COUR D'APPEL DE NANCY ARRÊT DU 17 JANVIER 2011
première chambre civile Numéro d'inscription au répertoire général : 10/00327
Décision déférée à la Cour : Recours formé le 03 Février 2010 d'une décision de l'Institut National de la Propriété Industrielle en date du 05 janvier 2010, statuant sur l'opposition exercée contre la marque POELES DE CAROTTES DELICIEUSEMENT VEGETARIENNES déposée le 1er avril 2009 N° 09 3 640 961,
DEMANDERESSE AU RECOURS : S.A.R.L. 47, SARL unipersonnelle au capital de 8.000 € immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le N° B 453 928 368, représenAr son gérant M. Yoha[...]des Meuniers - 67000 STRASBOURG, représentée par Maître Pascal CREHANGE, avocat au barreau de STRASBOURG,
DEFENDEUR AU RECOURS INPI - INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, dont le siége est 26 Bis Rue de Saint Petersbourg – 75800 PARIS CEDEX 08, prise en la personne de son Directeur pour ce domicilié audit siège, Représenté par Mademoiselle Marianne CANTET, chargée de mission habilitée, munie d'un pouvoir,
APPELE EN CAUSE : Madame Marie Héléne DELTORT, Conseiller, Madame Joëlle ROUBERTOU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame DEANA ; Le dossier a été communiqué au Ministère Public, A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2011, en application de l'article
450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 17 janvier 2011, par Madame DEANA, Greffier, conformément à l'article
450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Madame DEANA, greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE
:
La SARL 47 a déposé le 1er avril 2009, la demande d'enregistrement n°09 3 640 961, portant sur le signe complexe POÊLES DE CAROTTES DÉLICIEUSEMENTVÉGÉTARIEN ; ce signe était destiné à distinguer les produits et services suivants : 'Fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; oeufs, lait et produits laitiers ; beurre ; salaisons ; fromages ; boissons lactées où le lait prédomine. Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farine et préparations faites de céréales, pain,pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ; sandwiches, pizzas ; crêpes (alimentation) ; biscuiterie ; gâteaux ; biscottes ; sucreries ; chocolat. Boissons alcooliques (à l'exception des bières) ; cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; extraits ou essences alcooliques. Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services Kaiteurs ; services hôteliers' ; le 29 juin 2009, Monsieur Pirouz KAZEMI a formé opposition à l'enregistrement de cette marque ; la marque antérieurement invoquée dans cet acte était la marque complexe RESTAURANTPOÊLES DE CAROTTES DÉLICIEUSEMENT VÉGÉTARIEN, renouvelée par déclaration en date du 5 juin 2009 sous le n°99 775 001 ; cet enregistrement portait sur les services suivants : 'restauration (alimentation)' ; l'opposition formée à l'encontre de l'intégralité des produits et services désignés dans la demande d'eKtrement contestée, a été notifiée le 2 juillet 2009, à la SARL 47 ; dans ses observations, la SARL 47 a invité Monsieur Pirouz KAZEMI à produire des preuves d'usK la marque antérieure ; suite à cette invitation qui a été notifiée le 10 août 2009, des pièces ont été fournies par Monsieur Pirouz KAZEMI dans le délai imparti ; le 12novembre 2009, l'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE a notifié aux parties un projet de décision établi au vu de l'oKion et des observations en réponse ;
Monsieur Pirouz KAZEMI a fait valoir que les produits et services de la demande d'enregistrement déposée par la SARL 47 étaient identiques aux services de la marque antérieure invoquée ;
La SARL 47 a contesté la comparaison des signes et n’a présenté aucune observation sur la comparaison des produits et services;
Par décision en date du 5 janvier 2010, le Directeur Général de l'INSTITUTNATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE a :
-décidé comme suit :
'article 1er : l'opposition numéro 09-2173 est reconnue partiellement justifiée, en ce qu'elle porte sur les produits et services suivants : 'fruits et légumes cuits,; gelées, confitures, comportes, produits laitiers salaisons, fromages, boissons lactées où le lait prédomine. Café, thé, préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, sandwiches, pizzas, crêpes (alimentation), biscuiterie, gâteaux, biscottes, sucreries, chocolat. Boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs (alcools et liqueurs), vins, spiritueux. Services de restauration (alimentation) services de bars, services de traiteurs',
article 2 : la demande d'enregistrement n° 09 3 640 961 est partiellement rejetée pour les produits et services précités' ;
Pour statuer ainsi, le Directeur Général a retenu, sur le fondement de l'article
R 712-17 du Code de la propriété intellectuelle, que, contrairement à ce que soutenait la SARL 47, il suffisait que la marque antérieure soit exploitée parletitulaire ou avec le consentement de ce dernier pour que la preuve de son usage soit rapportée ; le Directeur GénKa expliqué qu'il n'appartenait pas à l'INPI de se substituer aux tribunaux qui ont seuls compétence pour apprécier la portée de l'usage sur le maintien du droit à la marque, qu'or Monsieur Pirouz KAZEMI, titulaire de la marque antérieure, ayant satisfait à l'obligation de l'article
R 712-17 du Code de la propriété intellectuelle, il n'y avait pas lieu de clore la procédure Kirecteur Général a affirmé que les 'Services de restauration (alimentation)' de la demande d'enregistrement apparaissaient identiques aux services de la marque antérieure invoquée par Monsieur Pirouz KAZEMI ; le Directeur Général a fait valoir que la SARL 47 neKit invoquer la différence d'activité des parties en présence (exploitation d'un restaurant végétarien pour la SARL 47, exploitation d'un hôtel proposant un service de restauration en accessoire pour Monsieur Pirouz KAZEMI) puisque la comparaison des produits et services devait s'effectuer entre les produits et services tels que désignés dans les libellés des marques en présence indépendamment de l'activité réelle ou supposée des titulaires de ces marques ; le Directeur Général a considéré qu'il résultait d'une comparaison globale et objective des signes que ceux-ci avaient en commun les termes POÊLES DE CAROTTES DÉLICIEUSEMENT VÉGÉTARIEN ainsi que la représentation de cinq éléments figuratifs représentant des couverts et une carotte stylisés de sorte qu'ils étaient différent par la présence, dans la marque antérieure, du terme RESTAURANT et par la présentation sous forme d'ardoise du signe contesté ; le Directeur Général a ajouté que la présentation du signe contesté sur un fond d'ardoise n'affectait pas le caractère immédiatement perceptible des éléments communs de sorte qu'il existait un risque de confusion sur l'origine des signes mais aussi dans l'esprit du public ;
La SARL 47 a formé un recours contre cette décision par déclaration en date du 3 février 2010Kpan>
A l'appui de son recours et dans ses dernières conclusions en date du 7 octobre 2010, la SARL 47 soutient que la pièce produite par Monsieur Pirouz KAZEMI ne justifie en aucun cas de l'usage de la marque telle que déposée et ne remplit pas les conditions de l'article
R 712-17 du Code de la propriété intellectuelle ; la SARL 47 argue de ce que le rôlK'INPI est de contrôler la pertinence de la pièce pour conclure à l'usage de la marque en cause, et que faut-il encore démontrer l'existence réelle de l'usage et un usage commercial de la marque antérieure ; la SARL 47 explique que la pièce produite par Monsieur Pirouz KAZEMI est une simple copie d'écran ne portant aucune date certaine puisque la seule mention figurant sur l'extrait internet est la mention 'copyright 2008" ce qui ne correspond à aucune réalité juridique ; de même, la SARL 47 précise, sur le fondement de l'article 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, que l'apposition d'une variante à la marque enregistrée sur un document publicitaire tel qu'un site internet ne peut suffire à justifier l'existence d'un usage sérieux de Kque commerciale ; qu'un tiers non identifié est le véritable auteur de l'exploitation de sorte qu'il n'est pas certain que le consentement du titulaire de la marque existe ; la SARL 47 fait valoir que l'examen comparatif entre le signe utilisé sur la pièce produite par Monsieur Pirouz KAZEMI et la marque telle qu'enregistrée par lui, permet de constater des différences significatives notamment dans les couleurs utilisées maisaussi dans la police des caractères ; la SARL 47 ajoute encore que le slogan 'DÉLICIEUSEMENT VÉGÉTARIEN' n'apparaît pas sur le site internet, de même que le terme 'RESTAURANT' de sorte qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les deux marques ;
Par conséquent, la SARL 47 demande à la Cour de :
-vu l'article
L 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle,
-vu les articles
R 712-17,
R 712-18 du Code de la Propriété Intellectuelle,
-déclarer le recours exercé par la société 47 recevable et bien fondé,
-en conséquence,
-constater que l'opposanltisfait à l'obligation qui lui est faite à l'article
R 712-17 du Code de la Propriété Intellectuelle, la pièce produite n'étant pas suffisamment pertinente, -annuler la décision de Monsieur le Directeur de l'INPI en date du 5 janvier 2010,
-condamner Monsieur KAZEMI au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile,
-condamner Monsieur KAZEMI aux entiers frais et dépens de l'instance ;
Dans ses dernières conclusions en date du 17 septembre 2010, Monsieur
Pirouz KAZEMI soutient que, contrairement à ce que prétend la SARL 47,
l'article R 712-7 du Code de propriété intellectuelle n'exige nullement que
l'opposant à la marque produise la preuve d'un usage sérK Monsieur Pirouz
KAZEMI précise, que conformément à l'article
L 714-5 du Code de propriété
intellectuelle, la vérification d'un usage sérieux de la marque antérieure ne
relève nullement du Directeur Général de l'INPI mais du juge judiciaireK d'une
demande de déchéance des droits du titulaire de la marque ; Monsieur Pirouz
KAZEMI ajoute que la SARL 47 savait qu'il est le propriétaire de la marque et il
rappelle qu'il a toujours agi en propriétaire de celle-ci, puisqu'il a effectué en ce
sens plusieurs démarches auprès de l'INPI en juillet 2007 puis en 2009 ;
MonsiKrouz KAZEMI indique, qu'il a produit les pièces permettant d'établir
l'usage de la marque ;Monsieur Pirouz KAZEMI rappelle que la marque eKploitée dans le cadre d’un hôtel-restaurant ‘MARCHAL’, lui-même exploité par la SARL KPI dont il est le gérant et l’associé majoritaire de sorte que l’usage de la marque est fait avec son consentement;
Par conséquent, Monsieur PiKAZEMI demande à la Cour de :
-débouter la SARL 47 de l'ensemble de ses moyens et conclusions,
-condamner la SARL 47 à verser à Monsieur KAZEMI une somme de 2.000 € au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile,
-condamner la SARL 47 aux entiers frais et dépens ;
Dans ses observations en date d 17 juin 2010, le Directeur Général de l'INPI répond qu'il ne lui appartient pas d'apprécier si lKditions posées par l'article
L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle sont remplies, mais uniquement de vérifier si les pièces produites au cours de la procédure répondent aux conditions posées par l'article
R 712-17 du même Code de sorte qu'il ne peut conclure qu'à la poursuite de la procédure d'opposition ; le Directeur Général de l'INPI explique que Monsieur Pirouz KAZEMI a fourni des pièces (deux copies d'écran du site internet) comportant la mention 'copyright 2008" avec un date antérieure à la demande de preuves intervenue le 4 août 2009 de sorte que la SARL 47 ne saurait contester la validité de ces pièces ; le Directeur Général de l'INPI rappelle que l'Institut n'a pas à apprécier la portée de l'usage de sorte qu'uKle pièce lorsqu'elle est pertinente, suffit à empêcher la clôture de la procédure d'opposition ;
Le Directeur Général de l'INPI indique que l'Institut n'a pas le pouvoir d'exiger de l'opposant la preuve du lien unissant au tiers qui exploite sa marque mais rappelle que Monsieur Pirouz KAZEMI est propriétaire de la marque, par l'intermédiaire de la SARL KPI dont il est gérant, et que dès lors il est clair que l'hôtel-restaurant bénéficiait de l'accord implicite de Monsieur Pirouz KAZEMI pour exploiter la marque antérieure ;
Par conséquent, le Directeur Général de l'INSTITUT NATIONAL DE LAPROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE demande à la Cour de dire le recours mal fondé ;
SUR CE :
Attendu qu'aux termes de l'article
R 712-17 du Code de la Propriété Intellectuelle 'le titulaire de la demande d'enregistrement peut, dans ses premières observations en réponse, inviter l'opposant à produire des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d'exploitation n'est pas encourue. Ces pièces doivent établir l'exploitation de la marque antérieure, au cours des cinq années précédant la demande de preuves d'usage, pour au moins l'un des produits ou services sur lesquels est fondée l'opposition ou faire état d'un juste motif de non-exploitation' ;Que l'article
R 712-18 du même code dispose que la procédure d'opposition est clôturée lorsque l'opposant n'a fourni dans le délai imparti 'aucune pièce propre à établir que la déchéance de ses droits n'est pas encourue' ;
Attendu que les textes précités ne confèrent au directeur de l'INPI que des pouvoirs limités à la vérification de la fourniture de pièces par l'opposant dans le délai imparti et à la vérification que ces pièces sont propres à attester d'un usage commercial de la marque ;
Que le directeur n'a pas reçu pouvoir, hormis le cas d'un défaut de pertinence avéré, de se substituer au tribunal pour se prononcer sur la portée exacte des pK produites ; que cette appréciation relève de la seule compétence du tribunal saisi d'une action en déchéance ;
Attendu que force est de constater en l'espèce que Monsieur KAZEMI a produit deux copies d'écran du site internet de l'hôtel restaurant MARCHAL comportant la mention 'copyright ALTENIS 2008" propriété de la SARL KPI dont Monsieur KAZEMI est le gérant ;
Qu'en l'état et eu égard au cadre du présent recours, ces documents, qui attestent de l'utilisation antérieure de la marque litigieuse dans le cadre de l'activité de restauration de l'hôtel MARCHAL (menu végétarien) répondent suffisamment aux prescriptions réglementaires susindiquées ;
Que d'autre part, il n'appartient pas l'INPI d'apprécier la forme sous laquelle la marque antérieure est exploitée et de dire si la forme modifiée de l'exploitation du signe altère ou non le caractère distinctif ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter le recours ; que succombant en celui- ci, la société 47 SARL sera condamnée à payer à Monsieur KAZEMI la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
:
Rejette le recours ;
Condamne la SARL 47 à payer à Monsieur KAZEMI la somme de MILLE CINQ KEUROS (1.500 €) sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur DORY, Président de la première Chambre Civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame DEANA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.