Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 01 JUIN 2022
(n° ,7pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07963 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5RF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2019F00650
APPELANT
Monsieur [J] [D]
né le 22 Avril 1977 à NOGENT SUR MARNE (94), de nationalité française,
2 allée Claude Monet
94500 CHAMPIGNY SUR MARNE
Représenté par Me Nathalie ALLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0271
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/009025 du 04/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
Ste Coopérative banque Pop. BRED
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
18 QUAI DE LA RAPEE
75012 PARIS
Représentée par Me Serge TACNET de l'ASSOCIATION TACNET CORINNE ET SERGE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 150
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence BUTIN,Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, faisant fonction de Président
Mme, Pascale LIEGEOIS, Conseillère
MME Florence BUTIN,Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, faisant fonction de Président, et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
Selon une offre acceptée le 24 août 2010, la BRED BANQUE POPULAIRE a consenti à la SARL PACHA PARADISE, immatriculée le 20 mai 2010 et exploitant un commerce de bar et petite restauration, un prêt d'un montant de 90 000 euros - destiné à financer l'acquisition du fonds - remboursable en 84 échéances mensuelles consécutives de 1 247,42 euros, garanti notamment par la caution solidaire de son gérant [J] [D] souscrite par acte du 19 avril 2010 à concurrence de 11 250 euros et pour une durée de 108 mois.
La SARL PACHA PARADISE ayant arrêté son activité le 31 octobre 2016, elle a cessé de régler les mensualités du crédit en cause de sorte que la banque en a prononcé la déchéance du terme notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 mai 2017, le décompte arrêté à cette même date mentionnant 8 échéances impayées du 1er octobre 2016 au 1er mai 2017 pour 9 979,36 euros, les intérêts de retard au taux de 6,80% à hauteur de 250,06 euros, le capital exigible de 2 432,72 euros, les intérêts afférents pour 13,14 euros et l'indemnité de résiliation s'élevant à 620,60 euros.
La COBPFA BRED BANQUE POPULAIRE a ensuite vainement mis en demeure [J] [D] les 30 mai et 5 juillet 2017 d'avoir à exécuter son engagement de caution, puis a fait assigner celui-ci par acte du 5 juillet 2019 devant le tribunal de commerce de CRETEIL afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de
11 456,68 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du 21 juin 2019.
Par jugement en date du 14 janvier 2020, le tribunal de commerce de CRETEIL a :
- condamné [J] [D] à payer à la COBPFA BRED la somme de
11 250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2017 ;
- dit n'y avoir lieu à accorder des délais de paiement ;
- condamné [J] [D] à payer à la COBPFA BRED la somme de
1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Ce, aux motifs que :
- le décompte de la banque n'est pas contesté et la créance est certaine, liquide et exigible ;
- la caution invoque la disproportion de son engagement mais ne fournit aucune pièce étayant ses affirmations ;
- [J] [D] doit être condamné au paiement dans la limite du montant cautionné ;
- le défendeur ayant précédemment refusé les délais de paiement proposés par la banque, sa demande à ce titre ne peut être accueillie.
Par déclaration en date du 25 juin 2020, ayant auparavant présenté une demande d'aide juridictionnelle qui lui a été accordée par décision du 4 mars 2020, [J] [D] a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, [J] [D] demande à la cour de :
Vu les articles 332-1 et
L. 332-4 du code de la consommation,
Vu l'article
2314 du code civil,
Vu l'article
L. 333-1 du code de la consommation,
Vu les articles
L.313-22 du code monétaire et financier,
Vu l'article
1343-5 du code civil,
Vu l'article 314-20 du code de la consommation,
DECLARER l'appel de [J] [D] recevable et l'y déclarer bien fondé ;
En conséquence,
INFIRMER le jugement dont appel et statuant à nouveau :
A titre principal :
DIRE ET JUGER la COBPFA BRED BANQUE POPULAIRE déchue du droit de se prévaloir du cautionnement et décharger la caution de son engagement ;
A titre subsidiaire :
DECHOIR la COBPFA BRED BANQUE POPULAIRE des intérêts ;
ACCORDER à [J] [D] les plus larges délais de paiement de la somme en principal au titre de son acte de cautionnement d'un montant de 11 250 euros selon les modalités suivantes :
- apurement de l'intégralité de sa dette en 23 échéances, la dernière échéance représentant le solde ;
- imputation des paiements sur le capital ;
- dire que les sommes ne produiront point intérêt.
En tout état de cause :
DIRE n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC ;
LAISSER à chaque partie la charge de ses dépens.
faisant valoir pour l'essentiel que :
- [J] [D] est une caution non avertie, il n'est pas démontré par la BRED qu'elle se serait renseignée sur la situation financière de la caution qui perçoit des indemnités journalières à la suite d'un accident de travail ;
- la caution est libérée de ses obligations si le créancier a par son fait perdu ses droits préférentiels garantissant la dette ;
- l'appelant n'a pas été avisé du 1er incident de paiement survenu le 1er octobre 2016 mais a reçu cette information le 30 mai 2017 ;
- la preuve d'une information annuelle de la caution n'est pas non plus rapportée ;
- la situation de [J] [D] justifie qu'il soit fait droit à sa demande de délais de paiement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, la SA BRED BANQUE POPULAIRE demande à la cour de :
DEBOUTER [J] [D] de son appel,
CONFIRMER purement et simplement le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DONNER ACTE à la BRED BANQUE POPULAIRE qu'elle ne s'oppose pas à l'octroi de délais de paiement,
CONDAMNER l'appelant au paiement de la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
CONDAMNER enfin [J] [D] en tous les dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Serge TACNET, conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
faisant valoir pour l'essentiel que :
- au soutien de son engagement, [J] [D] a établi une fiche de renseignements en date du 31 mars 2010 dont il ressortait un taux d'endettement de 12,31% correspondant à un revenu déclaré de 39 000 euros pour des charges annuelles de 4 800 euros ;
- la BRED verse aux débats les courriers d'informations annuels pour les années 2011 à 2017, et en tout état de cause seul l'intérêt légal a été réclamé et appliqué par le tribunal ;
- la SARL PACHA PARADISE n'ayant pas fait l'objet d'une procédure collective mais d'une cessation d'activité, la banque a perdu sa qualité de créancier privilégié au titre du nantissement du fonds de commerce et n'a donc commis aucune faute de gestion, de même la garantie SOCAMA suppose une mise en 'uvre préalable de toutes les cautions ;
- la banque ne s'est jamais opposée à l'octroi de délais de paiement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est rappelé à titre liminaire que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent en réalité les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
1- moyen tiré de la disproportion de l'engagement souscrit aux capacités financières de la caution :
En application des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article
L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La charge de la preuve de la disproportion manifeste - notion qui est interprétée restrictivement compte-tenu des conséquences s'y attachant et consistant dans l'impossibilité manifeste de faire face au cautionnement avec ses biens et revenus - incombe à la caution poursuivie qui l'invoque et cette disproportion doit être appréciée à la date de l'engagement par référence à des éléments contemporains de celui-ci, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de ses charges et son endettement global incluant les obligations antérieurement souscrites.
Aucune disposition n'exclut de cette protection la caution dirigeante d'une société dont elle garantit les dettes.
La banque n'est pas tenue de vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d'apporter leur cautionnement, sauf s'il en résulte des anomalies apparentes.
[J] [D] ne fournissant en cause d'appel aucun élément se rapportant à sa situation financière et patrimoniale à la date de son engagement alors même que cette carence probatoire était précédemment relevée par le jugement critiqué, il ne permet pas à la cour d'apprécier si le cautionnement était ou non manifestement disproportionné à ses ressources au moment de sa souscription. Il ressort en outre de la fiche de renseignement communiquée par la banque, que [J] [D] ne conteste pas avoir signée, qu'il disposait au 31 mars 2010 de revenus annuels de 39 000 euros et supportait des charges représentant 4 800 euros.
La décision entreprise ne peut dès lors qu'être confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande tendant à être déchargé de son engagement pour ce motif.
2- moyen tiré d'un défaut d'information de la caution :
L'article
L.341-1 du code de la consommation applicable jusqu'au 1er juillet 2016 et devenu
L.331-1 du même code, dispose que « sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée ».
Par ailleurs en application de l'article
L. 313-22 du code monétaire et financier « les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ».
Selon le décompte fourni par la banque qui n'est pas utilement contesté, arrêté à la date d'effet de la déchéance du terme du prêt joint au courrier du 30 mai 2017, la société restait débitrice de 8 échéances impayées du 1er octobre 2016 au 1er mai 2017 pour 9 979,36 euros, les intérêts de retard au taux de 6,80% à hauteur de 250,06 euros, le capital exigible de 2 432,72 euros, les intérêts afférents pour 13,14 euros et l'indemnité de résiliation s'élevant à 620,60 euros.
Les intérêts des mensualités échues représentant 198,61 euros, la créance en capital s'élève à 9 780,75 + 2 432,72 =12 213,47 ce qui excède l'engagement de caution souscrit à concurrence de 11 250 euros de telle sorte qu'à le supposer avéré, le défaut d'information reproché sur le fondement de ces dispositions n'a aucune incidence sur les droits de la banque.
3- faute reprochée à la BRED au titre de la conservation des sûretés garantissant la dette :
L'article
2314 du code civil dispose que lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit (...). La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté.
Une fermeture du fonds de commerce pendant une durée significative - laquelle est ici intervenue le 31 octobre 2016 sans reprise d'activité - constituant une cause d'extinction du privilège résultant du nantissement, la banque ne peut se voir reprocher aucune faute à ce titre. Elle n'était en outre pas tenue d'appeler les autres cautions avant de rechercher celle de l'appelant qui a renoncé au bénéfice de discussion, ce qui s'applique également pour la garantie SOCAMA ayant vocation à être mobilisée en dernier lieu après l'engagement de poursuites infructueuses.
4- demande de délais de paiement :
En application de l'article L. 1343-5 du code civil « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital (').
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge (') ».
Au regard de la situation actuelle de [J] [D] - qui est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle - et de l'absence d'opposition de la banque, il est justifié de faire droit à la demande d'échelonnement de la dette selon les modalités indiquées au dispositif étant observé que les dispositions précitées ne prévoient la réduction des intérêts que dans la limite du taux légal.
5- dépens et frais irrépétibles :
[J] [D] qui succombe supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Il sera également condamné à payer à la société BRED BANQUE POPULAIRE, qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l'article
700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 600 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à l'octroi de délais de paiement ;
Statuant à nouveau de ce chef,
DIT que [J] [D] pourra s'acquitter de sa dette en 23 règlements mensuels de 450 euros et le dernier représentant le solde ;
Et ajoutant,
CONDAMNE [J] [D] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle,
CONDAMNE [J] [D] à payer à la société BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 600 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT