Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E A, agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de F A, Karl Prince A et Carlito Christiano A, ainsi que Mme B G A, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo), en tant qu'elle refuse la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Mme B G A, Carmela Augustine A, Karl Prince A et Carlito Christiano A, en qualité de membres de famille d'une personne admise au bénéfice de la protection subsidiaire.
Par un jugement n° 2109670 du 14 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 11 novembre 2020, et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme B G A, Carmela Augustine A, Karl Prince A et Carlito Christiano A dans un délai de deux mois suivant la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, en application des dispositions des articles
R. 811-15 et suivants du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé, d'une part que le lien de filiation entre les demandeurs et M. E A était établi, dès lors que la pluralité des actes d'état-civil produits pour une même personne est de nature à en remettre en cause le caractère probant, quand bien même que les mentions qu'ils comportent seraient concordantes ; de plus les jugements supplétifs qui ont donné lieu aux plus récents de ces actes présentent des irrégularités liées au fait qu'ils ont été demandés plusieurs années après les naissances qu'ils relatent, qu'ils ont été rendus sur requête du réfugié alors que ce dernier ne pouvait être présent dans son pays d'origine, qu'ils ne sont pas motivés et comportent plusieurs erreurs de plume ; par ailleurs les éléments de possession d'état versés au dossier sont insuffisants pour établir la filiation ici en cause.
- au surplus le jugement de délégation d'autorité parentale produit au profit de M. A n'est pas légalisé et aucune autorisation de sortie du territoire émanant de la mère des enfants n'est produite ;
- enfant Mme B A était âgée de plus de 18 ans au jour de la demande de visa.
Vu :
- la requête n° 22NT01482, enregistrée au greffe de la cour le 13 mai 2022, par laquelle le ministre de l'intérieur a demandé l'annulation du même jugement ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°2019-222 de programmation et de réforme pour la justice ;
- le décret n°2020-1370 du10 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit
:
1. L'article
R. 811-15 du code de justice administrative dispose que : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Et aux termes du dernier alinéa de l'article
R. 222-1 du même code : " () les présidents des formations de jugement des cours () peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel () ".
2. M. A, ressortissant centrafricain né le 10 avril 1983, s'est vu admettre en France au bénéfice de la protection subsidiaire en 2016. La délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en vue de le rejoindre a été sollicitée en faveur de Mme C D, présentée comme son ex-compagne, et de Mme B G A, Carmela Augustine A, Karl Prince A et Carlito Christiano A, présentés comme ses enfants. Un refus leur a été opposé par les autorités consulaires françaises de Kinshasa. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article
D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, depuis repris à l'article
D. 312-3 du même code, a rejeté le recours dirigé contre ce refus par décision implicite intervenue à la suite de l'enregistrement du recours le 11 septembre 2020.
3. Par la présente requête le ministre de l'intérieur demande, sur le fondement des dispositions précitées, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 14 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les refus de visas opposés par la commission de recours et fait injonction au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités.
4. En l'état de l'instruction, le moyen invoqué par le ministre, tiré du défaut de caractère probant des documents établissant le lien de filiation ne paraît pas de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce dernier. Par ailleurs il ne ressort pas de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui ne sollicite une substitution de motifs qu'en cause d'appel, aurait pris les mêmes décisions de rejet en se fondant sur l'absence d'autorisation de la mère des enfants ou l'âge de certain des demandeurs. Enfin le moyen tiré de la nécessité de faire légaliser le jugement de délégation d'autorité parentale ne peut en tout état de cause et en l'état de l'instruction qu'être écarté, s'agissant de demandes de visa antérieures à l'entrée en vigueur du décret n° 2020-1370 pris pour l'application de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 14 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur, à M. E A et à Mme B G A.
Fait à Nantes, le 20 mai 2022.
J. FRANCFORT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.