LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 mai 2009), que M. X..., salarié de la société Thyssenkrupp Sofedit (la société) a déclaré, le 30 mars 2004, une maladie professionnelle pour surdité bilatérale sur la base d'un certificat médical du 24 mars 2004 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret (la caisse) a, par décision du 22 juin 2004 adressée pour information à la société, informé M. X... de son refus de prise en charge au motif que l'intéressé n'avait pas fourni d'audiogramme ; que la caisse ayant repris l'instruction de cette demande au vu d'un audiogramme daté du 22 mars 2004 fourni par la victime, elle a, après avoir avisé l'employeur par lettre du 11 octobre 2004 de la fin de l'instruction de la demande et de la possibilité de venir consulter le dossier, pris en charge la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle par décision du 26 novembre 2004 ; que la société a saisi une juridiction de la sécurité sociale d'un recours ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de lui déclarer opposable la décision de la caisse de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par M. X... le 30 mars 2004, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il a connaissance du caractère définitif d'une décision d'une caisse, refusant de reconnaître le caractère professionnel d'une maladie, laquelle est dotée de l'autorité de la chose décidée à l'égard des parties, l'employeur est en droit de s'en prévaloir à l'encontre de la caisse, quand bien même cette décision ne lui aurait pas été notifiée ; qu'en retenant, pour déclarer la décision modificative de la caisse du 26 novembre 2004 opposable à la société, que celle-ci ne pouvait se prévaloir de la décision initiale du 22 juin 2004 ayant définitivement refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de M. X..., au prétexte qu'elle ne lui aurait pas été notifiée, la cour d'appel a violé les règles régissant l'autorité de chose décidée attachée aux décisions des organismes de la sécurité sociale ;
2°/ que si la décision de refus de prise en charge d'une maladie au titre des maladies professionnelles a été prise régulièrement par la caisse dans le délai de l'article
R. 441-10 du code de la sécurité sociale et que cette décision n'est pas contestée par l'assuré dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce refus, la caisse ne peut plus modifier sa décision, qui devient définitive ; qu'en l'espèce, pour déclarer la décision modificative de la caisse du 26 novembre 2004 opposable à la société, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'elle ne pouvait se prévaloir de la décision initiale de refus du 22 juin 2004, au prétexte qu'elle ne lui aurait pas été notifiée, sans rechercher si cette décision, régulièrement prise dans le délai légal de trois mois et notifiée à l'assuré, n'était pas, en l'absence de tout recours, devenue définitive, de sorte que la caisse ne pouvait, le 26 novembre 2004, ni la modifier ni, par voie de conséquence, déclarer cette seconde décision modificative opposable à la société ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles
R. 142-1,
R. 441-10 et
R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la décision de la caisse refusant la prise en charge d'un accident au titre de la législation professionnelle n'étant, en application de l'article
R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, envoyée que pour information à l'employeur, elle ne peut acquérir un caractère définitif à son égard ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut invoquer l'autorité de la chose décidée attachée à cette décision, alors que la caisse a, en reprenant l'examen de la demande, renoncé à se prévaloir de la forclusion résultant de l'absence de recours exercé par la victime dans le délai de l'article
R. 142-1 du code de la sécurité sociale, puis a pris une décision rectificative ;
Attendu que l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont seule la victime peut se prévaloir ;
Attendu que l'arrêt retient que l'avis adressé le 22 juin 2004 à la société avait le caractère d'une simple information de sorte que la décision rectificative de prise en charge lui était opposable ;
Qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu que les troisième et quatrième branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Thyssenkrupp Sofedit aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Thyssenkrupp Sofedit ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Thyssenkrupp Sofedit
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société THYSSENKRUPP SOFEDIT de ses demandes et d'AVOIR dit la décision de la CPAM du Loiret de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par Monsieur X... le 30 mars 2004 opposable à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article
R. 441-14 du code de la sécurité sociale, la décision motivée par laquelle la CPAM statue sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie est notifiée à la victime ou à ses ayants droits sous pli recommandé avec demande d'avis de réception et le double de cette notification est, en cas de refus, envoyé pour information à l'employeur ; qu'il en résulte que la simple information donnée dans ses conditions à l'employeur, quelle que soit la forme qu'elle ait pu revêtir, ne peut conférer, à son égard, un caractère définitif à la décision de la caisse ; qu'en l'occurrence, la lettre adressée la 22 juin 2004 par la CPAM du Loiret à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT est ainsi libellée : «Ainsi que je vous l'indiquais par un précédent courrier, votre salarié cité en référence (Paul X...) a formulé une demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont il est atteint ; je vous prie de trouver, sous ce pli, pour information, le double de la notification comportant la décision motivée de la Caisse qui a été adressée à l'intéressé» ; que cet avis, envoyé à l'employeur, ne constitue donc pas une notification, mais a le caractère d'une simple information, de sorte que la décision rectificative de prise en charge peut lui être opposable dans la mesure ou les dispositions de l'article
R. 441-11 du code de la sécurité sociale ont été respectées ; qu'en effet, il résulte de ce texte que la CPAM, avant de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, doit informer en temps utile l'employeur de la fin de l'instruction et des éléments recueillis qui lui sont défavorables ainsi que de la possibilité de consulter le dossier avant la date prévue pour prendre sa décision ; qu'en l'espèce, la CPAM du Loiret a adressé le 11 octobre 2004 à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT une lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé par le destinataire le 13 octobre 2004, avisant l'employeur de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier dans un délai de 10 jours ; que la décision de prise en charge de la caisse n'a été notifiée que le 26 novembre 2004 ; que pendant ce délai suffisant, l'employeur n'est pas venu consulter le dossier, n'a pas demandé copie des pièces, et n'a pas formulé d'observation ; que les dispositions destinées à assurer le caractère contradictoire de la procédure d'instruction ont ainsi été respectées et le jugement mérite confirmation en ce qu'il a retenu que la décision de prise en charge était opposable à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT et rejeté le recours de cette dernière ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application des dispositions de l'article
R. 441-14 du code de la sécurité sociale, l'information envoyée à l'employeur quant à la décision de la caisse refusant la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle n'est pas une notification et ne confère pas à la décision un caractère définitif vis-à-vis de l'employeur ; (...) qu'en l'espèce, la CPAM du Loiret justifie avoir adressé à l'employeur l'avis de clôture de l'instruction et la possibilité pour lui de venir consulter les pièces du dossier pendant un délai de dix jours, selon une lettre dont elle produit l'avis de réception, présentée le 13 octobre 2004 ; que la décision a été prise le 26 novembre 2004, de sorte que l'employeur, ainsi appelé à la nouvelle procédure en suite de la démarche du salarié, a été amplement mis en mesure de prendre connaissance des éléments du dossier susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations (jugement, p. 3) ;
1°/ ALORS QUE, lorsqu'il a connaissance du caractère définitif d'une décision d'une CPAM, refusant de reconnaître le caractère professionnel d'une maladie, laquelle est dotée de l'autorité de la chose décidée à l'égard des parties, l'employeur est en droit de s'en prévaloir à l'encontre de la CPAM, quand bien même cette décision ne lui aurait pas été notifiée ; qu'en retenant, pour déclarer la décision modificative de la CPAM du 26 novembre 2004 opposable à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT, que celle-ci ne pouvait se prévaloir de la décision initiale du 22 juin 2004 ayant définitivement refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de Monsieur X..., au prétexte qu'elle ne lui aurait pas été notifiée, la cour d'appel a violé les règles régissant l'autorité de chose décidée attachée aux décisions des organismes de la Sécurité Sociale ;
2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE si la décision de refus de prise en charge d'une maladie au titre des maladies professionnelles a été prise régulièrement par la caisse dans le délai de l'article
R 441-10 du Code de la sécurité sociale et que cette décision n'est pas contestée par l'assuré dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce refus, la CPAM ne peut plus modifier sa décision, qui devient définitive; qu'en l'espèce, pour déclarer la décision modificative de la CPAM du 26 novembre 2004 opposable à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'elle ne pouvait se prévaloir de la décision initiale de refus du 22 juin 2004, au prétexte qu'elle ne lui aurait pas été notifiée, sans rechercher si cette décision, régulièrement prise dans le délai légal de trois mois et notifiée à l'assuré, n'était pas, en l'absence de tout recours, devenue définitive, de sorte que la CPAM ne pouvait, le 26 novembre 2004, ni la modifier ni, par voie de conséquence, déclarer cette seconde décision modificative opposable à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles
R 142-1,
R 441-10 et
R 441-14 du code de la sécurité sociale ;
3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT AUSSI, QUE selon les articles
R 441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale, si la CPAM, qui dispose d'un délai de trois mois pour statuer sur le caractère professionnel d'une maladie, estime qu'un examen complémentaire est nécessaire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, informer par lettre recommandée l'employeur de la prolongation du délai d'instruction, laquelle ne peut excéder trois mois ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir (conclusions, p. 4 à 6), que ces dispositions étaient méconnues, puisqu'à la suite de la déclaration de maladie professionnelle, souscrite le 30 mars 2004 par Monsieur X..., la CPAM n'avait pas notifié une prolongation du délai d'instruction, mais au contraire elle avait pris une décision explicite de refus de prise en charge, le 22 juin 2004 et qu'elle n'a ensuite, jamais informé l'employeur de l'ouverture d'une nouvelle instruction postérieure à cette décision, avant de revenir sur son refus par une décision de prise en charge intervenue le 26 novembre 2004, soit près de huit mois après la déclaration de l'assuré; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, établissant la méconnaissance des dispositions des articles
R 441-10 et R 441-14 du Code précité par la caisse, la cour d'appel a violé l'article
455 du Code de procédure civile ;
4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT ENFIN, QUE, dans son courrier adressé à l'employeur l'informant de la fin de l'instruction prévue par l'article
R. 441-11 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie doit préciser les éléments susceptibles de lui faire grief ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer la décision de la CPAM opposable à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT, qu'elle avait été avisée, le 13 octobre 2004, de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier, la cour d'appel, qui n'a ni recherché, comme elle y était invitée (conclusions, p. 5, 6, 9 et 10), si l'exposante avait été informée préalablement de la seconde instruction menée postérieurement à la décision de refus de prise en charge, ni constaté que ce courrier l'informait des éléments susceptibles de lui faire grief, précision qui ne figurait pas dans le courrier adressé à la société THYSSENKRUPP SOFEDIT, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
R 441-10, R 441-1 1 et suivants du Code de la sécurité sociale.