CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 novembre 2018
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 1024 F-D
Pourvoi n° P 17-27.358
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Statuant sur le pourvoi formé par
M. Jean-Marc X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2017 par la cour d'appel deRennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du Parlement de Bretagne, CS 66423,35064 Rennes cedex,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 octobre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. X..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen
unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Rennes, 11 septembre 2017), que M. X..., originaire du Sénégal où il est né le [...] , est titulaire d'un certificat de nationalité qui lui a été délivré le 14 septembre 2000 ; qu'il a saisi le tribunal de grande instance de Nantes pour ordonner la transcription sur les registres de l'état civil d'un jugement supplétif d'acte de naissance prononcé le 4 septembre 2013 par le tribunal de Bouaké (Côte d'Ivoire) dont il avait précédemment obtenu l'exequatur en France ; que le ministère public a demandé reconventionnellement de constater son extranéité ;
Attendu que M. X... fait grief à
l'arrêt de constater son extranéité ;
Attendu qu'après avoir relevé qu'avant la réforme du 4 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet 2006, la seule mention du nom de la mère dans l'acte de naissance ne valait pas reconnaissance et ne suffisait pas à établir la filiation maternelle, la cour d'appel, qui n'a pas révisé au fond le jugement supplétif du 4 septembre 2013, a, sans inverser la charge de la preuve, exactement déduit que la filiation maternelle de M. X... ne pouvait être fondée sur le seul jugement supplétif du 4 septembre 2013 ; que le moyen, qui critique en sa deuxième branche un motif erroné mais surabondant, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge de M. X... ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le certificat de nationalité française n° [...]/2000 délivré par le greffier en chef du tribunal d'instance d'Evreux le 14 septembre 2000 l'a été à tort, constaté l'extranéité de M. Jean-Marc X..., ordonné la mention prévue à l'article
28 du code civil, et débouté M. X... de ses demandes tendant à ce que soit ordonnée la transcription sur les registres de l'état civil français du jugement n° 70/2013 du tribunal de première instance de Bouaké, Section de Dimbokro, en date du 4 septembre 2013, à ce que lui soient délivrés des extraits d'acte de naissance et à ce que soit ordonnée l'inscription de M. Jean-Marc X... sur le livret de famille,
AUX MOTIFS QUE M. Jean-Marc X... étant titulaire d'un certificat de nationalité française, la charge de la preuve incombe au ministère public conformément aux dispositions de l'article
30 du code civil ; que le certificat de nationalité française en date du 14 septembre 2000 ayant été délivré sur le fondement des dispositions de l'article
18 du code civil, la mise en oeuvre de cette disposition suppose que soit démontré, d'une part, la nationalité française de l'un au moins des parents, d'autre part, un lien de filiation légalement établi du temps de la minorité de l'enfant â l'égard de ce parent et ce, au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article
47 du code civil ; qu'en l'espèce, les premiers juges, pour débouter M. X... de ses demandes, après avoir rappelé les dispositions de l'article 20-l du code civil, de l'article 20 de l'ordonnance du 4 juillet 2005, ont relevé que les enfants hors mariage et ayant l'âge de la majorité avant le 2 juillet 2006, ne peuvent se prévaloir de la seule désignation de leur mère, de nationalité française, dans leur acte de naissance, pour obtenir la nationalité française, que l'acte de naissance n° 143 n'est pas régulier au sens de l'article
47 du code civil comme étant non conforme à la loi ivoirienne, que M. X... a obtenu un jugement supplétif le 4 septembre 2013, que la filiation de M. X... n'a pas été établie à l'égard de Mme Z... durant sa minorité, qu'à supposer ladite possession d'état établie aujourd'hui alors qu'il est majeur, elle n'aurait pas davantage d'effet sur sa nationalité ; qu'il ressort des pièces produites que l'acte de naissance dressé le 11 janvier 1980 n'a pas été dressé le 11 janvier 1980 pour une naissance survenue le 5 septembre 1979 ; que l'acte n'a pas été dressé conformément à la loi ivoirienne ; qu'il existe une seconde version de la copie intégrale de l'acte de naissance de Jean-Marc X... présentant de grandes divergences avec celle qui a été présentée lors de la demande du certificat de nationalité française au titre de l'année du registre de naissance (1979/1980), des mentions sur la profession du père, de la dénomination du lieu de naissance de la mère, mention ou non de l'identité de l'officier d'état civil qui a reçu la déclaration de naissance et du déclarant, l'ordre de mention du père et de la mère diverge sur les documents produits et la date de la déclaration de naissance ne figure pas sur la copie intégrale produite devant le tribunal d'instance d'Evreux, M. Jean-Marc X... serait issu d'une liaison de sa mère, originaire de Guadeloupe, avec un tiers camerounais pendant son mariage, dissous le 8 février 1982 ; que le ministère public soutient à juste titre qu'une même personne ne peut avoir qu'un acte de naissance unique, inscrit dans le registre des naissances, de sorte que les copies doivent toujours avoir le même numéro, les mêmes mentions et le même contenu ; que la multiplication de tels actes est révélatrice de leur caractère manifestement faux ; qu'il est admis que le fait de présenter plusieurs actes de naissance différents ôte toute force probante au sens de l'article
47 du code civil à l'un quelconque d'entre eux ; qu'il y a lieu de relever que sur le premier acte de naissance de Jean-Marc X..., il est indiqué que Jérôme Z... est domiciliée [...] en Côte d'ivoire et sur le second acte, le domicilede la mère est Baillif en Guadeloupe, alors que la mère supposée de l'appelant s'appelle Christiane, Jérôme Z... et non Jérôme, Christiane Z... comme mentionné sur les actes de naissance de Jean-Marc X..., née à Baillif et non Ballif ou Bailly ; que le ministère public soutient à bon droit que M. X... a eu recours à des documents de complaisance pour tenter d'obtenir la nationalité française ; que l'acte de naissance n°143 dressé le 11janvier 1980 par l'officier du centre secondaire d'état civil de Soungassou (Côte d'Ivoire), dressé hors délai avec de nombreuses irrégularités n'est pas l'oeuvre d'un officier d'état civil ; qu'il s'agit manifestement d'un faux grossier de mauvaise facture, fabriqué pour les besoins de la cause ; que le jugement supplétif d'acte de naissance du 4 septembre 2013 a pour but de régulariser une fraude en statuant au vu d'un acte de naissance apocryphe ; que par ailleurs, en application du principe fraus omnia corrumpit, M. X... ne peut se prévaloir d'une décision étrangère obtenue aux fins de régulariser sa situation au regard de l'état civil, alors qu'il n'y a pas conformité entre le dispositif du jugement du 4 septembre 2013 et l'extrait de ce jugement qui tient lieu de copie intégrale d'acte de naissance de l'intéressé, que le nouvel acte de naissance établi en vertu du jugement du 4 septembre2013 l'a été le 23 septembre 2013, soit avant l'expiration du délai d'appel en vertu de l'article
168 du code de procédure civile ivoirien qui fixe le délai pour interjeter appel à un mois, si bien que l'acte a été dressé sur la base d'un jugement non définitif, ce qui est contraire à l'article 36 de la Convention franco-ivoirienne en matière de coopération en matière de justice du 24 avril 1961 ; que s'agissant de la filiation de l'appelant avec Christiane, Jérôme Z..., avant la réforme du 4 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006, la seule mention du nom de la mère dans l'acte de naissance ne valait pas reconnaissance et ne suffisait pas à établir la filiation maternelle et au surplus, la reconnaissance qui serait intervenue après la majorité, serait sans effet sur la nationalité de M. X... ; qu'en conséquence, M. X... ne peut se dire français par filiation maternelle sur le seul fondement du jugement supplétif du 4 septembre 2013 le disant né de Jérôme Christiane Z... ; que s'agissant de l'application de l'article
30-2 du code civil, la nationalité française de Christiane Z... née en Guadeloupe née de parents français, n'est pas contestée, si bien que l'article précité n'a pas vocation à s'appliquer ; que M. X... étant défaillant pour établir sa filiation maternelle pendant sa minorité de nature à produire effet en matière de nationalité française, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le certificat de nationalité française délivré le 14 septembre 2000 l'a été à tort et l'appelant sera débouté de l'ensemble de ses demandes ;
ET AUX MOTIFS QUE l'article 20-1du code civil dispose que la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ; que l'article 20 de l'ordonnance n° 2005459 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation dispose que « Les dispositions de la présente ordonnance n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur » ; qu'il est constant que les enfants nés hors manage et ayant atteint l'âge de la majoritéavant le 2 juillet 2006 ne peuvent se prévaloir de la seule désignation de leur mère, de nationalité française, dans leur acte de naissance, pour obtenir la nationalité française ; qu'en l'espèce, l'acte de naissance n°143 n'est pas régulier au sens de l'article
47 du code civil comme étant non conforme à la loi ivoirienne ; que M. X... a d'ailleurs obtenu un jugement supplétif le 4 septembre 2013 ; que force est de constater que la filiation de M. X... n'a pas établie à l'égard de Mme Z... durant sa minorité ; que M. X... ne justifie pas davantage d'un acte de notoriété établissant la possession d'état d'enfant de Mme Z... durant sa minorité ; qu'à supposer la dite possession d'état établie aujourd'hui alors qu'il est majeur, elle n'aurait pas davantage d'effet sur sa nationalité ;
1° ALORS QU'en vertu de l'Accord de coopération en matière de justice du 24 avril 1961, les jugements rendus par les autorités judiciaires de la Côte d'Ivoire et revêtus de l'exequatur en France peuvent donner lieu à des mesures d'exécution ou à des actes de transcription ou rectification sur les registres publics ; que M. X... se prévalait d'un jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Bouaké, Section de Dimbokro, en Côte d'Ivoire, le 4 septembre 2013, revêtu de l'exequatur par un jugement du tribunal de grande instance de Thionville en date du 17 février 2014, qui confirmait ses date et lieu de naissance, ainsi que sa filiation à l'égard de Mme Christiane Jérôme Z..., et tenait lieu d'acte de naissance ; qu'en refusant de transcrire la naissance de M. X... ainsi constatée sur les registres de l'état civil français et de reconnaître sa nationalité française par la filiation maternelle ainsi établie, la cour d'appel a violé les articles 36, 37 et 40 de l'Accord de coopération susvisé ;
2° ALORS QU'un jugement supplétif d'acte de naissance, qui établit, en raison de son caractère déclaratif, l'état civil de l'intéressé depuis sa naissance et mentionne l'identité de la mère, de nationalité française, constitue une preuve de sa filiation maternelle et ainsi de la nationalité française de l'intéressé, même s'il a été prononcé postérieurement à sa majorité ; que M. X... se prévalait d'un jugement supplétif rendu par le Tribunal de première instance de Bouaké, Section de Dimbokro, en Côte d'Ivoire, le 4 septembre 2013, revêtu de l'exequatur par un jugement du tribunal de grande instance de Thionville en date du 17 février 2014, qui confirmait ses date et lieu de naissance, ainsi que sa filiation à l'égard de Mme Christiane Jérôme Z..., et tenait lieu d'acte de naissance ; qu'en affirmant que ce jugement ne pouvait établir la filiation de M. X... à l'égard de Mme Z... - alors même que celle-ci était expressément désignée dans ce jugement - et qu'il serait sans effet sur la nationalité de M. Jean-Marc X... pour avoir été rendu après sa majorité, la cour d'appel a violé les articles
334-8 et
20-1 du code civil ;
3° ALORS QUE la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants ; qu'après avoir constaté que M. X... était titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 14 septembre 2000 par le greffier en chef du tribunal d'instance d'Evreux, la cour d'appel a considéré que la nationalité française de M. X... ne serait pas établie par l'acte de naissance établi le 11 janvier 1980, ni par le jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Bouaké, Section de Dimbokro, en Côte d'Ivoire, le 4 septembre 2013, en raison de l'allégation par le ministère public de l'existence d'un autre acte de naissance comportant des mentions différentes et indiquant notamment que le nom de la mère serait « Jérôme Z... » et non pas « Christiane Jérôme Z... » ; qu'en se bornant ainsi à reprocher à M. X... de ne pas produire d'acte de naissance probants, et sans constater que le ministère public rapportait la preuve qui lui incombait que M. X... n'aurait pas reçu la nationalité française de sa mère, qu'il s'agisse de « Jérôme Z... » ou de « Christiane Jérôme Z... », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article
30, alinéa 2nd, du code civil.