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Tribunal administratif de Pau, 1ère Chambre, 15 décembre 2022, 2001382

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Pau
  • Numéro d'affaire :
    2001382
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Rapporteur : M. Clen
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : SCP CASADEBAIG & ASSOCIES
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Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Pau
15 décembre 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2020 et le 16 août 2022, la société à responsabilité limitée (SARL) Ayphassorho Béarn, représentée par Me Casadebaig, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le titre exécutoire du 14 mai 2020 émis à son encontre par le maire de la commune des Eaux-Bonnes, d'un montant de 8 647,20 euros, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme ; 2°) de mettre à la charge de la commune des Eaux-Bonnes la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le titre exécutoire est insuffisamment motivé, en l'absence de précisions sur les bases de la liquidation de la créance ; - le titre exécutoire est dépourvu de base légale dès lors que la créance revendiquée par la commune des Eaux-Bonnes n'est aucunement exigible, certaine et liquide, en se fondant uniquement sur un rapport d'expertise daté du 28 avril 2014 ; - la créance dont se prévaut la commune des Eaux-Bonnes est frappée de prescription puisqu'elle est fondée sur le rapport d'expertise daté du 28 avril 2014, antérieur de plus de cinq ans à l'émission du titre de recettes. La requête a été communiquée le 28 juillet 2020 à la commune des Eaux-Bonnes qui n'a pas produit d'observations en défense, en dépit d'une mise en demeure datée du 30 novembre 2021. Les parties ont été informées, par un courrier du 16 novembre 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tiré de l'absence de motivation des bases de liquidation de la dette, qui n'est pas d'ordre public, soulevé postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux (Conseil d'État, Section, 20 février 1953, Société Intercopie, n° 9772). Par ordonnance du 24 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2022. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B, - et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

: 1. Dans le cadre du marché public de travaux pour la réalisation d'un équipement touristique dénommé " maison de Gourette ", la commune des Eaux-Bonnes (Pyrénées-Atlantiques) a attribué à la société à responsabilité limitée (SARL) Ayphassorho Béarn la réalisation du lot n° 11 (plomberie - sanitaire - chauffage - ventilation) par actes d'engagement datés des 7 juin et 30 septembre 2010. Des dysfonctionnements ayant été constatés sur la pompe à chaleur, un expert judiciaire a été désigné et des travaux de reprise ont été réalisés, en novembre 2014, par la requérante. La réception du lot n° 11 a été prononcée avec réserves le 10 décembre 2015. Le 17 mai 2017, la commune a sollicité une nouvelle expertise judiciaire portant sur les désordres affectant le système de chauffage. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rendu un rapport le 10 décembre 2019. Par une délibération du 12 juillet 2018, la commune a décidé de mettre à la charge de la SARL Ayphassorho Béarn la somme de 8 647,20 euros correspondant à 30 % du montant du préjudice chiffré par le premier expert, et selon la clé de répartition qu'il avait proposée. Par la présente requête, cette entreprise demande au tribunal d'annuler le titre exécutoire du 14 mai 2020 émis à son encontre par le maire de la commune des Eaux-Bonnes, d'un montant de 8 647,20 euros, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme. Sur le bien-fondé de la créance : 2. Aux termes de l'article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales : " Les produits des communes () qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés : - soit en vertu de jugements ou de contrats exécutoires ; - soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires par le maire en ce qui concerne la commune et par l'ordonnateur en ce qui concerne les établissement publics () ". 3. Lorsqu'une commune entend affirmer l'existence d'une créance à l'égard d'un tiers, il lui appartient d'émettre un titre de recettes, dont le caractère exécutoire sera le cas échéant suspendu par la saisine du juge compétent en vertu de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. Le fondement de la créance ainsi constatée doit cependant se trouver dans les dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi-délictuelles du débiteur. Il appartient ainsi au juge de vérifier qu'à la date à laquelle il statue, la créance a un caractère exigible, certain et liquide et, par suite, si cette créance est fondée sur l'application d'un contrat, d'examiner si l'ordonnateur a fait une correcte application des clauses de ce contrat. 4. Il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations de la délibération du 12 juillet 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune des Eaux-Bonnes a autorisé le maire à mettre en recouvrement par titre de recettes exécutoire la somme de 8 647,20 euros mise à la charge de la SARL Ayphassorho Béarn, que la créance dont cette entreprise a été constituée débitrice est fondée sur le rapport d'expertise judiciaire rendu le 28 avril 2014. Ce rapport, ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Pau après sa saisine par la commune des Eaux-Bonnes afin d'établir l'existence de dysfonctionnements affectant le système de chauffage de la maison de Gourette et, le cas échéant, de déterminer la répartition des responsabilités et de chiffrer le préjudice, a effectivement, aux termes de la délibération du 12 juillet 2018, retenu la responsabilité de la SARL Ayphassorho Béarn à hauteur de 30 % et évalué le montant total du préjudice subi à la somme de 28 824 euros. Il résulte des écritures de la requérante, qui ne sont pas contestées en défense, la commune s'étant abstenue de produire à l'instance malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, qu'une nouvelle expertise judiciaire a été ordonnée, le 29 juin 2017, par le juge des référés, sur saisine de la commune, et que l'expert désigné a rendu son rapport le 10 décembre 2019. Dans ces conditions, la délibération du 12 juillet 2018 a fixé le montant de la créance par référence au premier rapport d'expertise, en présumant l'accord des parties quant à la répartition des responsabilités et au montant du préjudice. En l'absence de décision juridictionnelle, ce rapport ne permet pas de fixer définitivement le montant dû par le co-contractant au titre de l'indemnisation des dysfonctionnements du système de chauffage. Dès lors, la créance dont la SARL Ayphassorho Béarn a été constituée débitrice n'est certaine ni dans son principe, ni dans son montant. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que le titre exécutoire litigieux doit être annulé et que la SARL Ayphassorho Béarn doit être déchargée de l'obligation de payer la somme de 8 647,20 euros. Sur les frais du litige : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune des Eaux-Bonnes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Ayphassorho Béarn et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le titre exécutoire émis par le maire de la commune des Eaux-Bonnes le 14 mai 2020, à l'encontre de la SARL Ayphassorrho Béarn, d'un montant de 8 647,20 euros, est annulé. Article 2 : La SARL Ayphassorho Béarn est déchargée de la somme correspondant à ce titre exécutoire. Article 3 : La commune des Eaux-Bonnes versera à la SARL Ayphassorho Béarn une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Ayphassorho Béarn et à la commune des Eaux-Bonnes. Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Sellès, présidente, Mme Beneteau, première conseillère, Mme Neumaier, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022. La rapporteure, Signé A. B La présidente, Signé M. A La greffière, Signé P. SANTERRE La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition : La greffière,