AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Domaine des Plantas, société à responsabilité limitée, dont le siège est Domaine des Plantas, Saint-Vincent de Dufort, 07360 Ollières-sur-Eyrieux,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 novembre 1998 par la cour d'appel de Grenoble (1e chambre civile), au profit :
1 / de Mme Jacqueline X..., épouse Y...,
2 / de M. David Y...,
3 / de M. Simon Y...,
demeurant tous trois ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 février 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la société Domaine des Plantas, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des consorts Y..., les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 novembre 1998) que la société Domaine des Plantas a assigné Mme Y... pour obtenir l'annulation, ou la réfaction, de la vente d'un camping que celle-ci lui avait consentie le 27 janvier 1993, en son nom propre et au nom de ses deux enfants mineurs ;
Sur le premier moyen
, pris en ses deux branches,
sur le deuxième moyen
, pris en ses trois branches, et
sur le troisième moyen
, pris en ses trois branches, les moyens étant réunis :
Attendu que la société Domaine des Plantas fait grief à l'arrêt du rejet de son action en nullité ou en réduction du prix pour défaut de conformité de la chose délivrée à la chose vendue et pour vice du consentement ainsi que de son action en garantie pour vice caché alors, selon les moyens :
1 / qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que le camping ne bénéficiait d'une autorisation administrative que pour 100 emplacements, alors que l'acte de vente mentionnait 127 emplacements ; qu'il s'en évinçait que la chose délivrée n'était pas conforme à la chose vendue ; que dès lors, en déboutant l'acquéreur, la cour d'appel a violé les articles
1134,
1603,
1604 et
1184 du Code civil ;
2 / qu'au surplus, dans ses conclusions d'appel (signifiées le 30.07.96, p. 5 in fine et 6), la SARL Domaine des Plantas soutenait que "la vente du fonds de commerce de camping a fait l'objet d'un classement en 4 étoiles qui n'a pas été maintenu ; qu'il s'agit d'un défaut de conformité de
la chose à sa destination normale ; que la SARL Domaine des Plantas n'a pu découvrir la différence lors de la réception du fonds de commerce ;
qu'il ne peut être nié que ce n'est que par lettre du 14 décembre 1994 que M. le préfet de l'Ardèche a enfin fait savoir à la SARL Domaine des Plantas que, même pour 100 emplacements, le camping ne correspondait pas aux normes de classement 3 étoiles ; que dès lors, (...) le défaut de conformité est patent" ; qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent de nature à influer sur la solution du litige, en ce qu'il tendait à démontrer le défaut de conformité de la chose délivrée à la chose vendue ; qu'en omettant d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, de surcroît, il résulte de l'acte de vente ("Désignation", p. 3), "qu'aux termes de deux lettres en date du 27 juillet 1992 dont une copie demeurera annexée aux présentes, Mme Y... (...)" et qu'en revanche, aucune autre lettre n'était citée comme annexée ; que dès lors, en déclarant "qu'à l'acte de vente (...) étaient annexées les lettres du Préfet de l'Ardèche (...)", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente et, par suite, violé l'article
1134 du Code civil ;
4 / que, de plus, dans ses conclusions d'appel (signifiées le 20.07.96, p. 4), la SARL Domaine des Plantas soutenait que, "pour tenter d'expliquer que le camping ait comporté 100 et non 127 emplacements comme prévu dans l'acte, les consorts Y... exposent que ledit acte comportait la clause ci-après littéralement retranscrite : "observation est ici faite qu'aux termes de deux lettres en date des 27 juillet 1992 dont une copie demeure annexée aux présentes, Mme Y... a sollicité de la Direction départementale de l'équipement et de M. le préfet de l'Ardèche le certificat d'achèvement des travaux et le classement 4 étoiles du camping Domaine des Plantas pour 127 emplacements" ; qu'un simple rapprochement de date démontre le dol ; que dès avant l'envoi des deux lettres du 27 juillet 1992, Mme Y... s'était renseignée pour connaître le classement actuel du camping ; que, par courrier du 3 juillet 1992, la préfecture de l'Ardèche lui avait fait valoir que l'arrêté de classement en vigueur en date du 30 juin 1977 portait 100 emplacements en 4 étoiles ; que l'acte de vente est du 27 janvier 1993 ; qu'à cette date, l'administration avait implicitement mais nécessairement rejeté la nouvelle demande de classement pour 127 emplacements (...) qu'il appartenait au vendeur de faire figurer dans l'acte de vente le classement réel de l'établissement au lieu d'abuser le cocontractant sur une capacité qui n'est manifestement pas celle du fonds vendu" ; qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent de nature à influer sur la solution du litige, en ce qu'il tendait à démontrer que les vendeurs avaient faussement affirmé à l'acte l'existence de 127 emplacements, ce qui avait
induit en erreur l'acquéreur ; qu'en omettant d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / qu'en outre, en omettant de rechercher si l'erreur provoquée par le dol ne résultait pas de l'affirmation mensongère d'une valeur de fonds de commerce près de quatre fois supérieure à celle arrêtée par l'administration fiscale, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles
1108 et
1116 du Code Civil ;
6 / qu'enfin, en omettant de rechercher si l'existence d'un vice caché ne résultait pas de l'affirmation mensongère d'une valeur de fonds de commerce près de quatre fois supérieure à celle arrêtée par l'administration fiscale, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles
1641 du Code civil ;
Mais attendu qu'abstraction faite de l'erreur de plume que signalent les premières branches des deuxième et troisième moyens, selon lesquelles les lettres annexées à l'acte n'étaient pas des "lettres du préfet" mais des "lettres au préfet", et qui ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, si l'acte de vente mentionnait un classement 4 étoiles pour 127 emplacements, il comportait en annexe différentes correspondances au préfet de l'Ardèche faisant état d'un classement alors acquis pour 100 emplacements ainsi que de la demande de Mme Y..., formée postérieurement à ce classement, de certificat d'achèvement des travaux et de classement quatre étoiles pour la totalité des 127 emplacements ;
qu'en l'état de ces constatations et énonciations d'où il ressort que l'acquéreur était exactement informé du caractère partiel du classement acquis lors de la vente et des démarches engagées par le cédant pour le compléter, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes et qui a ainsi légalement justifié sa décision, a pu rejeter les demandes de la SARL Domaine des Plantas en ce qu'elles invoquaient tant un défaut de conformité que des vices du consentement ou encore la garantie des vices cachés ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Domaine des Plantas aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SARL Domaine des Plantas à payer à Mme Y..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs David et Simon Y... une somme de 11 000 francs ou 1 676,94 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille un.