Vu la requête
sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2003 et 23 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Youssef X, domicilié auprès de la SCP Dessalces Ruffel, 2, rue Stanislas Digeon, à Montpellier (34000) ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 mai 2003 par laquelle le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 14 novembre 2002 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande d'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 14 mars 2000 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ce jugement et cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu le code
général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'
en vertu de l'article
L. 411-1 du code de justice administrative, en vigueur à la date à laquelle le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a pris l'ordonnance attaquée, l'introduction des requêtes était subordonnée à l'acquittement d'un droit de timbre dans les conditions prévues par les dispositions des articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts ; que l'article 1089 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à cette date, soumettait à un droit de timbre de 15 euros toute requête enregistrée auprès des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat, sous réserve de l'exonération de ce droit prévue par les dispositions du III de l'article 1090 A du même code, dans leur rédaction applicable à cette même date, lorsque l'auteur de la requête remplit les conditions permettant de bénéficier de l'aide juridictionnelle prévue par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qu'elle soit partielle ou totale ;
Considérant qu'il est constant que, si la requête de M. X devant la cour d'appel de Marseille ne comportait pas le timbre fiscal exigé par les dispositions de l'article 1089 B du code général des impôts, M. X avait formé, le 22 avril 2003, par courrier séparé, une demande d'aide juridictionnelle ; que l'aide juridictionnelle totale lui a été accordée par une décision en date du 12 mai 2003 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille ; que, par suite, et quand bien même le requérant aurait déposé sa demande d'aide juridictionnelle après l'expiration du délai de recours contentieux, alors que l'obligation prévue par l'article 1089 B du code général des impôts lui avait été rappelée dans la notification du jugement qu'il attaquait, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en opposant une irrecevabilité à la requête, dès lors que le requérant pouvait se prévaloir des dispositions du III de l'article 1090 A du code général des impôts et être dispensé d'acquitter le droit de timbre ; qu'ainsi, M. X est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'aux termes de l'article
L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, selon l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'article 12 quater de la même ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction en vigueur à cette même date, dispose que : Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, si M. X fait valoir que depuis 1995, il vit en France, où réside une grande partie de sa famille, il ressort des pièces du dossier que l'ancienneté de son séjour en France n'est pas établie et que, âgé de vingt-et-un ans à la date de la décision contestée, il est célibataire, sans charge de famille et a pour seules attaches familiales en France deux oncles, une tante et un cousin ; que, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions et de la durée de son séjour en France, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; qu'ainsi, M. X n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission ne peut être accueilli ;
Considérant que, si l'article 7 du décret du 30 juin 1946 dispense les étrangers mentionnés à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 de produire un visa de long séjour lorsqu'ils sollicitent la délivrance d'une carte de séjour temporaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X soit au nombre des étrangers mentionnés à l'article 12 bis ; que, par suite, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, refuser à M. X la délivrance d'un titre de séjour compte tenu, notamment, de ce que ce dernier ne bénéficiait pas d'un visa de long séjour en cours de validité ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision préfectorale doit être écarté ;
Considérant que, pour les motifs indiqués ci-dessus, M. X n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porterait une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la circonstance que M. X soit régulièrement hébergé et produise une attestation d'embauche d'un employeur sous réserve de la régularisation de sa situation, ne suffit pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté son recours contre la décision du préfet de l'Hérault refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCP Boré-Xavier, avocat de M. X, demande au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 19 mai 2003 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulée.
Article 2 : La requête présentée par M. X devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Youssef X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.