Vu la procédure suivante
:
La Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF), l'Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), la Ligue des droits de l'homme (LDH), le Conseil national des barreaux (CNB), l'Association des avocats pénalistes (ADAP) et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues à la maison d'arrêt de Tarbes, et notamment d'enjoindre sous astreinte de 500 euros par jour de retard au garde des sceaux, ministre de la justice ou à toute autre autorité administrative, de mettre en œuvre les mesures suivantes :
- suspendre provisoirement les incarcérations à la maison d'arrêt de Tarbes, pour un temps et selon des modalités qu'il reviendra à cette dernière de préciser, afin de réduire drastiquement le niveau de surpopulation ;
- procéder à la rénovation ou au nettoyage des murs, sols et plafonds et à l'élimination de la moisissure dans les cellules qui le nécessitent et, de manière générale, remédier aux conditions d'insalubrité de ces cellules en privilégiant, dans un premier temps, les cellules les plus vétustes ;
- équiper les cellules de mobilier de rangement correspondant au nombre de ses occupants et procéder à bref délai à la réparation des éléments de mobilier installés qui le nécessitent ;
- faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues ;
- procéder à l'installation de dispositifs d'appel des agents pénitentiaires au sein de l'ensemble des cellules de la maison d'arrêt de Tarbes ou, à défaut, établir un plan d'équipement en ce sens et engager dans les meilleurs délais la première tranche de travaux ;
- prendre toutes les mesures utiles susceptibles de faire cesser au plus vite la présence de nuisibles dans les locaux de la maison d'arrêt ;
- assurer dans l'ensemble des cellules la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace par un cloisonnement propre à garantir l'intimité des personnes détenues ;
- prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un nettoyage et un entretien réguliers et suffisants des espaces extérieurs et notamment du terrain de sport ;
- équiper les cours de promenade de bancs et d'installations permettant l'exercice physique ;
- faire procéder, dans les plus brefs délais, à l'installation de sanitaires avec un point d'eau dans les cours de promenade ;
- prendre toute mesure pour développer, à court terme, l'offre du travail et des activités offertes aux personnes détenues ;
- élaborer un plan de développement pour augmenter, à moyen terme, de façon notable et durable l'offre du travail et des activités proposées aux détenus ;
- garantir l'effectivité de l'accès à la bibliothèque, notamment en ouvrant des créneaux supplémentaires et en variant les horaires d'ouverture ;
- installer, dans la salle de musculation et le terrain de sport, tout équipement propre à permettre la pratique d'une activité physique aux personnes détenues ;
- prendre toute mesure de nature à permettre que le terrain de sport reste utilisable même en cas d'intempéries ;
- procéder à un état des lieux des cellules, portant notamment sur le mobilier mis à disposition, à l'arrivée et au départ de chaque personne détenue ;
- prendre toute mesure de nature à assurer le remplacement diligent et systématique du mobilier et des équipements défectueux en cellule ;
- prendre les mesures nécessaires pour que les repas arrivent chauds au moment de leur consommation ;
- prendre toute mesure nécessaire à la modification de la méthode de distribution des repas afin d'assurer la distribution d'une quantité suffisante de nourriture ;
- proposer systématiquement et avec diligence des vêtements de rechange aux nouveaux arrivants jusqu'à ce que leur soient remis leurs effets personnels ;
- prendre toute mesure de nature à garantir l'effectivité de l'envoi et de la réception des correspondances écrites pour les personnes détenues, notamment en installant une boîte aux lettres fermée à proximité immédiate des cellules ;
- prendre toute mesure pour garantir que les personnes détenues aient connaissance des voies de recours pouvant être intentées en cas d'expositions à des conditions indignes de détention ;
- suspendre, à titre conservatoire, tous les membres du personnel identifiés comme ayant adopté un comportement contraire aux principes déontologiques qu'il leur incombe de respecter au titre de leurs fonctions ou ayant été impliqués d'une manière ou d'une autre dans les violences infligées aux personnes détenues ou, à défaut, prendre toute autre mesure garantissant qu'ils ne soient plus en contact direct avec les personnes incarcérées dans la maison d'arrêt ;
- faire diligenter une enquête par un corps d'inspection du ministère de la justice sur le comportement des membres du personnel de l'établissement ;
- enjoindre à la direction ou à toute autre autorité compétente de signaler, sur le fondement de l'article
40 du code de procédure pénale, tout fait de violences à l'égard des personnes détenues dont elle aurait connaissance ;
- prendre toute autre mesure pour faire immédiatement cesser les comportements contraires à la déontologie observés chez certains membres du personnel et garantissant que les obstacles rencontrés par les détenus pour saisir l'autorité judiciaire soient entièrement levés ;
Par une ordonnance n° 2401792 du
18 juillet 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a, d'une part, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d'engager, à très bref délai, les mesures indispensables pour assurer un cloisonnement des espaces de toilettes dans les cellules pour lesquelles les travaux de rénovation ne sont pas prévus à court terme et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par une requête, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 2, 8 et 27 août et le 4 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OIP-SF, l'A3D, la LDH, le CNB, l'ADAP et la FNUJA demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 18 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;
2°) de faire droit à leurs demandes de première instance ;
3°) d'ordonner toutes autres mesures qu'il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales des personnes détenues à la maison d'arrêt de Tarbes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants, au principe de dignité humaine, au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit à un recours effectif ;
- la juge des référés du tribunal administratif de Pau a méconnu son office en se fondant, pour écarter certaines demandes, sur la circonstance qu'elles portaient sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre à très bref délai, sans leur substituer d'autres mesures de nature à remédier, dans l'attente d'une solution pérenne, aux atteintes aux droits fondamentaux des détenus ;
- c'est à tort qu'elle a retenu que les mesures permettant de limiter la population carcérale ne pouvaient qu'être d'ordre structurel, alors que des mesures de " stop écrou ", qui n'ont pas ce caractère, peuvent être mises en œuvre rapidement à cet effet ;
- c'est également à tort qu'elle a retenu que les demandes portant sur la rénovation de cellules les plus vétustes, en nombre limité, qu'il appartiendra à l'administration d'identifier après avoir procédé à un état des lieux complet, et sur l'équipement des cours de promenades en bancs, concernaient des mesures d'ordre structurel ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Pau a examiné séparément chacun des éléments qui lui étaient présentés pour démontrer l'indignité des conditions détention à la maison d'arrêt de Tarbes, alors qu'il lui appartenait de procéder à un examen global de la situation qui lui était déférée, et que ces conditions de détention sont globalement indignes, en raison d'une surpopulation chronique, de la vétusté des locaux, du manque de mobilier en cellule, du manque d'hygiène, de la prolifération de nuisibles et de la dangerosité des installations électriques ;
- il existe un doute sérieux quant au traitement effectif et diligent du courrier des personnes incarcérées ;
- l'information des détenus à propos de leurs droits et des recours dont ils disposent, notamment celui prévu à l'article
803-8 du code de procédure pénale s'ils estiment que leurs conditions de détention sont contraires à la de dignité de la personne humaine, est incomplète et les diligences de l'administration pour le traitement des requêtes des personnes détenues sont insuffisantes ;
- les cellules de la maison d'arrêt de Tarbes sont dans un état d'insalubrité et de vétusté justifiant le prononcé de mesures de lutte contre l'humidité, de protection contre les fortes chaleurs et de lutte contre les nuisibles ;
- le mobilier et l'équipement des cellules sont inadaptés au nombre des occupants ;
- les installations électriques dans les cellules demeurent dangereuses pour les détenus ;
- les détenus disposent d'un accès manifestement insuffisant au travail, aux activités socioculturelles ainsi qu'à la bibliothèque ;
- il n'est pas procédé à des états des lieux à l'arrivée et à la sortie des détenus ;
- certaines cellules ne présentent pas de dispositif d'interphonie ;
- l'offre de soins et le nombre de personnels de santé sont insuffisants ;
- la cour de promenade est sale et sous-équipée ;
- la quantité de vêtements de rechange disponible pour les nouveaux arrivants dans l'attente de la remise de leurs effets personnels est insuffisante ;
- les repas sont insuffisants et servis froids ;
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Pau a estimé que l'administration pénitentiaire avait adopté des mesures suffisantes pour lutter contre les agissements contraires à la déontologie et à la loi pénale de certains des membres du personnel alors que, d'une part, les violences à l'égard des détenus sont graves et persistantes et, d'autre part, les mesures avancées par l'administration ne sont pas suffisantes pour mettre fin à cette situation ;
- la condition d'urgence est satisfaite.
Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 21 et 27 août et le 3 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a présenté des observations, enregistrées le 21 août 2024.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'OIP-SF, l'A3D, la LDH, le CNB, l'ADAP et la FNUJA, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice, enfin, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 août 2024, à 10 heures 30 :
- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'OIP SF, l'A3D, la LDH, le CNB, l'ADAP et la FNUJA ;
- les représentants des requérants ;
- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;
- les représentants de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 9 septembre à 17 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénitentiaire ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit
:
1. Aux termes de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. La Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF), l'Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), la Ligue des droits de l'homme (LDH), le Conseil national des barreaux (CNB), l'Association des avocats pénalistes (ADAP) et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner diverses mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales qu'ils estimaient portées aux libertés fondamentales des personnes détenues à la maison d'arrêt de Tarbes. Par une ordonnance du 18 juillet 2024, la juge des référés a partiellement fait droit à leur demande en enjoignant au garde des sceaux, ministre de la justice d'engager, à très bref délai, les mesures indispensables pour assurer un cloisonnement des espaces de toilettes dans les cellules pour lesquelles les travaux de rénovation ne sont pas prévus à court terme. L'OIP-SF et les autres requérants relèvent appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article
L. 2 du code pénitentiaire : " Le service public pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la France, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ". L'article
L. 6 du même code dispose que : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la commission de nouvelles infractions et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap, de l'identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue ". Enfin, aux termes de l'article
L. 7 de ce code : " L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ".
4. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque l'action ou la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant ou affecte, de manière caractérisée, son droit au respect de la vie privée et familiale dans des conditions qui excèdent les restrictions inhérentes à la détention, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette action ou de cette carence.
Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
5. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles
L. 511-1,
L. 521-2 et
L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article
L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.
Sur les pouvoirs de l'autorité judiciaire statuant sur les conditions de détention des personnes prévenues ou condamnées :
6. Le législateur a introduit, par la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, l'article
803-8 du code de procédure pénale, - auquel renvoient également les dispositions de l'article
L. 315-9 du code pénitentiaire -, qui dispose, à son premier alinéa, que : " Sans préjudice de sa possibilité de saisir le juge administratif en application des articles L. 521-1, L. 521-2 ou L. 521-3 du code de justice administrative, toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire en application du [code de procédure pénale] qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine peut saisir le juge des libertés et de la détention, si elle est en détention provisoire, ou le juge de l'application des peines, si elle est condamnée et incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté, afin qu'il soit mis fin à ces conditions de détention indignes ". En vertu également de ces dispositions, le juge peut ordonner à l'administration de mettre fin, par tout moyen, à ces conditions de détention dans un délai maximum d'un mois. Passé ce délai, si ces conditions perdurent, le juge ordonne soit le transfèrement de la personne, soit sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence, soit une autre mesure prévue au paragraphe III de l'article 707.
Sur la demande en référé :
7. Les requérants soutiennent que les conditions de détention constatées au sein de la maison d'arrêt de Tarbes, constituant une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à la dignité des détenus, justifient d'enjoindre à l'administration d'y mettre fin en exécutant les mesures qu'ils demandent.
En ce qui concerne les mesures demandées pour lutter contre la surpopulation carcérale :
8. Pour rejeter la demande des associations requérantes d'enjoindre à l'administration de suspendre les incarcérations, totalement ou partiellement, au besoin sur le modèle du dispositif " stop-écrou " expérimenté au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, afin de réduire le taux de surpopulation carcérale au sein de la maison d'arrêt de Tarbes, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a estimé que l'intervention de mesures mettant fin à la surpopulation carcérale ne pouvait, compte tenu de l'ampleur de ce phénomène au sein de cette maison d'arrêt comme au niveau interrégional, que s'inscrire dans le cadre de mesures structurelles, que la mise en œuvre de mesures inspirées de l'expérimentation qu'ils invoquaient relevait d'un choix de politique publique, et qu'il n'appartenait pas au juge des référés, en tout état de cause, d'enjoindre aux procureurs de la République de mettre fin aux incarcérations. Il résulte de l'instruction que la mesure à laquelle les requérants se réfèrent, ayant consisté, en mai et juin 2023, à réorienter les mises sous écrou du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan vers deux autres établissements pénitentiaires, si elle répondait à une sollicitation de l'administration pénitentiaire, a été mise en œuvre par l'autorité judiciaire, seule compétente, l'administration pénitentiaire ne disposant d'aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a jugé que l'injonction demandée ne relevait pas des mesures qu'elle pouvait ordonner à l'administration de prendre.
En ce qui concerne les mesures structurelles demandées :
9. En premier lieu, les requérantes ne sont pas fondées à demander au juge des référés d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de réaliser des travaux de rénovation des cellules et de leurs équipements mobiliers, de réfection des systèmes électriques, d'installation de dispositifs d'appel des agents pénitentiaires dans l'ensemble des cellules et de drainage des eaux de pluie qui peuvent stagner sur le terrain de sport, ces demandes portant, comme l'a jugé la juge des référés du tribunal administratif de Pau, sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre à très bref délai.
10. En second lieu, la demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration pénitentiaire de prendre toute mesure pour développer, à court terme, la quantité et la diversité des activités offertes aux personnes détenues, d'élaborer un plan de développement à moyen terme de l'offre d'activités et de l'offre de travail, et de garantir l'effectivité de l'accès à la bibliothèque, notamment en ouvrant des créneaux supplémentaires et en variant les horaires d'ouverture, portent également sur des mesures d'ordre structurel. Par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que c'est à tort que la juge des référés a rejeté leur demande en ce qui concerne ces mesures.
En ce qui concerne les conditions de détention dans les cellules et les conditions d'accueil des détenus :
11. En premier lieu, les requérants font valoir que leurs demandes concernant la rénovation des cellules portaient pour partie sur des travaux limités de peinture, de nettoyage du salpêtre et de réparation ou de remplacement du petit mobilier détérioré dans un nombre limité de cellules, qu'il reviendrait à l'administration d'identifier après avoir procédé à un état des lieux complet de l'ensemble des cellules, et qui ne relèvent pas de mesures d'ordre structurel. Il résulte de l'instruction, d'une part, que des travaux de second œuvre, notamment de peinture et plâtrerie, plomberie seront réalisés entre le 9 septembre et le 4 décembre dans des cellules ciblées du quartier d'isolement, du quartier arrivant et du quartier disciplinaire, dans le cadre d'un chantier de formation aux métiers du bâtiment, d'autre part, que, lorsque des dégradations sont constatées dans une cellule lors des états des lieux d'entrée ou de sortie ou par le signalement d'un surveillant, un technicien intervient après avoir été informé de ces dégradations et des travaux à prévoir consignés dans le système d'information Genesis et les équipements et mobiliers sont réparés, remplacés au besoin. Dès lors, il n'y a en tout état de cause pas lieu de prononcer une injonction sur ce point.
12. En deuxième lieu, s'agissant de la lutte contre la présence des nuisibles dans les cellules, la juge des référés a retenu, pour rejeter les mesures demandées, que des prestations de dératisation préventive et de désinsectisation préventive étaient assurées par une société spécialisée, qui avait traité les cellules à de multiples reprises, en dernier lieu le 17 juin 2024. Il résulte de l'instruction que cette dernière intervention a concerné l'ensemble des cellules de l'établissement et les espaces communs. En se bornant à se référer aux indications d'un agent pénitentiaire, lors de la visite de l'établissement par la députée de la circonscription, selon lesquelles " les cafards reviennent chez ceux qui ne respectent pas la propreté de leur cellule ", et à faire valoir que le ministre de la justice n'établit pas que les moyens déployés par l'administration pénitentiaire seraient suffisants et adaptés, les requérants n'apportent pas d'éléments nouveaux de nature à remettre en cause, sur ce point, l'appréciation de la juge des référés du tribunal administratif.
13. En troisième lieu, la juge des référés a estimé que les conditions de l'arrivée des détenus à la maison d'arrêt de Tarbes ne caractérisaient pas l'existence d'une situation constitutive une atteinte grave et manifestement illégale, en relevant notamment que les détenus se voyaient remettre un kit d'hygiène, renouvelé chaque mois, qu'ils avaient accès à des vêtements qui pouvaient leur être prêtés dans l'attente de la remise de leurs effets personnels, et qu'il était justifié de ce que des états des lieux avaient été réalisés à l'arrivée et à la sortie des détenus en septembre 2023 et en avril et juillet 2024. Si le rapport préliminaire de visite de la députée de la circonscription relève que ces états des lieux ne sont pas systématiques en raison de l'insuffisance du personnel face au flux des entrées et des sorties, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation de la juge des référés sur les conditions de l'arrivée des détenus à la maison d'arrêt, les parties n'apportant en outre aucun élément nouveau à cet effet sur les autres motifs qu'elle retient à l'appui cette appréciation.
En ce qui concerne l'équipement des cours de promenade :
14. Il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, l'absence d'abris et de bancs ou l'insuffisance des équipements sportifs et des installations sanitaires dans les cours de promenade porterait une atteinte grave et manifestement illégale à l'une des libertés fondamentales invoquées justifiant qu'une mesure soit prise à très bref délai. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à se plaindre de ce que le juge n'a pas fait droit à leurs demandes concernant l'installation de tels équipements.
En ce qui concerne l'alimentation des détenus :
15. Si les requérants renvoient, en ce qui concerne l'alimentation des détenus, aux recommandations en urgence de la contrôleure générale des lieux de privation de libertés du 10 avril 2024, et font valoir que l'administration n'apportent pas la preuve de ce que les repas sont servis chauds et en quantité suffisante, ils n'apportent aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation de la juge des référés sur l'absence d'une situation caractérisant à cet égard une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité ou à la santé des détenus.
En ce qui concerne l'accès aux soins :
16. Si les requérants font valoir que l'accès aux soins serait insuffisant, ils n'ont saisi le juge des référés du tribunal administratif d'aucune demande d'injonction sur ce point.
En ce qui concerne l'information des personnes détenues sur les voies de recours concernant leurs conditions de détention :
17. Il résulte de l'instruction que le " guide du détenu arrivant " que chaque personne détenue se voit remettre comporte une rubrique " si vous voulez contester vos conditions de détention ", qui comporte des indications sur les voies de recours ouvertes par l'article
803-8 du code de procédure pénale, en particulier sur le juge compétent, sur les modalités de présentation des recours, sur la disponibilité de formulaires de requête et sur les mesures susceptibles d'être prononcées. Ces indications sont en outre affichées à chaque étage des bâtiments de détention. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Pau n'a pas retenu l'existence d'un défaut d'information sur cette voie de recours de nature à caractériser une atteinte grave et immédiate au droit à un recours effectif.
En ce qui concerne le comportement de certains membres du personnel pénitentiaire :
18. Les recommandations en urgence de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté font état de témoignages concordants concernant des violences physiques et psychologiques commises par plusieurs agents, notamment dans la cellule 130 de cet établissement, utilisée comme cellule d'attente et comme locale de fouilles. Il résulte de l'instruction qu'une procédure pénale concernant les faits commis le 2 mars 2024 et une enquête judiciaire sont en cours, que des procédures disciplinaires ont été engagées contre les agents impliqués et qu'une formation " éthique-déontologie " a été dispensée du 16 au 18 avril 2024 à 23 membres du personnel pénitentiaire. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que la juge des référés, après avoir relevé que l'administration avait pris en compte les faits graves commis par quelques agents identifiés, a rejeté leur demande tendant notamment à ce qu'il lui soit enjoint de prendre des mesures conservatoires pour éviter le renouvellement de tels faits.
En ce qui concerne les autres demandes :
19. Les requérants reprennent en appel, sans apporter aucun élément nouveau, leurs demandes présentées devant le premier juge tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre toute des mesures relatives au nettoyage et à l'entretien des espaces extérieurs, à l'envoi et à la réception des correspondances écrites des détenus et au développement à court terme de l'offre de travail. Il convient d'écarter ces demandes par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
20. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Section française de l'Observatoire international des prisons et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Section française de l'Observatoire international des prisons, première requérante dénommée, au garde des sceaux, ministre de la justice et à la contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
Fait à Paris, le 27 septembre 2024
Signé : Jean-Yves Ollier