Cour d'appel de Paris, 21 mai 2008, 2007/03611

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2007/03611
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : H&M HENNES & MAURITZ SARL ; H&M HENNES & MAURITZ GmbH (Allemagne) ; H&M HENNES & MAURITZ AB (Suède) / CHANTELLE SA
  • Président : Monsieur Alain CARRE-PIERRAT
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Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS 4ème Chambre - Section A Numéro d'inscription au répertoire général : 07/03611 Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2007 Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005/0351 18 APPELANTES S.A.R.L. H & M HENNES ET MAURITZayant son siège[...]75009 PARISagissant poursuites et diligences de son gérantreprésentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Courassistée de Me F, avocat au barreau de PARIS, toque : P 390 STE H & M HENNES ET MAURITZ GMBDayant son siègeSpitalerstrasse 1222763 HAMBOURG - ALLEMAGNEassistée de Me F, avocat au barreau de PARIS, toque : P 390agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour Société H & M HENNES & MAURITZ ABayant son siègeRegeringsgastan 48 10638 STOCKHOLMagissant poursuites et diligences de ses représentants légauxassistée de Me F, avocat au barreau de PARIS, toque : P 390représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour INTIMEE S.A. CHANTELLEayant son siège[...]94230 CACHANprise en la personne de ses représentants légaux représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Courassistée de Me DE C PATRICE, avocat au barreau de, toque : L 280 COMPOSITION DE LA COUR ;L'affaire a été débattue le 25 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, PrésidentMadame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, ConseillerMme Brigitte CHOKRON, Conseillerqui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET

: CONTRADICTOIRE- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. Vu l'appel interjeté, le 26 février 2007, par les sociétés H&M HENNES ET M A AB, H&M HENNES ET MAURITZ GmbH et H&M HENNES ET MAURITZ Sari, d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 15 février 2007 qui : * les ayant déboutées de leur exception d'incompétence, s'est déclaré compétent, * a dit qu'elles se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon au préjudice de la société CHANTELLE par la commercialisation de modèles de lingerie constituant des copies quasi serviles des modèles de soutien-gorge et de short-string référencés respectivement 5381 et 5384 de la ligne MANAGUA appartenant à la société CHANTELLE, ce tant au titre des droits d'auteur qu'à celui des modèles communautaires non enregistrés, * leur a interdit de commercialiser des articles de lingerie constituant la reproduction à l'identique ou l'imitation de la ligne MANAGUA et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée passé le délai de 8 jours à partir de la signification du jugement, * les a condamnées à payer à la société CHANTELLE la somme de 300.000 euros, en réparation du préjudice subi, * a ordonné la publication du dispositif du jugement dans quatre journaux ou revues au choix de la société CHANTELLE et à leurs frais, sans que le coût par insertion ne puisse excéder la somme de 5.000 euros H.T., * a ordonné l'exécution provisoire du jugement, sauf pour les mesures de publication, * les a condamnées à payer à la société CH ANTELLE la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, * a dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires et les en a déboutées respectivement, * les a condamnées aux dépens y compris tous frais de saisie-contrefaçon ; Vu les dernières conclusions signifiées le 21 janvier 2008, aux termes desquelles les sociétés H&M HENNES ET MAURITZ AB, H&M HENNES ET MAURITZ GmbH et H&M HENNES ET MAURITZ Sarl, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demandent à la Cour de : sur les actions en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale, * décliner la compétence territoriale des juridictions françaises pour connaître des demandes de la société CHANTELLE à leur encontre, * déclarer en toute hypothèse la société CHANTELLE irrecevable, et en tout cas infondée, en l'ensemble de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et l'en débouter, sur les actions en contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés, * décliner la compétence territoriale des juridictions françaises pour connaître l'ensemble des demandes de la société CHANTELLE, et la renvoyer à se mieux pourvoir, * à titre subsidiaire, prononcer la nullité des deux modèles communautaires non enregistrés revendiqués par la société CHANTELLE, * déclarer en toute hypothèse la société CHANTELLE irrecevable, et en tout cas infondée, en l'ensemble de ses demandes en contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés et l'en débouter, sur les autres demandes : * condamner la société CHANTELLE à payer à chacune d'entre elles la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie et procédure abusives et celle de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, * condamner la société CHANTELLE aux entiers dépens ; Vu les uniques conclusions, en date du 18 septembre 2007, par lesquelles la société CHANTELLE, poursuivant la confirmation du jugement déféré, demande, à titre subsidiaire, à la Cour de : * juger qu'en commercialisant des articles de lingerie constituant des copies des modèles de la ligne MANAGUA, les sociétés H&M HENNES ET MAURITZ AB, H&M HENNES ET MAURITZ GmbH et H&M HENNES ET MAURITZ Sari ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice, * interdire en conséquence aux sociétés H&M HENNES ET MAURITZ AB, H&M HENNES ET MAURITZ GmbH et H&M HENNES ET MAURITZ Sari de commercialiser des articles de lingerie constituant des copies des modèles de la ligne MANAGUA et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée dans les 8 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, * en tout état de cause, condamner les sociétés H&M HENNES ET MAURITZ AB, H&M HENNES ET MAURITZ GmbH et H&M HENNES ET MAURITZ Sari à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ; Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 janvier 2008

; SUR CE, LA COUR,

Sur la procédure : * sur les conclusions et la communication des pièces : Considérant que par conclusions de procédure signifiées le 17 mars 2008, la société CHANTELLE demande à la Cour de rejeter les conclusions signifiées par les sociétés appelantes le jour de l'ordonnance de clôture, ainsi que les pièces produites le 24 janvier 2008 ; Mais considérant qu'il convient de relever que la société CHANTELLE a disposé d'un délai de trois mois, entre le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture et le jour de l'audience, si elle avait estimé utile de répliquer aux écritures des sociétés appelantes et dans cette hypothèse de solliciter, en application des dispositions de l'article 784 du Code de procédure civile, la révocation de l'ordonnance de clôture, étant relevé que ses conclusions de procédure ont été signifiées, sans aucune motivation, une semaine avant l'audience de plaidoirie ; Que, ayant disposé d'un temps utile pour répliquer aux conclusions des sociétés appelantes, la demande de la société CHANTELLE sera donc rejetée ; Que les pièces communiquées par les sociétés appelantes sous les n°1 à 37, déjà communiquées devant le tribunal, l'ont été, référence faite aux conclusions du 21 janvier 2008, à cette date de sorte que, d'une part, il n'y a lieu de les rejeter des débats et que, d'autre part, la société CHANTELLE disposait d'un temps utile pour éventuellement les constater en usant de la faculté qui lui était offerte, comme pour les écritures, par les dispositions de l'article 784 précité, de sorte que cette demande sera également rejetée ; * sur la compétence : Considérant que, en premier lieu, s'agissant des actions en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale, les sociétés H&M HENNES ET MAURITZ AB, H&M HENNES ET MAURITZ GmbH et H&M HENNES ET MAURITZ Sari soutiennent, en invoquant les règles de compétence judiciaire fixées par le Règlement CE n°44/2001, concernant la compétence ju diciaire, qu'ayant leur siège social respectif en Suède, en Allemagne et en France, chacune d'entre elles devrait être assignée respectivement devant la juridiction compétente de l'Etat dans lequel est situé son siège social, étant précisé que, selon elles, aucune des deux dérogations prévues respectivement par les articles 5-3 et 6-1 du Règlement précité ne serait, en l'espèce, applicable ; qu'elles demandent, en conséquence, conformément aux articles 2-1 et 6-1 du Règlement CE n° 44/2001 d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la compétence des juridictions françaises pour connaître des actions en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale de la société CHANTELLE dirigées contre la société suédoise H&M AB et contre la société allemande H&M GmbH ; Considérant que la société CHANTELLE qui n'opère pas dans son argumentation une distinction claire entre les règles de procédure applicables, d'une part, aux droits d'auteur et à la concurrence déloyale, et, d'autre part, aux modèles communautaires non enregistrés protégés en application de l'article 1.2 du Règlement du Conseil n° 6/2002 du 12 décembre 2001, fait valoir que, en vertu de l'article 82 du Règlement du Conseil n°6/2202 et de l'article 6.1 du Règlement du Conseil n°44/2001, le tribunal de commerce de Paris était incontestablement compétent pour statuer non seulement sur la responsabilité de la société H&M SARL, mais également sur celles de la société H&M GmbH et de la société H&M AB, cette dernière ayant organisé la commande et l'approvisionnement des articles contrefaisants pour le compte de la société H&M SARL; Considérant que, en droit, l'article 2-1 du Règlement CE n°44/2001 pose le principe de l'attribution de compétence aux tribunaux de l'État membre dans lequel le défendeur a son domicile ; que ce principe souffre de deux exceptions, la première qui est prévue à l'article 5-3 du règlement précité, qui prévoit que les actions en matière délictuelle ou quasi délictuelle peuvent être portées devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire, la seconde, posée à l'article 6-1 du même Règlement, qui prévoit que dans l'hypothèse où l'on se trouve en présence de plusieurs défendeurs, ceux-ci peuvent être attraits devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes été jugées séparément ; Considérant, en l'espèce, qu'il résulte, notamment, du procès-verbal de saisie-contrefaçon, dressé le 30 mars 2005, par Me Jérôme L, huissier de justice, que la société H&M SARL vendait, dans son magasin situé [...], des modèles argués de contrefaçon et que, à l'occasion de ces opérations, il a été indiqué par M. J, responsable juridique, que la filiale française se fournissait auprès de la société mère H&B AB, en Suède ;Que, en outre, la société CHANTELLE indique dans ses dernières écritures, avoir eu connaissance de la commercialisation des modèles, selon elle, contrefaisants dans diverses sociétés du groupe H&M dans de nombreux pays de l'Union européenne et notamment en Allemagne, en Suède, en Angleterre, en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne et en Belgique et qu'elle a adressé des lettres de mise en demeure aux sociétés H&M GmbH et H&M AB, d'avoir à cesser la commercialisation des articles litigieux ; Mais considérant que s'il ne peut être sérieusement contesté que la société H&M AB a effectivement participé aux actes de contrefaçon allégués en ayant fourni les modèles de lingerie litigieux à la société H&M SARL, de sorte que les dispositions de l'article 6.1 du Règlement CE n° 44/2001 doivent trouver application en raison de l'implication directe de la société suédoise dans la réalisation du dommage que la société CHANTELLE aurait subi sur le territoire français, force est de constater qu'un tel lien n'est pas rapporté en ce qui concerne la société de droit allemand H&M GmbH ; Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer lejugement déféré en ce que le tribunal a retenu sa compétence à l'égard de cette société ; Considérant, en second lieu, s'agissant de l'action en contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés, les sociétés appelantes invoquent pour décliner la compétence territoriale des juridictions françaises, les dispositions des articles 79 à 83 du règlement CE n° 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires, qui renvoient elles-mêmes au Règlement CE n° 44/2001, ayant remplacé la Convention de Bruxelles ; que, en outre, elles font, notamment, valoir que, en l'espèce, rien ne justifierait objectivement la compétence de la juridiction du domicile de la filiale française la société H&H SARL, plutôt que celle de sa maison mère la société H&M AB et que, en réalité, la société CHANTELLE n'aurait inclus la filiale française dans son action que pour pouvoir donner artificiellement un chef de compétence aux juridictions parisiennes ; Considérant que, en droit, les dispositions de l'article 82-1 du Règlement CE n°6/2002, posent le principe de l'attribution de co mpétence aux tribunaux de l'État membre dans lequel le défendeur à son domicile ; que toutefois, ce principe connaît deux exceptions, la première, prévue par l'article 82-5 du Règlement précité, selon laquelle les actions en contrefaçon peuvent être portées devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon de modèle communautaire a été commis ou menace d'être commis, la seconde, en cas de pluralité de défendeurs, le règlement précité renvoyant, aux termes de son article 79-1, expressément à la Convention de Bruxelles, donc au Règlement CE n°44/2001, dont l'article 6-1 a été précédemment examiné ; Considérant que, en l'espèce, quelles que soient les ambiguïtés dans la formulation de ses demandes par la société intimée, force est de constater que celle-ci demande réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi au regard de la masse contrefaisante telle que déterminée par la procédure de saisie-contrefaçon diligentée à Paris, de sorte que implicitement mais nécessairement il s'en déduit que le lieu du dommage est situé sur le territoire français, de sorte que le tribunal de commerce de Paris était compétent territorialement pour connaître de la procédure diligentée à l'encontre de la société H&M SARL et de la société suédoise H&M AB, directement impliquée dans la réalisation des actes de contrefaçon allégués, en application de l'article 6-1 du Règlement CE n° 44/ 2001 ; que, en revanche, pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus au titre des droits d'auteur et de la concurrence déloyale, le tribunal de commerce de Paris était incompétent territorialement pour connaître de la procédure diligentée par la société CHANTELLE à rencontre de la société de droit allemand H&M GmbH ; Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer sur ce point le jugement déféré ; Sur le fond : Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que : * la société CHANTELLE a pour activité la fabrication et la commercialisation, tant en France qu'à l'étranger, d'articles de lingerie féminine, corsetterie et sous-vêtements féminins, * dans la collection PASSIONATA, automne-hiver 2004/2005, figure notamment une ligne de sous-vêtements pour femmes dénommée MANAGUA, * la société CHANTELLE indique que, ayant eu connaissance de la commercialisation et de la promotion par la société H&M SARL, notamment dans le magasin à l'enseigne H&M, situé [...], de modèles de sous-vêtements reproduisant, selon elle, de manière servile ses propres modèles de la ligne MANAGUA, elle a, le 30 mars 2005, fait procéder, sur autorisation présidentielle du 29 mars 2005, à une saisie-contrefaçon au sein de ce magasin, étant précisé que, ainsi que précédemment retenu, la société H&M AB était présentée, par le directeur juridique de la société française, comme le fournisseur des modèles argués de contrefaçon, * c'est dans ces circonstances que la société CHANTELLE a engagé la présente procédure en contrefaçon et subsidiairement en concurrence déloyale ; Sur la titularité des droits : Considérant que, pour s'opposer à l'action engagée à leur encontre, les sociétés appelantes, demeurant en la cause, contestent la titularité des droits revendiqués par la société CHANTELLE sur les modèles dont elle revendique la protection, en faisant valoir que, d'une part, une personne morale ne peut se prévaloir, en invoquant les dispositions des articles 1349 et 1353 du Code civil, de la qualité d'auteur, laquelle ne saurait appartenir qu'à un être humain, personne physique, et que, d'autre part, aux termes des articles 1-2 et 11 du Règlement CE n°6/2002, un modèle ne serait protégé au titre de m odèle communautaire non enregistré que s'il est divulgué au public au sein de la Communauté ; Mais considérant, en premier lieu, que, s'agissant du droit d'auteur, il convient de retenir, en droit, que, selon les dispositions de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, de sorte qu'en l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé ce modèle, cet acte d'exploitation est de nature à faire présumer à l'égard des tiers, poursuivis en contrefaçon, qu'elle est titulaire sur cette oeuvre du droit de propriété incorporelle de l'auteur, indépendamment de la qualification de l'oeuvre, étant précisé que, toutefois, cette présomption de titularité des droits n'exonère pas la partie qui entend s'en prévaloir de rapporter la preuve d'une création déterminée à une date certaine ; Or, considérant que, en l'espèce, la société CHANTELLE verse, notamment, aux débats, d'abord, des catalogues présentant les modèles objets de sa collection automne-hiver 2004/2005 et de sa collection printemps-été 2005 dans lesquels sont reproduits les deux modèles référencés 53 81 et 53 84, étant relevé que, contrairement aux allégations des sociétés appelantes, les catalogues sont destinés à être diffusés auprès du public, ensuite, les. originaux datés des photographies du défilé des 23 au 26 janvier 2004, présentant la ligne MANAGUA, qui reproduisent, contrairement aux affirmations des sociétés appelantes, en page 1 le modèle de shorty-string, référencé 5384, en page 2, le modèle de soutien-gorge référencé 5381, en page 3, ce même modèle de soutien-gorge ainsi que le modèle de shorty-string précité, encore, des photographies reproduites dans différents magazines, entre les mois de mai et octobre 2004 (pièces n° 10 à 19) et, enfin, un bon de commande ainsi qu'une facture relatifs à la réalisation du catalogue PASSIONATA, automne-hiver 2004/2005 et différents bons de commande concernant les modèles litigieux, datés des 27 avril et 18 mai 2004, pour des livraisons effectuées les 1er et 10 août 2004 ; Et considérant qu'il s'ensuit que du fait de cette divulgation, la société CHANTELLE est fondée à se prévaloir de la titularité des droits d'auteur sur les modèles litigieux et de la protection instaurée par la Règlement CE n°6/2002 ; Sur la validité, au regard du droit d'auteur, des modèles MANAGUA 5381 et 5384 : Considérant que la société CHANTELLE caractérise les modèles en cause de la manière suivante : * le soutien-gorge MANAGUA, référencé 5381 : -partie avant : bonnets à armature réalisés à partir d'un tissu rayé bicolore et d'une incrustation de dentelle en vague contrastée à mi-hauteur des bonnets,- partie arrière : en tissu rayé bicolore,- apposition d'un noeud contrastant entre les bonnets,- sur la maille elle-même, jeu de motifs : motifs géométriques sur une rayure, résille sur l'autre, * le shorty-string MANAGUA, référencé 5384 :- structures de construction " rétro " avec taille basse échancrée sur les fesses,- réalisation à partir d'un tissu rayé bicolore et d'une incrustation de dentelle en vague contrastée,- apposition d'un noeud contrastant sur le devant,- sur la maille elle-même, jeu de motifs : motifs géométriques sur une rayure, résille sur l'autre ; Considérant que, s'agissant des droits d'auteur, les sociétés appelantes contestent l'originalité des modèles de la société CHANTELLE ; que, à cet effet, elles font valoir, d'abord, que ces deux modèles incorporent le motif de rayures du tissu créé et commercialisé, selon elles, en 2003, par la société DOGI INTERNATIONAL FABRICS, sous la référence 16120/16638, ensuite, que la forme tant du soutien- gorge que du shorty-string serait banale dès lors que l'utilisation de dentelle à motif fleuri au bas du shorty-string ou pour la confection de la partie supérieure des bonnets de soutien-gorge serait usuelle dans le domaine des articles de lingerie, de même que la présence d'un petit noeud de ruban à la ceinture du shorty-string et entre les bonnets du soutien-gorge ; Mais considérant que si l'originalité des modèles litigieux ne saurait effectivement résider dans la seule mise en forme du tissu créé par la société DOGI INTERNATIONAL FABRICS, il résulte de l'examen des pièces versées aux débats par les sociétés appelantes que, toute référence au tissu étant écartée, si certains des éléments des modèles en cause appartiennent au fond commun de la lingerie, leur combinaison, telle que revendiquée par la société CHANTELLE, confère aux modèles de soutien-gorge et de shorty-string de la ligne MANAGUA, dès lors que l'appréciation portée par la Cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par la combinaison des divers éléments les caractérisant et non par l'examen de chacun de ceux-ci pris individuellement, une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, de sorte que, ainsi que le tribunal rajustement retenu, les deux modèles dont la société intimée est titulaire, sont éligibles à la protection instituée au Livre I du Code de la propriété intellectuelle ; Sur la nullité des modèles communautaires non enregistrés : Considérant que les sociétés appelantes poursuivent la nullité des modèles litigieux, sur le fondement des dispositions de l'article 25-1 du Règlement CE n°6/2002, motifs pris de leur défaut de caractère i ndividuel qui est l'une des conditions de protection d'un modèle communautaire prévues par l'article 4-1 du même Règlement, en faisant valoir que ni la forme des deux modèles de sous- vêtements, ni l'emplacement de la dentelle et du petit noeud de ruban décoratif, ne différeraient de manière significative de la forme et de la décoration de quantité de modèles similaires de lingerie divulgués antérieurement ; Mais considérant que, force est de constater que, les sociétés appelantes qui se bornent à formuler une pétition de principe, ne versent aux débats aucune pièce de nature à antérioriser de toute pièce les modèles de la société CHANTELLE, de sorte que ceux-ci présentent le caractère individuel requis leur permettant d'accéder à la protection instituée par le Règlement précité ; Qu'il convient, en conséquence, de confirmer, sur ce point, le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés appelantes ; Sur la contrefaçon : Considérant en droit, que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances qui doivent conférer aux modèles opposés une même physionomie d'ensemble ; Or, considérant que, en l'espèce, il résulte de l'examen auquel la Cour s'est livrée que les modèles argués de contrefaçon ne présentent pas la même impression visuelle globale que ceux dont la société CHANTELLE est titulaire et qui sont, les uns et les autres, ci-dessous, reproduits : Sous-vêtements commercialisés par H & M42 Qu'en effet, s'agissant des modèles de soutien-gorge, la forme des bonnets est enveloppante dans le modèle de la société intimée, alors qu'elle découvre le haut des seins de l'utilisatrice de celui des sociétés appelantes, étant, en outre, relevé que la moitié supérieure des bonnets du soutien-gorge de la société CHANTELLE est confectionnée en dentelle laissant deviner la peau de l'utilisatrice à travers les ajours, alors que dans le modèle des sociétés H&M les bonnets sont entièrement constitués de tissu, avec un simple liseré de dentelle cousu sur le bord supérieur sans que la peau de l'utilisatrice puisse apparaître par transparence et, en outre, chaque bonnet du soutien-gorge de la société intimée est équipé d'une bretelle double, dont les deux élastiques s'étendent parallèlement entre eux et sans discontinuité jusque sur l'épaule de l'utilisatrice, alors que le soutien-gorge des sociétés appelantes est constitué d'une bretelle simple interrompue, au tiers de sa longueur, par un petit noeud décoratif à partir duquel la bretelle est prolongée par deux rubans formant un angle aigu en patte d'oie, de façon à former un ajour triangulaire avec le bord supérieur du bonnet ; Que, s'agissant, des modèles de shorty-string, il convient de relever que le modèle de la société intimée présente, d'abord, une taille basse, dont l'élastique se positionne sur leshanches de l'utilisatrice alors que la forme du modèle des sociétés H&M est nettement plus échancrée, son élastique passant du haut d'une hanche à l'autre en formant un arc de cercle suffisamment prononcé pour découvrir le ventre, ensuite, que la partie avant du modèle de la société CHANTELLE est constituée d'une seule pièce de tissu à rayures verticales, alors que la partie avant du string des sociétés appelantes est constituée de deux pièces de tissu reliées entre elles par une couture séparant visiblement le sous-vêtement en deux parties, orientées l'une par rapport à l'autre de façon à ce que leurs rayures forment un motif à chevron, et, enfin, que le modèle de la société intimée est décoré par un noeud de ruban, décalé vers la hanche droite de l'utilisatrice, tandis que sur le modèle des sociétés H&M, le noeud, plus discret, est positionné à égale distance des hanches, de sorte que les modèles opposés ne présentent pas la même impression visuelle globale ; Considérant qu'il résulte de ces éléments une absence de risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen de la catégorie des produits concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de sorte que le jugement déféré sera, sur ce point, infirmé et la société CHANTELLE déboutée de sa demande en contrefaçon ; Sur la concurrence déloyale et la parasitisme : Considérant que, à titre subsidiaire, la société CHANTELLE invoque à l'encontre des sociétés appelantes, en premier lieu, des actes de concurrence déloyale ; que, à cette fin, elle fait valoir, d'abord, qu'en fabriquant et commercialisant des articles de lingerie imitant sa collection MANAGUA, les sociétés appelantes lui auraient engendré un trouble commercial illicite, ensuite, qu'elles n'auraient pas attaché à la réalisation des produits qu'elles commercialisent le même souci de qualité, enfin, qu'elles auraient commercialisé leurs produits à vil prix ; Mais considérant que le principe de la liberté du commerce implique que le simple fait de commercialiser un produit concurrent ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, en l'absence de tout risque de confusion dans l'esprit des consommateurs sur l'origine du produit ; Or considérant qu'il se déduit de la motivation précédemment retenue par la Cour au titre de la contrefaçon, que, en l'espèce, tout risque de confusion entre les modèles opposés est exclu ; Considérant, par ailleurs, que la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent ne saurait être regardée, en tant que telle, comme fautive et procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence ; Qu'il s'ensuit que les prétentions émises par la société CHANTELLE au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées ; Sur les autres demandes : Considérant que les sociétés appelantes sollicitent la condamnation de la société CHANTELLE au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie et procédure abusives ; Mais considérant que, d'une part, la société CHANTELLE a pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de ses droits et que, d'autre part, les sociétés appelantes ne démontrent pas que la présente procédure ait été engagée dans le seul but de leur nuire, de sorte que leur demande sera rejetée ; Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société CHANTELLE ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à chacune des sociétés appelantes une indemnité de 5.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Dit qu'il n'y a lieu à rejeter les conclusions et les pièces signifiées le 21 janvier 2008 par les sociétés appelantes, Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il s'est reconnu territorialement compétent à l'égard des sociétés H&M HENNES ET MAURITZ SARL et H&M HENNES ET MAURITZ AB, reconnu la titulante des droits d'auteur de la société CHANTELLE sur les modèles en cause de sa ligne MANAGUA, et leur validité, Et, statuant à nouveau, Dit que le tribunal de commerce de Paris n'était pas territorialement compétent pour connaître de l'action engagée par la société CHANTELLE à l'encontre de la société H&M HENNES ET MAURITZ GmbH, Déboute la société CHANTELLE de l'ensemble de ses prétentions, Condamne la société CHANTELLE à verser à chacune des sociétés H&M HENNES ET MAURITZ Sari, H&M HENNES ET MAURITZ AB et H&M HENNES ET MAURITZ GmbH une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,Condamne la société CHANTELLE aux dépens qui seront recouvrésconformément à l'article 699 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes,