CIV. 3
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juillet 2017
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10296 F
Pourvoi n° K 15-24.863
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],
contre l'arrêt rendu le 13 avril 2015 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Sophie X..., domiciliée [...],
2°/ à la société Ge Money Bank, société en commandite par actions, dont le siège est [...],
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 juin 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Capron, avocat de la société Stellium immobilier ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Stellium immobilier aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Stellium immobilier ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la société Stellium immobilier
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ces points, infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Stellium immobilier, in solidum avec la société Ge money bank, à payer à Mme Sophie X... la somme de 40 000 euros à titre de réparation de son préjudice matériel et la somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral, « préjudices nés de la perte de chance de ne pas avoir contracté » ;
AUX MOTIFS QUE « la cassation partielle d'un chef du dispositif d'une décision permet aux parties de soumettre à la juridiction de renvoi toutes les demandes qui constituent l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale sur laquelle il avait été statué par la disposition annulée. / Il est incontesté et établi qu'en première instance et devant la cour dont l'arrêt a été partiellement cassé, Mme Sophie X... qui avait formé à titre principal une demande d'annulation de l'ensemble contractuel constitué par la vente et le prêt avec des demandes en restitution des sommes versées, avait demandé, à titre subsidiaire, au titre du manquement au devoir de conseil de la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil et de la société GE money bank réparation de son préjudice moral. Devant notre cour Mme Sophie X... demande tant la réparation du préjudice moral que du préjudice matériel découlant de la perte de la chance de ne pas avoir contracté en raison du manquement par la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil et par la société GE money bank à leur devoir de conseil. / Doit être déterminé si la demande de réparation du préjudice matériel formée après cassation partielle devant la cour de renvoi peut être considérée comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande de réparation du préjudice moral dont la réparation avait seule été demandée devant la cour dont l'arrêt a été partiellement cassé sur ce seul point. / L'article
566 du code de procédure civile donne aux parties la possibilité d'expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. Cette disposition permet soit d'expliciter une demande qui avait été, en fait, déjà présentée de façon insuffisamment claire ou précise au premier juge, soit d'y ajouter des prétentions liées par un lien suffisant à la demande originaire. / Mme Sophie X... ayant poursuivi en première instance la réparation du préjudice d'ordre moral résultant de la perte de la chance de ne pas avoir contracté est recevable à former en appel la demande complémentaire, car ayant le même fondement, aux fins de réparation du préjudice d'ordre matériel résultant de la même perte de la chance de ne pas avoir contracté. Cette demande est, donc, recevable » (cf., arrêt attaqué, p. 6) ;
ALORS QUE, de première part, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les parties peuvent, aux termes de l'article
566 du code de procédure civile, aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises aux premiers juges et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; que c'est au regard des prétentions soumises par une partie aux premiers juges qu'il convient d'apprécier si la prétention que celle-ci forme pour la première fois devant la cour d'appel entre dans les prévisions de l'article
566 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, dès lors, pour apprécier la recevabilité de la demande de dommages et intérêts de Mme Sophie X... au titre de son préjudice matériel, que « doit être déterminé si la demande de réparation du préjudice matériel formée après cassation partielle devant la cour de renvoi peut être considérée comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande de réparation du préjudice moral dont la réparation avait seule été demandée devant la cour dont l'arrêt a été partiellement cassé sur ce seul point », quand, en se déterminant de la sorte, elle a méconnu que le caractère accessoire, consécutif ou complémentaire d'une demande, dont dépend sa recevabilité en appel, s'apprécie au regard des prétentions formulées en première instance uniquement, la cour d'appel a violé les dispositions des articles
564 et
566 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de deuxième part, en première instance, Mme Sophie X... avait demandé l'annulation de la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre Mme Sophie X... et la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac et du prêt souscrit par Mme Sophie X... auprès de la société Ge money bank, la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de ces deux contrats, la condamnation de la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac, de la société Omnium conseil, de la société Ge money bank et de la société civile professionnelle Benedeti Grosjean Gally Darison à lui restituer l'ensemble des sommes payées en exécution de la vente ainsi que toutes les sommes payées en sa qualité de propriétaire du bien litigieux et la condamnation de la société Omnium conseil à lui payer, à titre principal, et non à titre subsidiaire pour le cas où les annulations demandées ne seraient pas prononcées, une somme équivalente au montant des intérêts déjà versés depuis la première échéance du prêt à titre de dommages et intérêts ; qu'en énonçant, dès lors, que Mme Sophie X... avait demandé, en première instance, à titre subsidiaire, au titre du manquement au devoir de conseil de la société Stellium immobilier, anciennement dénommée société Omnium conseil, réparation de son préjudice moral et avait poursuivi en première instance la réparation du préjudice d'ordre moral résultant de la perte de la chance de ne pas avoir contracté, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de première instance de Mme Sophie X..., en violation des dispositions de l'article
4 du code de procédure civile et du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
ALORS QUE, de troisième part, une demande formée par une partie pour la première fois devant la cour d'appel ne peut être déclarée recevable sur le fondement des dispositions de l'article
566 du code de procédure civile si elle est incompatible avec les demandes formées par cette même partie devant les premiers juges ; qu'en première instance, Mme Sophie X... avait demandé l'annulation de la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre Mme Sophie X... et la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac et du prêt souscrit par Mme Sophie X... auprès de la société Ge money bank et des dommages et intérêts en réparation de préjudices qu'elle prétendait avoir subis en cas d'annulation de ces contrats, sans formuler aucune demande subsidiaire pour voir réparer les préjudices qu'elle aurait subis dans l'hypothèse où ses demandes d'annulation de la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre Mme Sophie X... et la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac et du prêt souscrit par Mme Sophie X... auprès de la société Ge money bank ne seraient pas accueillies ; qu'en jugeant, dès lors, recevable la demande de Mme Sophie X... tendant à la réparation d'un préjudice matériel constitué, notamment, selon les termes de ses conclusions d'appel, par « la perte de valeur du bien immobilier acquis à la revente », par « des frais bancaires générés par l'emprunt souscrit en vue de son acquisition », par « le coût de l'assurance invalidité décès » et par « les charges de copropriété et taxes foncières » relatives à ce même bien, quand cette demande, parce qu'elle tendait à la réparation d'un préjudice qui aurait été subi par Mme Sophie X... alors que la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre Mme Sophie X... et la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac et le prêt souscrit par Mme Sophie X... n'étaient pas annulés, était incompatible avec les demandes formulées par Mme Sophie X... devant les premiers juges, la cour d'appel a violé les dispositions des articles
564 et
566 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ces points, infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Stellium immobilier, in solidum avec la société Ge money bank, à payer à Mme Sophie X... la somme de 40 000 euros à titre de réparation de son préjudice matériel et la somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral, « préjudices nés de la perte de chance de ne pas avoir contracté » ;
AUX MOTIFS QUE « la cassation partielle d'un chef du dispositif d'une décision permet aux parties de soumettre à la juridiction de renvoi toutes les demandes qui constituent l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale sur laquelle il avait été statué par la disposition annulée. / Il est incontesté et établi qu'en première instance et devant la cour dont l'arrêt a été partiellement cassé, Mme Sophie X... qui avait formé à titre principal une demande d'annulation de l'ensemble contractuel constitué par la vente et le prêt avec des demandes en restitution des sommes versées, avait demandé, à titre subsidiaire, au titre du manquement au devoir de conseil de la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil et de la société GE money bank réparation de son préjudice moral. Devant notre cour Mme Sophie X... demande tant la réparation du préjudice moral que du préjudice matériel découlant de la perte de la chance de ne pas avoir contracté en raison du manquement par la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil et par la société GE money bank à leur devoir de conseil. / Doit être déterminé si la demande de réparation du préjudice matériel formée après cassation partielle devant la cour de renvoi peut être considérée comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande de réparation du préjudice moral dont la réparation avait seule été demandée devant la cour dont l'arrêt a été partiellement cassé sur ce seul point. / L'article
566 du code de procédure civile donne aux parties la possibilité d'expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. Cette disposition permet soit d'expliciter une demande qui avait été, en fait, déjà présentée de façon insuffisamment claire ou précise au premier juge, soit d'y ajouter des prétentions liées par un lien suffisant à la demande originaire. / Mme Sophie X... ayant poursuivi en première instance la réparation du préjudice d'ordre moral résultant de la perte de la chance de ne pas avoir contracté est recevable à former en appel la demande complémentaire, car ayant le même fondement, aux fins de réparation du préjudice d'ordre matériel résultant de la même perte de la chance de ne pas avoir contracté. Cette demande est, donc, recevable. / Il y a lieu de rappeler qu'a acquis l'autorité de la chose jugée la déclaration de responsabilité de la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil (absence de communication de fiche de renseignements, d'étude concernant le marché locatif de Bergerac, de pièce attestant de la qualité de l'information personnalisée qu'elle a pu fournir) et de la société GE money bank (absence de mise en garde de Mme Sophie X..., emprunteur non avertie, sur les risques que comportait pour elle le crédit qui n'était manifestement pas adapté à ses facultés contributives). / Mme Sophie X... a, du fait des fautes commises par la société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil et par la société GE money bank, perdu une chance de ne pas contracter dans des conditions qui se sont avérées très défavorables pour elle. / Mme Sophie X... a été déboutée de sa demande tendant au prononcé de la nullité de l'ensemble contractuel, de sorte qu'elle restera propriétaire du bien qu'elle a acquis et qu'elle devra en contrepartie continuer à faire face au remboursement du prêt et aux charges découlant de son acquisition. C'est dans ce contexte que doit être apprécié et évalué le préjudice découlant pour elle de la perte de la chance de ne pas avoir contracté aux conditions auxquelles elle a contracté. / Il ressort de la côte annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières que le prix auquel Mme Sophie X... a acquis son appartement était grandement surévalué par rapport au marché local. Indépendamment de la crise immobilière qui est survenue postérieurement à son acquisition, le préjudice subi par Mme Sophie X... découlant de la perte de valeur au moment de la revente est directement lié à la perte de la chance de ne pas avoir contracté. Ce préjudice est indiscutable et important. / Mme Sophie X... a contracté dans des conditions telles qu'elle s'est trouvée confrontée à un endettement excessif et qu'elle a subi du fait de la perte de cette même chance un préjudice direct, important découlant des dépenses excessives auxquelles elle a été obligée de faire face et qui ont appauvri son patrimoine. / La cour trouve dans les considérations ci-dessus des éléments suffisants pour évaluer à la somme globale de 40 000 € le préjudice matériel et financier subi par Mme Sophie X... et découlant directement de la perte de la chance de ne pas s'être engagée dans un ensemble contractuel gravement désavantageux pour elle. / Mme Sophie X... a été confrontée à une situation qui l'a mise en grande difficulté sur le plan personnel et moral. Elle a dû faire face à une procédure, longue, coûteuse, aléatoire. Elle a, de ce fait, indiscutablement subi un important préjudice d'ordre moral découlant directement de la perte de la chance de ne pas s'être engagée dans un ensemble contractuel gravement désavantageux pour elle. La cour trouve dans des éléments pour évaluer à la somme de 10 000 € le préjudice subi. / La société Stellium immobilier, anciennement dénommée Omnium conseil et la société GE money bank doivent être condamnées in solidum au paiement de ces sommes dans la mesure où leurs fautes ont concouru à la réalisation de l'entier préjudice » (cf., arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;
ALORS QUE, de première part, le préjudice réparable d'une partie à un contrat, à l'égard de laquelle une obligation pré-contractuelle d'information n'a pas été respectée, qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation pour dol de ce contrat ou dont la demande d'annulation pour dol de ce même contrat a été rejetée, correspond, non à la perte d'une chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner la société Stellium immobilier, in solidum avec la société Ge money bank, à payer à Mme Sophie X... la somme de 40 000 euros à titre de réparation de son préjudice matériel, que ce préjudice matériel découlait directement de la perte de la chance de ne pas s'être engagée dans un ensemble contractuel gravement désavantageux pour elle et, donc, en retenant que le préjudice matériel subi par Mme Sophie X... consistait en la perte d'une chance de ne pas contracter, quand elle relevait que Mme Sophie X... avait été déboutée de sa demande tendant au prononcé de la nullité pour dol de l'ensemble contractuel constitué de la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre Mme Sophie X... et la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac et du prêt souscrit par Mme Sophie X... auprès de la société Ge money bank et quand, dès lors, le préjudice matériel réparable de Mme Sophie X... correspondait uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article
1382 du code civil ;
ALORS QUE, de seconde part, le préjudice réparable d'une partie à un contrat, à l'égard de laquelle une obligation pré-contractuelle d'information n'a pas été respectée, qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation pour dol de ce contrat ou dont la demande d'annulation pour dol de ce même contrat a été rejetée, correspond, non à la perte d'une chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner la société Stellium immobilier, in solidum avec la société Ge money bank, à payer à Mme Sophie X... la somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral, que ce préjudice moral découlait directement de la perte de la chance de ne pas s'être engagée dans un ensemble contractuel gravement désavantageux pour elle et, donc, en retenant que le préjudice moral subi par Mme Sophie X... consistait en la perte d'une chance de ne pas contracter, quand elle relevait que Mme Sophie X... avait été déboutée de sa demande tendant au prononcé de la nullité pour dol de l'ensemble contractuel constitué de la vente en l'état futur d'achèvement conclue entre Mme Sophie X... et la société civile immobilière Les diagonales de Bergerac et du prêt souscrit par Mme Sophie X... auprès de la société Ge money bank et quand, dès lors, le préjudice moral réparable de Mme Sophie X... correspondait uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article
1382 du code civil.