Cour de cassation, Chambre sociale, 11 avril 2018, 16-14.853

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2018-04-11
Cour d'appel de Lyon
2016-02-03
Conseil de Prud'hommes de Lyon
2015-09-03

Texte intégral

SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 11 avril 2018 Cassation partielle M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 601 F-D Pourvoi n° A 16-14.853 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par M. Didier Y..., domicilié [...] , contre l'arrêt rendu le 3 février 2016 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société DC management, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation ; La société DC management a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société DC management, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que M. Y..., qui occupait en dernier lieu la fonction de directeur de métier, a été licencié pour faute grave le 3 juin 2012 par la société DC Management ; qu'après avoir saisi le conseil de prud'hommes de Lyon le 17 juin 2015, il a déclaré se désister de son instance à l'audience du bureau de conciliation du 3 septembre 2015 ; que, par décision du même jour, le bureau de conciliation a constaté que le désistement n'était pas parfait ;

Sur le moyen

unique du pourvoi incident éventuel de l'employeur qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt de dire l'appel du salarié recevable, d'annuler la décision de refus de désistement rendue le 3 septembre 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon, et de renvoyer la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon prétendument seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par le salarié en présence de la contestation de la partie adverse, alors, selon le moyen : 1°/ que la décision par laquelle le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes constate que le désistement du demandeur n'est pas parfait et rejette en conséquence cette demande est une simple mesure d'administration judiciaire insusceptible de tout recours ; qu'en l'espèce, par décision du 3 septembre 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon avait constaté que le désistement de M. Y... n'était pas parfait de sorte qu'il devait être débouté de sa demande et les parties renvoyées devant le bureau de jugement au prétexte que la non-acceptation du défendeur était fondée sur un motif légitime ; qu'en jugeant recevable l'appel de cette décision formé par le salarié lorsque celle-ci, constitutive d'une simple mesure d'administration judiciaire, n'était pas susceptible de recours, la cour d'appel a violé l'article 537 du code de procédure civile ; 2°/ que le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes peut, sans commettre d'excès de pouvoir, apprécier si le désistement du demandeur doit être ou non constaté et s'il produit le cas échéant son effet extinctif ; qu'il en résulte que sa décision sur ce point ne peut faire l'objet d'un appel immédiat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'ayant tranché le litige opposant M. Y... à la société DC Management sur le point de savoir si le désistement du premier devait ou non être constaté et produire son effet extensif, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon qui avait ce faisant apprécié si la non-acceptation du défendeur qui n'avait alors formulé par écrit aucune demande reconventionnelle mais disposait de la faculté de le faire même oralement jusqu'à l'audience de jugement en raison de la procédure prud'homale, se fondait sur un motif légitime selon les dispositions de l'article 396 du code de procédure civile, avait excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail ;

qu'en statuant ainsi

, la cour d'appel a violé l'article R. 1454-16 du code du travail ; Mais attendu qu'ayant retenu que le bureau de conciliation avait excédé ses pouvoirs, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel immédiat de sa décision par le salarié était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le pourvoi principal du salarié :

Sur la recevabilité du pourvoi principal

contestée par la défense : Attendu que l'employeur soutient que le pourvoi principal est irrecevable dès lors qu'il est dirigé contre un arrêt qui n'a ni tranché le principal, ni mis fin à l'instance ;

Mais attendu

que le pourvoi est recevable contre une décision qui constate un excès de pouvoir et en tire des conséquences ;

Sur le moyen

unique du pourvoi principal :

Vu

les articles 394 et 395 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1454-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ; Attendu que pour renvoyer la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon, l'arrêt, après avoir énoncé qu'à l'audience du bureau de conciliation du 3 septembre 2015 l'employeur s'était opposé au désistement d'instance demandé par le salarié bien que n'ayant présenté aucune défense au fond ni aucune fin de non-recevoir, retient que le bureau de conciliation, en constatant que le désistement de l'intéressé n'était pas parfait et en le déboutant de sa demande de désistement d'instance, a tranché le litige sur le point de savoir si le désistement devait ou non être constaté et produire son effet extinctif, que ce faisant il a excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail, qu'il importe en conséquence d'annuler la décision rendue par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon refusant de lui donner acte de son désistement au motif qu'il n'était pas parfait et de le renvoyer à mieux se pourvoir devant la formation de jugement de cette même juridiction, seule compétente pour connaître du litige ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'en l'absence de défense au fond ou de fin de non-recevoir présentée par le défendeur, le désistement d'instance du demandeur à l'audience du bureau de conciliation produisait immédiatement son effet extinctif que celui-ci devait constater, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il renvoie la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par M. Y... en présence de la contestation de la partie adverse, l'arrêt rendu le 3 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ; Condamne la société DC management aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi principal Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR renvoyé la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par Monsieur Y... en présence de la contestation de la partie adverse et partant d'AVOIR refusé de lui donner acte de son désistement d'instance intervenu lors de l'audience de conciliation du 3 septembre 2015 devant le conseil de prud'hommes de Lyon ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article R. 1454-16 du code du travail, les décisions prises en application des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond ; que l'appel immédiat d'une décision du bureau de conciliation n'est ouvert qu'en cas d'excès de pouvoir ; qu'en l'espèce qu'en constatant que le désistement de Monsieur Y... n:était pas parfait et en déboutant ce dernier de sa demande de désistement d'instance, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon a tranché le litige opposant M. Y... à la société DC Management sur le point de savoir si le désistement du premier devait ou non être constaté et produire son effet extinctif ; qu'il a ainsi apprécié si la non acceptation du défendeur, qui n'avait alors formulé par écrit aucune demande reconventionnelle mais disposait de la faculté de le faire même oralement jusqu'à l'audience de jugement en raison de l'oralité de la procédure prud'homale, se fondait sur un motif légitime selon les dispositions de l'article 396 du code de procédure civile ; que ce faisant, il a excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail, de sorte que l'appel immédiat de sa décision par M. Y... est recevable ; qu'il importe en conséquence d'annuler la décision rendue le 3 septembre 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon refusant de donner acte à M. Y... de son désistement au motif qu'il n'était pas parfait et de renvoyer ce dernier à se mieux pourvoir devant la formation de jugement de cette même juridiction, seule compétente pour connaître du litige ; ALORS QUE le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance ; que l'acceptation du défendeur n'est pas nécessaire si ce dernier n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que lors de l'audience du 3 septembre 2015 du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon, le demandeur s'est désisté de l'instance alors que le défendeur n'avait présenté à cette audience aucune défense au fond et fin de non-recevoir en sorte que le désistement d'instance était parfait et devait produire immédiatement un effet extinctif ce dont il résultait que l'instance se trouvait éteinte et la juridiction prud'homale se trouvait dessaisie ; qu'en énonçant néanmoins que le défendeur disposait de la faculté de formuler par écrit ou par oral des demandes reconventionnelles jusqu'à l'audience de jugement en raison de l'oralité de la procédure prud'homale et en renvoyant la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par le demandeur en présence de la contestation de la partie adverse, la cour d'appel a violé les articles 394 et 395 du code de procédure civile et les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail. Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société DC management, demandeur au pourvoi incident IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit l'appel de M. Y... recevable, d'AVOIR annulé la décision de refus de désistement rendue le 3 septembre 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon, d'AVOIR renvoyé la cause et les parties devant la formation de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon prétendument seule compétente pour connaître de la demande de désistement présentée par le salarié en présence de la contestation de la partie adverse, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque et d'AVOIR dit que les dépens suivront le sort de ceux exposés dans le cadre de la procédure devant la formation de jugement ; AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article R. 1454-16 du code du travail, les décisions prises en application des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond ; que l'appel immédiat d'une décision du bureau de conciliation n'est ouvert qu'en cas d'excès de pouvoir ; qu'en l'espèce qu'en constatant que le désistement de Monsieur Y... n'était pas parfait et en déboutant ce dernier de sa demande de désistement d'instance, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon a tranché le litige opposant M. Y... à la société DC Management sur le point de savoir si le désistement du premier devait ou non être constaté et produire son effet extinctif ; qu'il a ainsi apprécié si la non acceptation du défendeur, qui n'avait alors formulé par écrit aucune demande reconventionnelle mais disposait de la faculté de le faire même oralement jusqu'à l'audience de jugement en raison de l'oralité de la procédure prud'homale, se fondait sur un motif légitime selon les dispositions de l'article 396 du code de procédure civile ; que ce faisant, il a excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail, de sorte que l'appel immédiat de sa décision par M. Y... est recevable ; qu'il importe en conséquence d'annuler la décision rendue le 3 septembre 2015 par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon refusant de donner acte à M. Y... de son désistement au motif qu'il n'était pas parfait et de renvoyer ce dernier à se mieux pourvoir devant la formation de jugement de cette même juridiction, seule compétente pour connaître du litige ; que par ailles l'équiré (lire : que par ailleurs l'équité) ne commande pas qu'il soit fait application en faveur de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il importe enfin de dire que les dépens suivront le sort de ceux exposés dans le cadre de la procédure devant la formation de jugement » ; 1°) ALORS QUE la décision par laquelle le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes constate que le désistement du demandeur n'est pas parfait et rejette en conséquence cette demande est une simple mesure d'administration judiciaire insusceptible de tout recours ; qu'en l'espèce, par décision du 03 septembre 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon avait constaté que le désistement de M. Y... n'était pas parfait de sorte qu'il devait être débouté de sa demande et les parties renvoyées devant le bureau de jugement au prétexte que la non-acceptation du défendeur était fondée sur un motif légitime ; qu'en jugeant recevable l'appel de cette décision formé par le salarié lorsque celle-ci, constitutive d'une simple mesure d'administration judiciaire, n'était pas susceptible de recours, la cour d'appel a violé l'article 537 du code de procédure civile ; 2°) ALORS subsidiairement QUE le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes peut, sans commettre d'excès de pouvoir, apprécier si le désistement du demandeur doit être ou non constaté et s'il produit le cas échéant son effet extinctif ; qu'il en résulte que sa décision sur ce point ne peut faire l'objet d'un appel immédiat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'ayant tranché le litige opposant M. Y... à la société DC Management sur le point de savoir si le désistement du premier devait ou non être constaté et produire son effet extensif, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon qui avait ce faisant apprécié si la non-acceptation du défendeur qui n'avait alors formulé par écrit aucune demande reconventionnelle mais disposait de la faculté de le faire même oralement jusqu'à l'audience de jugement en raison de la procédure prud'homale, se fondait sur un motif légitime selon les dispositions de l'article 396 du code de procédure civile, avait excédé les pouvoirs limitativement énumérés qui lui étaient accordés par les articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 1454-16 du code du travail.