Tribunal de grande instance de Paris, 7 mars 2014, 2011/11457

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2011/11457
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : INVISIBLE
  • Classification pour les marques : CL02 ; CL03 ; CL05
  • Numéros d'enregistrement : 1368549
  • Parties : L'ORÉAL (venant aux droits de la Sté LABORATOIRE GARNIER ET CIE) / BEIERSDORF SAS

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2015-10-20
Tribunal de grande instance de Paris
2014-03-07

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 07 Mars 2014 3ème chambre 3ème section N° RG : 11/11457 DEMANDERESSES SOCIETE L'OREAL venant aux droits de la SOCIETE LABORATOIRE GARNIER ET CIE, [...] 75008 PARIS représentée par Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELARL CABINET M-P E, avocats au barreau de PARIS, vestiaire //R266. DÉFENDERESSE BEIERSDORF SAS [...] 75013 PARIS représentée par Maître Marie-Aimée DE DAMPIERRE du PUK HOGAN L (PARIS) LLP, avocats au barreau de PARIS. vestiaire #J0033 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S . Vice-Président, signataire de la décision Mélanie B. Juge Nelly C Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A L'audience du 14 Janvier 2014 tenue en audience publique JUGEMENT Prononce par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société LABORATOIRE GARNIER ET CIE filiale du groupe L'OREAL était spécialisée dans l'élaboration et la commercialisation de produits de beauté, principalement dans les univers du capillaire, du soin, de l'hygiène du corps et de la coloration. Elle était titulaire notamment de ta marque française verbale « INVISIBLE » n° 1368549 déposée le 26 décembre 195 1 et dernièrement renouvelée le 6 juin 2006. pour désigner les couleurs, vernis, laques, matière tinctoriales. Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser el abraser ; savons. Produits capillaires, lotions capillaires et de toilette, shampooings : laques pour cheveux, produits pour nettoyer la tête avec une lotion aromatique : brillantines, huiles pour les soins des cheveux, pétrole pour cheveux, produits de rinçage pour cheveux, colorants et décolorants pour cheveux, produits pour mise en plis des cheveux, produits pour l'ondulation, préparations de frisure permanente ou non des cheveux, produits de permanente, produits neutralisants pour permanentes, produits pour fixer l'a frisure sur !e cheveu, produits de teinture pour cheveux, barbe, cils et sourcils, produits pour aviver la Teinture des cheveux, produits pour l'enlèvement des teintures. Huiles essentielles, cosmétiques, tous produits de parfumerie el de beauté, eaux et savons de toilette, dentifrices, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté, vernis à ongles, fards, poudres cosmétiques et notamment pour la chevelure, rouges à lèvres, laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté, produits pour l'épilation. Produits pharmaceutiques, vétérinaires, chimiques el cosmétiques pour l'hygiène, désinfectants ; désodorisants, déodorants; préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles, insecticides, parasiticides et spécialement tous produits destinés à l'entretien, aux soins el à l'embellissement de la chevelure et du cuir chevelu, de la barbe et de la moustache, des cils et sourcils, de la peau et des ongles. Suite à la réunion de toutes les parts composant le capital social de la société LABORATOIRE GARNIER ET CIE entre les mains de la seule société L'OREAL, sa dissolution a été décidée à compter du 28 novembre 2011 conformément aux dispositions de l'article 1844-5 du code civil. Cette transmission universelle du patrimoine au profit de la société L'OREAL a été inscrite au registre du commerce el des sociétés le 9 janvier 2012 et au registre national des marques le 26 septembre 2012. La société L'OREAL SA prétend être devenue titulaire de la marque "INVISIBLE", laquelle est aujourd'hui exploitée par une de ses filiales, la société LASCAD qui promeut et commercialise, sous cette marque divers déodorants de sa gamme NARTA marque ombrelle lui appartenant. La société BEIERSDORF S.A.S. est la filiale française du groupe allemand Beiersdorf, groupe international dans le domaine de la cosmétique, de la dermo-cosmétique et des premiers soins. Le groupe Beiersdorf exploite plusieurs marques notamment la marque NIVEA sous laquelle sont commercialisés, outre des produits de soins pour la peau et les cheveux, des produits de bain-douche, des produits de soins pour bébés, ainsi que, depuis 1991 des déodorants et des anti-transpirants. La société LABORATOIRE GARNIER ET CIE a eu connaissance de la mise sur le marché français par la société BEIERSDORF de déodorants reproduisant le vocable « INVISIBLE » sur leur conditionnement. Estimant que ces faits constituaient une contrefaçon de su marque éponyme, la société GARNIER ET CIE a mis en demeure la société BEIERSDORF de cesser tout usage de ladite marque, par courriel' en date du 28 mars 2011. Le 4 avril 2011 la société BEIERSDORF a contesté le bien fondé de celte réclamation et arguant de l'absence de risque de confusion, a poursuivi la commercialisation des déodorants litigieux, ce qui a été établi par constat d'huissier le 2 mai 2011 dans un magasin Monoprix situé [...] à Parts 1er. La société LABORATOIRE GARNIER ET CIE a, par exploit d'huissier en date du 7 juillet 2011, assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société BEIERSDORF en contrefaçon de sa marque "INVISIBLE". Dans ses dernières conclusions signifiées, le 12 septembre 2013, la société L'OREAL, venant aux droits de la société LABORATOIRE GARNIER ET CIE, demande au tribunal de : * DECLARER recevable et bien fondée la société L'OREAL en ses demandes, * DECLARER irrecevables les demandes reconventionnelles en déchéance et en nullité de la marque INVISIBLE n° 1 368 549 formées par la société BEIERSDORF et à tout le moins les rejeter pour absence de fondement. * CONSTATER que la marque INVISIBLE n° 1 368 549 est valable et que son titulaire n'encourt pas la déchéance de ses droits; * DIRE ET JUGER que l'importation et l'offre en vente et la vente en France, par la société BEIERSDORK de déodorants revêtus de la reproduction de la marque française « INVISIBLE » n° 1 368 549 de la société L'OREAL constituent la contrefaçon de ladite marque au sens de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle ou à tout le moins son imitation engendrant des risques de confusion au sens de l'article 713-3 de ce même code : * DEBOUTER la société BEIERSDORP de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions :

En conséquence

. * INTERDIRE à la société BEIERSDORF d'importer et/ou d'offrir à la vente et/ou de vendre en France tous déodorants ou produits similaires revêtus illicitement de celle marque et ce sous astreinte définitive de CINQ CENTS EUROS par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir : * ORDONNER, .sous le contrôle d'un huissier de justice désigné à cet effet, aux frais de la société BEIERSDORF et .sous astreinte définitive de MILLE CINQ CENTS EUROS par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le rappel des circuits commerciaux et la destruction à leurs frais de la totalité du stock d'articles jugés contrefaisants : ' DIRE ET JUGER qu'en application de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991 les astreintes prononcées seront liquidées, s'il va lieu, par le tribunal ayant statué sur la présente demande. * CONDAMNER la société BEIERSDORF à payer à la société L'OREAL la somme de TRENTE MILLE EUROS en réparation de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de sa marque française « INVISIBLE » n° 1 368 549: * CONDAMNER la société BEIERSDORF à payer à la société L'OREAL sauf à parfaire la somme TROIS CENTS MILLE EUROS au titre du préjudice commercial subi par la société LABORATOIRE GARNIER. ET CIE puis par son successeur en droit, la société L'OREAL: * ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues, au choix de la société L'OREAL et aux frais de la défenderesse- à raison de CINQ MILLE EUROS par insertion et ce au besoin, à titre de dommages-intérêts complémentaires. * ORDONNER également l'inscription par extraits du jugement à intervenir sur la page d'accueil des sites internet www.beiersdorf.fr et www.nivea.fr, en lettres noires sur fond blanc de type Arial de taille 14. et ce pendant une durée de 3 mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de CINQ CENT euros par jour de retard ; * ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution de garantie ; * CONDAMNER la société BEIERSDORF à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société L'OREAL la somme de VINGT DEUX MILLE EUROS sauf à parfaire * CONDAMNER la société BEIERSDORF aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs aux opérations de constat. Selon la demanderesse, du fait de la transmission universelle du patrimoine de la société LABORATOIRE GARNIER ET DE à son profit, elle se trouve substituée de plein droit dans l'intégralité des droits et obligations de celte dernière, ce qui inclut nécessairement la marque "INVISIBLE" n° 1 368 549 laquelle faisait pa rtie du patrimoine. La société I.'OREAL soutient qu'il importe peu que l'acte de transmission de patrimoine ait ou non visé la marque litigieuse dès lors qu'elle était nécessairement incluse dans le patrimoine qui lui a été dévolu. Elle estime en conséquence avoir qualité à agir au lieu et place de la société LABORATOIRE GARNIER ET CIE. La société L'OREAL soutient qu'en 1951, le terme "'IN VISIBLE" était distinctif dès lors que l'unique propriété recherchée pour les déodorants était la suppression ou la diminution des odeurs corporelles et que le vocable "INVISIBLE" ne permettait pas à lui seul d'identifier le produit. Elle souligne qu'à celle époque, les anti- transpirants qui sont seuls de nature à empêcher la formation de tâches, n'existaient pas et qu'il ne pouvait donc s'agir d'une qualité intrinsèque et commune aux produits. Tout au plus admet-elle que ce terme est évocateur de l'absence de trace et donc d'une propriété secondaire du produit. Elle ajoute que même sous l'empire de la loi de 1964, qui considérait comme descriptives les marques exclusivement composées des termes indiquant la qualité essentielle du produit ou sa composition, le terme "INVISIBLE" était distinctif ce qui est confirmé par l'enregistrement de sa marque sans rejet du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle. Elle prétend enfin que même de nos jours, ce vocable ne peut être considéré comme exprimant de façon nécessaire la qualité essentielle identifiant un déodorant. La société L'OREAL rappelle que la distinctivité d'une marque s'apprécie au jour de son dépôt et que la perception que peut aujourd'hui en avoir le public pertinent est indifférente. Au demeurant, elle fait observer que la défenderesse est propriétaire de plusieurs marques comportant le signe "INVISIBLE"' el qu'elle ne peut, sans se contredire, prétendre pour les besoins de la cause, que ce terme serait purement descriptif. En conséquence, elle conclut au débouté de la demande reconventionnelle en nullité pour défaut de distinctivité de sa marque pour désigner des déodorants. S'agissant des autres produits pour lesquels la nullité est demandée, elle soutient que la demande reconventionnelle est irrecevable comme dépourvue de lien suffisant avec les demandes originel les s'agissant des couleurs, vernis, laques, matière tinctoriales, préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser el abraser ; colorants el décolorants pour cheveux, produits pour mise en plis des cheveux, produits pour l'ondulation, préparations de frisure permanente ou non des cheveux, produits de permanente, produits neutralisants pour permanentes, produits pour fixer la frisure sur le cheveu, produits de teinture pour cheveux, barbe, cils et sourcils, produits pour aviver la teinture des cheveux, produits pour l'enlèvement des teintures, dentifrices, huiles essentielles, produits pour l'épilation. Si le tribunal devait estimer la demande recevable elle souligne que l'attente du publie en 195 1 n'était pas la même qu’aujourd'hui et que l'éventuelle nature "discrète" d'un produit de maquillage, qui n'est au demeurant qu'évoquée par le vocable "invisible", n'était pas commune aux produits cosmétiques en 1951. Par ailleurs, la demanderesse s'oppose à la demande en déchéance et invoque des actes d'exploitation pour des déodorants avec l'autorisation du titulaire de la marque '"INVISIBLE" depuis 2004.1211e rappelle que l'usage sérieux de sa marque a été constaté par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 19 décembre 2008 et considère qu'elle Justine de sa poursuite par la société LASCAD compte tenu des quantités vendues et du budget publicitaire alloué à la promotion de cette gamme de déodorants. Elle estime que la distinction opérée par la défenderesse entre les déodorants et les anti-transpirants est spécieuse et excipe d'un arrêt du tribunal de l'Union européenne du 14 juillet 2005. Elle lait valoir que pour les annonceurs, les distributeurs et le grand public les anti- transpirants sont des déodorants. Rappelant que la présentation de sa marque sur les produits n'a pas varie depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris, la société L'OREAL insiste sur la présentation du terme invisible dans un cartouche et une couleur différente de la marque ombrelle, qui lui permet de remplir sa fonction de garantie d'origine, laquelle n'est aucunement altérée par la présence de la marque "NARTA" ni d'autres mentions descriptives. Selon elle, l'usage à titre de marque est avéré et justifie que la déchéance soit écartée. Elle conteste l'intérêt à agir de la défenderesse pour les produits autres que les déodorants. Concernant la demande de déchéance pour dégénérescence, la société L'ORHAL prétend qu'aucune preuve n'est rapportée par la défenderesse de ce que la marque "INVISIBLE" serait devenue la désignation usuelle des déodorants ni même de son usage généralisé en dehors des sociétés LASCAD et CADUM qui y sont autorisées. La société L'OREAL soutient que l'emploi par sa concurrente de la marque "INVISIBLE" séparée de la marque ombrelle "NIVEA" dans des caractères différents des autres mentions, dont elle se détache, remplit la fonction de marque et que le grief de contrefaçon par reproduction ou à tout le moins par imitation de sa marque, enregistrée pour des produits identiques est avéré. Elle prétend subir un préjudice résultant de l'atteinte à la valeur distinctive de sa marque, ainsi qu'un préjudice économique en raison des gains manques, de la perte de redevances et d'une perte partielle de marché due aux ventes perdues Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2013, la société BEIERSDORF demande nu tribunal de : Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, ensemble l'article L 714-1 du code la propriété intellectuelle et 1134 du code civil, - CONSTATER que l'Oréal ne justifie pas d'une constatation par écrit du transfert de propriété à son profit de la marque INVISIBLE n° 1 368 549 et faisant mention expresse de celle-ci. En conséquence, - DIRE ET JUGER que l'Oréal n'a pas qualité pour agir. - DECLARER L'Oréal irrecevable en son action ; A titre reconventionnel. Vu l'article 1 de la loi du 28 juin 1857 ensemble l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et l'article 3 1 du code de procédure civile. - DIRE ET JUGER que Beiersdorf est recevable à demander la nullité de la marque INVISIBLE n° 1 368 549 pour le s « déodorants » et les « couleurs, vernis, laques, matière tinctoriales ; préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits capillaires, lotions capillaires et de toilette, shampooings : laques pour cheveux, produits pour nettoyer la tête avec une lotion aromatique ; brillantines, huiles pour les soins des cheveux, pétrole pour cheveux, produits de rinçage pour cheveux, colorants et décolorants pour cheveux, produits pour mise en plis des cheveux, produits pour l'ondulation, préparations de frisure permanente ou non des cheveux, produits de permanente, produits neutralisants pour permanentes, produits pour fixer la frisure sur le cheveu, produits de teinture pour cheveux, barbe, cils et sourcils, produits pour aviver la teinture des cheveux, produits pour l'enlèvement des teintures; huiles essentielles, cosmétiques, tous produits de parfumerie et de beauté, eaux et savons de toilette, dentifrices, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté, vernis à ongles, fards, poudres cosmétiques et notamment pour la chevelure, rouges à lèvres, laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté, produits pour l'épilation » qu'elle désigne ; - DIRE ET JUGER que la marque INVISIBLE n° 1368 549 n 'était pas distinctive, au jour du dépôt, pour les produits susvisés ; En conséquence, - PRONONCER l'annulation de la marque INVISIBLE n° 1 368 549 pour les produits susvisés; Subsidiairement. Vu l'article L 7Î4-5 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. - DIRE ET JUGER que Beiersdorf est recevable à demander la déchéance pour absence d'usage sérieux des droits de L'Oréal sur la marque INVISIBLE B° 1 368 549 en ce qu'elle désigne des « déodorants » et autres produits de cosmétique et de soin : - DIRE ET JUGER que L'Oréal ne rapporte pas la preuve d'un usage sérieux de la marque INVISIBLE n° l 368 549 pour le s produits susvisés : En conséquence, - PRONONCER la déchéance, à compter du 27 décembre 1956, des droits de L'Oréal sur la marque INVISIBLE n° 1 368 549 en ce qu'elle désigne les produits susvisés ; Plus subsidiairement. Vu l'article I 2 paragraphe 2 de la directive 2008/95/CE, Vu l'article L 714-6 du code de propriété intellectuelle. - DIRE ET JUGER que le terme INVISIBLI-est devenu usuel, du fait de Laboratoire Garnier et Cie. et de L'Oréal, pour des désigner des « déodorants » ; En conséquence, - PRONONCER la déchéance, à compter du 2 mai 2011, des droits de L'Oréal sur la marque INVISIBLE n° 1 368 549 en ce qu'elle désigne des « déodorants » : En tout état de cause. Vu les articles 5 et 6 de la directive 2008/95/CE, Vu les articles L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle. DIRE ET JUGER que Beiersdorf ne fait pas usage du terme « invisible » à titre de marque : DIRE ET JUGER que l'usage de Beiersdorf du terme « invisible » ne constitue pas une reproduction à l'identique de la marque INVISIBLE n° I 368 549 : DIRE ET JUGER que l'usage par Beiersdorf du terme « invisible » ne constitue pas une imitation de la marque INVISIBLE n° 1 368 549 susceptible de créer un risque de confusion ou d'association ; En conséquence. DIRE ET JUGER que l'usage par Beiersdorf du terme « invisible » ne constitue pas la contrefaçon de la marque INVISIBLE n° 1 368 549 ; CONSTATER que L'Oréal ne justifie pas de son préjudice : En conséquence. DEBOUTER L'Oréal de l'ensemble de ses demandes. fins et prétentions : ORDONNER à Madame le greffier de transmettre la décision à intervenir à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription. ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel ci .sans caution. CONDAMNER Laboratoire Garnier et Cie à payera Beiersdorf une somme qui ne saurait être inférieure à 110 508.15 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire. CONDAMNER Laboratoire Garnier et Cie aux entiers dépens qui seront recouvrés par Hogan L (Paris) LLP avocat aux offres de droit, on application de l'article 699 du code de procédure civile. A titre liminaire, la défenderesse excipe de l'irrecevabilité à agir de la société L'OREAL au motif que les dispositions de l'article L. 714-1 du code de la propriété intellectuelle imposent un écrit mentionnant de manière expresse la marque transférée à peine d'une nullité absolue. Si la société L'OREAL a bien communiqué ["acte par lequel elle prétend avoir acquis ses droits, la société BEIERSDORF prétend que l'absence de mention de la marque transférée entraîne la nullité du transfert et qu'une transmission universelle de patrimoine ne saurait se soustraire à ces règles impératives ce dont il résulte que la société L'OREAL n'a pas qualité à agir. A litre reconventionnel, la défenderesse soulève la nullité de la marque "INVISIBLE" pour défaut de distinctivité au jour de son dépôt en 1951 date à laquelle elle exprimait une qualité ou une destination du produit désigné, pou important qu'il s'agisse ou non d'une de ses qualités essentielles, conformément à la jurisprudence dominante sous la loi du 23 juin 1957 applicable à la date du dépôt. Selon elle, l'une des qualités des déodorants vantées en 1951 était d'empêcher l'apparition d'auréoles sous les bras et de lâches sur les corsages, ce qui implique que le terme "INVISIBLE" désignait bien une qualité essentielles OU à tout le moins habituelles des déodorants, à savoir l'aptitude à rendre "invisible" les effets de la transpiration. Elle conteste que la marque "INVISIBLE", utilisée seulement depuis 2004, ait pu acquérir un caractère distinctif par l'usage. Elle ajoute qu'en 1951, la marque "INVISIBLE" exprimait également une qualité tic certains des autres produits de cosmétiques, de soins de beauté, de toilette et d'hygiène désignés à son enregistrement, ce qui doit entraîner la nullité de la marque pour ces produits. Elle soutient avoir un intérêt à agir compte tenu de l'entrave que constitue cette marque à son activité économique el estime que la marque "invisible" fait nécessairement référence, aux yeux du consommateur d'attention moyenne contemporain ou celui de 1951 à la qualité non- visible de ces produits et donc à leur caractère discret, comme synonyme de transparent. Elle en déduit que la marque doit donc être également annulée pour les produits visés au dépôt. La société BEIERSDORF invoque par ailleurs la déchéance des droits de la société L'OREAL sur sa marque pour désigner des déodorants aux motifs d'une part que l'utilisation pour désigner des anti-transpirants ne vaut pas usage pour désigner des déodorants et d'autre part du fait de l'absence d'usage à titre de marque ou faute pour la marque de remplir une fonction distinctive. Elle sollicite également la déchéance pour les autres produits et services relevant des cosmétiques, produits tic soins, de beauté, de toilette el d'hygiène pour lesquels aucun usage n'est justifié. La défenderesse fixe la date de déchéance au 27 décembre 1956 ou au moins au 2 mai 2011. Plus subsidiairement, elle soulève la déchéance pour dégénérescence de la marque ""INVISIBLE" devenue, selon elle, à la date des faits incriminés une désignation usuelle pour les déodorants qui ne laissent pas de traces au motif que de nombreux concurrents utilisent la mention "invisible" pour indiquer la même caractéristique. Elle soutient que les sociétés GARNIER puis L'OREAL ne se sont pas opposées à ces mentions purement descriptives et qu'elles ont au contraire activement participé à la dégénérescence en associant systématiquement leur marque "INVISIBLE" à des anti-transpirants anti-taches. La société BEIERSDORF conteste tout acte de contrefaçon et fait valoir que le terme "invisible" apposé sur ses produits n'est utilisé que dans son acception courante, dans des expressions descriptives, destinées à faire comprendre au consommateur que ses produits ont pour propriété de ne pas laisser de traces ou de ne pas faire de taches. Elle considère que seul le signe "NIVEA" remplit la fonction d'une marque et en déduit qu'il n'y a pas d'atteinte à la marque de la demanderesse. A titre subsidiaire, elle s'oppose aux demandes indemnitaires, faute pour la demanderesse de rapporter la preuve des préjudices qu'elle allègue. L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 17 septembre 2013. EXPOSE DES MOTIFS Sur lu fin de mm-recevoir En vertu de l'article 122 du code de procédure civile "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend ci faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ". En vertu de l'article 32 du code de procédure Civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. En l'espèce, l'instance a été introduite par la société LABORATOIRE GARNIER KTC1H, quia placé l'assignation le 4 août 2011, donc aune date à laquelle elle avait toujours une existence légale. Des lors, l'action en contrefaçon était recevable. La défenderesse soutient qu'en l'absence de mention de la marque "INVISIBLE" dans l'acte constatant la transmission du patrimoine, le transfert n'est pas valable et que la société L'OREAL n'est pas recevable à agir faute pour elle de démontrer avoir acquis des droits sur la marque. L'article L 714-1 in fine du code de la propriété intellectuelle stipule en effet que le transfert de propriété de la marque est constaté par écrit à peine de nullité. Néanmoins, il est constant que la société LABORATOIRE GARNIER ET CIE était seule titulaire de la marque verbale n° 1 368 549 ""INVISIBLE" jusqu'à sa dissolution, laquelle a été décidée par son associée unique, la société L'OREAL. Cette dissolution à effet du 28 novembre 2011 a été publiée le 9 janvier 2012 au registre du commerce et des sociétés et au BODACC et a entraîné la transmission universelle de son patrimoine. Celte transmission a été constatée par écrit dans la déclaration de dissolution de la société LABORATOIRE GARNIER ET GTE par la société L’OREAL inscrite le 26 septembre 2012 au registre national des marques. Or la transmission universelle du patrimoine suite à dissolution décidée dans les conditions de l'article 1844-5° du code civil comprend par définition l'intégralité des actifs, corporels et incorporels de la société dissoute ainsi que de ses délies cl ce transfert s'opère de plein-droit. Dès lors, malgré l'absence d'énumération de la marque litigieuse dans l'écrit constatant la transmission universelle de patrimoine, l'exigence d'un écrit a été remplie et le transfert de la marque "INVISIBLE" au profit de la société LOREAL est valable. L'opération de transmission universelle du patrimoine de la société LABORATOIRES GARNIER ET CIE et le transfert de la marque n° 1368 549 sont donc opposables aux tiers depuis l eurs publications respectives et la société L'OREAL était seule pourvue du droit d'agir lorsqu'elle a pris ses conclusions récapitulatives n° 1 le 13 décembre 2012. En conséquence, elle justifie avoir qualité à agir au lieu et place de la société LABORATOIRE GARNIER ET CIE en qualité de titulaire de la marque opposée. II y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société BEIERSDORF. Sur la nullité de la marque "Invisible" pour défaut de instinctivité En vertu de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnel les ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. La demande reconventionnelle en nullité d'une marque constituant un moyen de défense dans l'action en contrefaçon, le défendeur justifie d'un intérêt à agir pour les produits et services qui lui sont opposés et ceux qui y sont identiques ou similaires. En l'espèce, la société L'OREAL poursuit la responsabilité de la société BEIERSDORF du chef de la contrefaçon de sa marque "INVISIBLE" en ce qu'elle désigne les déodorants et elle est donc recevable à agir en nullité pour défaut de distinctivité de la marque n° 1 368 549 à l'égard de ces produits et des produ its suivants: savons, cosmétiques, tous produits de parfumerie et de beauté, eaux et savons de toilette, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté, laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté, qui relèvent de la cosmétique et des produits de soins et sont donc en cela similaires ne serait-ce que par complémentarité aux déodorants, ce qui n'est pas contesté par la société L'OREAL. En revanche, la société BEIERSDORF sera déclarée irrecevable pour les couleurs, vernis, laques, matière tinctoriales ; préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser; produits capillaires, lotions capillaires et de toilette, shampooings ; laques pour cheveux, produits pour nettoyer la tête avec une lotion aromatique ; brillantines, huiles pour les soins des cheveux, pétrole pour cheveux, produits de rinçage pour cheveux ; colorants et décolorants pour cheveux, produits pour mise en plis des cheveux, produits pour l'ondulation, préparations de frisure permanente ou non des cheveux, produits de permanente, produits neutralisants pour permanentes, produits pour fixer la frisure sur le cheveu, produits de teinture pour cheveux, barbe, cils et sourcils, produits pour aviver la teinture des cheveux, produits pour l'enlèvement des teintures; huiles essentielles, dentifrices, vernis à ongles, fards, poudres cosmétiques et notamment pour la chevelure, rouges à lèvres et produits pour l'épilation. Il convient de rappeler que la distinctivité s'apprécie au jour du dépôt, sans égard aux dates de renouvellement. Le dépôt de la marque remonte au 26 décembre 1951 et c'est donc en vertu de l'article premier de la loi du 23 juin 1857, applicable à cette date selon lequel "sont considérés comme marques de fabrique et de commerce, les noms sous une forme distinctive, les dénominations, emblèmes, empreintes... et tous autres signes servant à distinguer les produits d'une fabrique ou les objets d'un commerce" que son caractère distinctif doit être apprécié. Afin de justifier du droit positif applicable, les parties produisent des décisions de première instance et d'appel antérieures à la date de dépôt dont il ressort que ne peut constituer une marque le mot ou la formule qui ne fait qu'exprimer une qualité de la marchandise, lorsque cette qualité est commune à tous les produits. La défenderesse produit en outre un arrêt de la cour de cassation en date du 11 février 1964 rendu sous le régime de la loi de 1857 qui précise que ne peut être admise à titre de marque l'utilisation de mots ou groupe de mots désignant, d'une manière habituelle les qualités essentielles du produit. Il s'infère de ces éléments qu'en 1951, une marque n'était valable que lorsqu'elle ne désignait pas de manière habituelle le produit ou ses qualités communes, ce qui s'entend des qualités essentielles du produit. Les parties s'accordent sur le sens du terme "invisible", lequel est un adjectif qualificatif signifiant "qui ne peut être vu" et ce déjà en 1951. Or les publicités pour les produits Désodor parues en 1946 et ODO-RO-NO parues en 1925 mettent en avant la disparition des odeurs de transpiration et de la gène qu'elles occasionnent. Elles ne font qu'évoquer les traces sur les vêtements ainsi que l'invisibilité de la crème désodorante. Ces deux publicités isolées ne démontrent pas que l'adjectif "invisible", tout au plus évocateur d'une des qualités du produit, pouvait servir à désigner une caractéristique commune à tous les déodorants ni qu'il évoquait nécessairement un déodorant. Les éléments de preuve postérieurs au dépôt sont inopérants et ainsi, la société BEIERSDORP succombe à démontrer que le terme "invisible" désignait communément, dans le langage courant de 1951 la catégorie dont relève le produit ou le produit lui-même, ni qu'il désignait la discrétion ou le naturel en matière de cosmétique. Elle ne démontre pas plus que l'adjectif "invisible" était connu par une partie notable du public intéressé, à savoir les consommateurs utilisant des déodorants, pour désigner une qualité essentielle ou habituelle du produit lui-même d'autant moins que la marque est un substantif et non un adjectif comme dans son sens courant. 11 s'ensuit que faute d'établir que le terme "invisible" était inapte en 1951 à exercer sa fonction d'indicateur d'origine d'un déodorant auprès du consommateur, la société BEIERSDORF n'est pas fondée à en poursuivre la nullité. File ne rapporte pas plus la preuve que le terme 'Invisible" était descriptif d'une qualité commune ou essentielle des savons, cosmétiques, tous produits de parfumerie et de beauté, eaux et savons de toilette, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté, laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté, la seule publicité pour une poudre à "l'adhérence invisible" ne suffisant pas à démontrer que ces produits cosmétiques étaient communément "invisibles" en 1951. La société BEIERSDORF sera donc également déboutée de sa demande en nullité pour ces produits. Sur la déchéance de la marque "Invisible" - sur l'intérêt à agir en déchéance de la société BEIERSDORF La société BEIERSDORF sollicite la déchéance des droits de la société L'OREAL sur l'ensemble des produits visés au dépôt de la marque. Ainsi qu'il l'a été vu la demande reconventionnelle en déchéance doit se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant conformément aux dispositions de l’article 70 du code de procédure civile. La demande reconventionnelle en déchéance d'une marque constituant un moyen de défense dans l'action en contre façon, le défendeur justifie d'un intérêt à agir pour les produits et services qui lui sont opposes et ceux qui y sont identiques ou similaires. En l'espèce, la société L'OREAL poursuit la responsabilité de la société BEIERSDORF du chef de la contrefaçon de sa marque "INVISIBLE" en ce qu'elle désigne les déodorants et cette dernière est donc recevable à agir en déchéance de ta marque n° 1 368 549 à l'égard de ces produits et des produits suivants, qui sont similaires, ce qui n'est pas contesté : savons, cosmétiques, tous produits de parfumerie et de beauté, eaux et savons de toilette, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté, laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté. En revanche, la société BHIERSDORF sera déclarée irrecevable en sa demande au regard des couleurs, vernis, laques, matière tinctoriales ; préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser: produits capillaires, lotions capillaires et de toilette, shampooings : laques pour cheveux, produits pour nettoyer la tête avec une lotion aromatique ; brillantines, huiles pour les soins des cheveux, pétrole pour cheveux, produits de rinçage pour cheveux ; colorants et décolorants pour cheveux, produits pour mise en plis des cheveux, produits pour l'ondulation, préparations de frisure permanente ou non des cheveux, produits de permanente, produits neutralisants pour permanentes, produits pour fixer la frisure sur le cheveu, produits de teinture pour cheveux, barbe, cils et sourcils, produits pour aviver la teinture des cheveux, produits pour l'enlèvement des teintures; huiles essentielles, dentifrices, vernis à ongles, fards, poudres cosmétiques et notamment pour la chevelure, rouges à lèvres et produits pour l'épilation, qui ne sont ni identiques, ni similaires aux déodorants et pour lesquels elle ne justifie au surplus d'aucune entrave à son activité économique. - sur la déchéance pour défaut d'usage sérieux L'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose: "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans /listes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tri usage : a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; h) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif'. c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue île l'exportation. Lu déchéance peut être demandée en Justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance m s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. " L'enregistrement de la marque est destiné à conférera son titulaire les droits spécifiques de propriété incorporelle sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés. La société BEIERSDORF sollicite la déchéance des droits de la société l'OREAL sur sa marque verbale "INVISlBLE" n01368549 à compter du 27 décembre 1950 soit à l'expiration du délai de 5 ans après son enregistrement. Le tribunal relève que cette date n'est pas contestée et que la date de publication de l'enregistrement n'est pas établie. Il convient donc de rechercher si la demanderesse justifie d'un usage entre le 27 décembre 1051 et le 27 décembre 1956. La société L'ORHAL se contente de se prévaloir d'un usage sérieux de la marque "INVISIBLE" pour les seuls déodorants, lequel a été reconnu par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 19 décembre 2008 et qui se serait poursuivi. Par conséquent, en l'absence de toute preuve d'un usage sérieux pour les produits suivants, il y a lieu de constater la déchéance de la marque "invisible" pour les savons, cosmétiques, tous produits de parfumerie et de beauté, eaux cl savons de toilette, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté, à compter du 27 décembre 1956. Pour les "déodorants", il est constant que des produits ont été vendus sous la marque ombrelle "NARTA" avec mention du signe verbal "INVISIBLE" dans un cartouche de couleur différente à compter de 2004 par la société LASCAD avec l'autorisation de la société GARNIER et aujourd'hui de la société L'OREAL qui font partie au même groupe. La société demanderesse se prévaut d'un usage sérieux jusqu'à ce jour, ce dont il doit se déduire que pour s'opposer à la déchéance, elle invoque le commencement de l'usage prévu à l'alinéa 4 de l'article précité. La demande reconventionnelle ayant été formulée par conclusions du 14 mai 2012, il y a donc lieu d'apprécier l'usage antérieurement au 14 février 2012. La période à prendre en considération est donc comprise entre le 14 février 2007 et le 14 février 2012. Par conséquent, tout élément tic preuve antérieur ou postérieur à cette période est inopérant. * sur la preuve d'un usage pour les déodorants visés au dépôt La société défenderesse soutient en premier lieu que la société L'OREAL n'invoque un usage du signe "INVISIBLE" que pour des anti-transpirants qui bien que similaires, constituent des produits distincts des déodorants, ce qui est confirmé selon elle par la distinction de ces deux produits au sein de la classe 3 de l'arrangement de Nice, les déodorants relevant des "déodorants (parfumerie)" et les anti-transpirants des "produits de toilette contre la transpiration «. La défenderesse réplique que la distinction ainsi opérée est artificielle et ne répond à aucune justification juridique ni commerciale. Sur ce, le tribunal constate qu'en effet, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d'être envisagées tic manière autonome, la preuve de l'usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n'emporte protection, dans une procédure de déchéance que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. Néanmoins, il appartient préalablement à la société BEIERSDORF de démontrer que la sous-catégorie des "déodorants" est suffisamment large pour distinguer en son sein les déodorants et les anti-transpirants étant relevé qu'à la date du dépôt en 1951 les parties s'accordent à reconnaître que les anti-transpirants n'existaient pas et que l'enregistrement litigieux ne vise que les seuls "déodorants". Le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d'une sous-catégorie de produits ou de services, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat. En l'espèce, les "déodorants" et les "anti-transpirants ", qui répondent aux besoins spécifiques du consommateur recherchant un produit pour masquer les effets de la transpiration, ont une finalité, une destination et une utilisation identiques aux déodorants, la seule distinction provenant de leur composition, laquelle ne constitue pas un critère pertinent pour distinguer ces deux produits, qui ne sont pas essentiellement différents. A ce titre, la société L'OREAL lait pertinemment valoir que d'un point de vue commercial, les annonceurs, distributeurs et consommateurs, en l'espèce le grand public, incluent dans la catégorie des "déodorants" les produits qui contiennent des agents anti- transpirants (et luttent donc contre l'humidité) et ceux qui n'en contiennent pas (qui masquent uniquement les odeurs). Ainsi, la catégorie des "déodorants" ne constitue pas une catégorie assez large pour être divisée et l'usage du signe "INVISIBLE" sur les "anti transpirants" de la gamme NARTA vaut usage pour les déodorants, relevant de la même sous-catégorie, qui sont seuls visés à l'enregistrement remontant à 1951. Les moyens développés par la société BEIERSDORF selon lesquels la preuve de l'exploitation d'un produit ne vaut pas pour des produits similaires sont inopérants, dès lors qu'ils supposent que les produits sont distincts alors que précisément, les "déodorants"' et "anti- transpirants'\ en ce qu'ils relèvent de la même sous-catégorie, ne le sont pas. Il s'ensuit que si la société l'OREAL démontre un usage sérieux de sa marque "INVISIBLE" pour des anti-transpirant, cet usage s'opposera à la déchéance sollicitée pour les déodorants. * sur l'usage à titre de marque Une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée. Conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieuse de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profil des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque Il a été vu que la marque "INVISIBLE" était reconnue distinctive. La défenderesse prétend que compte tenu de sa faible distinctivité, le signe est inapte à remplir sa fonction de marque. Les pièces produites par la société BEIERSDORF pour démontrer la faible distinctivité de la marque en dehors de la période concernée doivent être écartées comme dépourvues de pertinence, ce qui est le cas des publicités datées de 1946. 1969-1970. 2000 et 2003. S'agissant du sondage réalisé par la société AUDIREP MARKETING en avril 2012. donc hors période, le tribunal relève- en tout état de cause que compte tenu de ses conditions de réalisation, auprès d'un échantillon de 1 183 personnes, il est dépourvu de force probante car non représentatif, au regard du marché des déodorants, d'autant que 20 % des sondés ont déclaré ne pas utiliser de déodorant alors que la société L'OREAL démontre qu’environ 2 800 000 déodorants de la seule marque "INVISIBLE" sont vendus chaque année. Il s'ensuit que malgré son faible caractère distinctif, la marque "INVISIBLE", même évocatrice d'une des caractéristiques du produit qu'elle désigne, est apte à remplir sa l'onction essentielle de garantie d'origine et reste donc aujourd'hui distinctive. Pour apprécier s'il y a bien usage à litre de marque, il doit être tenu compte des conditions de son exploitation. Si l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 19 décembre 2008 n'a pas l'autorité de la chose jugée entre les parties, il constitue néanmoins un indice de l'usage sérieux du signe "INVISIBLE" jusqu'à la date de l'arrêt. Il est établi par les pièces versées au débat que la société LASCAD, autorisée successivement par les sociétés LABORATOIRE GARNIER ET CIE et L'ORKAL appose depuis 2004 le signe verbal "INVISIBLE" dans un cartouche de couleur qui se détache du Coud, dans l'axe de lecture du consommateur dans une position isolée des autres mentions purement descriptives "Efficacité 24h". "anti-traces blanches" ou "Osez le noir!", ce dont il ressort qu'il sera perçu par les consommateurs comme une garantie d'origine, d'autant qu'il est employé comme un substantif et non comme un adjectif qualifiant le produit. La société L'OREAL justifie également de l'exploitation du signe dans des publicités et sur son site internet, sans association directe avec d'autres termes, pour désigner une gamme de déodorants, afin de les distinguer des gammes "Touche de Nacre". "Frechissime" et "Dermo-renov' II ressort de l'ensemble de ces éléments que le signe "INVISIBLE" tel qu'il est exploité sur les produits de la gamme NARTA identifie le produit aux yeux du public et remplit donc la fonction essentielle d'une marque. S'agissant du grief tiré de l'exploitation du signe sous une l'orme modifiée, à savoir en association avec la marque NARTA compte tenu de l'usage répandu des marques ombrelles dans le secteur des produits de beauté et d'hygiène, ce signe, même pris en son ensemble, n'altère pas le caractère distinctif de la marque "INVISIBLE" qui conserve son individualité. Ainsi, même en association avec la marque "NARTA", le signe "INVISIBLE" permet aux consommateurs d'identifier le produit lui-même. La société L'OREAL justifie donc d'un usage à titre de marque de l'élément verbal "INVISIBLE pour désigner des déodorants. Le caractère sérieux de cet usage n'étant pas discuté, la société BE1ERSDORF sera déboulée de cette demande reconventionnelle. - sur la déchéance pour dégénérescence En vertu de l'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait : a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ; b) Propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. En l'espèce, la société BEIERSDORF ne rapporte pas la preuve que la marque "INVISIBLE" est devenue usuelle pour désigner à elle-seule des déodorants. Il est établi que la société LASCAD et la société CADUM qui font partie du groupe L'OREAL. Ont bénéficié de l'autorisation de la société GARNIER et aujourd'hui de la demanderesse pour apposer le signe "INVISIBLE" sur des déodorants. Il a été vu que les conditions d'usage de cette marque maintenaient son caractère distinctif il en ressort que le comportement de la société GARNIER puis de la société L'OREAL n'ont pas rendu le substantif "INVISIBLE" usuel pour désigner des déodorants. Par ailleurs, sur les déodorants Dove et Rexona, le terme "INVISIBLE" est inséré dans des mentions complexes descriptives d'une propriété du produit à savoir son effet anti-tache sur des vêtements ("invisible dr\ anti-traces" "invisible long last time") ou qui seront perçues comme telles ('"invisible ice") et il n'est donc pas établi que le publie l'associera nécessairement au déodorant. De plus, le lancement en 2009 d'un déodorant Adidas "pro invisible" ne suffit pas à démontrer un usage généralisé el répandu de ce vocable qui serait de ce fait la désignation usuelle des déodorants dans le commerce. Enfin, la société GARNIER alors titulaire de la marque, a mené une procédure à !'encontre de la société SARA LEE ayant amené à la condamnation de cette dernière au titre de la contrefaçon de la marque "INVISIBLE" ce qui, avec la présente procédure, démontre sa volonté de protéger le caractère distinctif de sa marque el de faire obstacle à sa banalisation. Les conditions de l'article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle n'étant pas réunies, la société BEIERSDORF doit être déboutée de sa demande en déchéance pour dégénérescence de la marque "INVISIBLE" n° l 368 259. Sur la contrefaçon Les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle disposent que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire In reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement et, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. Il ressort des procès-verbaux de constat du 2 mai 2011 que la société BEIERSDORE fait apparaître sur ses déodorants les mentions "invisible for Black & White", "protection invisible"' et "pure invisible". La fonction essentielle de la marque est de garantir aux consommateurs l'identité d'origine du produit marqué en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance. Par voie de corollaire, le caractère exclusif du droit conféré au titulaire de la marque ne s'impose pas de manière absolue, mais ne se justifie que dans les cas dans lesquels l'usage d'un signe identique ou similaire par un tiers porte atteinte ouest susceptible de porter atteinte à ses intérêts propres en tant que titulaire de la marque eu égard à la fonction essentielle de celle- ci qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit. En conséquence, ne constitue pas une contrefaçon de la marque verbale "INVISIBLE" n° 1 368 459 les expressions pu rement informatives "invisible for Black & White" et "protection invisible" insérées sur le conditionnement des déodorants proposés à la vente par la société BEIERSDORF, qui ne sont perçues par le public pertinent que dans leur acception courante d'adjectif, la fonction de marque étant seulement assurée par le signe "NIVEA" clairement mis en évidence en partie supérieure du conditionnement et détaché de toutes autres mentions par l'utilisation d'un cartouche. S'agissant de la mention "pure invisible", elle est associée à la représentation d'un vêlement ce qui renforce sa nature informative cl aucun usage à titre de marque n'est caractérisé, le public comprenant le vocable "invisible" dans son sens courant pour qualifier le produit. En l'absence d'usage du terme "invisible" à titre de marque imputable à la défenderesse, le grief de contrefaçon n'est pas caractérisé et la société L'OREAL doit être déboutée de toute demande à ce titre. Sur les autres demandes La demanderesse, qui succombe en son action en contrefaçon sera tenue aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvres par Hogan L (Paris) LLP avocat au barreau de Paris conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Il v a lieu d'allouer à la défenderesse la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnisation des frais qu'elle a dû exposer pour faire valoir sa défense, en application des dispositions de l'article 700 du code de-procédure civile. Eu égard à l'ancienneté des faits, il v a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision afin de permettre le recouvrement des frais irrépétibles laquelle est compatible avec la nature de l'affaire à l'exception de la déchéance, qui ne sera inscrite sur le registre national des marques qu'une fois le présent jugement devenu définitif.

PAR CES MOTIFS

. LE TRIBUNAL, par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort. REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société L'OREAL ; DECLARE la société BEIERSDORF irrecevable en ses demandes reconventionnelles en nullité et en déchéance de la marque "Invisible" n° 1 36° 549 au regard des produits sui vants: couleurs, vernis, laques, matière tinctoriales : préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver : préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser: produits capillaires, lotions capillaires et de toilette, shampooings : laques pour cheveux, produits pour nettoyer la tête avec une lotion aromatique : brillantines, huiles pour les soins des cheveux, pétiole pour cheveux, produits de rinçage pour cheveux ; colorants et décolorants pour cheveux, produits pour mise en plis des cheveux, produits pour l'ondulation, préparations de frisure permanente ou non des cheveux, produits de permanente, produits neutralisants pour permanentes, produits pour fixer la frisure sur le cheveu, produits de teinture pour cheveux, barbe, cils et sourcils, produits pour aviver la teinture des cheveux, produits pour l'enlèvement des teintures; huiles essentielles, dentifrices, vernis à ongles, fards, poudres cosmétiques et notamment pour la chevelure, rouges à lèvres et produits pour l'épilation ; DEBOUTE la société BEIERSDORF de sa demande en nullité pour défaut de distinctivité de la marque "INVISIBLE" n° 1 368 459 pour les autres produits et services qu'elle désigne et plus particulièrement les déodorants : PRONONCE la déchéance de la marque verbale française "Invisible" n° 1 368 459 pour les savons, cosmétiques, tous pro duits de parfumerie et de beauté, eaux et savons de toilette, crèmes capillaires et pour les soins du corps et la beauté, laits de beauté, onguents de toutes sortes pour les soins du corps et la beauté, à compter du 27 décembre 1956 ; ORDONNE la transmission à l'institut national de la propriété industrielle, sur requête de la partie la plus diligente, du jugement devenu définitif, en vue de son inscription en marge de la marque dont la déchéance est prononcée : DEBOUTE la société BEIERSDORF de sa demande en déchéance de la marque "INVISIBLE" n° I 368 459 en ce qu'elle désigne les déodorants : DEBOUTE la société L'OREAL de ses demandes en contrefaçon de sa marque verbale française "INVISIBLE" n° 1 368 54 9 ; CONDAMNE la société L'OREAL aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvrés par Hogan L{ Paris) LLP, avocat au barreau de Paris conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société L'OREAL à payer à la société BEIERSDORF la somme de 20 000 euros (VINGT MILLE EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, étant rappelé que la déchéance ne sera inscrite sur le registre national des marques qu'une fois le jugement devenu définitif.