Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème Chambre, 7 avril 2016, 14MA03283

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    14MA03283
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Montpellier, 23 mai 2014
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000032405236
  • Rapporteur : Mme Marie-Claude CARASSIC
  • Rapporteur public :
    Mme CHAMOT
  • Président : M. VANHULLEBUS
  • Avocat(s) : SCP SCHEUER - VERNHET ET ASSOCIES
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
2016-04-07
Tribunal administratif de Montpellier
2014-05-23

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée Design et la compagnie Axa ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement les communes de Montpellier et de Lattes à leur verser respectivement les sommes de 16 765 euros et de 15 888 euros assorties des intérêts, au titre du préjudice subi par la société Design à la suite d'une inondation causée par d'importantes pluies survenue le 8 octobre 2009 dans la zone du Puech Radier à Lattes. Par un jugement n° 1202158 du 23 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 juillet 2014 et un mémoire enregistré le 8 janvier 2016, la société Design et la compagnie Axa, représentées par la SCP Scheuer-Vernhet et associés, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 23 mai 2014 du tribunal administratif de Montpellier ; 2°) de condamner solidairement les communes de Montpellier et de Lattes à verser à la société Design la somme de 16 765 euros et à la compagnie Axa, son assureur, celle de 15 888 euros assorties des intérêts capitalisés ; 3°) de mettre à la charge des communes de Montpellier et de Lattes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Design et la compagnie Axa soutiennent que : - la configuration des lieux n'est pas la cause principale des inondations ; - la responsabilité sans faute de la commune de Montpellier est engagée à l'égard de la société Design pour absence de réalisation d'ouvrages publics et pour défaut d'entretien des fossés ; - la responsabilité sans faute de la commune de Lattes est également engagée pour absence d'ouvrage public adapté ; - ces épisodes pluvieux ne peuvent pas être qualifiés de force majeure ; - l'absence de disposition législative ou réglementaire faisant obligation à la commune de Montpellier de réaliser les ouvrages publics nécessaires ne peut lui être opposée ; - la société Design n'a commis aucune faute ; - le dommage présente un caractère anormal et spécial ; - le préjudice matériel de la société Design s'élève à la somme de 16 765 euros ; - la compagnie Axa établit être subrogée dans les droits de son assurée à hauteur de 15 888 euros ; - la société Design subit un préjudice moral. Par un mémoire enregistré le 13 mai 2015, la commune de Lattes, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des requérantes à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Lattes fait valoir que : - la responsabilité des communes ne peut être engagée en l'absence de disposition législative ou réglementaire leur faisant obligation de réaliser un réseau d'évacuation des eaux pluviales ; - la compagnie Axa n'établit pas être subrogée, en application de l'article L. 121-12 du code des assurances ; - le montant du préjudice matériel n'est pas établi ; - son réseau pluvial n'est pas à l'origine des dommages allégués et elle n'est pas tenue de coordonner ses efforts avec la commune de Montpellier en matière d'urbanisme ; - la société Design a commis une faute d'imprudence totalement exonératoire. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2015, la commune de Montpellier, représentée par la Selarl d'avocats Lysas Partners, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la condamnation de la commune de Lattes à supporter une part de l'indemnisation et en tout état de cause, à la condamnation solidaire des requérantes à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Montpellier fait valoir que : - le lien de causalité entre l'absence d'ouvrage public et les préjudices allégués n'est pas établi ; - elle n'a aucune obligation légale de collecter les eaux pluviales pour éviter une atteinte aux constructions édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel ; - l'expertise est irrégulière en raison du caractère non contradictoire des réunions des 19 février 2010 et 31 mars 2010 ; - le rapport de l'expert ne démontre pas les causes du sinistre ; - il n'appartenait pas à l'expert de se prononcer sur l'existence ou non d'un cas de force majeure ; - la création du bassin de rétention prévu n'aurait pas amoindri la violence du sinistre ; - le préjudice subi, qui concerne cinq autres sociétés implantées dans la zone, n'est pas spécial ; - les inondations prévisibles dans ce secteur ne sont pas non plus anormales ; - le préjudice matériel n'est pas établi ; - les pluies du 8 octobre 2009 constituent un cas de force majeure ; - la faute de la victime est partiellement exonératoire ; - la commune de Lattes a aussi concouru à la réalisation du dommage en accordant des permis de construire sans prescriptions spéciales ; - la part de responsabilité de la commune de Lattes est supérieure à 10 %. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Carassic, rapporteure ; - les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ; - et les observations de Me B... représentant la société Design et la compagnie Axa, et celles de Me C..., représentant la commune de Montpellier, substituant la Selarl d'avocats Lysias Partners. Une note en délibéré présentée par la société Design et la compagnie Axa a été enregistrée le 14 mars 2016. 1. Considérant que la société Design et la compagnie Axa, son assureur, interjettent appel du jugement du 23 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire des communes de Montpellier et de Lattes à leur verser respectivement les sommes de 16 765 euros et de 15 888 euros assorties des intérêts au titre du préjudice subi par la société Design à la suite d'une inondation causée par d'importantes pluies survenue le 8 octobre 2009 dans la zone du Puech Radier à Lattes ;

Sur la

régularité des opérations d'expertise : 2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'évaluation des préjudices subis a fait l'objet d'un débat entre les parties devant l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier, non seulement au cours de deux réunions organisées avant que les opérations de l'expertise ne soient étendues au contradictoire de la commune de Montpellier mais également après cette extension, et en présence de la commune, qui n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'expertise serait entachée d'irrégularité pour ce motif ; qu'en tout état de cause, le rapport de l'expert peut être utilisé par la juridiction à titre d'élément d'information ; Sur la responsabilité : 3. Considérant que l'expert désigné par la juridiction judiciaire a conclu que l'inondation à l'origine des dommages subis par les sociétés requérantes a pour cause, à hauteur de 90 %, l'absence de réalisation par la commune de Montpellier de deux bassins de rétention pour écrêter les eaux de ruissellement du bassin versant, en amont de la rue Montels l'Eglise et, pour les 10 % restants, l'absence d'entretien, par la même commune, des fossés bordant cette voie publique en pied de bassin versant, en aval de laquelle est située la zone du Puech Radier de Lattes ; que les sociétés requérantes ne recherchent plus en appel la responsabilité des communes de Montpellier et de Lattes que sur le seul fondement de la responsabilité sans faute, en se prévalant uniquement de l'absence de réalisation des bassins de rétention et d'entretien des fossés de pied ; En ce qui concerne les bassins de rétention : 4. Considérant que, même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; 5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les communes ont l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire afin d'éviter que les eaux de ruissellement n'atteignent les constructions édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel ; que les sociétés requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de réalisation des deux bassins de rétention mentionnés au point 3 pour rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Montpellier, seule invoquée ; En ce qui concerne les fossés : 6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la zone artisanale du Puech Radier à Lattes, située dans une cuvette naturelle, a été inondée par une lame d'eau provenant du bassin versant en amont de la rue Montels l'Eglise, à Montpellier ; que l'expert précise que le ruisseau du Rondelet à l'aval de la rue Montels l'Eglise n'a pas été à l'origine des inondations sur sa rive gauche ; que s'il ajoute que le défaut de curage des fossés a participé à la survenance du sinistre, à hauteur de 10 %, il ne fonde ses conclusions sur aucune étude technique ou hydraulique mais se borne à affirmer de manière générale qu'il s'agit d'un " cas de figure somme toute classique qui consiste à ne réaliser le pluvial nécessaire qu'après que la zone fortement urbanisée ait connu un nombre de sinistres suffisant pour parler de "zone à risques" " ; qu'il ressort au contraire du rapport circonstancié de l'analyse de l'événement du 8 octobre 2009 sur le secteur aval du cours d'eau du Rondelet réalisée par le bureau d'études d'ISL Ingénierie à la demande de la commune de Montpellier et non contesté par les sociétés requérantes, que, eu égard à l'importance des précipitations, dont le volume total sur les bassins versants a été estimé à 500 000 m3, les fossés bordant la rue Montels l'Eglise ne sont pas à l'origine de l'inondation de la cuvette de la zone artisanale du Puech Radier à Lattes, ces ouvrages publics n'ayant, par leur présence ou leur fonctionnement, ni concouru au déferlement de la lame d'eau depuis le bassin versant situé en amont de la voie publique ni aggravé ses effets ; que, dans ces conditions, les requérantes ne rapportent pas la preuve, dont la charge leur incombe, que les fossés de la rue Montels Eglise ont permis la survenance ou l'aggravation de l'inondation à l'origine des dommages dont elles demandent réparation ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le lien de causalité entre les fossés et les dommages subis par la société Design n'était pas établi et qu'ils ont estimé que la responsabilité sans faute de la commune de Montpellier n'était pas susceptible d'être engagée à l'égard de la société Design pour ce motif ; 7. Considérant que les requérantes, qui se bornent à faire état, sans aucune précision, d'une inadaptation du réseau d'évacuation des eaux pluviales de la commune de Lattes, n'établissent pas plus en appel qu'en première instance l'existence d'un lien de causalité entre ce réseau et leurs dommages ; que la responsabilité sans faute de la commune de Lattes n'est dès lors pas susceptible d'être engagée à ce titre ; 8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Design et la compagnie Axa ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge des communes de Montpellier et de Lattes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement aux sociétés requérantes de la somme qu'elles réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Design et de la compagnie Axa les sommes demandées par les communes de Montpellier et de Lattes sur le même fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Design et de la compagnie Axa est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par les communes de Montpellier et de Lattes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Design, à la compagnie Axa et aux communes de Montpellier et de Lattes. Délibéré après l'audience du 10 mars 2016, où siégeaient : - M. Vanhullebus, président de chambre, - M. Laso, président assesseur, - Mme Carassic, première conseillère, Lu en audience publique, le 7 avril 2016. '' '' '' '' N° 14MA032833 tr