Logo pappers Justice

Cour d'appel de Riom, 12 septembre 2023, 21/00607

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Riom
12 septembre 2023
Conseil de Prud'hommes de Vichy
8 février 2021

Texte intégral

12 SEPTEMBRE 2023

Arrêt

n° SN/NB/NS Dossier N° RG 21/00607 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FR5S [S] [V] / S.A.S. SOFAMA jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 08 février 2021, enregistrée sous le n° f 19/00062 Arrêt rendu ce DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de : Mme Sophie NOIR, Président Mme Karine VALLEE, Conseiller Mme Clémence CIROTTE, Conseiller En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé ENTRE : M. [S] [V] [Adresse 2] [Localité 3] Comparant, assisté de Me Richard DOUDET de la SELARL SELARL D'AGUESSEAU CONSEIL, avocat au barreau de LIMOGES APPELANT ET : S.A.S. SOFAMA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4] [Localité 1] Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Sandra VALLET de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant INTIMEE Mme NOIR, Président en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 15 mai 2023, tenue en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile. FAITS ET PROCÉDURE La Sas Sofama est spécialisée dans la fabrication d'articles de luxes. Elle applique la Convention collective nationale des industries de la maroquinerie, articles de voyage, chasse-sellerie, gainerie, bracelets en cuir. M. [V] a été embauché par la Sas Sofama à compter du 12 septembre 2016 en qualité de responsable de site, par contrat de travail à durée indéterminée. Par courrier en date du 02 mai 2018, la Sas Sofama a notifié à M. [V] son licenciement pour faute grave. Le courrier est ainsi libellé : « Nous faisons suite, par la présente, à notre convocation pour un entretien préalable au licenciement pour faute grave sans indemnité de rupture ni de préavis en date du mercredi 25 avril 2018. Nous reprenons, ci-après, les éléments nous conduisant à poursuivre une telle procédure à voter encontre. Vous avez été engagé par notre société en date du 12 septembre 2016 en qualité de Responsable de site. En votre qualité de salarié, il vous appartenait de respecter strictement vos obligations contractuelles. Au-delà, vous deviez respecter les directives données par la direction générale et agir aux mieux des intérêts de la société. Or, nous sommes amenés à constater de graves manquements à vos obligations professionnelles. Aux termes de votre contrat de travail, vous étiez contractuellement obligé de « diriger les activités de l'usine (production et vente) dans le cadre de la stratégie définie » De même, il vous appartient d'assurer le suivi commercial de nos clients en assurant un suivi de leur production. Or vous ne respectez pas ces obligations. En effet, la collaboration avec notre principal client, la société CHANEL est déterminante dans l'activité de notre entreprise, aussi nous nous devons de garder une attention toute particulière envers celle-ci. Or, en date du 10 avril, Mme [I] vous a adressé un mail, ainsi qu'à Mme [D] pour vous alerter le planning de production que vous aviez transmis et qu'elle considérait comme incorrect. Par un courriel du 14 avril, c'est la responsable de Mme [I], à savoir Mme [W] qui est intervenu auprès de M. [A] pour lui indiquer son « inquiétude » et son « insatisfaction » dans le « pilotage à la fois de la partie industrialisation et de la production ». En effet, Mme [W] indique que vous avez fait parvenir un planning irréaliste conduisant potentiellement à l'arrêt de nos ateliers de production et au non-respect de leurs engagements clients. Une telle décision de la part de notre principal client (l'arrêt de la production) pourrait engendrer des conséquences catastrophiques pour notre société. Par ailleurs, toujours pour le client CHANEL, le service logistique nous a fait part de la non-réception d'un bordereau de livraison, alors que comme vous le savez, il s'agit d'un document important pour ce client (le client est obligé de nous relancer). En date du 05 mars 2018, Mme [D] vous a sollicité afin de lui faire parvenir des documents préparatifs pour une réunion au sujet du client CHANEL. Vous avez répondu que vous étiez « à court d'idées » alors même que vous aviez, lors de précédentes réunions, étudié le sujet avec Mme [D]. Cette dernière a été dans l'obligation de vous rappeler vos devoirs en votre qualité de responsable de site et, par la même occasion, constater votre absence d'implication dans le dossier alors même qu'il s'agissait du client le plus important de l'entreprise. Le client Letrange nous a également fait part de son mécontentement quant au suivi de la production. Votre absence de gestion dans ses dossiers, constitue une part d'une violation de vos obligations contractuelles et d'autre part un comportement fautif inacceptable au sein de notre entreprise. Votre absence de gestion dans ces dossiers, constitue une part d'une violation de vos obligations contractuelles et d'autre part un comportement fautif inacceptable au sein de notre entreprise. Il ressort de l'article 2 de votre contrat de travail que vous devez « superviser la gestion du personnel » soit avoir une politique managériale proactive et proche des salariés. Or, nous constatons un manque d'accompagnement de vos équipes. Aussi, Mme [J], responsable de production, s'est, à maintes reprises, plainte d'un manque d'accompagnement et de soutien de votre part dans l'exécution de ses tâches. Or, il vous appartient de soutenir vos collaborateurs et de les aider dans l'accomplissement de leurs tâches. Dans l'exécution du contrat avec le client [H], la responsable de ligne Mme [K], nous a alerté pour nous indiquer qu'elle se trouve totalement seule puisque vous ne lui avez apporté aucun soutien ni aucune aide sur ce client. Mme [M], assistante administrative, se plaint de votre absence de réponse à ses questions, se retrouvant seule à gérer les dossiers. Mme [K], chef de ligne, nous informe également de votre manque d'implication, d'aide dans la gestion de la production. M. [U], responsable de coupe, nous informe que les questions posées demeurent sans réponse de votre part. Cette absence totale d'accompagnement caractérise à nouveau un manquement à vos obligations contractuelles et constitue une faute gr ave. Selon votre contrat de travail, vous êtes dans l'obligation de « veiller à ce que soit assurée la sécurité du personnel ». Or, vous avez manqué à cette obligation. En effet, en date du 06 septembre 2017, l'Inspection du Travail a rendu à l'encontre de notre société une lettre d'observation constatant un certain nombre d'infraction à la législation. L'Inspecteur conclura en indiquant une obligation de mise en conformité pour une visite de contrôle fixé au premier trimestre 2018. En date du 20 mars 2018, Mme [D], par courriel, vous a rappelé votre obligation contractuelle de mise en conformité vis-à-vis de la sécurité des personnels. Elle vous a indiqué par ailleurs que vous deviez traiter ce dossier de façon prioritaire. Le 10 avril 2018, l'Inspecteur du travail s'est présenté à l'entreprise et n'a pu constater l'absence d'actions correctives sur les manquements précédemment relevés. A ce jour, l'Inspection du travail nous a adressé une mise en demeure de mise en conformité. Votre inaction totale et injustifiée dans la réalisation de ce dossier démontre, d'une part, une nouvelle fois votre non-respect de vos obligations contractuelles et d'autre part, constitue une inaction inacceptable dans notre société eu égard les enjeux sécuritaires de ce dossier. Eu égard au fait que vous êtes un salarié de notre entreprise, vous êtes soumis à l'obligation de suivre les ordres et instructions données par vos supérieurs hiérarchiques. Or, force est de constater que vous avez violé cette obligation. En effet, en date du 7 février 2018, Mme [G] vous a invité à lui faire parvenir les informations concernant le plan de formation de l'établissement dont vous étiez le directeur. Par un mail du 5 avril, Mme [G] a été contrainte de vous relancer sur le même sujet, puisque vous n'aviez pas fait parvenir les informations demandées. Mme [D], votre supérieur hiérarchique, nous indique que vous lui fournissez peu de réponses à des demandes. Selon les rapports de Mme [D], votre directrice opérationnelle, des comptes rendus de réunions, ou de rencontre client, n'ont pas été transmis, alors que vous y étiez obligé et, par la même occasion, vous ne répondiez pas aux différentes relances de Mme [D]. Aussi, il est courant que vous ne répondiez pas aux mails de vos supérieures hiérarchiques ou que vous répondiez partiellement à ceux-ci. Cette attitude est intolérable pour une personne de votre position dans notre entreprise. De même, en date du 1er mars 2018, vous ne vous êtes pas organisé pour l'ouverture du site, ce qui a entraîné un manque de sécurité pour le personnel, et un retard dans la production. Par ailleurs, vous avez noté que MM. [B] refusait d'ouvrir le site le matin, ce qui est erroné. En conséquence, soit vous ne répondez pas à vos supérieurs hiérarchiques, soit vous leur fournissez des réponses erronées ou mensongères, soit vous ne respectez pas les ordres donnés. Par courrier en date du 18 avril 2018, soit préalablement à l'entretien préalable, vous avez invoqué une situation de harcèlement moral à votre encontre de la part de vos supérieurs hiérarchiques. De telles affirmations, sont totalement erronées et ne sont invoquées que pour les besoins de la cause. En effet, à aucun moment, depuis votre date d'entrée au sein de notre société vous ne nous avez fait part d'une quelconque situation de harcèlement moral, alors même que vous rencontriez de manière régulière Mme [D], et le PDG de la société. Au-delà, les ordres donnés par vos supérieurs hiérarchiques ne constituent nullement des actes de harcèlement moral. Par ailleurs, vous invoquez une dégradation de votre état de santé du fait du stress et de l'amplitude de vos horaires de travail alors même que vous ne procédiez pas systématiquement à l'ouverture de l'usine le matin. De plus, le lundi 16 avril 2018, votre compagne nous a informé que vous seriez absent, et que vous alliez consulter. Dans l'après-midi, vous nous avez indiqué que vous étiez en arrêt de travail pour 2 jours suite un problème de santé lié à des problèmes de circulation sanguine, et non au stress comme vous l'indiquez aujourd'hui. En aucun cas, une situation de stress n'a été invoquée. Clairement, vous vous positionnez sur une situation de harcèlement moral sur les conseils de votre avocat, que vous citez dans votre courrier dans un seul but de dédommagement financier sans apporter aucun élément de preuve. D'ailleurs, au cours de l'entretien préalable, vous ne nous avez fourni aucun élément permettant de renoncer à notre procédure. Vous vous êtes contenté d'invoquer un manque de stratégie de l'entreprise, alors que vous organisions de manière hebdomadaire des réunions auxquelles vous étiez présent. Eu égard à la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise est impossible y compris pendant la durée d'un quelconque préavis et c'est pourquoi nous vous notifions par la présente, votre licenciement sans préavis ni indemnité pour fautes graves. Nous vous confirmons la mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée par courrier du 16 avril 2018. Nous vous adresserons, par courrier séparé votre certificat de travail, votre attestation Pôle Emploi ainsi que votre solde de tout compte. Nous vous informons que vous bénéficierez du maintien des garanties « prévoyance » et « santé » applicables aux salariés de l'entreprise, sous réserve d'être pris en charge par le régime d'assurance chômage, dans les conditions légales prévues à l'article L.911-8 du Code de la sécurité sociale/ Enfin, nous vous informons également que vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandé avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement. Nous vous informons que vous êtes délié de toute obligation de non-concurrence. Vous voudrez bien vous présenter le mercredi 9 mai 2018 à 9h afin de vous restituer les matériels et documents en votre possession, appartenant à la société et notamment : véhicule, téléphone, ordinateur, clés, badges. » Par requête réceptionnée au greffe le 30 avril 2019, M. [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Vichy aux fins notamment de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Par jugement du 8 février 2021, le conseil des prud'hommes de Vichy a : - dit et jugé que le licenciement notifié à M. [V] repose sur une faute grave ; - dit et jugé que M. [V] exerçait bien sa fonction avec le statut de cadre dirigeant ; En conséquence, - débouté M. [V] de ses demandes afférentes à la requalification du jugement sans cause réelle et sérieuse ; - débouté M. [V] de sa demande relative aux heures supplémentaires ; - débouté M. [V] de toutes ses autres demandes ; - condamné M. [V] à verser à la Sas Sofama la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - dit la demande formulée au titre de l'exécution provisoire sans objet ; - condamné M. [V] aux entiers dépens. M. [V] a interjeté appel de ce jugement le 16 mars 2021, Vu les conclusions notifiées à la cour le 11 juin 2021 par M. [V] ; Vu les conclusions notifiées à la cour le 08 septembre 2021 par la Sas Sofama ; Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 avril 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, M. [V] demande à la cour de : - dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté à l'encontre du jugement du conseil des prud'hommes de Vichy du 8 février 2021 ; - constater qu'il est limité au débouté de ses demandes relatives à son statut, contesté, de cadre dirigeant ; Y faisant droit, - réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le statut de cadre dirigeant lui était applicable et l'a débouté de ses demandes à ce titre ; Statuant à nouveau, - dire et juger que le statut de cadre dirigeant lui est inopposable par application des dispositions de l'article L.3171-4 du Code du travail ; - condamner la Sas Sofama à lui verser la somme de 47.505,17 euros brut à titre de rappels d'heures supplémentaires, outre 4.750,52 euros à titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires ; - condamner la Sas Sofama à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ; - condamner la Sas Sofama aux entiers dépens. Dans ses dernières conclusions, la Sas Sofama demande à la cour de : - confirmer le jugement entrepris dans son intégralité ; - dire et juger que M. [V] avait bien un statut de cadre dirigeant ; - dire et juger que M. [V] succombe dans l'administration de la preuve de la réalisation de prétendues heures supplémentaires ; En conséquence, - débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes ; - accueillir sa demande reconventionnelle ; - condamner M. [V] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - condamner M. [V] aux entiers dépens. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Sur le statut de dirigeant : Aux termes de l'article L 3111-2 alinéa 2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise. Il appartient au juge, pour déterminer si le salarié bénéficie ou non du statut de cadre dirigeant, de vérifier précisément ses conditions réelles d'emploi, sans s'en tenir aux définitions conventionnelles. Peut avoir la qualité de cadre dirigeant un salarié dont le pouvoir de prendre des décisions de façon autonome, comme la participation à la direction de l'entreprise, se limitent à certains secteurs d'activité ou à un périmètre limité de l'entreprise, par exemple des fonctions de responsable de production d'un site, de directeur de fabrication d'un site décentralisé d'une société, de directeur commercial monde. En l'espèce, le contrat de travail signé entre les parties stipule : - que M. [S] [V] est embauché au poste de responsable de site, statut cadre dirigeant au sens de l'article L3111-2 du code du travail, sous l'autorité directe de Monsieur [O] [F], ou de toute autre personne qui se substituerait, à qui il rendra compte de son activité - que 'Dans le cadre de ses fonctions et sans que cette liste puisse être considérée comme limitative, Monsieur [S] [V] est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome. Dans le cadre de ses fonctions et sans que cette liste puisse être considérée comme limitative, Monsieur [S] [V] sera notamment chargé de: - Participer à la définition de la stratégie de l'entreprise - Diriger les activités de l'usine (production et vente) dans le cadre de la stratégie définie - Participer à l'élaboration des budgets (masse salariale, ventes, d'investissement ...) - Fixer les objectifs de la politique industrielle et commerciale avec la direction générale et organiser et mettre en 'uvre les moyens pour réaliser les objectifs définis - Participer à la négociation des principaux contrats de vente - Rechercher les moyens d'améliorer la production globale - Veiller à ce que soit assurée la sécurité du personnel et des tiers et le respect de la législation du travail - Superviser la gestion du personnel en lien avec le président et le service ressource humaines - Assurer la gestion comptable et financière en mettant en place l'organisation interne adéquate avec le président et services comptables et financiers - Assurer le respect de la législation applicable tant au niveau des actes passés par la société, que des décisions de gestion avec une approche préventive et systématique des éventuels risques juridiques - Veiller au respect et à la bonne application des textes réglementaires applicables à l'activité - Veiller à ce que soit assuré le bon entretien et l'absence de dégradation du matériel de travail et des bâtiments (locaux de travail, parking extérieur) etc ...) Pour l'accomplissement de ses fonctions, Monsieur [S] [V] dispose des pouvoirs les plus étendus et notamment l'autorité nécessaire sur le personnel, placé directement sous sa responsabilité, afin de faire respecter les décisions de la direction générale de la société (...)'. Il est constant que la société Sofama appartient à un groupe dirigé par une société holding qui abrite le service comptabilité, le service des ressources humaines et la gestion des opérations ainsi que de deux sociétés : la société Ateliers du Meygal et la société Sofama, laquelle dispose de quatre sites dont l'un était dirigé par M. [S] [V]. Il ressort des pièces versées aux débats que, dans les faits, le salarié n'exerçait pas de responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, qu'il ne percevait pas une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise et qu'il ne participait donc pas à la direction de l'entreprise. En effet, les pièces produites par les parties démontrent que M. [S] [V] : - ne participait pas à la définition de la stratégie de l'entreprise mais qu'il se bornait à diriger les activités de l'usine (pièce 13 et 14 de la partie intimée) - ne participait pas à l'élaboration des budgets (masse salariale, ventes, d'investissement) et n'assurait pas la gestion comptable et financière en mettant en place l'organisation interne adéquate avec le président et les services comptables et financiers mais se bornait à transmettre le chiffre d'affaires mensuel, à transmettre les besoins en machine de son site et à donner un avis sur les devis qui lui étaient transmis - ne supervisait pas la gestion du personnel en lien avec le président et le service des ressources humaines mais qu'il avait pour seul pouvoir de signer les conventions de mise en situation en milieu professionnel, de donner son accord sur les contrats de travail, de donner son avis au service comptabilité sur les renouvellements de CDD, de répondre aux demandes de stages transmises par le service comptabilité - ne disposait pas d'un accès direct au président de l'entreprise et devait obligatoirement passer par Mme [P] [D], directrice des opérations de la région Nord, salariée de la holding, ainsi qu'il résulte d'un courriel de M. [O] [A] du 2 mars 2018 lui indiquant qu'il est d'accord pour accéder à sa demande d'entretien mais lui demande également si '[P]' est au courant de cette demande. Au contraire, la société Sofama reconnaît en page 14 de ses conclusions que M. [V] recevait des 'ordres et directives ' de la part de Mme [D], laquelle est désignée comme étant sa 'supérieure hiérarchique' dans la lettre de licenciement dont les termes sont retranscrits ci-dessus, confirmant ainsi que le salarié ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel largement autonome. D'autre part, aucun éléments ne démontre que M. [S] [V] : - participait à la fixation des objectifs de la politique industrielle et commerciale avec la direction générale - participait à la négociation des principaux contrats de vente - était en charge de la recherche des moyens d'améliorer la production globale. Enfin, contrairement à ce que soutient l'employeur, M. [S] [V] conteste le fait que sa rémunération se situait parmi les plus hauts niveaux de l'entreprise. Or, les tableaux établis par l'employeur lui-même (les pièces 11 et 32), non corroborés par des documents comptables, ne présentent pas de force probante suffisante pour démontrer que la rémunération de M. [S] [V] (4 050 euros bruts par mois plus un avantage en nature de 121,49 euros) se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise. Il est ainsi démontré que, nonobstant les stipulations du contrat de travail, M. [S] [V] ne disposait pas du statut de cadre dirigeant. Le jugement sera infirmé de ce chef. Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires : Selon l'article L 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée du travail, des repos et des jours fériés. La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article à l'article L.3121-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et à l'article L 3121-27 du code du travail dans sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. En l'espèce, il résulte des motifs ci-dessus que M. [S] [V] ne bénéficiait pas du statut de cadre dirigeant. Il en résulte qu'il était soumis aux dispositions légales sur les heures supplémentaires. Il indique qu'il travaillait chaque jour au minimum de 7h30 à 19h30 - de 6h30 à 19h30 depuis le 2 mars 2018 - soit 10 heures par jour et 50 heures par semaine en tenant compte d'une pause déjeuner quotidienne de 2 heures. Contrairement à ce que soutient la société Sofama, ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle du temps de travail du salarié, ce qu'elle s'abstient de faire. Elle affirme que M. [B], autre salarié, a assuré ponctuellement l'ouverture du site, ce dont elle ne rapporte pas la preuve suffisante au moyen d'un relevé dont l'origine n'est pas précisée et dont la sincérité n'est pas certaine. Elle ajoute que le site Sofama 2 dirigé par M. [S] [V] était fermé le vendredi après-midi ainsi que tous les jours fériés, ce qui ne résulte d'aucune pièce. Elle précise enfin qu'entre le 12 septembre 2016 et le 2 mai 2018, le site a été fermé pendant 20 jours et que M. [S] [V] n'a pas travaillé pendant ces jours là, ce qui n'est pas suffisamment établi par le tableau établi par ses soins, non corroboré par une autre pièce. En toute hypothèse, la cour relève que le salarié a bien enlevé ces 20 jours à sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires puisque sa demande porte sur 82,27 semaines alors qu'il a travaillé 85,45 semaines pour le compte de la société Sofama L'existence des heures supplémentaires est ainsi établie et la cour, infirmant le jugement déféré de ce chef, condamne la société Sofama à payer à M. [S] [V] la totalité de la somme détaillée en page 15, soit la somme de 47 505,17 euros, outre 4 750,52 euros de congés payés y afférents. Sur les demandes accessoires : Partie perdante, la société Sofama supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Par ailleurs, M. [S] [V] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Sofama la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 2500 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, INFIRME le jugement en ce qu'il a : - Dit et jugé que M. [S] [V] exerçait bien la fonction avec le statut de cadre dirigeant ; - Débouté M. [S] [V] sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ; Statuant à nouveau et y ajoutant : DIT que M. [S] [V] n'était pas soumis au statut de cadre dirigeant; CONDAMNE la société Sofama à payer à M. [S] [V] la somme de 47 505,17 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 4 750,52 euros de congés payés y afférents ; DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ; CONDAMNE la société Sofama à payer à M. [S] [V] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Sofama aux entiers dépens de première instance et d'appel ; DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an. Le greffier, Le Président, N. BELAROUI S. NOIR