CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 juin 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10472 F
Pourvoi n° T 16-20.688
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Guy X..., domicilié [...],
contre l'arrêt rendu le 26 avril 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (6e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Magalie Y..., domiciliée [...],
2°/ à l'association Format 4, dont le siège est [...], prise en qualité d'administrateur ad'hoc de Clément Y...,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. X..., de la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE
à la présente décision
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. X....
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il était le père de Clément Cédric Y... né le [...] à Bordeaux de Mme Magali Y..., d'avoir ordonné mention de ces dispositions en marge de l'acte de naissance de l'enfant, de l'avoir condamné à payer à l'association Format 4, ès qualités, la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et de l'avoir condamné au paiement d'une amende civile de 1.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'article
311 du code civil dispose que la période légale de la conception s'étend du 300ième au 180ième jour inclusivement avant la date de la naissance ; qu'en l'espèce, Clément Y... étant né le [...], cette période s'étend donc [...] ; que le grief fait au tribunal d'une imprécision sur cette période mentionnée entre février et mai 2000 est désormais vain dès lors que Mme Magali Y... communique en appel des comptes rendus d'échographie en date des 22 juin et 23 août 2000 mentionnant une date de conception au 10 avril 2000, donc comprise au cours de cette période légale ; qu'en tout état de cause, il résulte suffisamment des pièces produites par Mme Magali Y..., notamment attestations de ses proches et photographies, et lettres de M. X... après la rupture, que Mme Magali Y... et Guy X... avaient à l'époque une relation suivie depuis fin 1998 et en 1999 2000, qui a été rompue le 14 juillet 2000, alors que Mme Magali Y... était enceinte de trois mois et que M. Guy X... était informé de cette grossesse, notamment pour avoir assisté à l'échographie du 22 juin 2000, ainsi qu'il ressort de l'attestation de la soeur de Mme Magali Y..., et de l'agenda de Mme Magali Y..., qui mentionne sa présence à cet examen, ainsi d'ailleurs que sur cette même page des "engueulades" avec "Guy" ; que la présence de M. Guy X... à cet examen est d'autant plus significative que Mme Magali Y... avait été précédemment enceinte et avait fait une fausse couche en février 2000, les frais de la maternité Bel Air ayant été réglés par M. Guy X..., ainsi qu'il ressort de la copie de chèque de 317.80 € produite par lui-même, quand bien même il y a porté la mention "avortement", en contradiction avec sa lettre du 18 novembre 2009, cette nouvelle grossesse étant la manifestation d'un désir d'enfant réitéré après un échec ; que de même, les proches de Mme Magali Y... attestent de ce que la rupture n'est intervenue que le 14 juillet 2000, alors que M. Guy X... était encore présent à une réunion de famille le 2 juillet 2000, et de ce qu'à la suite de cette rupture, M. Guy X... a décommandé sa présence et celle de sa mère au mariage de la soeur de Mme Magali Y... en août 2000 ; que de même, une collègue de Mme Magali Y... atteste de ce que M. Guy X... envisageait de prendre l'enfant à sa charge fiscalement parlant ; qu'en tout état de cause, il ressort des courriers de réponse de M. Guy X... à Mme Magali Y... lorsque celle-ci lui a adressé en juillet 2009 un courrier de l'enfant alors âgé de 8 ans par lequel il demandait à faire sa connaissance, que celui-ci ne contestait nullement sa paternité ; que dans celle en date du 19 novembre 2009, il ne conteste pas sa paternité mais seulement la découverte tardive de la naissance de l'enfant et la nécessité de tout mettre en oeuvre pour la construction de Clément, et demande une rencontre avec Mme Magali Y..., rencontre qui a eu lieu le 12 décembre 2009 ; qu'à la suite de celle-ci, M. Guy X... a écrit à Mme Magali Y... le 18 janvier 2010 pour l'interroger sur les causes de leur rupture et de l'information tardive de l'existence de l'enfant et envisageait l'organisation d'une rencontre avec celui-ci dans un cadre organisé avec des professionnels ; qu'au regard de ces éléments, ne sont pas probants : - l'attestation de M. Christian X..., frère de M. Guy X..., qui indique que Mme Magali Y... ne l'a pas informé de sa grossesse fin juin 1999, ce qui est normal puisqu'elle n'était pas enceinte en juin 1999, mais qui par ailleurs fait état de la fausse couche qui avait affecté son frère, - les attestations de la mère de M. Guy X... et d'une amie indiquant qu'elles n'avaient pas été informées par Mme Magali Y... de la seconde grossesse, ce qui peut s'expliquer par la date de la rupture et la fausse couche précédente qui pouvait rendre circonspect à l'égard de l'annonce précoce d'une grossesse, M. Guy X... étant par ailleurs plus normalement destiné à informer sa mère, - les attestations faisant état du désir d'enfant de M. Guy X..., - les sommations interpellatives délivrées par acte d'huissier par M. Guy X... postérieurement au jugement : * au frère de Mme Magali Y... pour lui faire expliciter son attestation ; si celui-ci fait état de malentendus familiaux concernant la vie de couple de sa soeur et de M. Guy X... et d'évènements cachés, non-dits et dissimulés", ces allégations totalement imprécises ne sont pas de nature à contredire les éléments évoqués ci-dessus d'autant que M. Bernard Y... confirme que sa soeur et M. Guy X... vivaient ensemble à l'époque de la conception de l'enfant, * à la soeur de Mme Magali Y..., Mme Sophie A..., qui d'ailleurs confirme que M. Guy X... a assisté aux premières échographies de la seconde grossesse, - l'attestation venimeuse mais imprécise de la tante de Mme Magali Y... postérieure au jugement sur une autre relation qu'aurait pu avoir celle-ci et sur la reproduction par la mère de Mme Magali Y... de ce qu'elle a connu dans son enfance ; que la restitution par Mme Magali Y... à M. Guy X... le 1er septembre 2000 d'une armoire qu'il lui avait offerte est étrangère au débat sur la filiation mais démontre la volonté de Mme Magali Y... de rompre avec M. Guy X..., laquelle ne fait pas obstacle à la recherche de sa paternité dans l'intérêt de l'enfant ; qu'il en va de même de l'absence de réponse de Mme Magali Y... aux condoléances que lui a adressées M. Guy X... lors du décès de son père [...] ; que les multiples constats d'huissier produits par M. Guy X... relatant les appels téléphoniques début 2013 de Mme Magali Y... au cours de la procédure de médiation organisée par le tribunal de grande instance montrent qu'elle était ouverte à celle-ci et s'étonnait du silence de M. Guy X..., et ceux de Clément qui a pris sur le téléphone de sa mère sans autorisation le numéro de M. Guy X..., montrent le souhait de l'enfant de le rencontrer et d'assumer sa propre démarche indépendamment de sa mère ; que de ces éléments, il résulte suffisamment que M. Guy X... et Mme Magali Y... ont eu une liaison suivie au cours de la période légale de conception, que leur rupture, dont les causes sont indifférentes à la détermination de la filiation de l'enfant mais qui semble déterminante de la position de rejet de M. Guy X..., est survenue le 14 juillet 2000, alors que M. Guy X... était informé de la grossesse de Mme Magali Y... ; que dans ce contexte, l'expertise biologique est de droit sauf motif légitime qui n'est pas invoqué en l'espèce, et que ne saurait constituer le caractère tardif allégué de la procédure ; qu'elle était de nature à écarter le cas échéant la paternité de M. Guy X..., qui s'y est refusé de façon réitérée, alors qu'il allègue en appel une autre relation de Mme Magali Y... sans autre élément que l'attestation de la tante de celle-ci ; que ce refus ne peut s'analyser comme l'exclusion de paternité, et comme étant de nature à mettre à néant les éléments probants d'une relation au moment de la conception, sauf à mettre systématiquement en échec ces mesures d'investigation techniques sûres et peu invasives sur le père recherché, et ne constitue qu'un élément supplémentaire et postérieur dans le raisonnement de recherche de la paternité ; que s'agissant de la tardiveté alléguée de Faction en justice engagée peu avant la survenance du délai de prescription décennale, outre que Mme Magali Y... fait état de l'impact qu'a eu sur Clément le décès [...] de son grand-père maternel, dont il était proche et qui constituait une figure masculine importante, il est observé que Clément a écrit à son père en juillet 2009, alors qu'il n'avait encore que huit ans et demi, et que M. Guy X... n'a pas répondu à ce courrier pourtant relayé par la suite par Mme Magali Y..., de sorte que ces vaines démarches ont été de nature à retarder de quinze mois l'engagement de la procédure, effectué dans le cadre de la prescription applicable, fixée par la loi pour précisément permettre une réflexion sans précipitation avant la recherche judiciaire de paternité ; qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la paternité de M. Guy X... sur Clément Y... ;
ALORS QUE la reconnaissance d'un lien de filiation sur le fondement du refus du parent recherché de se soumettre à une expertise génétique s'analyse en une atteinte à son droit au respect de la vie privée, qui n'est justifiée que si elle poursuit un but légitime et est nécessaire dans une société démocratique, ce qui suppose qu'il soit procédé par le juge saisi à une balance des intérêts en présence ; que la cour d'appel qui, saisie d'une action en reconnaissance de paternité du mineur Clément Y..., s'est fondée, pour dire que M. X... était son père, sur le refus de ce dernier de se soumettre à des expertises génétiques sans mettre en balance l'intérêt de l'enfant à connaître ses origines, sur lequel elle s'est exclusivement fondée, avec le droit de M. X... au respect de sa vie privée, a privé sa décision de base légale au regard des articles
327 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.