CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro, 12 octobre 1989, 1224/80

Mots clés Valeur en douane · Attestation d'authenticité · Règlement CEE no 1224/80. · règlement · marchandises · certificat · produits · quot · douane · importation · viande · prix · communauté · tiers · contingent · authenticité

Synthèse

Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 1224/80
Date de dépôt : 03 août 1988
Titre : Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne.
Rapporteur : Sir Gordon Slynn
Avocat général : Tesauro
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:376

Texte

Avis juridique important

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61988C0219

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 12 octobre 1989. - Malt GmbH contre Hauptzollamt Düsseldorf. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Valeur en douane - Attestation d'authenticité - Règlement CEE no 1224/80. - Affaire C-219/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-01481

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le Bundesfinanzhof vous demande d' interpréter le règlement ( CEE ) n° 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises ( 1 ), afin de pouvoir se prononcer dans le litige pendant devant cette juridiction entre la société Malt GmbH ( ci-après "demanderesse ") et le Hauptzollamt Duesseldorf ( ci-après "Hauptzollamt ").

2 . Les faits qui sont à l' origine du litige au principal sont, en substance, les suivants .

En automne 1981, la demanderesse a importé dans la Communauté de la viande bovine argentine, en franchise de tout prélèvement à l' importation, dans le cadre d' un contingent tarifaire communautaire ouvert, en ce qui concerne les viandes bovines de haute qualité, par le règlement ( CEE ) n° 217/81 du Conseil ( 2 ). Pour bénéficier de la franchise du prélèvement, la demanderesse a produit, conformément aux dispositions du règlement ( CEE ) n° 263/81 de la Commission ( 3 ), un certificat d' authenticité de la viande importée .

Lors de l' importation, la demanderesse a déclaré comme valeur en douane le prix facturé, net des frais exposés pour obtenir les certificats d' authenticité .

Le Hauptzollamt a, en revanche, inclus ces frais dans le prix facturé aux fins du calcul de la valeur en douane .

Tant la réclamation administrative que l' action en justice, introduites par la demanderesse, ont été rejetées . La demanderesse a par conséquent saisi le Bundesfinanzhof d' une demande en "Revision" en faisant valoir, notamment, que les frais afférents au certificat ne font pas partie intégrante du prix d' achat de la marchandise, qui est négocié préalablement et séparément .

3 . Par ordonnance rendue le 26 mai 1988, le Bundesfinanzhof a déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1)Faut-il interpréter le règlement ( CEE ) n° 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises, et en particulier l' article 3, paragraphes 1 et 3, sous a ), en ce sens que, lors de l' évaluation en douane de viande bovine argentine mise en libre pratique en 1981 sans prélèvement à l' importation, dans le cadre d' un contingent douanier communautaire, les montants payés aux vendeurs en sus du prix de la marchandise, pour les attestations d' authenticité exigées en vue de l' application de la réglementation contingentaire, doivent être ajoutés au prix effectivement payé ou à payer ( valeur transactionnelle )?

2 ) En cas de réponse affirmative à la question 1 : faut-il interpréter le règlement susmentionné, et en particulier l' article 3, paragraphe 4, sous b ), en ce sens que les montants versés pour les attestations doivent être considérés, pour la détermination de la valeur en douane de la marchandise, comme des taxes à payer dans la Communauté en raison de l' importation?

3)En cas de réponse affirmative à la question 2 : faut-il interpréter le règlement susmentionné, et en particulier l' article 3, paragraphe 4, en ce sens qu' il est satisfait à l' exigence selon laquelle ce montant doit être distinct du prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, lorsque la facture indique une somme globale pour la marchandise et le montant versé pour les attestations, tout en mettant en évidence la valeur de ce montant?"

4 . Le cadre juridique . A la suite d' engagements pris par la Communauté dans le cadre de l' accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ( ci-après "GATT "), le Conseil a adopté, le 20 janvier 1981, le règlement n° 217/81, portant ouverture d' un contingent tarifaire communautaire de viandes bovines de haute qualité, fraîches, réfrigérées ou congelées, pour un volume total fixé à 21 000 tonnes .

Le règlement précité prévoyait l' élaboration d' un système d' utilisation du contingent tarifaire communautaire, fondé sur la présentation d' un certificat d' authenticité garantissant la nature, la provenance et l' origine des produits, et ce afin de garantir, notamment, l' accès égal et continu de tous les opérateurs intéressés de la Communauté audit contingent et l' application, sans interruption, du taux prévu pour ce contingent à toutes les importations des produits en question, dans tous les États membres jusqu' à épuisement du volume contingentaire ( 4 ).

Les modalités d' application du règlement n° 217/81 ont été définies par la Commission, par le règlement n° 263/81, du 21 janvier 1981 . Ce dernier règlement prévoyait notamment que la suspension totale du prélèvement à l' importation pour les viandes en cause est subordonnée à la présentation, lors de la mise en libre pratique, d' un certificat d' authenticité visant à garantir l' origine et la qualité des viandes, et à la condition que ce certificat soit dûment rempli et visé par l' un des organismes émetteurs énumérés en annexe .

Concrètement, les certificats sont délivrés et répartis parmi les abattoirs par les autorités nationales des pays tiers concernés, selon des procédures d' attribution qu' elles arrêtent .

Ainsi qu' il ressort du dossier, en Argentine, chaque abattoir se voit attribuer un quota dont le transfert à un autre abattoir n' est pas autorisé, contrairement à ce qui est le cas dans d' autres États .

Toutefois, des reports indirects sont pratiqués, en ce sens qu' un abattoir qui dispose de têtes de bétail à abattre, mais a épuisé son quota, confiera l' abattage à un autre abattoir qui a des quotas disponibles . Ce dernier se chargera en même temps de remettre le certificat d' authenticité, en exigeant le paiement du montant y afférent .

La Commission ne conteste pas la validité de cette pratique au regard des dispositions pertinentes du droit communautaire .

5 . C' est dans un cadre juridique tout à fait différent que s' inscrit l' article 3 du règlement n° 1224/80, disposition que la Cour est appelée à interpréter .

En adoptant le règlement précité, relatif à la valeur en douane des marchandises, qui a pour objectif de favoriser le commerce mondial en établissant un système équitable, uniforme et neutre d' évaluation en douane qui exclut l' utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives ( 5 ), le Conseil a en effet appliqué l' accord relatif à la mise en oeuvre de l' article VII du GATT ( 6 ), lequel a été approuvé, au nom de la Communauté, par la décision 80/271/CEE, du 10 décembre 1979, concernant la conclusion des accords multilatéraux résultant des négociations commerciales de 1973-1979 ( 7 ).

L' accord en question, qui établit un ensemble de dispositions visant à faciliter les échanges internationaux en évitant que ceux-ci ne soient entravés par l' application de méthodes divergentes d' évaluation en douane, a introduit, comme base d' évaluation, la valeur transactionnelle des marchandises .

L' article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1224/80 prévoit, en effet, que la valeur en douane des marchandises importées est la valeur transactionnelle, c' est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu' elles sont vendues pour l' exportation à destination du territoire douanier dans la Communauté .

Le libellé de l' article 3, paragraphe 3, sous a ), tel que modifié par le règlement ( CEE ) n° 3193/80 ( 8 ), précise à son tour que :

"Le prix effectivement payé ou à payer est le paiement total effectué ou à effectuer par l' acheteur au vendeur, ou au bénéfice de celui-ci, pour les marchandises importées et comprend tous les paiements effectués ou à effectuer, comme condition de la vente des marchandises importées, par l' acheteur au vendeur, ou par l' acheteur à une tierce partie pour satisfaire à une obligation du vendeur . Le paiement ne doit pas nécessairement être fait en argent . Il peut être fait par lettres de crédit ou instruments négociables et peut s' effectuer directement ou indirectement ."

6 . La Cour a déjà eu l' occasion de se prononcer sur un cas sensiblement analogue à celui qui nous occupe .

S' agissant des frais de quotas correspondant à l' acquisition de contingents d' exportation, la Cour a notamment affirmé que :

"les frais de quotas correspondant à l' acquisition de contingents d' exportation ne font pas partie intégrante de la valeur en douane des marchandises importées dans la Communauté au sens des dispositions du règlement n° 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises, modifié par le règlement n° 3193/80 du Conseil, du 8 décembre 1980" ( 9 ).

La Cour est arrivée à cette conclusion après avoir souligné que le système des licences d' exportation et d' importation participe du régime communautaire d' autorisation et de limitation quantitative des importations dans la Communauté de produits textiles originaires de certains pays tiers et que cette réglementation, qui vise seulement à contrôler les quantités de produits textiles importés de certains pays tiers, poursuit un objectif entièrement distinct de celui du règlement n° 1224/80, qui tend à établir un système équitable, uniforme et neutre d' évaluation en douane des marchandises pour l' application du tarif douanier commun . Ce dernier règlement doit donc être interprété sans référence à la réglementation relative au système des licences d' exportation et d' importation ( 10 ).

7 . Toutefois, de l' avis de la Commission, l' analogie entre le cas d' espèce et l' affaire Ospig, précitée, n' est qu' apparente puisque le certificat d' authenticité présente une importante différence par rapport au certificat d' exportation exigé dans le cadre du régime applicable aux produits textiles .

En effet, ce dernier se rapporte non pas à des articles déterminés, mais à une catégorie déterminée . La marchandise et le certificat peuvent être acquis séparément, voire même de personnes différentes, de même qu' il se peut également, comme ce fut le cas dans l' affaire Ospig, qu' ils soient obtenus en même temps du vendeur .

La Commission souligne que, dans le cadre de l' importation de viande bovine de haute qualité, l' acquisition de la marchandise ne peut pas être dissociée de l' acquisition du certificat d' authenticité, puisque ce dernier se rapporte à une marchandise bien déterminée . La formulation que le certificat prévoit (" Je soussigné atteste que la viande bovine décrite dans le présent certificat correspond aux spécifications figurant au verso ") mettrait en évidence qu' il est impossible qu' un tel certificat soit délivré sans que les bovins destinés à l' abattoir aient fait l' objet d' un contrôle tendant à vérifier l' exactitude des informations certifiées quant à leur élevage, leur nourriture et ainsi de suite .

Si, par conséquent, le certificat concerne une marchandise à laquelle il est indissolublement lié, les frais y afférents devraient être considérés comme faisant partie intégrante du prix de vente et de la valeur transactionnelle : les sommes versées pour le certificat représenteraient, selon la Commission, des paiements effectués pour la marchandise, même si elles sont indiquées séparément sur la facture .

8 . Disons d' emblée que ces arguments ne paraissent pas convaincants .

Avant d' entreprendre un examen approfondi des analogies et des différences existant entre le cas d' espèce et celui de l' affaire Ospig, il nous paraît en effet utile de préciser la ratio de l' arrêt précité . Cette ratio est, à notre avis, déterminée par la nécessité d' éviter que l' inclusion dans la valeur en douane des frais relatifs à l' acquisition des licences d' exportation, dont la fonction consiste uniquement à contrôler les quantités de produits textiles importés de certains pays tiers, ne provoque une augmentation des droits de douane à l' importation et, partant, renforce le protectionnisme et aboutisse ainsi à un résultat contraire à l' objectif poursuivi par le règlement n° 1224/80, relatif à la valeur en douane, c' est-à-dire le développement des échanges internationaux .

Or, il nous paraît incontestable que le système relatif à l' ouverture et à l' utilisation d' un contingent tarifaire communautaire de viandes bovines, de manière analogue au régime communautaire d' autorisation et de limitation quantitative des importations dans la Communauté de produits textiles, poursuit un objectif de contrôle des importations entièrement distinct de celui visé par les dispositions relatives à la détermination de la valeur en douane des marchandises et que, de ce point de vue, qui a été précisément adopté par la Cour dans l' affaire Ospig, les deux cas ne diffèrent pas .

9 . Il existe ensuite un élément textuel dont il faut tenir compte . En effet, en y regardant de près, le prix payé pour le certificat représente non pas la contrepartie payée pour la marchandise, mais plutôt le paiement effectué pour acquérir le droit d' importer la marchandise dans la Communauté en franchise du prélèvement .

En principe, la marchandise en question pourrait certes être importée dans la Communauté même en faisant abstraction de la délivrance du certificat en question; dans ce cas, il est clair que la marchandise ne relèverait pas du contingent tarifaire accordé par la Communauté et que l' importateur serait tenu de payer le prélèvement y afférent .

En d' autres termes, le prix payé pour l' acquisition du certificat représente non pas le paiement effectué comme condition de la vente de la marchandise, mais plutôt la contrepartie payée pour l' acquisition d' une situation juridique particulière au regard des dispositions tarifaires communautaires .

Cette thèse est, en outre, corroborée par la constatation selon laquelle le prix du certificat d' authenticité non seulement est indiqué séparément sur la facture, mais est effectivement négocié à part et soumis à des critères ainsi qu' à des fluctuations qui font abstraction du prix de marché des viandes .

10 . D' autre part, la simple observation selon laquelle il existe entre le certificat en cause et la viande importée un lien plus étroit que celui existant entre les licences d' exportation et les produits textiles y afférents ne nous paraît pas de nature à modifier les données du problème .

Le lien étroit existant entre le certificat d' authenticité et la viande qui est accompagnée de celui-ci procède en effet du système instauré par les règlements n°s 217/81 et 263/81, selon lesquels seule la viande bovine de haute qualité est admise à bénéficier des avantages découlant de l' ouverture du contingent tarifaire .

Le certificat en question a précisément pour fonction d' attester que cette viande déterminée possède les qualités requises par les dispositions communautaires et on ne voit pas comment on pourrait en déduire que le prix du certificat fait partie intégrante de la valeur en douane des marchandises importées .

11 . A la lumière des considérations qui précèdent, nous concluons donc en suggérant à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le Bundesfinanzhof :

"Les montants payés aux vendeurs pour les attestations d' authenticité nécessaires pour bénéficier de la réglementation communautaire sur les contingents ne font pas partie intégrante de la valeur en douane des marchandises importées dans la Communauté au sens des dispositions du règlement n° 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises ."

(*) Langue originale : l' italien .

( 1 ) JO L 134, p . 1 .

( 2 ) JO L 38, p . 1 .

( 3 ) JO L 27, p . 52 .

( 4 ) Voir deuxième considérant du règlement ( CEE ) n° 217/81 .

( 5 ) Voir sixième considérant du règlement ( CEE ) n° 1224/80 .

( 6 ) JO 1980, L 71, p . 107 .

( 7 ) JO L 71, p . 1 .

( 8 ) JO L 333, p . 1 .

( 9 ) Voir arrêt du 9 février 1984, Ospig, point 18 ( 7/83, Rec . p . 609 ).

( 10 ) Voir arrêt précité, points 13 et 14 .