Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, et un mémoire, enregistré le 16 juin 2023, la société Europe Services Propreté, représentée par Me
Pezin, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'ensemble des décisions se rapportant à la procédure de passation des lots 2 et 3 de l'accord-cadre mixte sans minimum ayant pour objet des prestations de nettoyage, entretien et hygiène des bâtiments départementaux hors collèges et d'ordonner sa reprise, dans des conditions conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;
2°) de mettre à la charge du département de l'Essonne la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le département de l'Essonne a publié une information erronée sur la valeur estimée du marché, qui constitue un élément déterminant de l'appel d'offres, précisant que les offres des candidats et le résultat de la consultation auraient pu être radicalement différents si le département de l'Essonne n'avait pas laissé subsister une information erronée sur son estimation prévisionnelle, estimant que ce manquement est susceptible de l'avoir lésée ;
- le département de l'Essonne a maintenu dans la compétition au moins une offre anormalement basse, en méconnaissance des dispositions de l'article
L. 2152-2 du code de la commande publique et de l'article 4 du règlement de la consultation, estimant que ce caractère anormalement bas est révélé par l'écart substantiel de notation, au titre du critère du prix, avec les offres de l'exposante et de l'attributaire, précisant que le département de l'Essonne s'est servi de cette offre comme étalon de référence à la notation des autres offres, ainsi qu'il ressort de la méthode de notation retenue au titre du critère du prix, viciant ainsi le résultat de la consultation, ajoutant que le département de l'Essonne a méconnu son obligation, prévue par les dispositions de l'article
L. 2152-6 du code de la commande publique, de mettre en œuvre tous les moyens pour détecter les offres anormalement basse estimant que ce manquement est susceptible de l'avoir lésée ;
- le critère financier est irrégulier, dès lors que la simulation DQE, sur la base de laquelle les offres de prix ont été comparées pour les prestations ponctuelles, est identique pour les quatre lots alors que ceux-ci concernent des secteurs géographiques distincts, avec pour chacun, des bâtiments différents en catégorie et en nombre, les montants maximums pour chacun d'eux étant différents et la nature et l'ampleur du besoin du département de l'Essonne étant propres à chaque lot, estimant que, pour être représentative de l'objet du marché et de ses conditions prévisionnelles d'exécution, la simulation de commande aurait dû être spécifique à chaque lot, considérant qu'en retenant la même simulation de commande pour tous les lots, le département de l'Essonne a méconnu les principes en la matière et ne s'est, au surplus, pas mis en mesure d'attribuer le marché au soumissionnaire qui a remis l'offre économiquement la plus avantageuse, ce manquement étant susceptible d'avoir lésé la société exposante.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 juin 2023 et 19 juin 2023, le département de l'Essonne, représenté par Me Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Europe Services Propreté la somme de 6 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré du prétendu maintien d'une offre anormalement basse n'est pas fondé, dès lors que la seule circonstance qu'il existerait un écart sur le critère prix de moins de 10 points pour le lot n°2 et de 5 points pour le lot n°3 ne saurait suffire à établir l'existence d'une offre anormalement basse, ajoutant que la société requérante n'invoque aucun élément tiré de l'offre elle-même effectuée par la société
Pulita qui démontrerait l'existence d'une offre anormalement basse, que cette offre n'a jamais obtenu la note maximum sur le critère prix pour les lots n°2 et n°3 et, par voie de conséquence, n'a jamais servi d'offre étalon de référence à la notation des autres offres, indiquant que c'est l'offre de la société Rénovaction qui a servi de référence à la notation des autres offres, considérant que la société requérante n'est pas susceptible d'avoir été lésée par une prétendue offre anormalement basse de la société
Pulita, dans la mesure où l'offre de celle-ci n'a pas été la mieux-disante sur le critère du prix ;
- ce même moyen n'est pas davantage fondé en ce qui concerne l'offre de la société Rénovaction, dès lors qu'il résulte notamment des dispositions de l'article
L. 2152-5 du code de la commande publique que, pour être qualifiée d'anormalement basse, une offre doit, non seulement être manifestement sous-évaluée mais, en outre, être de nature à compromettre la bonne exécution du marché, estimant que la seule comparaison avec les autres offres ne saurait suffire à établir que l'offre de la société Rénovaction était anormalement basse et que la société requérante ne démontre pas que l'offre de la société RÉNOVACTION, en elle-même et au regard de ses caractéristiques propres, aurait été de nature à compromettre la bonne exécution du marché, ajoutant qu'en tout état de cause, la société requérante n'aurait pas été désignée attributaire des lots n°2 et n°3 si l'offre de la société Rénovaction n'avait pas servi de note étalon pour apprécier le critère prix, précisant qu'elle n'aurait jamais obtenu la meilleure note sur le critère du prix et que sa note technique ne lui permettait pas de rattraper son retard dans la mesure où elle est classée 4ème sur le lot n°2 et 3ème sur le lot n°3 ;
- le moyen tiré de la publication d'une information erronée sur la valeur estimée du marché n'est pas fondé, dès lors, d'une part, que le montant estimé hors TVA de 12 000 euros pour le lot n°2 relève d'une erreur matérielle qui se déduit aisément de l'avis d'appel public à la concurrence et du cahier des clauses administratives particulières, d'autre part, que l'offre de la société requérante sur la part unitaire est identique sur le lot n°2 et sur le lot n°3 alors que ce dernier était estimé à un montant de 200 000 euros, estimant qu'ainsi l'erreur matérielle n'a eu aucune influence sur l'offre de la société requérante et n'est pas susceptible de l'avoir lésé, enfin, que celle-ci n'a formulé aucune demande de précision alors même que le règlement de la consultation prévoyait la possibilité d'une telle demande ;
- le moyen tiré de l'irrégularité du critère financier n'est pas fondé, dès lors que la méthode d'évaluation mise en œuvre, figurant dans le règlement de la consultation, était connue de tous les candidats et n'a, ainsi, pas faussé la concurrence ni méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats, ajoutant que la simulation effectuée correspond à l'objet du marché, n'a pas eu pour effet de privilégier un aspect particulier et a été effectuée de manière identique par tous les candidats, estimant que la circonstance que les quatre lots concernaient des secteurs géographiques distincts, avec pour chacun des bâtiments différents en catégorie et en nombre, est sans influence sur la régularité de la méthode de notation, la société requérante ne démontrant pas, en outre, en quoi cette méthode est susceptible de l'avoir lésée.
Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2023, la société
Pulita, représentée par Me
Matharan, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Europe Services Propreté la somme de 5 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au département de l'Essonne de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres.
Elle soutient que :
- le classement des offres de la société requérante respectivement en neuvième position pour le lot 2 et en dixième position pour le lot 3 interroge sur son intérêt lésé dans le cadre d'une procédure de référé précontractuel ;
- le moyen tiré du prétendu maintien d'une offre anormalement basse n'est pas fondé, dès lors, d'une part, que la société requérante ne démontre pas que le département aurait maintenu dans la compétition une telle offre, précisant que les offres de la société
Pulita n'ont pas servi de référence à la notation du critère du prix, estimant que la société requérante ne saurait se prévaloir du caractère anormalement bas de l'offre d'une autre société évincée, le moyen étant par conséquent inopérant, ajoutant que le caractère anormalement bas des offres de la société ne saurait se déduire de la seule différence de notation entre la société requérante et l'exposante au titre du critère du prix, ni de l'estimation de la valeur des lots, et que la société requérante n'invoque aucun élément tiré de la sous-évaluation des offres de la société Rénovaction ou de l'exposante qui démontrerait l'existence d'une offre anormalement basse, et, d'autre part, que la requérante ne démontre pas, à supposer le manquement établi, la société avoir souffert d'une quelconque lésion dans la mesure où les notes obtenues par la société requérante au regard des critères de jugement écartent automatiquement celle-ci de la course à l'attribution, précisant que l'écart de notation ne concernait pas uniquement le critère du prix mais chacun des critères figurant dans le règlement de la consultation ;
- si un manquement susceptible d'avoir lésé la société requérante devait être retenu, la procédure de passation devrait être reprise au stade de l'analyse des offres, dès lors que les manquements allégués n'ont trait qu'à cette analyse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal administratif de Versailles a désigné M. Bélot, premier conseiller, pour statuer sur les référés précontractuels en application de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique tenue le 19 juin à 11 heures, en présence de Mme Paulin, greffière d'audience :
- le rapport de M. Bélot, juge des référés,
- les observations de Me
Pezin, représentant la société Europe Services Propreté, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise, en outre, que, s'agissant de l'information erronée sur le montant du marché, une telle erreur, si elle n'a pas affecté sa propre offre, a pu induire en erreur la société Rénovaction, qui a présenté une offre anormalement basse, que, s'agissant du maintien dans la compétition d'une offre anormalement basse, un tel manquement est caractérisé dès lors qu'une offre paraît telle et que le pouvoir adjudicateur s'abstient de mettre en œuvre la procédure de vérification, ajoutant que l'offre anormalement basse maintenue a servi d'étalon pour la notation des autres offres sur le critère du prix, ce qui est susceptible d'avoir lésée l'exposante, estimant qu'aucun lien n'existe entre le montant d'une offre et la qualité des prestations, enfin, que l'irrégularité du critère financier résulte de la mise en œuvre d'un détail quantitatif estimatif identique pour chaque lot alors que le contenu des prestations diffèrent,
- les observations de Me
Richardeau, substituant Me Sagalovitsch, représentant le département de l'Essonne, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise, en outre, que l'information erronée sur le montant du marché constitue une simple erreur matérielle qui, compte tenu des autres éléments des documents de la consultation, n'a pas induit en erreur les candidats et n'a pas eu d'impact pour la société requérante, qui n'a pas été lésée et n'a pas demandé de précision au pouvoir adjudicateur, que l'écart de prix entre les offres n'est pas suffisant pour caractériser une offre anormalement basse si cette circonstance n'est pas de nature à mettre en cause la bonne exécution du marché, ce dernier point n'étant pas allégué par la société requérante, qui, en outre, ne justifie pas d'un intérêt lésé compte tenu de l'écart de notes avec l'offre de la société attributaire, ajoutant que la circonstance que la note étalon change est sans incidence sur ordre de classement des offres, que la méthode de notation mise en œuvre est classique et admise en jurisprudence, ajoutant que la société requérante ne justifie pas d'un intérêt lésé, son rang de classement n'étant pas modifié,
- les observations de Me
Seghiri, substituant Me
Matharan, représentant la société
Pulita, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise, en outre, qu'il n'existait pas d'éléments suffisants pour suspecter une offre anormalement basse, eu égard à la faiblesse de la note technique de l'offre de la société Rénovaction, en corrélation avec le prix bas proposé, estimant qu'une simple comparaison des montants des offres n'est pas suffisante, ajoutant que la société requérante ne justifie pas d'un intérêt lésé compte tenu du rang de classement de ses offres, que la méthode de notation retenue a été mise en œuvre dans les conditions validées par la jurisprudence.
L'instruction a été close à l'issue de l'audience à 11h55.
Une note en délibéré, présentée pour la société Europe Services Propreté, a été enregistrée le 20 juin 2023.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 31 janvier 2023, et rectifié le 27 février 2023, le département de l'Essonne a lancé une consultation pour la passation d'un accord-cadre mixte sans maximum ayant pour objet des prestations de nettoyage, entretien et hygiène des bâtiments départementaux hors collèges. Le marché était réparti en quatre lots, dont le lot n°2 pour le secteur Evry-Courcouronnes et le lot n° 3 pour le secteur Nord/Est, et comprenait une part forfaitaire pour les prestations récurrentes et une part à bons de commande pour les prestations ponctuelles. Pour la passation de ce marché, selon la procédure de l'appel d'offres ouvert, d'une durée d'un an reconductible trois fois, la date limite de remise des offres était fixée au 9 mars 2023. Les offres des candidats devaient être appréciées selon les deux critères de la valeur technique, à hauteur de 60 points, et du prix, à hauteur de 40 points. Par un courrier du 17 mai 2023, le président du conseil départemental a informé la société Europe Services Propreté du rejet de ses offres pour l'attribution des lots n° 2 et n° 3 et de leur attribution à la société
Pulita. Par un courrier du 20 mai 2023, la société Europe Services Propreté a adressé au département de l'Essonne une demande d'information, à laquelle il a été répondu par un courrier du 26 mai 2023.
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes de l'article
L. 551-2 du même code : " I.-Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ". Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles
L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge du référé précontractuel de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.
4. En premier lieu, il est constant que l'avis d'appel public à la concurrence mentionne de manière erronée, s'agissant du lot n° 2, une valeur estimée de 12 000 euros alors que cette valeur est, en réalité, de 120 000 euros à raison de 30 000 euros par an, le marché étant, ainsi qu'il a été dit au point 1, reconductible trois fois. Toutefois, tant le règlement de la consultation que le cahier des clauses administratives particulières relatifs à l'accord-cadre en litige comportent la mention exacte d'une valeur maximale annuelle de 30 000 euros. Par ailleurs, la société Europe Services Propreté n'a pas estimé nécessaire de faire usage de la possibilité, expressément prévue au point 5 du règlement de la consultation, de solliciter des renseignements complémentaires auprès du pouvoir adjudicateur et n'a, aux termes mêmes de ses écritures et de ses observations orales, pas été induites en erreur, lors de l'élaboration de son offre, par la mention erronée figurant dans l'avis d'appel public à la concurrence. Dans ces conditions, la société Europe Services Propreté n'est pas susceptible d'avoir été lésée par cette mention erronée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article
L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article
L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2152-3 dudit code : " L'acheteur exige que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services, y compris pour la part du marché qu'il envisage de sous-traiter () ". Aux termes de l'article R. 2152-4 de ce code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : / 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés () ".
6. Il résulte de ces dispositions que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.
7. Par ailleurs, pour contrôler le caractère anormalement bas ou non d'une offre, le juge du référé précontractuel ne peut se borner à relever un écart de prix plus ou moins important entre cette offre et d'autres offres que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier sans rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.
8. En l'espèce, la société Europe Services Propreté fait valoir que les offres de la société Rénovaction, qui ont servi d'étalon de référence pour la notation des autres offres, ont obtenu, par rapport à ses offres, des notes supérieures de 21,20 points pour le lot n° 2 et 22,53 points pour le lot n° 3 et, par rapport aux offres de la société attributaire, des notes supérieures de 11,43 points pour le lot n° 2 et 17,37 points pour le lot n° 3. Toutefois, en se bornant à invoquer l'écart de prix entre les offres susmentionnées, sans alléguer d'élément tiré des offres de la société Rénovaction, et alors que les montants de ces offres excédaient la valeur estimée de chacun des lots en cause, valeur dont il n'est pas allégué qu'elle aurait été sous-évaluée, la société requérante ne fait pas valoir de circonstances de nature à caractériser une offre anormalement basse. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le département de l'Essonne aurait dû demander des précisions à la société Rénovaction sur le montant de son offre conformément aux dispositions, citées au point 5, de l'article
L. 2152-6 du code de la commande publique.
9. Enfin, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation. En effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une "simulation" consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d'interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n'a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix. Il ne manque pas à ses obligations de mise en concurrence à la triple condition que la simulation corresponde à l'objet du marché, que le choix du contenu de la simulation n'ait pas pour effet d'en privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s'en trouverait dénaturé et que le montant des offres proposées par chaque candidat soit reconstitué en recourant à la même simulation
10. En l'espèce, aux termes du point 4 du règlement de la consultation : " Le critère prix sera évalué d'une part sur la base d'une simulation fondée sur les prix unitaires renseignés par le candidat et d'autre part sur l'addition des prix forfaitaires renseignés par le candidat à l'acte d'engagement. / () La note finale, sur 40 points, sera l'addition de la note de la simulation et celle des prix forfaitaires ".
11. La société Europe Services Propreté fait valoir que la simulation, sur la base de laquelle les offres de prix ont été comparées pour les prestations ponctuelles, est identique pour les lots n° 2 et n° 3 alors que ceux-ci concernent des secteurs géographiques distincts, avec pour chacun des bâtiments différents en catégorie et en nombre, les montants maximums pour chacun d'eux étant différents et la nature et l'ampleur du besoin du département de l'Essonne étant propres à chaque lot. Toutefois il ne résulte pas de l'instruction, et n'est au demeurant pas allégué de manière suffisamment précise, que les prestations attendues dans chacun des secteurs géographiques concernés par les deux lots en cause aient été, par leur nature ou leur ampleur, d'une différence telle que la simulation mise en œuvre par le département de l'Essonne n'aurait pas correspondu à l'objet de l'un ou l'autre lot ou aurait dénaturé le critère du prix. Par suite, la société Europe Services Propreté n'est pas fondée à soutenir que la simulation de commande aurait dû être spécifique à chaque lot et qu'en retenant la même simulation de commande pour tous les lots, le département de l'Essonne aurait méconnu ses obligations de mise en concurrence.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la société Europe Services Propreté doit être rejetée, en ce compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Europe Services Propreté le versement d'une somme de 1 500 euros à chacun au titre des frais exposés par le département de l'Essonne et la société
Pulita et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E:
Article 1er : La requête de la société Europe Services Propreté est rejetée.
Article 2 : La société Europe Services Propreté versera au département de l'Essonne et à la société
Pulita la somme de 1 500 euros chacun en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Europe Services Propreté, au département de l'Essonne et à la société
Pulita.
Fait à Versailles, le 23 juin 2023.
Le juge des référés,
Signé
S. Bélot
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.