Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 juin 2021 et le 24 septembre 2022, Mme F B C, représentée par Me Sarda, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2020 par lequel le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, ensemble la décision du 30 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de lui renouveler son titre de séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.
Mme B C soutient que :
- l'arrêté du 10 décembre 2020 a été pris par une autorité incompétente ;
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- elles méconnaissent les dispositions du 6° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ainsi que les pères de ses enfants contribuent à leur entretien et leur éducation et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
-elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2022 le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'ensemble des moyens de la requête n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale des droits de l'enfant,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E a été entendu au cours de l'audience publique.
Les parties n'étant ni présentes ni représentées.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B C, ressortissante dominicaine née le 10 octobre 1996, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 décembre 2020 le préfet de Saint-Barthélemy et Saint-Martin a rejeté sa demande. Par un courrier du 9 avril 2021, réceptionné le 15 avril 2021, la requérante a réalisé un recours gracieux. Du silence gardé par l'administration sur ce recours est née une décision implicite de rejet. La requérante demande au tribunal d'annuler ces décisions.
2. En premier lieu, par un arrêté SG/SCI du 25 mars 2020, le préfet de la région Guadeloupe a donné délégation à Mme D A, attachée de l'administration de l'Etat, cheffe du service de la citoyenneté et de l'immigration de la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, à l'effet de signer toutes les décisions dans la limite de ses attributions, dans lesquelles entrent notamment l'édiction des décisions de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police () ". En vertu de l'article
L. 211-5 du même code, la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.
4. Aux termes de l'article L. 232-4 de ce même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
5. D'une part, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement. Il indique, en particulier, que la requérante ne remplit pas les conditions prévues par le 6° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment du fait de l'absence de contribution de la part des pères de ses enfants et de son absence d'intégration dans la société française. Il précise également que l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits au respect de la vie privée et familiale de la requérante, ni aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. D'autre part, la requérante n'établit, ni même n'allègue, avoir formulé une demande auprès de la préfecture afin que les motifs de la décision implicite de rejet de son recours gracieux lui soient communiqués. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : () 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article
371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article
316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article
371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; () ".
7. D'une part, il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet, pour prendre la décision contestée, ne s'est pas borné à retenir l'absence de contribution à l'entretien et l'éducation des pères de ses enfants mais a également apprécié l'intérêt supérieur des enfants ainsi que la vie privée et familiale de la requérante. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la requérante est mère de deux enfants de nationalité française, une fille, née le 25 mars 2012, reconnue par un ressortissant français ainsi qu'un fils, né le 27 juin 2018, reconnu par un ressortissant dominicain. S'il est établi que la requérante contribue à l'entretien et l'éducation de ses enfants, elle ne produit toutefois aucune pièce afin d'établir que l'un des pères y contribue également. Par ailleurs, la requérante ne fait valoir aucune circonstance particulière l'empêchant d'emmener ses enfants avec elle dans son pays d'origine et de reconstituer la cellule familiale. Dans ces conditions, le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les moyens doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Ainsi qu'il a été exposé au point 7, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la cellule familiale ne peut pas être reconstruite dans le pays d'origine de la requérante dès lors qu'il n'est pas établi que les pères des enfants contribuent à leur entretien et leur éducation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si la requérante se prévaut de l'intégration de sa famille et de ses conditions de vie stables, toutefois elle n'apporte aucun élément permettant de l'établir. Par ailleurs, tel que cela a été dit au point 7 sa cellule familiale peut se reconstituer dans son pays d'origine. Ainsi, les décisions contestées ne portent pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
12. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version encore applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
13. Si la requérante soutient qu'elle est parfaitement fondée à solliciter un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées elle n'apporte aucun élément permettant de caractériser des considérations humanitaires ou un motif exceptionnel. En effet, elle n'établit pas avoir des liens personnels et familiaux intenses, anciens et stable en France ni être insérée professionnellement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, que la requête de Mme B C doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D ÉC I D E :
Article 1er : La requête de Mme B C est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée Mme F B C et au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Copie sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Gouès, président,
Mme Goudenèche, conseillère,
Mme Le Roux, conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.
La rapporteure,
Signé
C. E
Le président,
Signé
S. GOUÈSLa greffière,
Signé
L. LUBINO
La République mande et ordonne au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière en Chef,
Signé
M-L CORNEILLE