Sur le moyen
unique :
Vu
les articles
L. 512-2 et
D. 512-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique bénéficient des prestations familiales pour les enfants dont ils ont la charge dès lors qu'ils sont titulaires de l'un des titres ou documents dont la liste est fixée par le second ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué
et les productions, que Mme X..., de nationalité marocaine, a épousé M. Y... dont elle s'est séparée au mois d'avril 2007 ; qu'elle a demandé à bénéficier des prestations familiales au titre de l'enfant Rayan Y..., né le 26 octobre 2007, dont elle a la charge effective ; qu'elle a obtenu une carte de séjour temporaire le 29 mai 2008 ; que la caisse d'allocations familiales de la Drôme (la caisse) lui ayant refusé le versement de ces prestations pour la période antérieure au 1er juin 2008, elle a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour condamner la caisse à payer à Mme Y... les prestations familiales à compter de la déclaration de grossesse jusqu'à la séparation des époux puis à compter de la naissance de l'enfant, l'arrêt retient essentiellement que les articles
L. 512-1,
R. 512-1 et
D. 512-1 du code de la sécurité sociale sont contraires aux articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que l'application de ces textes écarterait l'effet recognitif de la délivrance de son titre de séjour, cette délivrance valant reconnaissance de la régularité de son séjour à compter de la naissance de l'enfant, celui-ci étant de nationalité française ;
Qu'en statuant ainsi
alors, d'une part, que Mme Y... ne justifiait pas pour la période litigieuse de l'un des titres ou documents exigés pour justifier de la régularité de son séjour par les textes susvisés, qui ne méconnaissent pas les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'autre part, que la délivrance d'un titre de séjour par le représentant de l'Etat ne revêt pas un caractère recognitif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'allocations familiales de la Drôme ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de la Drôme
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Caisse d'allocations familiales de la Drôme à payer à Madame Y..., née Djamila X..., les prestations familiales dues à l'enfant Ryan à compter de la déclaration de grossesse jusqu'à la séparation des époux, puis à compter de la naissance de l'enfant ;
AUX MOTIFS QUE "s'il a été reconnu que le bénéfice des prestations familiales peut être subordonné à l'accomplissement de la procédure de regroupement familial, la situation de Madame Y... est différente, dès lors qu'elle assume la charge effective et permanente d'un enfant né en France d'un père français, c'est à dire d'un enfant français ;
QUE pour la période pendant laquelle les époux ont vécu ensemble, les droits à prestations familiales étaient ouverts au titre du mari, et que c'est donc à juste titre que des prestations ont été servies dans le cadre de la vie commune, de sorte que la demande de répétition de l'indu est sans fondement pour cette période ;
QU'il résulte de l'application littérale combinée des articles
L.512-1,
R.512-1 et
D.512-1 du Code de la sécurité sociale telle que revendiquée par la caisse d'allocations familiales de la Drôme que Madame Y... née X... ne peut prétendre aux prestations familiales ouvertes du chef de la naissance de l'enfant Ryan parce qu'elle ne produit pas l'une des pièces prévues à l'article
D.512-1 du Code de la sécurité sociale pour justifier la régularité de son séjour en France ;
QUE d'une part cette application revient à écarter l'effet recognitif de la délivrance de son titre de séjour par le préfet au mois de mai 2008, cette délivrance valant reconnaissance du fait qu'à compter de la naissance de l'enfant, Madame Y... née X... remplissait les conditions de régularité de séjour en raison du fait qu'elle était mère d'un enfant français ;
QUE d'autre part l'application des dispositions combinées des articles précités se heurte aux normes supérieures que constituent les articles 14 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; que les prestations familiales doivent être attribuées, s'agissant d'un enfant français, sans discrimination fondée sur la nationalité (article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme) et de façon à permettre tant à l'enfant qu'à sa mère de mener une vie familiale normale (article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme), ce qui s'applique au bénéfice des prestations familiales ouvertes par la naissance de cet enfant ;
QUE l'enfant Ryan est français ; qu'il a droit au bénéfice des prestations familiales ; qu'appliquer les dispositions de l'article
D.512-1 du Code de la sécurité sociale revient à le traiter moins favorablement que tout autre enfant français ou tout enfant étranger dont les parents seraient en situation régulière ; qu'il en résulte un traitement discriminatoire à son égard ;
QU'à partir de la naissance de Ryan, les droits à prestations sociales sont ouverts à son bénéfice ; que ces droits ne peuvent lui être refusés à raison de l'absence de production par Madame Y... née X..., sa mère, qui en a la charge permanente et effective, d'un titre prévu à l'article
D.512-1 du Code de la sécurité sociale, sans violer l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant puisque cela revient à le priver des prestations familiales instituées à son profit exclusif et dans son seul intérêt ;
QU' il y a en conséquence lieu de réformer le jugement et de condamner la caisse d'allocations familiales à payer à Madame Y... née X... les prestations familiales ouvertes du fait de la naissance de l'enfant Ryan, mais aussi pendant la période de vie commune où ces droits étaient ouverts du fait du père de l'enfant et conjoint de Madame X..." ;
1°) ALORS QUE selon les articles
L.512-1 et
L.512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors applicable, bénéficient de plein droit des prestations familiales pour les enfants à leur charge, résidant en France, les étrangers titulaires de l'un des titres ou documents énumérés à l'article
D.512-1 du même code ; que cette exigence, justifiée par la nécessité dans un État démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants par l'allocataire, est compatible avec les exigences des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en statuant comme elle l'a fait bien qu'elle ait constaté que Madame X... n'était pas en mesure de produire un titre de séjour en cours de validité pour la période antérieure au mois de mai 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°) ET ALORS QUE les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat ne revêtent pas un caractère recognitif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles
L.512-1,
R.512-1 et
D.512-1 du Code de la sécurité sociale.