COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)
JUGEMENT : [N] [B], [I] [B] c/ [F] [E]
N° 25/
Du 07 Février 2025
4ème Chambre civile
N° RG 22/03588 - N° Portalis DBWR-W-B7G-OHAD
Grosse délivrée à
l'ASSOCIATION ESCOFFIER - WENZINGER - DEUR
expédition délivrée à
la SAS SAS
DROUOT AVOCATS
le 07 Février 2025
mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du sept Février deux mil vingt cinq
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Conformément à l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Magistrat rapporteur : Monsieur SULTANA
Greffier : Madame AYADI
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du Tribunal, composé de :
Président : Madame SANJUAN-PUCHOL
Assesseur : Madame VALAT
Assesseur : Monsieur SULTANA (Juge rédacteur)
DÉBATS
A l'audience publique du 07 Novembre 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 15 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées ;
PRONONCÉ
Par mise à disposition au Greffe le 07 Février 2025 après prorogation du délibéré, signé par Madame Cécile SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame Estelle AYADI, Greffier, auquel la minute de la décision été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDEURS:
Mme [N] [B]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Maître
Sophie MARQUES de la SAS SAS
DROUOT AVOCATS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant
M. [I] [B]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Maître
Sophie MARQUES de la SAS SAS
DROUOT AVOCATS, avocats au barreau de GRASSE, avocats plaidant
DEFENDERESSE:
Mme [F] [E]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître
Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION ESCOFFIER - WENZINGER - DEUR, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
EXPOSE DU LITIGE
Vu l'assignation délivrée à la requête de Madame [N] [B] et de Monsieur [I] [B] à l'encontre de Madame [F] [E], par acte du 23 juin 2022.
Vu les dernières conclusions des époux [B], notifiées le 2 février 2024 et par lesquelles il est demandé au tribunal de prononcer la résolution de la vente entre les parties, des
chevaux dénommés AZ Doc Bar et AZ Galloper Of Sun sur le fondement de la garantie des vices cachés ; de condamner Madame [E] à leur payer la somme de 6000 € correspondant au prix de vente des
chevaux ; de la condamner à leur payer la somme de 4400,44 € au titre des préjudices matériels qui leur ont été causés du fait de l'existence des vices cachés, à savoir les frais d'entretien ; de condamner Madame [E] à leur payer la somme de 10 500 € au titre des frais de pension mensuelle des
chevaux, à parfaire jusqu'à l'enlèvement complet des
chevaux et évalués par l'expert judiciaire à la somme de 150 € par mois et par
cheval ; de condamner Madame [E] à leur régler l'intégralité des frais d'entretien des
chevaux, ferrures et soins vétérinaires à venir, sur simple présentation des factures jusqu'à l'enlèvement des
chevaux ; de condamner Madame [E] à leur payer à chacun la somme de 3000 € à titre de préjudice de jouissance ; de condamner Madame [E] à reprendre possession des
chevaux sous astreinte de 250 € par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; de la condamner à leur payer la somme de 7000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de la procédure de référé et les frais d'expertise.
Vu les conclusions de Madame [F] [E] notifiées par voie de RPVA le 24 septembre 2024 et par lesquelles il est demandé au tribunal de juger irrecevable l'action intentée par les époux [B] à son encontre ; de les débouter de l'intégralité de leurs prétentions ; à titre subsidiaire, de juger que le vice n'était pas caché puisque facilement décelable lors d'un examen approfondi, d'une visite d'achat ou par un professionnel ; de juger non établie l'existence d'une pathologie affectant les 2 équidés antérieurement à la vente du 12 juin 2020 ; de juger que les époux [B] ne justifient pas que ces fractures rendent les
chevaux impropres à leur usage de loisir ; de juger qu'ils n'ont pas fait soigner ni mis au repos les
chevaux lorsqu'il a été constaté le 22 juin 2020 leur boiterie et qu'ils sont responsables de leur état ; de débouter les époux [B] de leur demande tendant à voir prononcer la résolution de la vente en l'absence d'un vice caché antérieur ; de les débouter de l'intégralité de leurs prétentions ; de les condamner à lui payer la somme de 7000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile ; à titre encore plus subsidiaire, de les débouter de leur demande de dommages-intérêts au titre de la réparation d'un prétendu préjudice de jouissance et du remboursement des frais de transport et de débourrage ; de juger que la valeur des
chevaux est de 500 € par animal, qu'elle offre de rembourser ; de juger que les
chevaux devront être restitués à Madame [E] sur son élevage à [Localité 5] et que le prix du transport sera mis à la charge de Madame [E] dans la limite de 1500 € ; de les condamner à lui payer la somme de 7000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance du 25 septembre 2024 € 24 octobre 2024.
MOTIVATION RETENUE PAR LE TRIBUNAL
Attendu que par deux actes sous seings privés du 12 juin 2020, Madame [E] a vendu à Madame [N] [B] un
cheval Quarter Horse dénommé AZ Galloper Of Sun, âgé de 4 ans, non débourré, pour le prix de 3000 €, et à Monsieur [I] [B] le
cheval Quarter Horse dénommé AZ Doc Bar, également non débourré, âgé de 5 ans, pour le même prix ;
Attendu que les deux actes précisent que l'acheteur n'a pas fait réaliser de visite vétérinaire d'achat et a déclaré avoir examiné lui-même l'équidé exempt de blessures, de boiterie ou de tous vices apparents ;
Attendu que les
chevaux ont été confiés à Monsieur [U] pour leur transport jusqu'à son domicile et leur débourrage, après quoi les
chevaux ont été livrés au domicile des parents de Madame [B] le 19 juillet 2020 ;
Attendu que par la suite, il est apparu une boiterie sur les 2
chevaux, ou leur aggravation ; que le docteur [H] a ainsi constaté sur le
cheval AZ Doc Bar, le 21 septembre 2020, une fracture du condyle médial du canon antérieur droit d'apparition ancienne compte tenu du développement de l'arthrose et de la boiterie très modérée par rapport à la gravité de la lésion radiographique ; que le
cheval a déjà été observé modérément boîteux le 27 juillet lors de sa vaccination ; que ces éléments ne permettent pas de dater précisément l'apparition de la facture mais celle-ci est très probablement antérieure à l'achat du 12 juin 2020 ;
Attendu que s'agissant du
cheval AZ Galloper Of Sun, le même vétérinaire a constaté le 2 novembre 2020 une fracture ancienne du condyle médial du métacarpien évoluant depuis plusieurs mois compte tenu de l'arthrose et de la faible intensité de la boiterie ;
Attendu que de même, le professeur [Z] dans un compte rendu de lecture radiographique demandée par le docteur [H], a constaté une lésion traumatique évoluant depuis plusieurs mois sur les
chevaux ainsi que la présence de sclérose militant en faveur de lésion ancienne ;
Attendu qu'aucun accord n'étant intervenu entre les parties, les époux [B] ont obtenu par ordonnance de référé du 1er avril 2021 la désignation d'un expert judiciaire avec mission habituelle ; que le docteur [T] a procédé à ses opérations et déposé rapport le 18 février 2022 ; qu'il a conclu en ce sens que les lésions des 2
chevaux étaient anciennes et antérieures à la vente ;
Attendu que les époux [B] ont alors initié la présente procédure ;
Attendu qu'ils sollicitent la résolution de la vente des 2
chevaux sur le seul fondement de la garantie des vices cachés des articles
1641 et suivants du Code civil ; qu'ils font valoir de ce chef que les
chevaux étaient destinés à une utilisation particulière d'équitation de travail western et de grande randonnée ; qu'ainsi, l'article L213-1 du code rural prévoit qu'il est possible de déroger à l'application stricte de la garantie des vices rédhibitoires par une convention contraire ; qu'il est admis en jurisprudence qu'une telle convention peut avoir un caractère tacite ; qu'en l'espèce, cette convention tacite est établie par l'utilisation que souhaitaient en faire les acheteurs ;
Attendu Madame [E] conteste ces éléments ; qu'elle fait valoir que la vente des animaux est soumise à la garantie des vices rédhibitoires instituée par l'article L213-1 du code rural, sauf convention contraire ; que cette action est enfermée dans le bref délai de l'article R213 - 5 ; que ce délai de 10 jours constitue un délai de forclusion, ce dont il résulte que les époux [B] sont forclos sur le fondement de la garantie des vices rédhibitoires ; que seule une convention contraire expresse ou implicite peut permettre aux acheteurs d'invoquer la garantie des vices cachés de droit commun ; que cependant, cette garantie implicite ne peut résulter que des éléments du contrat et notamment de la destination des animaux vendus et du but que les parties ont poursuivi lors de la vente, à titre de condition essentielle du contrat ; qu'en l'espèce, aucun élément ne permet d'établir la preuve d'une telle convention implicite
;
Sur ce
:
Attendu que la vente d'animaux domestiques est en principe régie par la garantie des vices rédhibitoires des articles L213 -1 et suivants et R 213 - 1 et suivants du code rural ; que si les boiteries anciennes font partie des vices rédhibitoires, l'action pour cette cause doit être intentée dans le bref délai de 10 jours suivant la livraison de l'animal ;
Attendu que par exception, l'article L213 -1 dispose que les parties peuvent écarter l'application de l'action pour vices rédhibitoires au bénéfice de l'action en garantie des vices cachés des articles
1641 et suivants du Code civil lorsqu'une convention le prévoit ;
Attendu que l'intention des parties de déroger aux dispositions du code rural et de recourir à la garantie des vices cachés peut résulter d'une clause implicite du contrat, à la condition que cette intention résulte d'éléments objectifs ;
Or attendu qu'en l'espèce les époux [B] procèdent par affirmations non étayées ;
Attendu qu'ils affirment que les
chevaux étaient destinés à une utilisation particulière d'équitation western ;
Mais attendu qu'une telle affirmation est contredite par le fait que ces
chevaux ont été achetés pour le prix de 3000 € chacun, ce qui constitue un prix minimal pour des
chevaux Quarter Horse non débourrés de 4 ou 5 ans, sans aucune destination particulière autre que la balade, alors que de tels
chevaux destinés à une équitation western se négocient en moyenne plusieurs fois ce prix ;
Attendu d'autre part que les époux [B] ne rapportent pas la preuve qu'ils auraient pratiqué une telle équitation western antérieurement, et que tel était le but poursuivi lors de l'achat des
chevaux ; qu'il résulte de l'attestation de Monsieur [U], confirmée par les propres écritures des époux [B], que Monsieur [B] était un cavalier débutant et qu'il a chuté lorsqu'il est monté pour la première fois sur son
cheval ;
Attendu par ailleurs que lorsque l'on achète un équidé pour une destination particulière sportive, il est d'une élémentaire prudence de faire pratiquer sur l'animal une visite d'achat et à tout le moins des radios des pieds, ce que les époux [B] n'ont pas cru utile de faire en l'espèce ;
Attendu qu'ainsi, les demandeurs ne rapportent pas la preuve que les
chevaux acquis avaient une destination particulière et que le but poursuivi par eux à titre de condition essentielle était une utilisation des
chevaux à un usage autre que récréatif ;
Attendu qu'il échet en conséquence de les débouter de leur action uniquement fondée sur la garantie des vices cachés, non applicable en l'espèce ;
Attendu que l'équité s'oppose à l'application de l'article
700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame [E] ;
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
DÉBOUTE Madame [N] [B] et Monsieur [I] [B] de l'ensemble de leurs prétentions ;
DÉBOUTE Madame [E] de sa demande fondée sur l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [N] [B] et Monsieur [I] [B] aux entiers dépens de la présente instance, qui seront distraits dans les formes et conditions de l'article 699 du CPC.
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT