Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 14 décembre 2010, 09-16.755, Publié au bulletin

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-12-14
Cour d'appel de Paris
2009-06-26

Résumé

Justifie légalement sa décision au regard de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle la cour d'appel, qui, pour apprécier l'existence de la mauvaise foi de celui qui a procédé à l'enregistrement d'une marque, se place au moment du dépôt et prend en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce

Texte intégral

Sur le premier et le second moyens

, rédigés en termes identiques, réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2009), que la société IBA, aux droits de laquelle vient la société C&I, est titulaire d'une marque française verbale "Cocofrigo" déposée le 23 octobre 1998 et d'une marque française tridimensionnelle déposée le 9 juillet 2003 consistant en la forme d'oeuf de son produit désodorisant, enregistrées pour désigner notamment des désodorisants autres qu'à usage personnel ; qu'elle a poursuivi la société de droit italien Tavola avec laquelle elle entretenait des relations d'affaires, lui reprochant d'avoir déposé frauduleusement et de mauvaise foi le 13 mars 2001, sous priorité d'un dépôt effectué en Italie le 12 janvier 2001, une marque internationale tridimensionnelle n° 754 495, en forme d'oeuf, désignant notamment la France ;

Attendu que la société C&I fait grief à

l'arrêt d'avoir déclaré prescrite l'action en revendication de la partie française de la marque internationale n° 754 495 déposée par la société Tavola et d'avoir rejeté la demande subsidiaire tendant à voir prononcer la nullité de la partie française de cette marque, alors, selon le moyen, que la personne en fraude des droits de laquelle a été enregistrée une marque peut en revendiquer la propriété sans que le déposant puisse lui opposer la prescription triennale réservée au déposant de bonne foi ; qu'agit de mauvaise foi le déposant qui procède frauduleusement à l'enregistrement d'une marque ; qu'est frauduleux le dépôt d'une marque effectué par un déposant en parfaite connaissance de la création et de l'exploitation antérieure et continue du signe par un autre opérateur économique qui l'a autorisé à exploiter parallèlement ce signe à l'étranger ; qu'en l'espèce, la société C&I, venant aux droits de la société IBA, faisait valoir qu'elle avait créé en 1999 un désodorisant pour réfrigérateur en forme d'oeuf comportant dans sa partie supérieure des ouvertures lancéolées réparties en étoile le long de la calotte supérieure, que ce produit était largement commercialisé par elle en France depuis 1999 ainsi qu'à l'étranger, notamment en Belgique et en Espagne, qu'elle avait autorisé en 1999 la société Tavola, qui était son distributeur exclusif en Italie pour d'autres produits d'entretien et absorbeurs d'odeurs, à s'adresser à son fabricant et à utiliser le moule de son nouveau produit pour en assurer la distribution en Italie ; que la société C&I en déduisait que, connaissant ainsi parfaitement la création et l'exploitation de la forme de ce produit par la société IBA, c'était de mauvaise foi et en fraude de ses droits et intérêts que la société Tavola avait, à son insu, en ne l'en avertissant qu'un an plus tard, déposé le 13 mars 2001 une marque internationale visant la France reproduisant à l'identique la forme de son propre produit, pour désigner des désodorisants et absorbeurs d'odeurs pour réfrigérateurs ; qu'en retenant qu'il ne peut être déduit de la seule existence de relations commerciales entre les parties que la société Tavola a déposé de mauvaise foi la marque tridimensionnelle internationale visant la France, et que le fait que la société Tavola ait attendu plus d'un an pour prévenir la société IBA du dépôt de cette marque ne pouvait caractériser sa mauvaise foi, alors que celle-ci s'apprécie au moment du dépôt, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, ayant parfaitement connaissance de la création et de la commercialisation par la société IBA d'un désodorisant pour réfrigérateur ayant la forme objet de son dépôt de marque internationale et distribuant elle-même en Italie ce produit avec l'accord de la société IBA, la société Tavola n'avait pas, en procédant au dépôt de marque litigieux sans même en avertir antérieurement ou dans le même temps la société IBA, cherché à nuire à cette société en s'appropriant le conditionnement créé et exploité par celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et du principe fraus omnia corrumpit ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que non seulement la société Tavola avait expliqué à la société IBA qu'elle avait procédé au dépôt litigieux pour empêcher un tiers de lancer sur le marché une copie du produit, mais encore qu'elle avait proposé de lui céder les droits sur la marque internationale contre le seul remboursement des frais d'enregistrement et estimé que la mauvaise foi ne pouvait se déduire de la seule existence de relations commerciales entre les parties, la cour d'appel, qui s'est placée au moment du dépôt et qui a pris en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société C&I aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Tavola SPA la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Hemery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société C&I aux droits de la société IBA. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, déclaré prescrite l'action en revendication de la Société C & I de la partie française de la marque internationale n° 754.495 déposée par la Société TAVOLA ; AUX MOTIFS QUE « la Société TAVOLA fait grief aux premiers juges d'avoir retenu sa mauvaise foi pour écarter la prescription de l'action en revendication intentée par la Société IBA, aujourd'hui C & I, sur le fondement de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ; que suivant l'alinéa 2 de ce texte, « à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement » ; que la mauvaise foi ne se présume pas et il appartient à celui qui l'invoque d'en rapporter la preuve ; que pour retenir la mauvaise foi de la Société TAVOLA, le Tribunal, après avoir rappelé que les parties avaient été en relations d'affaires depuis 1994 puis que la Société TAVOLA avait commercialisé en Italie sous sa marque MISTER MAGIC un désodorisant sous forme d'oeuf fabriqué par le fournisseur coréen de la Société IBA et avec l'accord de celle-ci, a relevé que cette société n'avait prévenu la Société IBA du dépôt qu'elle avait effectué le 13 mars 2001 de la marque tridimensionnelle « consistant en un corps de forme ovoïdale qui présente dans sa partie supérieure une suite d'ouvertures de forme lancéolée réparties en étoile le long de la calotte supérieure » que par un courrier du 24 mai 2002 et considéré ce fait comme un des éléments constitutifs de la mauvaise foi de la Société TAVOLA ; qu'il n'a néanmoins pas expliqué en quoi ce délai de plus d'un an était un facteur de mauvaise foi, laquelle s'apprécie au moment du dépôt ; que le Tribunal a également retenu comme preuve de la mauvaise foi de la Société TAVOLA les propositions que celle-ci aurait faites à plusieurs reprises à la Société IBA de lui céder ses droits sur la marque à l'exception de l'Italie moyennant le versement d'une indemnité ; mais qu'aucun des courriers échangés par les parties au sujet de la cession de la marque et versés aux débats ne comprend une offre de cession moyennant un prix quelconque mais seulement une somme contre remboursement des dépenses d'enregistrement international pour les pays concernés (France, Allemagne, Benelux, Pologne et Portugal) ; que c'est ainsi que, par lettre du 31 mai 2002, la Société TAVOLA expliquait qu'elle avait effectué le dépôt litigieux pour protéger le produit d'une copie que la Société RELEVI menaçait de lancer sur le marché et proposait de céder cette protection à la Société IBA ; que par courrier du 10 octobre suivant, elle réitérait sa proposition contre remboursement des frais d'enregistrement ; qu'il ne peut être déduit de la seule existence de relations commerciales entre les parties que la Société TAVOLA a déposé de mauvaise foi la marque tridimensionnelle internationale visant la France ; que, dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer prescrite l'action en revendication de la partie française de la marque internationale n° 754.495 introduite par la Société IBA, devenue C & I, par acte du 8 mars 2006 » ; ALORS QUE la personne en fraude des droits de laquelle a été enregistrée une marque peut en revendiquer la propriété sans que le déposant puisse lui opposer la prescription triennale réservée au déposant de bonne foi ; qu'agit de mauvaise foi le déposant qui procède frauduleusement à l'enregistrement d'une marque ; qu'est frauduleux le dépôt d'une marque effectué par un déposant en parfaite connaissance de la création et de l'exploitation antérieure et continue du signe par un autre opérateur économique qui l'a autorisé à exploiter parallèlement ce signe à l'étranger ; qu'en l'espèce, la Société C & I, venant aux droits de la Société IBA, faisait valoir qu'elle avait créé en 1999 un désodorisant pour réfrigérateur en forme d'oeuf comportant dans sa partie supérieure des ouvertures lancéolées réparties en étoile le long de la calotte supérieure, que ce produit était largement commercialisé par elle en France depuis 1999 ainsi qu'à l'étranger, notamment en Belgique et en Espagne, qu'elle avait autorisé en 1999 la Société TAVOLA, qui était son distributeur exclusif en Italie pour d'autres produits d'entretien et absorbeurs d'odeurs, à s'adresser à son fabricant et à utiliser le moule de son nouveau produit pour en assurer la distribution en Italie ; que la Société C & I en déduisait que, connaissant ainsi parfaitement la création et l'exploitation de la forme de ce produit par la Société IBA, c'était de mauvaise foi et en fraude de ses droits et intérêts que la Société TAVOLA avait, à son insu, en ne l'en avertissant qu'un an plus tard, déposé le 13 mars 2001 une marque internationale visant la France reproduisant à l'identique la forme de son propre produit, pour désigner des désodorisants et absorbeurs d'odeurs pour réfrigérateurs ; qu'en retenant qu'il ne peut être déduit de la seule existence de relations commerciales entre les parties que la Société TAVOLA a déposé de mauvaise foi la marque tridimensionnelle internationale visant la France, et que le fait que la Société TAVOLA ait attendu plus d'un an pour prévenir la Société IBA du dépôt de cette marque ne pouvait caractériser sa mauvaise foi, alors que celle-ci s'apprécie au moment du dépôt, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, ayant parfaitement connaissance de la création et de la commercialisation par la Société IBA d'un désodorisant pour réfrigérateur ayant la forme objet de son dépôt de marque internationale et distribuant elle-même en Italie ce produit avec l'accord de la Société IBA, la Société TAVOLA n'avait pas, en procédant au dépôt de marque litigieux sans même en avertir antérieurement ou dans le même temps la Société IBA, cherché à nuire à cette société en s'appropriant le conditionnement créé et exploité par celle-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle et du principe fraus omnia corrumpit. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, en « rejetant le surplus des demandes », rejeté la demande subsidiaire de la Société C & I tendant à voir prononcer la nullité de la partie française de la marque internationale n° 754 495 déposée par la Société TAVOLA ; AUX MOTIFS QUE « la Société TAVOLA fait grief aux premiers juges d'avoir retenu sa mauvaise foi pour écarter la prescription de l'action en revendication intentée par la Société IBA, aujourd'hui C & I, sur le fondement de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ; que suivant l'alinéa 2 de ce texte, « à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement » ; que la mauvaise foi ne se présume pas et il appartient à celui qui l'invoque d'en rapporter la preuve ; que pour retenir la mauvaise foi de la Société TAVOLA, le Tribunal, après avoir rappelé que les parties avaient été en relations d'affaires depuis 1994 puis que la Société TAVOLA avait commercialisé en Italie sous sa marque MISTER MAGIC un désodorisant sous forme d'oeuf fabriqué par le fournisseur coréen de la Société IBA et avec l'accord de celle-ci, a relevé que cette société n'avait prévenu la Société IBA du dépôt qu'elle avait effectué le 13 mars 2001 de la marque tridimensionnelle « consistant en un corps de forme ovoïdale qui présente dans sa partie supérieure une suite d'ouvertures de forme lancéolée réparties en étoile le long de la calotte supérieure » que par un courrier du 24 mai 2002 et considéré ce fait comme un des éléments constitutifs de la mauvaise foi de la Société TAVOLA ; qu'il n'a néanmoins pas expliqué en quoi ce délai de plus d'un an était un facteur de mauvaise foi, laquelle s'apprécie au moment du dépôt ; que le Tribunal a également retenu comme preuve de la mauvaise foi de la Société TAVOLA les propositions que celle-ci aurait faites à plusieurs reprises à la Société IBA de lui céder ses droits sur la marque à l'exception de l'Italie moyennant le versement d'une indemnité ; mais qu'aucun des courriers échangés par les parties au sujet de la cession de la marque et versés aux débats ne comprend une offre de cession moyennant un prix quelconque mais seulement une somme contre remboursement des dépenses d'enregistrement international pour les pays concernés (France, Allemagne, Benelux, Pologne et Portugal) ; que c'est ainsi que, par lettre du 31 mai 2002, la Société TAVOLA expliquait qu'elle avait effectué le dépôt litigieux pour protéger le produit d'une copie que la Société RELEVI menaçait de lancer sur le marché et proposait de céder cette protection à la Société IBA ; que par courrier du 10 octobre suivant, elle réitérait sa proposition contre remboursement des frais d'enregistrement ; qu'il ne peut être déduit de la seule existence de relations commerciales entre les parties que la Société TAVOLA a déposé de mauvaise foi la marque tridimensionnelle internationale visant la France ; que, dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer prescrite l'action en revendication de la partie française de la marque internationale n° 754.495 introduite par la Société IBA, devenue C & I, par acte du 8 mars 2006 » ; ALORS QU'est frauduleux le dépôt d'une marque effectué par un déposant en parfaite connaissance de la création et de l'exploitation antérieure et continue du signe par un autre opérateur économique qui l'a autorisé à exploiter parallèlement ce signe à l'étranger ; qu'en l'espèce, la Société C & I, venant aux droits de la Société IBA, faisait valoir qu'elle avait créé en 1999 un désodorisant pour réfrigérateur en forme d'oeuf comportant dans sa partie supérieure des ouvertures lancéolées réparties en étoile le long de la calotte supérieure, que ce produit était largement commercialisé par elle en France depuis 1999 ainsi qu'à l'étranger, notamment en Belgique et en Espagne, qu'elle avait autorisé en 1999 la Société TAVOLA, qui était son distributeur exclusif en Italie pour d'autres produits d'entretien et absorbeurs d'odeurs, à s'adresser à son fabricant et à utiliser le moule de son nouveau produit pour en assurer la distribution en Italie ; que la Société C & I en déduisait que, connaissant ainsi parfaitement la création et l'exploitation de la forme de ce produit par la Société IBA, c'était de mauvaise foi et en fraude de ses droits et intérêts que la Société TAVOLA avait, à son insu, en ne l'en avertissant qu'un an plus tard, déposé le 13 mars 2001 une marque internationale visant la France reproduisant à l'identique la forme de son propre produit, pour désigner des désodorisants et absorbeurs d'odeurs pour réfrigérateurs ; qu'en retenant qu'il ne peut être déduit de la seule existence de relations commerciales entre les parties que la Société TAVOLA a déposé de mauvaise foi la marque tridimensionnelle internationale visant la France, et que le fait que la Société TAVOLA ait attendu plus d'un an pour prévenir la Société IBA du dépôt de cette marque ne pouvait caractériser sa mauvaise foi, alors que celle-ci s'apprécie au moment du dépôt, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, ayant parfaitement connaissance de la création et de la commercialisation par la Société IBA d'un désodorisant pour réfrigérateur ayant la forme objet de son dépôt de marque internationale et distribuant elle-même en Italie ce produit avec l'accord de la Société IBA, la Société TAVOLA n'avait pas, en procédant au dépôt de marque litigieux sans même en avertir antérieurement ou dans le même temps la Société IBA, cherché à nuire à cette société en s'appropriant le conditionnement créé et exploité par celle-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle et du principe fraus omnia corrumpit.