Cour d'appel de Paris, 24 juin 2011, 2010/19635

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2010/19635
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Parties : WORLD WRESTLING ENTERTAINMENT Inc. (États-Unis) ; SCEMAMA SNC ; SCEMAMA INTERNATIONAL SARL / SUN CITY SA
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 29 septembre 2010
  • Président : Monsieur Jacques LAYLAVOIX
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2012-11-20
Cour d'appel de Paris
2011-06-24
Tribunal de commerce de Paris
2010-09-29

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISARRET DU 24 JUIN 2011 Pôle 1 - Chambre 4Numéro d'inscription au répertoire général : 10/19635 Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 29 Septembre 2010 -Tribunal de Commerce dePARIS - RG n° 2010050963 APPELANTESSOCIETE WORLD WRESTLING ENTERTAINMENT INC, société de droit américain ( appelante et intimé)agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux[...]06902 STAMFORD CONNECTICUT ETATS-UNISreprésentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués près la Courassistée de Me Jean-Philippe J, avocat au barreau de Paris, toque : L112. SNC SCEMAMA,agissant poursuites et diligences de son gérant.12 Villa Compoint75017 PARIS SARL SCEMAMA INTERNATIONAL, agissant poursuites et diligences de son gérant.12 Villa Compoint75017 PARIS représentées par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués près la Cour assistées de Me Caroline S de la SCP LE RIGOLEUR SITBON, avocats au barreau de PARIS INTIMEESSA SUN CITYprise en la personne de ses représentants légaux25 avenue du Bois de la Pie93290 TREMBLAY EN FRANCEreprésentée par la SCP BAUFUME GALLAND VIGNES, avoués à la Cour assistée de Me Randy Y, avocat au barreau de PARIS, toque : E0766 COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président de chambre, et Madame Catherine BOUSCANT, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président de chambre, président Madame Catherine BOUSCANT, conseillère,Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère. Greffier, lors des débats : Mademoiselle Fatia HENNI

ARRET

:- CONTRADICTOIRE- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Melle Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise. Exposant qu'elle était victime d'actes de concurrence déloyale, de détournement de clientèle et de cloisonnement du marché français des licences relatif aux produits licenciés de la société World Wrestling Entertainment INC.(ci-après WWE), ainsi que de complicité des mêmes actes de la part, notamment, des sociétés Scemama SNS et Scemama International, agents commerciaux ou courtiers de la société TVMania GmbH, licenciée de la société WWE, la société Sun City a présenté le 25 mai 2010 une requête devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir désigner un huissier de justice chargé de se faire remettre en copie et de rechercher dans l'ensemble des deux sociétés Scemama SNC et Scemama International S.A.R.L. tous documents sur support informatique ou autre, utiles à la preuve et susceptible d'établir les actes et le comportement déloyal illicite qu'elle reprochait à ces deux sociétés et à leurs partenaires Lamaloli GmbH,TVMania GmbH et WWE, notamment les activités de surveillance des ventes parallèles, les contrats passés entre ces sociétés, les livres fournisseurs et clients relatifs aux produits licenciés WWE, les échanges, propositions, documents comptables, financiers et commerciaux et relatifs aux rapports entre ces sociétés et tout autre licencié WWE et relatifs aux clients de la société Sun City. Par ordonnance du même jour, le délégataire du président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à la requête et commis la SCP Chevrier De Zitter et Asperti, huissiers de justice, en lui confiant pour mission de se rendre sur les lieux occupés par les deux sociétés Scemama, 12 [...], pour rechercher, constater et copier les documents visés dans la requête , en se faisant assister au besoin par la force publique et par tout homme de l'art, en l'autorisant à photographier, décrire, copier ces documents et en précisant que l'ensemble des pièces et documents saisis seraient maintenus en séquestre auprès de l'huissier de justice. Les opérations de constat ont eu lieu le 17 juin 2010 et un procès-verbal de constat en a été dressé le30 juin 2010 par l'huissier instrumentaire. Saisi sur assignation délivrée le 22 juillet 2010 à la requête de la société WWE, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, par ordonnance de référé rendue en formation collégiale le 29 septembre 2010, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Scemama SNC, Scemama International et WWE, confirmé l'ordonnance du 25 mai 2010, dit que l'huissier instrumentaire devrait poursuivre ses opérations conformément aux dispositions de cette ordonnance et condamné les sociétés Scemama SNC, Scemama International et WWE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC. Appel de cette ordonnance a été interjeté le 6 octobre 2010 par la SNC Scemama et la S.A.R.L. Scemama International et le 12 octobre 2010 par la société WWE et les deux instances ont été jointes par ordonnance du 6 janvier 2011. Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 16 mai 2011, la SNC Scemama et la S.A.R.L. Scemama International, appelantes, demandent à la cour de : - infirmer l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle les a déclarées recevables en leur intervention volontaire, - ordonner que la somme versée au titre de l'article 700 du CPC leur soit restituée, - in limine litis, dire que le président du tribunal de grande instance de Paris avait compétence exclusive pour autoriser l'ordonnance sur requête, ordonner la rétractation de l'ordonnance sur requête, prononcer la nullité des mesures de constat et mise sous séquestre, ordonner la restitution de tous les éléments appréhendés et la destruction de toutes pièces et données collationnées dans un délai de dix jours après la signification de l'arrêt, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, dire que l'arrêt sera opposable aux huissiers de justice commis et écarter des débats les pièces N°59 et 60 communiquées par la société Sun C ity, - subsidiairement ordonner la rétractation de l'ordonnance du 25 mai 2010 avec ses conséquences ci-dessus exposées, - très subsidiairement, dire que la cour n'a pas compétence pour statuer sur la demande d'une nouvelle mesure d'instruction, compte tenu de la saisine du juge de la mise en état, dire que le procès-verbal de la SCP Chevrier De Zitter et Asperti est conforme aux termes de l'ordonnance du 25 mai 2010, débouter la société SUN City de toute demande visant à la transmission à son profit des documents séquestrés, débouter celle-ci de ses demandes, - condamner la société Sun City aux dépens de première instance et d'appel et à leur verser à chacune la somme de 5000 euros pour leurs frais hors dépens. Dans ses conclusions signifiées le 16 mai 2011, la société World Wrestling Entertainment INC ( WWE), appelante, prie la cour d'infirmer l'ordonnance, sauf en qu'elle dit qu'elle était recevable, d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 25 mai 2010, d'ordonner sans délai la remise à elle-même des documents saisis par Maître C sans qu'ils ne soient portés à la connaissance de la société Sun City, de constater la nullité des opérations de constat, de débouter toutes parties de toute demande contraire, d'ordonner la restitution de la somme de 5000 euros versée à la société Sun City en application de l'article 700 du CPC et de condamner celle-ci, outre aux dépens, à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du CPC. La société Sun City, intimée, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 19 mai 2011, demande à la cour de tirer toutes conséquences de droit et de fait de la non communication des pièces visées dans les sommations de communiquer signifiées à la société WWE les 9 mars 2011 et 28 avril 2011, de confirmer l'ordonnance déférée, de dire que l'huissier instrumentaire devra poursuivre ses opérations conformément aux termes des ordonnances des 25 mai et 29 septembre 2010 et de condamner in solidum les sociétés appelantes aux dépens et à lui payer la somme de 5000 euros pour ses frais de procédure non compris dans les dépens. Ceci étant exposé,

Considérant

que la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n°59 et 60 communiquées par la société Sun City, qui n'est pas motivée, sera rejetée ; Considérant que les pièces, objet des sommations de communiquer délivrées le 9 mars 2011 et le 28 avril 2011 par la société Sun City à la société WWE, n'étant pas utiles à la solution du litige soumis à la cour, il n'ya pas lieu de tirer de conséquences de l'abstention de la société WWE de les communiquer ; Considérant que l'exception d'incompétence soulevée par les deux sociétés est recevable, comme l'ont justement retenu les premiers juges, dés lors qu'elles ont désigné la juridiction qui devrait selon elle être compétente ; Considérant qu'à l'appui de l'exception d'incompétence qu'elles soulèvent, les sociétés Scemama prétendent en substance qu'il existe un contentieux préexistant de contrefaçon de marque, les pièces versés en annexe à la requête prouvant l'existence d'éléments contrefaisant de la société JF Ramos et donc de la société Sun City à l'égard de la société WWE et que ce différend est qualifié à tort par la société Sun City d'actes de concurrence déloyale et de cloisonnement de marché et invoquent l'application de l'article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle ; Que la société Sun City réplique que la requête ne concerne que des sociétés commerciales, que des actes de concurrence déloyale et ne tend pas à obtenir une mesure d'instruction permettant d'établit ou de conserver des preuves relatives spécifiquement aux marques de la société WWE, qu'il n'est pas possible au stade de la mesure d'instruction de cerner avec exhaustivité les éléments qui fonderont l'action future, que le litige n'est pas ainsi circonscrit par les termes de la requête ; Considérant qu'il résulte clairement des termes de la requête que celle-ci s'inscrit dans le cadre d'un litige opposant, d'une part, la société WWE, ses licenciés, la société TVMania GmbH, la société Lamaloli GmbH, émanation de celle-ci, et les sociétés SCEMAMA, présentées comme agents commerciaux, d'autre part, la société Sun City ; Que la société SUN City impute ainsi à la société WWE et à certains de ses licenciés ou agents commerciaux des actes illicite de concurrence déloyale et de cloisonnement du marché, tandis que la société WWE lui reproche en revanche de vendre des produits contrefaisants acquis auprès la société portugaise J.F.Ramos, titulaire depuis 2009 d'une licence WWE pour les produits textiles dérivés ; Que la société Sun City souligne à cet égard que la société WWE, après lui avoir refusé de conclure avec elle un contrat de licence, a perçu des redevances pour les produits que la société Sun City a acheté auprès de la société J.F.Ramos et qu'elle a revendu à ses clients ; Que ces éléments exposés dans la requête sont corroborés par les pièces jointes en annexe à la requête et en particulier par les échanges de courriels de représentants des sociétés concernées et par la lettre de mise en demeure de cesser la commercialisation de produits contrefaisants, adressée le 7 décembre 2009 par le conseil de la société WWE à la société Sun City et lui précisant qu'à défaut de réponse de sa part dans un délai de 15 jours, il avait instruction d'engager contre la société Sun City toute procédure utile pour faire respecter les droits de sa cliente ; Que l'existence des actes illicites de concurrence déloyale et cloisonnement du marché, invoqués par la société Sun City pour justifier la mesure de constat sollicitée, étant ainsi liée de façon indissociable aux actes de contrefaçon de marque, objet de la mise en demeure du 7 décembre 2009, que lui imputaient la société WWE dés avant le dépôt de la requête, le contentieux entre les deux sociétés relevait manifestement de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris en application de l'article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que les actions civiles relatives aux marques ainsi que les questions mettant en jeu à la fois une question de marque et une question de dessin et de modèle ou de concurrence déloyale connexe sont portées devant les tribunaux de grande instance ; Que, d'ailleurs, l'instance au fond engagée ensuite par la société Sun City contre notamment la société WWE et les deux sociétés Scemama en dommages et intérêts pour concurrence déloyale, détournement de clientèle et cloisonnement du marché a été portée devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Sun City sollicitant en même temps devant cette juridiction la déchéance et l'annulation des marques déposées par la société WWE ; Considérant que les mesures sollicitées par la société Sun City relevaient de la compétence du président du tribunal de grande instance de Paris et non du président du tribunal de commerce de Paris, auquel il appartenait de s'assurer, au vu des éléments ci-dessus exposés qui lui étaient soumis s'agissant d'une procédure non contradictoire, qu'elles entraient dans les limites de la compétence de sa juridiction en application de l'article 875 du CPC ; Qu'il s'ensuit que l'exception d'incompétence soulevée étant fondée, il y a lieu, par infirmation de l'ordonnance déférée, de rétracter l'ordonnance sur requête prononcée par le délégataire du président d'une juridiction, qui n'avait pas compétence pour autoriser les mesures ordonnées ; que, par voie de conséquence, la demande de la société Sun City tendant à voir dire que l'huissier instrumentaire devra poursuivre ses opérations sera rejetée ; Que la rétractation de l'ordonnance rendue le 25 mai 2010 implique l'annulation des mesures de constat, du procès verbal des opérations de constat et de la mesure de mise sous séquestre ; Que l'arrêt infirmatif de rétractation implique la restitution aux sociétés Scemama par l'huissier instrumentaire des documents appréhendés dans leurs locaux, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une mesure d'astreinte, ni d'ordonner la destruction de ces documents ; que leur restitution ne peut être opérée au profit de la société WWE, chez laquelle ils n'ont pas été saisis ; que l'arrêt implique aussi restitution des indemnités de procédure versées à la société Sun City en exécution de l'ordonnance infirmée, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur ce point ; Considérant qu'eu égard au sens du présent arrêt, la société Sun City supportera les dépens de première instance et d'appel, sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à verser en application de l'article 700 du CPC à la société WWE la somme de 5000 euros et à chacune des sociétés Scemama la somme de 3000 euros pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, Rejette la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n°59 et 60 communiquées par la société Sun City, Infirme l'ordonnance déférée, sauf en ce que les premiers juges ont dit que l'exception d'incompétence était recevable, Statuant à nouveau, Déclare fondée l'exception d'incompétence au profit du président du tribunal de grande instance de Paris, Ordonne la rétractation de l'ordonnance sur requête du 25 mai 2010, Constate la nullité des opérations de constat, du procès-verbal de l'huissier instrumentaire et de la mesure de séquestre, Ordonne la restitution à la SNC Scemama et à la S.A.R.L. Scemama International des documents appréhendés par la SCP Chevrier De Zitter et Asperti, Déboute les parties de toute demande autre ou incompatible avec la motivation ci- dessus exposée, Condamne la société Sun City à payer à la société WWE la somme de 5000 euros et à la SNC Scemama et la S.A.R.L. Scemama International , chacune, la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Sun City aux dépens de première instance et d'appel et admet les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du CPC.