Cour d'appel de Bordeaux, 1ère CHAMBRE CIVILE, 2 juin 2022, 21/05920

Mots clés Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d'assurance et ordonner l'expulsion · commandement

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro affaire : 21/05920
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Président : Monsieur Roland POTEE

Texte

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 02 JUIN 2022

N° RG 21/05920 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MMMH

[E] [M] [T] [J]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/025619 du 16/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

[Y] [O] [K] [H]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/025621 du 16/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

[C] [A] épouse [W]

[I] [A] épouse [B]

[P] [S] veuve [A] (DECEDEE)

[U] [A]

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le : 02 JUIN 2022

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 15 octobre 2021 par le Juge des des Référés du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 21/00870) suivant déclaration d'appel du 02 novembre 2021

APPELANTS :

[E] [M] [T] [J]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

[Y] [O] [K] [H]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me Morgane DUPRE-BIRKHAHN de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[C] [A] épouse [W], en qualité d'héritière de Mme [P] [F] [S] veuve [A] décédée le 31 janvier 2022

née le 11 Avril 1964 à [Localité 8] ([Localité 8])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

[I] [A] épouse [B], en qualité d'héritière de Mme [P] [F] [S] veuve [A] décédée le 31 janvier 2022

née le 07 Décembre 1966 à [Localité 8] ([Localité 8])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

[P] [S] veuve [A] (DECEDEE)

née le 05 Juillet 1942 à [Localité 7]

de nationalité Française

[U] [A], en qualité d'héritière de Mme [P] [F] [S] veuve [A] décédée le 31 janvier 2022

née le 01 Décembre 1961 à [Localité 8] ([Localité 8])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du l7 juin 2020, à effet au 1er juillet 2020, l'indivision [A] a donné à bail d'habitation à M. [Y] [H] et M. [E] [J] un logement situé [Adresse 6].

Par acte d'huissier du 13 janvier 2021, Mme [C] [A] épouse [W], Mme [I] [A] épouse [B], Mme [P] [S] veuve [A] et Mme [U] [A] (ci-après dénommées les consorts [A]) ont adressé à M. [Y] [H] et M. [E] [J] un commandement de payer la somme de 2 832 euros au titre de l'arriéré locatif et de justifier d'une assurance couvrant les risques locatifs, aux fins de mise en oeuvre de la clause contractuelle de résiliation de plein droit du bail.

Par acte d'huissier du 15 avril 2021, les consorts [A] ont fait assigner M. [Y] [H] et M. [E] [J] devant le juge des contentieux de la protection statuant en matière de référé auprès du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment de constater la résiliation de plein droit du bail, d'ordonner l'expulsion de M. [Y] [H] et M. [E] [J] et de les voir condamner solidairement au paiement de la somme provisionnelle de 3 164 euros représentant le montant des loyers et des charges dus à la date du 9 avril 2021.

Par ordonnance de référé contradictoire du 15 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection, pôle protection et proximité, du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- constaté l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit au bénéfice de l'indivision bailleresse, à la date du 14 février 2021,

- rejeté la demande de délais formée par M. [Y] [H] et par M. [E] [J] ainsi que la demande de condamnation sous astreinte,

- condamné M. [Y] [H] et M. [E] [J] à quitter les lieux loués situés [Adresse 5],

- autorisé, à défaut pour M. [Y] [H] et M. [E] [J] d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef avec si nécessaire le concours de la force publique, deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles, et de la provision sur charges (500 euros par mois à la date de l'audience), augmentée de la régularisation au titre des charges dûment justifiées,

- condamné solidairement M. [Y] [H] et M. [E] [J] à payer aux consorts [A] la somme de 4 142 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriété de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 19 juillet 2021 (échéance du mois de juillet 2021 incluse), avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,

- condamné solidairement M. [Y] [H] et M. [E] [J] à payer aux consorts [A], à compter du 1er août 2021, l'indemnité d'occupation mensuelle ci-dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux,

- condamné solidairement M. [Y] [H] et M. [E] [J] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer,

- condamné solidairement M. [Y] [H] et M. [E] [J] à payer aux consorts [A] une indemnité de 400 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

M. [E] [J] et M. [Y] [H] ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 2 novembre 2021.

Par ordonnance de caducité partielle du 12 janvier 2022, le juge de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a :

- constaté la caducité partielle de la déclaration d'appel en date du 2 novembre 2021 de M. [E] [J] et M. [Y] [H] à l'égard de la SASU Agence du Ciron,

- condamné M. [E] [J] et M. [Y] [H] aux dépens de l'appel formé à l'égard de la SASU Agence du Ciron.

Par conclusions déposées le 17 janvier 2022, M. [E] [J] et M. [Y] [H] demandent à la cour de :

- réformer intégralement l'ordonnance du 15 octobre 2021,

Par conséquent,

- constater l'assurance habitation de M. [E] [J] et M. [Y] [H],

- accorder rétroactivement à M. [E] [J] et M. [Y] [H] des délais de paiement sur 36 mois à compter de la date du délibéré pour apurer la dette locative,

- prononcer le sursis à statuer concernant la demande de résolution du bail par application de la clause résolutoire dans l'attente des paiements par M. [E] [J] et M. [Y] [H],

- condamner les consorts [A] à payer à M. [E] [J] et M. [Y] [H] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [A] aux dépens.

Par conclusions déposées le 25 février 2022, les consorts [A] demandent à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 15 octobre 2021,

- condamner solidairement M. [E] [J] et M. [Y] [H] à payer à Mme [U] [A], Mme [C] [A] et Mme [I] [A] en leur nom personnel et Mmes [U] [A], [C] [A] et [I] [A] en qualité d'héritière de leur mère Mme [P] [S] veuve [A] décédée, une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens de l'instance, y compris les frais de commandement.

Au visa de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a fait l'objet le 29 novembre 2021 d'une ordonnance de fixation à bref délai avec clôture de la procédure 15 jours avant la date de l'audience fixée au 11 avril 2022.


MOTIFS DE LA DÉCISION


Les appelants ont produit une note en délibéré en date du 11 avril 2022.

Par courrier du 20 avril 2022, les intimés sollicitent le rejet de cette note.

Cette note en délibéré, non sollicitée par la cour, est irrecevable en application des articles 14 et 16 du code de procédure civile.

Sur la demande de résiliation du bail pour défaut d'assurance

Selon l'article 7 g de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable au litige , le locataire est tenu de s'assurer contre les risques locatifs et d'en justifier chaque année à la demande du bailleur.

Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d'assurance ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit à peine de nullité les dispositions du présent alinéa.

M. [Y] [H] et M. [E] [J] conclut à la réformation de l'ordonnance au motif qu'ils justifient avoir été assurés et que le contrat qui les assurait pour 2020 et 2021 mentionnait une tacite reconduction.

Les consorts [A] font valoir que M. [Y] [H] et M. [E] [J] ne rapportent pas la preuve d'avoir été assurés à la date de délivrance du commandement et que l'attestation de la compagnie Lemonade est douteuse.

En l'espèce, le commandement, régulier, aux fins de constatation de la résiliation de plein droit du bail pour défaut d'assurance a été délivré le 13 janvier 2021.

Force est de constater que les justificatifs produits par les appelants ne couvrent que les périodes du 15 août 2019 au 31 juillet 2020, du 26 novembre 2020 au 31 décembre 2020 et du 3 mars 2021 au 3 mars 2022 (cette dernière auprès de la compagnie Lemonade, dont il n'est pas démontré qu'il s'agit d'un faux), de sorte qu'ils n'étaient pas assurés ni au jour de la délivrance du commandement ni dans le mois qui a suivi.

A défaut de justifier d'avoir contracté une assurance risques locatifs avant le 13 février 2021, il sera constaté la résiliation de plein droit du contrat de bail au 14 février 2021.

L'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la créance des consorts [A]

Au vu du décompte produit, elle s'élève à 6 828,68 euros, échéance de mars 2022 incluse, ce que M. [Y] [H] et M. [E] [J] ne contestent d'ailleurs pas.

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné solidairement M. [Y] [H] et M. [E] [J] à payer une somme à titre de loyers et charges aux consorts [A], avec actualisation de la créance.

Sur la demande de délais

Il résulte des dispositions de l'article 24, paragraphe V, de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose : « Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. »

Il s'évince de ce texte que d'une part il n'est pas possible de suspendre les effets de la clause résolutoire lorsqu'elle a été acquise du fait d'un défaut d'assurance et que d'autre part, les délais qu'il est possible d'accorder dans ce cas ne peuvent dépasser ceux prévus par l'article 1343-5 du code civil.

L'article 1343-5 du code civil dispose : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

« Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

« Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

« La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

« Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

M. [Y] [H] et M. [E] [J] qui sollicitent un délai de 36 mois et une suspension des effets de la clause résolutoire pendant ce délai, ne peuvent le faire sur le fondement de l'article 24, paragraphe V, de la loi du 6 juillet 1989.

En tout état de cause, il ressort des pièces versées que la somme due en janvier 2021, lors de la délivrance du commandement était de 2 832 euros, de 4142 euros en juillet 2021 et de 6 828,68 euros en mars 2022, que M. [Y] [H] et M. [E] [J] n'ont procédé qu'à peu de règlements du loyer résiduel et souvent incomplètement depuis 2020, que le résultat de leur demande auprès du FSL est aléatoire et qu'ils ne démontrent pas avoir une capacité de remboursement alors qu'ils n'effectuent que quelques missions d'intérim.

L'ordonnance déférée qui a débouté MM. [J] et [H] de leur demande de délais sera confirmée.

Sur les autres demandes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [Y] [H] et M. [E] [J] qui succombent en leur appel en supporteront donc la charge.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

M. [Y] [H] et M. [E] [J] qui succombent seront condamnés à payer aux consorts [A] ensemble la somme de 800 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

,

La Cour,

Rejette la note en délibéré produite le 11 avril 2022 par les appelants,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Actualisant la créance de loyers et charges de Mme [C] [A] épouse [W], Mme [I] [A] épouse [B] et Mme [U] [R] [A] et statuant à nouveau, dans cette limite,

Condamne solidairement M. [Y] [H] et M. [E] [J] à payer à Mme [C] [A] épouse [W], Mme [I] [A] épouse [B] et Mme [U] [R] [A] ensemble la somme de 6 828,68 euros à titre de loyers et charges, échéance de mars 2022 incluse,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [Y] [H] et M. [E] [J] à payer à Mme [C] [A] épouse [W], Mme [I] [A] épouse [B] et Mme [U] [R] [A] ensemble la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [Y] [H] et M. [E] [J] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés selon la loi sur l'aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,