09 AVRIL 2024
Arrêt
n°
KV/VS/NS
Dossier N° RG 22/00885 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FZTJ
[U] [K]
/
CPAM DU PUY DE DOME
jugement au fond, origine Pôle Social du TJ de Clermont-Ferrand, décision attaquée en date du 31 mars 2022, enregistrée sous le n° 17/00782
Arrêt rendu ce NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT-QUATRE par la CINQUIEME CHAMBRE CIVILE CHARGEE DU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET DE L'AIDE SOCIALE de la cour d'appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
Monsieur Christophe VIVET, président
Mme Karine VALLEE, conseillère
Mme Sophie NOIR, conseillère
En présence de Mme BOUDRY, greffier, lors des débats et Mme SOUILLAT, greffier, lors du prononcé
ENTRE :
M. [U] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me David TEYSSIER suppléant Me François POULET de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-Caroline JOUCLARD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Après avoir entendu Mme VALLEE, conseillère, en son rapport, et les représentants des parties, à l'audience publique du 29 janvier 2024, la cour a mis l'affaire en délibéré, le président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article
450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 06 décembre 2016, M.[U] [K], employé par la SARL [5] en qualité de chauffeur-livreur, a été victime d'un accident du travail.
Le 10 avril 2017, M.[K] a établi auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la CPAM) une déclaration de maladie professionnelle produisant un certificat médical du Dr [Y], daté du même jour, faisant état d'une hernie discale L5S1 avec lombosciatique gauche concordante.
Au vu des éléments d'information recueillis au cours de l'instruction du dossier, la CPAM a soumis le dossier pour avis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Auvergne (le CRRMP-Auvergne).
Par courrier du 9 octobre 2017 la CPAM, en l'absence de décision du CRRMP à cette date, a notifié à M.[K] un refus provisoire de prise en charge.
Par courrier du 14 novembre 2017, M.[K] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM (la CRA) d'une contestation de la décision de refus provisoire.
Par requête du 18 décembre 2017, M.[K], en l'absence de décision expresse de la CRA, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme d'un recours contre la décision implicite de rejet.
Entre temps, le 07 novembre 2017, le CRRMP-Auvergne a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la maladie déclarée.
Par courrier daté du 16 novembre 2017, la CPAM a notifié à M.[K] un refus définitif de la prise en charge de la maladie déclarée.
M.[K] a saisi la CRA d'une contestation de cette décision de refus définitif.
Par décision du 21 février 2018, la CRA a rejeté le recours.
M.[K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme d'un recours contre cette décision de rejet.
En application de la loi n°2016-1457 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret n°2018-772 du 4 septembre 2018, les affaires en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme ont été transférées au 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.
Par jugement contradictoire du 06 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a statué comme suit:- ordonne la jonction des recours,
- déboute M.[K] de sa demande de prise en charge implicite,
- avant dire droit sur la demande subsidiaire et l'application de l'alinéa 3 de l'article
L.461-1 du code de la sécurité sociale, désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] afin qu'il donne son avis sur le point de savoir si la pathologie présentée par M.[K] a été directement causée par son travail habituel,
- renvoie l'affaire et réserve les dépens.
A compter du 1er janvier 2020, par l'effet de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand est devenu le tribunal judiciaire, spécialement désigné pour connaître des litiges visés à l'article
L.211-16 du code de l'organisation judiciaire.
Le CRRMP de la région Nouvelle-Aquitaine, qui a succédé au CRRMP de [Localité 6], a rendu son avis motivé le 08 novembre 2021.
Par jugement contradictoire du 31 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a débouté M.[K] de son recours et de l'intégralité de ses demandes, et l'a condamné aux dépens.
Le jugement a été notifié le 13 avril 2022 à M.[K] qui en a relevé appel par déclaration d'appel reçue au greffe de la cour le 22 avril 2022.
Les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 29 janvier 2024, à laquelle elles ont été représentées par leurs conseils.
DEMANDES DES PARTIES
Par ses dernières conclusions visées par le greffe le 29 janvier 2024, M.[U] [K] présente les demandes suivantes à la cour:
- infirmer le jugement et statuant à nouveau:
- ordonner la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée, telle que décrite au certificat médical du 10 avril 2017,
- ordonner à la CPAM du Puy-de-Dôme de procéder à la liquidation de ses droits et à la régularisation de son dossier,
- subsidiairement, ordonner avant dire droit une mesure d'expertise judiciaire avec mission pour l'expert de se prononcer sur l'imputabilité au risque professionnel de la maladie déclarée.
- condamner la CPAM du Puy-de-Dôme aux dépens.
Par ses dernières conclusions visées par le greffe le 29 janvier 2024, la CPAM du Puy-de-Dôme demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter M.[K] de l'ensemble de ses demandes.
Conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, soutenues oralement à l'audience, pour l'exposé de leurs
MOTIFS
S caractère professionnel de la maladie
L'article
L.461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose en particulier, d'une part, qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau et d'autre part, que peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé, fixé à 25% par l'article R.461-8. L'article
L.461-1 dispose ensuite que, dans les cas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, qui s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L.315-1.
Il est constant que, à la différence de la qualification d'accident du travail supposant l'existence d'une lésion apparue soudainement à une date certaine, la qualification de maladie professionnelle correspond à une lésion apparue de façon lente et progressive au cours du travail.
En l'espèce, pour rejetter la demande de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, le tribunal a retenu, au regard des avis concordants des deux CRRMP saisis et d'un rapport d'expertise établi par le docteur [S] dans le cadre du contentieux relatif à la date de consolidation de l'accident du travail du 6 décembre 2016, que l'affection en question résultait de ce fait accidentel précis, soudain et identifiable et, n'étant donc pas apparue de façon lente et progressive, ne pouvait être qualifiée de maladie professionnelle.
A l'appui de son appel, M.[U] [K] fait valoir que, par jugement du 25 juin 2020, le tribunal, s'appuyant sur les conclusions du docteur [S], a jugé que la hernie discale était imputable à l'accident du travail du 6 décembre 2016, dont les séquelles n'ont été consolidées qu'au 14 décembre 2019. Il en tire la conséquence que l'affection dont il est atteint est nécessairement d'origine professionnelle, de sorte qu'elle doit être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles.
A l'appui de sa demande de confirmation du jugement, la CPAM expose de première part que, dans le cadre du recours relatif à l'accident du travail du 06 décembre 2016 l'expert désigné par la juridiction a conclu que la hernie discale présentée par M.[K] était imputable à cet accident, en déduit que la maladie résulte du fait précis, soudain et identifiable, que constitue cet accident du travail, et rappelle que cette lésion a fait l'objet d'une reconnaissance par la caisse au titre de cet accident, l'état de santé de l'assuré ayant été déclaré consolidé le 14 décembre 2019. La caisse en déduit que la pathologie rachidienne en question ne peut faire l'objet d'une prise en charge au titre d'une maladie professionnelle puisqu'elle a été indemnisée au titre de l'accident du travail. La caisse expose ensuite que la maladie peut d'autant moins être prise en compte qu'elle ne remplit pas les conditions caractérisant la maladie professionnelle, en ce qu'elle n'est pas apparue de façon lente et progressive au cours du travail, ce qui a été retenu par les deux CRRMP saisis, qui ont estimé que la durée d'exposition professionnelle de deux ans, huit mois et cinq jours n'était pas assez longue pour être à l'origine de la pathologie rachidienne dé
SUR CE
I constant que, le 06 décembre 2016, dans le cadre de son activité professionnelle auprès du même employeur, M.[K] a été victime d'un accident du travail en ce que, lors d'une livraison de gaz, il a glissé sur les marches verglacées d'un escalier permettant d'accéder au branchement de la cuve. Il est constant que cet événement accidentel a été pris en charge par la CPAM au titre de la législation sur les accidents du travail, que la date de consolidation a été fixée par la caisse au 07 décembre 2017, et que M.[K] a contesté cette décision devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand qui, par jugement du 28 novembre 2019, a ordonné une mesure d'expertise médicale technique confiée au docteur [S].
Il ressort du rapport de cet expert et des éléments médicaux versés au débat que l'accident du 06 décembre 2016 a entraîné un hématome en regard de la charnière dorsolombaire et des dorsolombalgies sans signes neurologiques associés ayant justifié la prescription d'un traitement médicamenteux. La radiographie réalisée le jour de l'accident a révélé des signes indirects de hernie discale avec un L5S1 présentant un bâillement postérieur. Au cours du mois suivant, est apparue une radiculalgie gauche. Le scanner réalisé le 23 janvier 2017 a alors confirmé une hernie discale L5S1 gauche compressive sur une discopathie modérée L5S1, également mise en évidence ensuite par IRM. Par son rapport d'expertise du 20 décembre 2019, le Dr [S] a conclu que la hernie discale présentée par M.[K] était imputable à l'accident du 6 décembre 2016, et a retenu une date de consolidation au 14 décembre 2019, en considérant les éléments suivants :
- un traumatisme survenu lors d'un effort lombaire important parfaitement susceptible de créer une hernie discale,
- l'absence d'antécédents lombaires cliniques,
- une radiographie très précoce montrant des signes indirects de hernie discale en L5S1,
- un scanner confirmant une hernie de topographie concordante avec la clinique et la radio.
Par jugement du 25 juin 2020, dont aucune des parties ne conteste le caractère définitif, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, entérinant les conclusions du rapport d'expertise, a fixé au 14 décembre 2019 la date de consolidation des séquelles de l'accident du travail du 06 décembre 2016.
Comme le soutient la caisse, il est dès lors établi que la hernie discale faisant l'objet de la déclaration contestée de maladie professionnelle a d'ores et déjà été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels en qualité de séquelle imputable à l'accident du travail du 06 décembre 2016, et ne peut donc être considérée comme une lésion apparue de façon lente et progressive en raison des conditions de travail. Il y a lieu de rappeler à ce titre qu'une unique lésion d'origine professionnelle causée par un seul fait générateur ne saurait être indemnisée d'une part au titre d'une maladie professionnelle et d'autre part au titre d'un accident du travail, la prise en charge au titre d'un de ces deux risques professionnels étant exclusive de sa prise en charge au titre de l'autre risque.
De surcroît, comme le soutient la caisse, il ressort des avis concordants des deux CRRMP que la durée d'exposition retenue est trop faible pour être à l'origine de la pathologie rachidienne en question, et que les conditions de reconnaissance d'une maladie professionnelle ne sont donc pas réunies.
Les éléments qui précèdent s'opposent donc à ce qu'il soit fait droit à la demande de M.[K] de prendre en charge la hernie discale déclarée au titre du régime des maladies professionnelles. Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M.[K] de toutes ses demandes.
Sur les dépens
En application de l'article
696 du code de procédure civile, le tribunal a condamné M.[K] aux dépens de l'instance. Cette disposition sera confirmée dès lors que le jugement est confirmé sur le fond. M.[K], partie perdante en appel, sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Déclare recevable l'appel relevé par M.[U] [K] à l'encontre du jugement prononcé le 31 mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand,
- Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant:
- Condamne M. [U] [K] aux dépens d'appel.
Ainsi fait et prononcé le 09 avril 2024 à [Localité 7].
Le greffier Le président,
V. SOUILLAT C. VIVET