SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10781 F
Pourvois n°
R 21-14.979
D 21-14.991 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
I. La société Atos infogérance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-14.979,
II. M. [R] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-14.991,
contre l'arrêt rendu le 10 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige les opposant.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Atos infogérance, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 21-14.979 et D 21-14.991 sont joints.
2. Les moyens de cassation annexés à chacun des pourvois, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Atos infogérance, demanderesse au pourvoi n° R 21-14.979
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Atos infogérance fait grief à la décision attaquée d'AVOIR prononcé l'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 23 mai 2017 et d'AVOIR condamné la société Atos Infogérance à verser à [R] [T] les sommes de 154,57 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied injustifiée notifiée le 23 mai 2017, 15,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents, et 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la sanction disciplinaire injustifiée,
ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. [T] ne contestait pas les propos qui lui étaient reprochés pour justifier la mise à pied notifiée le 23 mai 2017, mais soutenait tout au plus « s'être adressé, dans le contexte d'un entretien préalable à licenciement tendu qu'il estimait ne pas être loyal, à la représentante de l'entreprise et non personnellement à Madame [K], avec laquelle il avait déjà travaillé sur des dossiers et avec laquelle ses échanges étaient cordiaux » (arrêt page 8 et conclusions adverses page 21) ; qu'en jugeant cependant que la mise à pied du 23 mai 2017 était infondée au prétexte que « vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il existe, au regard du contexte dans lesquels se sont déroulés ces faits, un doute quant à leur matérialité », quand il ne pouvait y avoir aucun doute sur la matérialité de faits qui n'étaient contestés par aucune des parties, la cour d'appel a violé l'article
4 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
La société Atos infogérance fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la SAS Atos infogérance est auteur d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. [R] [T] et en ce qu'il a condamné la SAS Atos infogérance à payer à M. [R] [T] 5 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la discrimination syndicale, d'AVOIR dit que [R] [T] doit bénéficier de la position 2.2 coefficient 130 de la convention collective applicable à compter du 1er mai 2013 et d'AVOIR condamné la société Atos Infogérance à verser à [R] [T] les sommes de 30 103,04 euros à titre de rappel de salaire, 3 010,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte des droits à la retraite,
1) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait dont le juge considère qu'ils laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale, le juge doit examiner si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, pour justifier l'absence d'évolution de carrière de M. [T] après 2012, qu'il n'y avait aucune obligation conventionnelle imposant à la société Atos infogérance de faire bénéficier M. [T] d'une évolution professionnelle, et que le salarié ne remplissait pas les conditions pour quitter sa position 2.1 coefficient 115 pour bénéficier du niveau 2.2 coefficient 130 qui suppose, selon la classification syntec, que les salariés « Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d'instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution » (conclusions d'appel page 29) ; qu'en omettant de rechercher si l'absence d'évolution professionnelle n'était pas objectivement justifiée au regard des conditions d'évolution au sein de la classification conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 1132-1,
L. 1134-1 et
L. 2141-5 du code du travail dans leur rédaction applicable aux faits de la cause ;
2) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait dont le juge considère qu'ils laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale, le juge doit examiner si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que constituent un élément objectif justifiant l'absence d'évolution de carrière les sanctions disciplinaires réitérées et parfaitement fondées adressées au salarié, en raison de son comportement inadmissible ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'employeur avait adressé, depuis 2013, plusieurs sanctions disciplinaires justifiées au salarié ; qu'en jugeant pourtant que ces sanctions n'étaient pas en lien avec ses compétences techniques pour refuser d'y voir une justification objective expliquant, entre autres, son absence d'évolution dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles
L. 1132-1,
L. 1134-1 et
L. 2141-5 du code du travail dans leur rédaction applicable aux faits de la cause ;
3) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que l'exercice d'activités syndicales pouvait être pris en considération dans l'évaluation professionnelle d'un salarié dans l'hypothèse de l'application d'un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, et que la prise en compte de l'activité syndicale était prévue dans l'entreprise par un accord portant sur l'évolution professionnelle des représentants du personnel et des syndicats, qui imposait à l'employeur de considérer les mandats du salarié pour fixer des objectifs cohérents et aménager la fonction et/ou le temps de travail, ce qui expliquait que les mandats du salarié aient été mentionnés dans son évaluation de 2013, pour qu'il ne soit pas pénalisé (conclusions page 27) ; qu'en se bornant à affirmer que « L'employeur a souligné dans l'évaluation 2003 [en réalité : 2013] que le salarié ne remplissait pas ses objectifs en se référant à ses mandats de représentant du personnel, ce qui est également proscrit », sans répondre aux conclusions de l'employeur relatives aux conséquences de l'existence de l'accord portant sur l'évolution professionnelle des représentants du personnel et des syndicats (pièce d'appel n° 39), la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
La société Atos infogérance fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Atos Infogérance à verser à [R] [T] les sommes de 30 103,04 euros à titre de rappel de salaire et de 3 010,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,
1) ALORS QUE la cour d'appel a écarté le panel du salarié en faisait sienne l'argumentation de l'employeur selon laquelle la comparaison du salaire de [R] [T] avec les salaires des cadres hommes en Ile de France n'était ni légitime ni pertinente (arrêt page 12 et 13) ; qu'en accordant cependant au salarié la somme qu'il sollicitait à titre de rappel de salaires qui était pourtant déterminée en soutenant que « le salaire moyen perçu par le panel est de 48 743,74 € annuel alors que Monsieur [T] ne perçoit que 41 217,23 € par an : il subit donc un manque à gagner de 7 526,51 € par an » (conclusions adverses page 12), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article
1147, devenu
1231-1 du code civil, ensemble du principe de la réparation intégrale ;
2) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce l'employeur faisait valoir « que Monsieur [T] croit pouvoir réclamer le versement d'un rappel de salaires sur quatre années, en contradiction avec les règles légales prévues par l'article
L. 3245-1 du code du travail en matière de prescription triennale relative aux salaires » (conclusions d'appel page 47) ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.
QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (également subsidiaire)
La société Atos infogérance fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Atos Infogérance à verser à [R] [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte des droits à la retraite,
1) ALORS QUE lorsque le juge répare un préjudice de carrière par un repositionnement rétroactif du salarié dans la classification conventionnelle en lui accordant les rappels de salaire correspondant, qui sont soumis à cotisation, il répare dans le même temps la perte de chance relative aux droits à la retraite ; qu'en accordant pourtant au salarié à la fois un rappel de salaire correspondant à son repositionnement conventionnel rétroactif à compter du 1er mai 2013, et 5 000 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du « préjudice causé par la perte de chance du bénéfice des droits à la retraite », la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale ;
2) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que le salarié devait être débouté de sa demande au titre d'un préjudice tenant en une perte de droits à la retraite dès que ce préjudice était « non seulement futur, mais également hypothétique puisqu'on ne peut définir avec certitude les 25 meilleures années permettant de définir le salaire annuel moyen ou encore les conditions dans lesquelles Monsieur [T] liquidera ses droits à la retraite » (conclusions d'appel page 45) ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T], demandeur au pourvoi n° D 21-14.991,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à l'annulation de la sanction infligée le 2 décembre 2016, et de l'AVOIR débouté de sa demande à titre de rappel de salaire sur mise à pied et de congés payés afférents.
1° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas aux conclusions du salarié qui soutenait que l'employeur avait tardé à le sanctionner, la mise à pied lui ayant été notifiée plus de deux mois après les faits reprochés du 12 septembre 2016 (v. ses conclusions d'appel, p. 17), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article
455 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE le bien-fondé d'une sanction s'apprécié notamment au regard des circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits reprochés au salarié ; qu'en disant la sanction de mise à pied justifiée, sans rechercher si le comportement imputé au salarié ne pouvait s'expliquer par les provocations de son responsable d'équipe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 1333-1 et
L. 1333-2 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, de l'AVOIR débouté de ses demandes de bénéfice des clauses de l'augmentation générale des salaires, prévue dans le protocole d'accord de politique salariale du 27 juillet 2015, ainsi que des effets postérieurs de la régularisation, et de condamnation de la société Atos Infogérance à lui payer les sommes de 600 euros au titre du rappel brut de salaire annuel pour l'année 2015, outre les congés afférents, 600 euros au titre du rappel brut de salaire annuel pour l'année 2016, outre les congés afférents, 600 euros au titre du rappel brut de salaire annuel pour l'année 2017, outre les congés afférents, 600 euros au titre du rappel brut de salaire annuel pour l'année 2018, outre les congés afférents, et d'intégration de la somme annuelle brute du montant de 600 euros à hauteur de 1/12ème dans ses salaires mensuels.
ALORS QUE l'article 4.2 du protocole d'accord sur la politique salariale 2015 au sein de la société Atos Infogérance prévoit une augmentation générale de 600 euros annuels bruts équivalent temps plein pour les collaborateurs qui remplissent les deux conditions suivantes : - salaire annuel brut inférieur ou égal à 50 000 euros à la date du 1er novembre 2015 pour un équivalent temps plein - absence d'augmentation du salaire annuel brut sur la période courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ; que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait bénéficié d'une augmentation de salaire en 2012, en a déduit qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par ce texte ; qu'en statuant ainsi, quand cette augmentation résultait d'une condamnation de l'employeur pour discrimination syndicale, la cour d'appel a violé l'article 4.2 du protocole d'accord sur la politique salariale 2015.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
M. [T] fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit qu'il n'est pas victime d'une inégalité de traitement et d'AVOIR limité la condamnation de la société Atos Infogérance au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la discrimination syndicale.
1° ALORS QUE la comparaison doit avoir lieu entre des salariés placés dans une situation comparable, c'est-à-dire engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification et à une date voisine ; que pour dire que l'inégalité de traitement invoquée n'était pas établie, la cour d'appel s'est fondée sur des panels de salariés dont elle n'a précisé ni le diplôme, ni surtout l'ancienneté ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.
2° ALORS QUE l'article 4.2 du protocole d'accord sur la politique salariale 2015 au sein de la société Atos Infogérance prévoit une augmentation générale de 600 euros annuels bruts équivalent temps plein pour les collaborateurs qui remplissent les deux conditions suivantes : - salaire annuel brut inférieur ou égal à 50 000 euros à la date du 1er novembre 2015 pour un équivalent temps plein - absence d'augmentation du salaire annuel brut sur la période courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ; que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait bénéficié d'une augmentation de salaire en 2012, en a déduit qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par ce texte ; qu'en statuant ainsi, quand cette augmentation résultait d'une condamnation de l'employeur pour discrimination syndicale, la cour d'appel a violé l'article 4.2 du protocole d'accord sur la politique salariale 2015.