Cour d'appel de Paris, 30 novembre 2012, 2012/00041

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2012/00041
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : RODÉO
  • Classification pour les marques : CL09 ; CL18 ; CL25 ; CL28
  • Numéros d'enregistrement : 507294 ; 106252
  • Parties : COFRA HOLDING AG (Suisse) ; C&A FRANCE / ACTIS SELARL (en qualité de liquidatrice de la liquidation judiciaire de la Sté GANJANA)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 29 novembre 2011
  • Président : Monsieur Eugène LACHACINSKI
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2012-11-30
Tribunal de grande instance de Paris
2011-11-29

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 30 NOVEMBRE 2012 Pôle 5 - Chambre 2 (n° 291, 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 12/00041. Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 10/11654. APPELANTES : Société de droit suisse COFRA HOLDING AG prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social GRAFENAUWEG 10, 6300 ZUG 57340 (SUISSE), Société C ET A FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [...] 75001 PARIS, représentées par Maître Belgin PELIT-JUMEL de la SCP GRAPPOTTE- BENETREAU- JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, assistées de Maître Roland P de la SELARL GOZLAN PEREZ Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0310. INTERVENANTE COMME TELLE INTIMÉE : SELARL ACTIS ès qualité de liquidatrice de la liquidation judiciaire de la société GANJANA, prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [...] 75004 PARIS, représentée par Maître Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205, assistée de Maître Maria-Christina GOURDAIN substituant Maître Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2012, en audience publique, devant Madame Sylvie NEROT, Conseillère chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre, Madame Sylvie NEROT, conseillère. Greffier lors des débats : Monsieur T L NGUYEN.

ARRET

: Contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. La société de droit suisse Cofra Holding AG qui a, notamment, pour activité la commercialisation et la distribution au détail de vêtements et accessoires et a pour intermédiaire, en France, la société C&A France, est titulaire : - de la marque verbale internationale 'Rodeo' désignant la France, déposée le 6 octobre 1986, n° 507 294, pour désigner des produ its en classes 9, 25 et 28, - de la marque verbale communautaire 'Rodeo' déposée le 1er avril 1996, n°000 106 252, pour désigner des produits en classe s 18, 25 et 28. Ayant constaté qu'un magasin à l'enseigne 'Apara' commercialisait des tee-shirts revêtus du signe 'Rodeo', la société Cofra Holding AG et la société C&A (qui lui est liée par un contrat de licence de marques régulièrement publié) ont fait procéder à un constat d'achat, le 10 mars 2010, puis mis en demeure la société Apara de cesser la commercialisation des produits litigieux, obtenu de cette dernière le nom de son fournisseur (la société Ganjana), vainement mis en demeure cette dernière de cesser les agissements dénoncés avant de l'assigner, le 27 juillet 2010, devant la juridiction de fond en contrefaçon de marques. Par jugement rendu le 29 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris , saisi par la défenderesse d'une demande reconventionnelle tendant à obtenir la déchéance des droits de la société Cofra Holding AG sur les marques 'Rodeo' précitées, a prononcé la déchéance de la partie française de la marque internationale 'Rodeo', n°507 294, dont la société Cofra est titulaire pour désigner des produits en classes 9, 25 et 28 avec effet à compter du 28 décembre 1996, d'une part, de la marque communautaire 'Rodeo', n° 000 106 252 pour désigner des produits des classes 18, 25 et 28 avec effet à compter du 12 mai 2003, d'autre part, en ordonnant son inscription au Registre national des marques une fois la décision devenue définitive et sa communication à l'OHMI ; il a, en outre, condamné la société Cofra Holding à verser à la société Ganjana la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les requérantes à supporter les dépens. Par dernières conclusions signifiées le 13 août 2012, la société de droit suisse Cofra Holding AG et la société en commandite simple C&A France , appelantes, demandent en substance à la cour, au visa des articles L 622-21, L 641-9, L 641-4 alinéa 3, L 622-23 du code de commerce, 369, 372, 117, 118 et 119 du code de procédure civile, L 716-1, L 713-3, L 717-1, L 716-7, L 717-4, L 716-7-1, L 716-14 et L716-15 du code de la propriété intellectuelle, des règlements communautaires n°40/94 du 20 décembre 1993 et n° 207/2009 du 26 fé vrier 2009 ainsi que de la directive (CE) n° 2008/95 du 22 octobre 2008 abroge ant la directive (CE) n°89/104 du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques : - à titre principal, de déclarer le jugement entrepris nul et non avenu, - à titre subsidiaire sur le fond, d'infirmer ce jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance intégrale des marques, communautaire et internationale, 'Rodeo' et rejeté son action en contrefaçon des marques 'Rodeo' par la société Ganjana, - en conséquence de considérer, et de confirmer en tant que de besoin, que la société Cofra Holding est titulaire des droits sur les marques, internationale et communautaire, précitées et que la société C&A France est cessionnaire des droits sur celles-ci, et de considérer que les marques en litige ont toujours fait l'objet d'une exploitation sérieuse et effective par elles-mêmes, sur le territoire français, - de considérer qu'en présentant, en offrant à la vente et en commercialisant sous le signe 'Rodeo' des vêtements identiques à ceux désignés dans l'enregistrement des deux marques dont s'agit, la société Ganjana a commis des actes de contrefaçon par imitation de ces marques , - de faire interdiction à la société Ganjana d'utiliser le terme 'Rodeo', seul ou combiné avec d'autres termes, à titre de marque ou de tout autre signe distinctif pour désigner, promouvoir ou commercialiser des vêtements , - de condamner la SELARL Actis, ès qualités de liquidateur de la société Ganjana à leur verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Par dernières conclusions du 26 juin 2012, la SELARL Actis, Mandataires Judiciaires, prise en sa qualité de liquidatrice de la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Ganjana demande à la cour, au visa des articles L 622-21, L 622-22, L 641-3, R 622-20 du code de commerce: - de déclarer irrecevables et, subsidiairement, mal fondées les sociétés appelantes en l'intégralité de leurs prétentions dirigées à l'encontre de la société Ganjana, en liquidation judiciaire, - de lui donner acte de ce qu'en sa qualité de liquidatrice, elle s'en rapporte à justice concernant la déchéance des marques prononcée par le jugement entrepris, - en tout état de cause, de condamner in solidum les appelantes à lui payer, ès qualités, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Les appelantes avaient signifié la déclaration d'appel à la SARL Ganjana le 02 février 2012 pour tentative et le 06 février 2012 pour signification.

SUR CE,

Sur la nullité du jugement rendu le 29 novembre 2011 : Sur la demande d'annulation : Considérant que les appelantes exposent à titre liminaire que ce n'est que par les conclusions que lui a signifiées le 26 juin 2012 la SELARL Actis, contestant leur faculté d'obtenir une condamnation financière et faisant état de leur défaut de déclaration de créance, qu'elles ont découvert que la société Ganjana avait fait l'objet d'un jugement prononçant sa liquidation judiciaire, et ceci à la date du 06 septembre 2011 ; Qu'elles soutiennent, en conséquence, que le jugement d'ouverture a été rendu au cours de l'instance devant les premiers juges, avant la clôture de cette affaire (le 28 septembre 2011) et plus de deux mois avant que le jugement entrepris ait été rendu, ajoutant que la publication de ce jugement au BODACC est intervenue le 04 octobre 2011, soit le jour des plaidoiries devant le tribunal, et soulignent la 'curieuse discrétion' des conseils et représentants de cette société qui les mettent désormais devant le fait accompli ; Qu'elles demandent donc à la cour de déclarer le jugement entrepris nul et non avenu et tirent, pour ce faire, argument du défaut manifeste de capacité d'ester en justice de la société Ganjana ainsi que de la circonstance que l'instance s'est trouvée interrompue par l'effet du jugement d'ouverture rendu ; Considérant, ceci rappelé, qu'à juste titre, les appelantes se fondent sur les dispositions combinées des articles L 641-9, L 641-4 alinéa 3 et L 622-23 du code de commerce pour affirmer que le débiteur, par l'effet du jugement d'ouverture, est totalement dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et doit être représenté dans toute action y afférente par le liquidateur désigné ; qu'en outre, une régularisation de l'instance est nécessaire après interruption de celle-ci par l'effet du jugement d'ouverture ; Qu'il s'en évince que la société Ganjana n'avait plus la capacité de poursuivre l'instance en cours devant le tribunal et qu'après interruption de l'instance par le seul effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Ganjana, une régularisation de la procédure aurait dû intervenir avant la clôture de l'instruction avec reprise de l'instance par le liquidateur, seul habilité à poursuivre les instances introduites avant le jugement de liquidation ; Que cette irrégularité affecte la validité du jugement rendu de sorte que celui-ci doit être réputé non avenu, ainsi que requis par les appelantes ; Sur les effets de l'annulation : Considérant qu'aux termes de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile 'la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible' ; Qu'il convient de relever que l'annulation du jugement ainsi prononcée n'est pas fondée sur un motif tiré de l'irrégularité de l'introduction de l'instance, ce qui ferait obstacle à l'effet dévolutif de l'appel et devrait conduire la cour à renvoyer les parties à mieux se pourvoir ; Que cette annulation étant motivée par l'irrégularité de la procédure devant des premiers juges, c'est de manière inopérante que les appelantes précisent qu'elles concluent de manière subsidiaire au fond puisque dans cette seconde hypothèse l'effet dévolutif joue pleinement, par application de l'article 562 précité, de sorte que la cour, saisie de l'entier litige, est tenue de statuer sur le fond ; Que, par ailleurs, les mesures et condamnations prononcées par le tribunal au titre des frais non répétibles et des dépens deviennent caduques du fait de cette annulation ; Sur le moyen d'irrecevabilité opposé aux appelantes : Considérant que la SELARL Actis, se fondant sur les dispositions du code de commerce sus-reprises, conclut à l'irrecevabilité des appelantes en leurs entières prétentions aux motifs que toute action en justice est interdite par l'effet du jugement d'ouverture d'une procédure collective lorsque l'action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et que les appelantes ne peuvent en aucune manière solliciter la fixation de leur créance, faute d'avoir procédé à la déclaration de leur créance ; Mais considérant que les appelantes font pertinemment valoir que le défaut de déclaration de créance est sans incidence sur les demandes qu'elles présentent désormais puisqu'elles ne tendent qu'à défendre leurs droits privatifs sans poursuivre le paiement d'une somme d'argent ; Que le moyen sera donc rejeté ; Sur la déchéance des droits la société Cofra Holding AG sur ses marques, internationale et communautaire, 'Rodeo' : Considérant qu'aux termes de ses dernières conclusions de première instance signifiées le 1 er février 2011, la société Ganjana poursuivait la déchéance totale des droits de la société Cofra Holding AG sur sa marque communautaire 'Rodeo' n°000 106 252 à compter du 12 mai 2003 et de sa mar que internationale 'Rodeo', n°507 294, à compter du 28 décembre 1996 pour défau t d'usage réel et sérieux de ces marques pour les produits visés à l'enregistrement, ceci sur le fondement des articles L 714-5 du code de la propriété intellectuelle et 15 du Règlement CE n°207/2009 ; Que si la SELARL Actis, ès qualités, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en 'rapporte à justice' concernant la déchéance des marques prononcées par les premiers juges, il y a lieu de relever, d'une part, que cela n'implique pas de sa part un acquiescement, au sens de l'article 410 du code de procédure civile, mais une contestation de celle-ci, et, d'autre part, qu'elle ne formule aucun moyen sur ce point ; Qu'il convient, dans ces conditions et pour satisfaire aux exigences de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, de se prononcer sur les mérites de l'appel tendant à voir juger que la société Cofra Holding AG est titulaire des deux marques en litige et que celles-ci ont toujours fait l'objet d'une exploitation sérieuse et effective par les sociétés Cofra Holding AG et C&A France, sur le territoire français ; Considérant que les deux marques verbales litigieuses, l'une déposée le 06 octobre 1986 faisant l'objet d'un enregistrement international désignant la France, la seconde étant une marque communautaire déposée le 1er avril 1996, présentent semblablement le terme 'Rodeo' en lettres majuscules droites et noires ; Qu'elles sont respectivement soumises aux dispositions de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle qui sanctionne par la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque 'qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés à l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans' et à celles de l'article 15 du Règlement (CE) n°207 /2009 selon lequel 'Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque communautaire n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage' ; Qu'à la suite de l'arrêt Ansul BV rendu le 11 mars 2003, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE, 27 janv. 2004, La Mer Technology) a dit pour droit qu''une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par cette marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de ladite marque. Lorsqu'il répond à une telle justification commerciale, dans les conditions précitées, un usage, même minime de la marque ou qui n'est le fait que d'un seul importateur dans l'État membre concerné peut être suffisant pour établir l'existence d'un caractère sérieux au sens de cette directive' ; Qu'il convient d'ajouter que l'article L 714-5 b) assimile à un usage sérieux 'l'usage de la marque n'en altérant pas le caractère distinctif' et que l'article 15 a) du règlement CE précité contient semblable disposition ; qu'en outre, la Cour de justice a également dit pour droit (CJCE, 13 sept. 2007, Bainbridge) que si ces dernières dispositions permettent d'admettre une preuve d'usage d'une marque sous une forme légèrement modifiée, 'elles ne permettent pas d'étendre, par la preuve de son usage, la protection dont bénéficie une marque enregistrée à une autre marque enregistrée, dont l'usage n'a pas été démontré, au motif que cette dernière serait une légère variante de la première' ; Que les différentes preuves d'usage des marques 'Rodeo' doivent être examinées en application de ces différents textes et en contemplation des critères d'appréciation ainsi dégagés, étant relevé que l'action en contrefaçon a été engagée sur le fondement de ces deux marques en ce qu'elles désignent des vêtements et que la demande reconventionnelle en déchéance n'était recevable que dans la limite de ces seuls produits (enregistrés en classe 25) ; Qu'il convient d'abord de considérer que si diverses preuves d'usage portent sur la marque 'Rodeo' présentée en couleur dans une calligraphie légèrement penchée et comportant une initiale en majuscules et le reste de ses lettres en minuscules, elles ne sauraient être écartées dès lors que cette évolution, dictée par des préoccupations de marketing (pièce 39, magazine C&A d'avril 1998, 'nos marques relookées'), n'en altère pas le caractère distinctif et que rien ne vient attester du dépôt d'une marque constituée par le signe 'Rodeo' ainsi décrit ; Que les nombreux articles, catalogues, captures d'écran (pièces 22 et 23 [année 2010] 27 [normes et étiquetage pour l'année 2008], 35 [année 2010], 36 [année 2001], 37 [année 1998], 38 [année 2000]), attestations de managers, contacteurs-marchandises au sein de la société C&A (pièces 33, 34) ou encore de commissaires aux comptes venant attester de la quantité de produits vendus sous la marque 'Rodeo (pièces 13 pour la période de 2005 à 2010 / pièce 42 pour la période de 1992 à 1997) permettent de prouver un usage ancien et continu de la marque et, pour les premiers documents cités, d'une exploitation de la marque (destinée à divers effets vestimentaires dédiés au sport et aux loisirs) et de sa communication auprès du public français ; Que les pièces 16 à 20 produites par les appelantes leur permettent de se prévaloir, compte tenu des tableaux de classification établis par la société C&A qui explicitent les divers référencements des produits marqués 'Rodeo' et leur suivi depuis leur acquisition auprès de la société C&A Buying jusqu'à leur commercialisation auprès du public français, de documents comptables attestant de la commercialisation en France de ces produits dans des quantités qui ne sauraient être qualifiées de symboliques ; Que l'ensemble de ces éléments conduit la cour - sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'exploitation du signe sur le territoire allemand qui ne paraît pas avoir été contestée en première instance - à accueillir la demande des sociétés Cofra Holding AG et C&A tendant à voir reconnaître le caractère réel et sérieux de l'exploitation des marques, internationale et communautaire, 'Rodeo' sur le territoire français ; Sur la contrefaçon : Considérant que la société Ganjana, dans ses conclusions signifiées le 1 er février 2011, se défendait d'avoir commis un quelconque acte de contrefaçon en soutenant qu'elle n'avait pas fait usage du terme 'Rodeo' apposé sur les tee-shirts dont elle assurait la commercialisation en tant que marque garantissant l'origine du produit mais en tant qu'élément décoratif d'un vêtement rappelant l'univers du far-west, ajoutant qu'il n'y avait aucune confusion possible dans l'esprit du consommateur ; Que les appelantes, rappelant qu'elles n'entendent pas obtenir une réparation financière à ce titre mais qu'elles demandent à la cour de reconnaître que des actes de contrefaçon de leurs marques ont été commis, soutiennent que l'apposition de la marque d'autrui sur un produit, dans la vie des affaires, porte nécessairement atteinte à ses droits, que cet usage soit à des fins décoratives ou non ; qu'en l'espèce, l'apposition de l'inscription 'Rodeo' ne peut, selon elles, s'analyser en une décoration et que la société Ganjana a commis des actes de contrefaçon par imitation en apposant la marque 'Rodeo' sur des produits qui sont, de surcroît, identiques à ceux couverts par les marques opposées ; Que si la SELARL Actis se prévaut de l'irrecevabilité et, subsidiairement du mal fondé de la demande à ce titre, elle se contente d'affirmer que la société Ganjana a cessé toute activité du fait du jugement de liquidation et ne peut se voir accuser d'avoir commis, depuis ce jugement, un quelconque acte de contrefaçon ; Considérant, ceci rappelé, que le vêtement incriminé, objet du procès-verbal de constat dressé le 10 mars 2010 (pièce 8), soit antérieurement au jugement prononçant la liquidation de la société Ganjana, se présente comme un tee-shirt blanc dépourvu d'un quelconque élément de fantaisie sur le devant duquel est inscrit, en grands et épais caractères d'imprimerie de couleur sombre, le terme 'Rodeo' se détachant d'une nuée de petits points ; Que le consommateur qui découvrira cette massive inscription apposée sur le devant d'un vêtement appartenant à la gamme commercialisée par les appelantes et reprenant dans son intégralité la marque verbale 'Rodeo', sans plus d'éléments, risquera de la percevoir, non point comme une décoration qui ferait que le signe litigieux ne serait pas exploité à titre de marque et ne serait pas de nature à garantir l'identité d'origine du produit, mais comme une manifestation de la volonté du titulaire de la marque d'afficher, selon un usage répandu, l'origine commerciale du produit ainsi vendu ; Que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient, en application de l'article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle, de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut-être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ; Que les produits en cause sont identiques puisque le tee-shirt incriminé appartient à la classe 25 couverte par les marques 'Rodeo' ; qu'il résulte, par ailleurs, de la comparaison des signes qu'hormis l'emploi d'une police de caractères légèrement différente entre les deux signes (puisque le 'R' initial et le 'O' final du signe apposés sur le tee-shirt sont d'une taille légèrement supérieure aux autres lettres majuscules) qui n'affecte pas la parenté entre les signes opposés, ceux-ci seront prononcés de la même façon et renverront au même concept de rodéo, terme distinctif pour désigner des vêtements ; Qu'il se déduit de l'analyse globale ainsi menée que le consommateur d'attention moyenne et raisonnablement avisé sera conduit à confondre ces signes ou à penser que les produits proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement ; Que les appelantes sont par conséquent, fondées à prétendre que la société Ganjana a commis des actes de contrefaçon à leur préjudice ; Sur les demandes complémentaires : Considérant que la situation juridique actuelle de la société Ganjana conduit à considérer que la demande d'interdiction est sans objet ; Considérant que l'équité commande de condamner la SELARL Actis, ès qualités de liquidateur de la SARL Ganjana, à verser aux sociétés Cofra Holding et C&A France la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; Qu'elle supportera, en outre, les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

, Prononce la nullité du jugement rendu le 29 novembre 2011 par le tribunal de grande instance de Paris et le déclare non avenu ; Dit, en conséquence, que les condamnations prononcées par le tribunal à l'encontre de la société Cofra Holding AG sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'encontre de la société Cofra Holding AG et de la société C&A France au titre des dépens sont caduques ; Rejette le moyen d'irrecevabilité opposé aux sociétés Cofra Holding AG et C&A France par la SELARL Actis Mandataires Judiciaires agissant en qualité de liquidatrice judiciaire de la société à responsabilité limitée Ganjana ; Dit que la société de droit suisse Cofra Holding AG, titulaire de la marque verbale internationale 'Rodeo' désignant la France, déposée le 6 octobre 1986, n°507 294, pour désigner des produits en classes 9, 25 et 28 et de la marque verbale communautaire 'Rodeo' déposée le 1er avril 1996, n°000 106 252, pour désigner des produits en classes 18, 25 et 28, ainsi que la société C&A France, cessionnaire des droits sur celles-ci, ont fait un usage sérieux de ces marques sur le territoire français ; Dit qu'en présentant, en offrant à la vente et en commercialisant sous le signe 'Rodeo' des vêtements identiques à ceux désignés dans l'enregistrement des deux marques dont s'agit, la société Ganjana a commis des actes de contrefaçon par imitation des marques 'Rodeo' n° 507 294 et n° 000 106 252 ; Déboute la SELARL Actis de ses prétentions ; Condamne la SELARL Actis, ès qualités de liquidateur de la SARL Ganjana à verser aux sociétés Cofra Holding et C&A France la somme globale de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.