure.
Sont identiques, les "Chaussures" qui figurent dans le libellé des deux marques en cause.
Sur la comparaison des signes
La demande d'enregistrement contestée constitue l'imitation de la marque antérieure, en raison des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles entre les deux signes.
La société opposante invoque également l‘identité des produits en cause ainsi que la grande réputation de la marque antérieure sur le marché concerné qui viennent renforcer le risque de confusion entre les deux marques.
Dans ses observations contestant le projet de décision et lors de la commission orale, la société opposante considère qu’il existe un risque de confusion certain entre les marques en cause en ce que :
- le risque de confusion est renforcé par le caractère fortement distinctif de la marque antérieure ainsi que par la connaissance par une partie du public de la marque antérieure pour désigner des chaussures ; à l’appui de son argumentation, la société opposante fournit des copies de nombreuses publications presse de la marque antérieure dans les magasines de mode ainsi qu’une étude de marché sur la marque antérieure.
- les deux signes en présence présentent une même structure en trois parties, un même rythme et deux premières syllabes identiques ;
- les deux signes évoquent pareillement l’idée de liberté dans les domaines de la mode et de la création.
A l’appui de son argumentation, la société opposante invoque des décisions d’opposition et judiciaires ainsi que des décisions des tribunaux communautaires.B.- LE TITULAIRE DE L'ENREGISTREMENT CONTESTE
Dans ses observations en réponse à l'opposition, la société CREEKS conteste la comparaison des signes en ce qu’il n’existe aucun risque de confusion entre ces derniers.
Elle invoque également des décisions des tribunaux communautaires.
Quant à la comparaison des produits, la société déposante relève que les deux marques en cause ont des clientèle et points de vente très différents.
Suite au projet de décision et lors de la commission orale, la société déposante relève que la mention erronée de l’identité du titulaire de l’enregistrement contesté est sans incidence sur la recevabilité des observations en réponse à l’opposition ;
Elle rappelle également les différences visuelles, phonétiques et intellectuelles entre les signes relevées dans le projet de décision.
III.- DECISION
A - SUR LA RECEVABILITE DES OBSERVATIONS DE LA SOCIETE DEPOSANTE
CONSIDERANT que selon l’article
R 712-16 du code de la propriété intellectuelle, un délai est imparti pour présenter des observations en réponse à l’opposition et le cas échéant, constituer un, mandataire répondant aux conditions prévues à l’article R 712-13 ;
Qu’en l’espèce, des observations en réponse à l’opposition ont été présentées au nom de la société KOOKAI par son mandataire, Monsieur Frédéric BLANC, conseil en propriété industrielle du cabinet BREESE MAJEROWICZ ;
Que toutefois, sur les déclarations du cabinet BREESE MAJEROWICZ, il apparaît que la mention du nom de la société KOOKAI à la place de la société CREEKS constitue une simple erreur matérielle, laquelle est insuffisante à remettre en cause la recevabilité des observations de la société déposante ;
Qu’il y a donc lieu de prendre en compte les observations fournies par la société déposante dans la présente procédure, contrairement aux allégations la société opposante.
B – AU FOND
CONSIDERANT, quant à la comparaison des produits, que le projet de décision a retenu l'identité entre les produits de la demande d'enregistrement, objets de l’opposition, et ceux invoqués de la marque antérieure, ce qui n'est pas contesté par les parties.
CONSIDERANT, quant à la comparaison des signes, que la demande d'enregistrement porte sur le signe verbal FREELAB, présenté en lettres majuscules d’imprimerie droites et noires ;Que la marque antérieure porte sur le signe complexe FREE LANCE reproduit ci-dessous :
CONSIDERANT que l'opposant invoque l'imitation de la marque antérieure par le signe contesté.
CONSIDERANT que l'imitation nécessite la démonstration d'un risque de confusion entre les signes, lequel doit donc être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
CONSIDERANT que le signe contesté est constitué d’une dénomination unique alors que la marque antérieure est composée de deux éléments verbaux accompagnés d’une présentation particulière ; qu'ils ont en commun la séquence d’attaque FREE ;
Que toutefois, cette séquence commune n’apparaît pas dominante dans chacun des deux signes, les éléments LAB du signe contesté et LANCE de la marque antérieure apparaissant tout aussi distinctifs et essentiels ; qu’il y a donc lieu d’apprécier les deux signes en cause dans leur ensemble ;
Qu’à cet égard, et contrairement à ce que soutient la société opposante, les signes en cause produisent une impression d'ensemble différente dans l'esprit du public ;
Qu'en effet, visuellement, les signes en cause présentent des longueur et structure différentes (une seule dénomination de sept lettres pour le signe contesté, deux éléments verbaux totalisant neuf lettres pour la marque antérieure) ainsi que des séquences finales très distinctes (LAB pour le signe contesté, LANCE pour la marque antérieure) ;
Que phonétiquement, contrairement aux allégations de la société opposante, ils présentent des sonorités finales différentes (sonorité finale brève et sèche [lab] pour le signe contesté, sonorité finale longue et sifflante [lansse] pour la marque antérieure) ;
Qu’à cet égard, il importe peu, contrairement à ce que soutient la société opposante, que les signes en présence comportent les consonnes N et B au même endroit, dès lors qu’elles sont incluses dans des syllabes distinctes dont la prononciation diffère nettement ;
Qu’enfin, intellectuellement, la marque antérieure, prise dans son ensemble, constitue un anglicisme connu du public français comme signifiant « travailleur indépendant » alors que le signe contesté n’a aucune signification particulière ;
Qu’à cet égard, l’argument de la société opposante selon lequel l’élément LAB du signe contesté évoquerait un bureau de style où l’on expérimente librement les nouvelles créations ne saurait être retenu pour justifier d’un risque de confusion, dès lors que le signe contesté sera perçu par le public dans son ensemble et comme n’ayant aucune signification particulière ;
CONSIDERANT que s’il est vrai que le risque de confusion est d'autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause, tel n’est pas le cas en l’espèce ;Que de même, s’il est acquis que le risque de confusion dans l'esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, ce qui implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et qu'ainsi, un faible degré de similitude entre les marques peut être compensé par un degré élevé de similarité entre les produits, cette circonstance n’est pas opérante en l’espèce ;
Qu’en effet, les signes en présence suscitent une impression d’ensemble si différente qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du consommateur et ce nonobstant la grande connaissance de la marque antérieure sur le marché de la chaussure et l’identité des produits en cause ;
Qu'ainsi, contrairement aux allégations de la société opposante, le signe contesté ne sera pas perçu par le public comme une déclinaison de la marque antérieure.
CONSIDERANT que le signe contesté ne constitue donc pas l'imitation de la marque antérieure, le consommateur ne pouvant confondre ces signes ou leur attribuer une origine commune.
CONSIDERANT en conséquence, que malgré l'identité des produits en présence, en l'absence d'imitation entre les signes, il n'existe pas globalement de risque de confusion entre les marques.
CONSIDERANT que le signe contesté FREELAB peut être adopté comme marque sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur le signe complexe FREE LANCE.
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article unique : L’opposition numéro 04-1382 est rejetée.
Daphné de BECO, Juriste Pour le Directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle