Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 18 mars 2014, 13-11.262

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-03-18
Cour d'appel de Chambéry
2012-10-30

Texte intégral

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 30 octobre 2012), que M. et Mme X... ont, en 2004 et 2005, contracté divers emprunts auprès de la Société générale (la banque) pour financer l'acquisition et la rénovation de plusieurs biens immobiliers ; qu'assignés en paiement des échéances de l'un de ces prêts, ils ont, notamment, opposé à la banque un manquement à son obligation de mise en garde lors de l'octroi des prêts souscrits en 2005 et recherché sa responsabilité ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en paiement de la somme de 138 913,19 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1 / que le banquier est tenu, à l'égard de l'emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'en revanche, il n'est pas tenu d'une telle obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur averti, auquel il est uniquement tenu de délivrer les informations en sa possession qui seraient ignorées par son client ; que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en déboutant M. et Mme X... de leur action en responsabilité contre la Société générale fondée sur les conditions dans lesquelles celle-ci leur avait accordé de multiples prêts, sans indiquer s'ils avaient la qualité d'emprunteurs avertis, auquel cas la banque était tenue à leur égard d'une simple obligation d'information, ou s'ils avaient la qualité d'emprunteurs profanes, auquel cas la banque était tenue à leur égard d'une obligation de mise en garde, la cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement juridique de sa décision et qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de celle-ci, a violé l'article 12 du code de procédure civile ; 2 / que, subsidiairement, le banquier est tenu, à l'égard de l'emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que M. et Mme X... n'avaient pas la qualité d'emprunteurs non avertis, pour en déduire que la banque n'était pas tenue à leur égard d'une obligation de mise en garde, elle ne pouvait se prononcer de la sorte sans indiquer les circonstances de fait pouvant permettre d'établir que M. et Mme X... auraient eu la qualité d'emprunteurs avertis ; qu'à défaut de l'avoir fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; 3 / que, à titre également subsidiaire, la banque est tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, professionnel ou non, à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'en se bornant, pour décider que la Société générale n'avait pas manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de M. et Mme X..., à affirmer que ces derniers ne justifiaient pas d'une faute de la Société générale, sans aucunement indiquer les capacités financières de M. et Mme X... lors de l'octroi du prêt et les charges financières résultant pour eux de ces emprunts, ni constater qu'ils auraient été avertis par la banque d'un risque de surendettement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'exécution, par la Société générale, de son obligation de mise en garde, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

que l'arrêt relève qu'au moment où les trois prêts litigieux ont été souscrits, les emprunteurs, d'une part, avaient acquis, en contrepartie des deux emprunts contractés en 2004 et dont le remboursement était en cours, une maison que les travaux réalisés par M. X... avaient améliorée, d'autre part, acquéraient un immeuble destiné, après travaux, à leur procurer des loyers leur permettant de régler des échéances progressives de remboursement ; qu'il relève encore que l'endettement de M. et Mme X... ne résultait pas seulement des emprunts contractés auprès de la banque mais aussi d'autres dettes dont ils ne soutiennent pas l'avoir informée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu'à la date de la conclusion des prêts pour lesquels la responsabilité de la banque est recherchée, les crédits accordés à M. et Mme X... étaient adaptés à leurs capacités financières, ce dont il résulte que la banque n'était pas tenue à leur égard d'un devoir de mise en garde, fussent-ils des emprunteurs non avertis, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leur demande tendant à voir condamner la SOCIETE GENERALE à leur verser la somme de 138.913,19 euros à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE si les événements ont tourné partiellement en défaveur des époux X..., leurs allégations ne caractérisent aucune faute de la banque à leur égard ; qu'il résulte des explications données par les deux parties que, au moment où les prêts de 2005 ont été contractés, d'une part, les emprunteurs avaient, en contrepartie de deux emprunts dont le remboursement était en cours, une maison que les travaux réalisés par Monsieur X... avaient améliorée, et d'autre part, ils acquéraient un immeuble destiné à devenir de rapport, et que les loyers ainsi prévus rendaient recevable la perspective de revenus en augmentation, justifiant ainsi la prévision d'échéances allant en augmentant ; que, s'il est vrai que l'emploi de Madame X... est arrivé à échéance assez rapidement, ils ne pouvaient l'ignorer s'agissant d'un contrat à durée déterminée, et que cet élément est entré nécessairement dans leurs prévisions ; que la vente de leur maison, qui a certes tardé de six mois par rapport à la date espérée, mais qui a apporté une plus-value considérable puisque doublant presque le prix d'achat, leur a permis, non seulement de rembourser le prêt relais, mais aussi de rembourser le solde du premier emprunt de 82.000 euros et leur a procuré un solde égal au montant de la demande de la banque au titre du prêt de 15.000 euros ; que leurs écritures ne précisent pas pour quelle raison ils n'en ont pas profité pour rembourser aussi cet emprunt, mais qu'il résulte des pièces produites, plus précisément d'un décompte du notaire du 14 janvier 2010, qu'il a servi à rembourser une créance de particuliers ; qu'il en résulte que l'endettement des époux X... ne résulte pas seulement d'emprunts contractés auprès de la SOCIETE GENERALE et qu'ils ne soutiennent pas avoir informé celle-ci qu'ils contractaient d'autres dettes que les emprunts litigieux ; que leurs déboires résultent aussi de ce que Monsieur X..., qui comptait réaliser lui-même les travaux destinés à rentabiliser l'opération, a pris du retard dans ces travaux pour des raisons non précisées ; que toutefois, il ne soutient pas que la banque aurait dû envisager une telle hypothèse, alors qu'il avait manifestement réalisé dans de brefs délais des travaux importants sur la maison de Mont Saxonnex, et qui pouvaient augurer favorablement de la réalisation de ses projets ; que les décomptes produits font état d'impayés à partir de février 2007, mois de la vente de la maison de Mont Saxonnex, mais qu'aucun document ne concerne la situation financière du couple X... à cette époque de sorte qu'il n'apparaît pas que cette impécuniosité résulte d'une situation prévisible ; qu'en l'absence de justification d'une faute de la SOCIETE GENERALE, Monsieur et Madame X... doivent être déboutés de leur demande d'indemnisation et que le jugement sera réformé de ce chef ; 1°) ALORS QUE le banquier est tenu, à l'égard de l'emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'en revanche, il n'est pas tenu d'une telle obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur averti, auquel il est uniquement tenu de délivrer les informations en sa possession qui seraient ignorées par son client ; que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en déboutant Monsieur et Madame X... de leur action en responsabilité contre la SOCIETE GENERALE, fondée sur les conditions dans lesquelles celle-ci leur avait accordé de multiples prêts, sans indiquer s'ils avaient la qualité d'emprunteur avertis, auquel cas la banque était tenue à leur égard d'une simple obligation d'information, ou s'ils avaient la qualité d'emprunteurs profanes, auquel cas la banque était tenue à leur égard d'une obligation de mise en garde, la Cour d'appel, qui n'a pas précisé le fondement juridique de sa décision et qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de celle-ci, a violé l'article 12 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE subsidiairement, le banquier est tenu, à l'égard de l'emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'à supposer que la Cour d'appel ait considéré que Monsieur et Madame X... n'avaient pas la qualité d'emprunteurs non avertis, pour en déduire que la banque n'était pas tenue à leur égard d'une obligation de mise en garde, elle ne pouvait se prononcer de la sorte sans indiquer les circonstances de fait pouvant permettre d'établir que Monsieur et Madame X... auraient eu la qualité d'emprunteurs avertis ; qu'à défaut de l'avoir fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 3°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, la banque est tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non-averti, professionnel ou non, à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'en se bornant, pour décider que la SOCIETE GENERALE n'avait pas manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de Monsieur et Madame X..., à affirmer que ces derniers ne justifiaient pas d'une faute de la SOCIETE GENERALE, sans aucunement indiquer les capacités financières de Monsieur et Madame X... lors de l'octroi du prêt et les charges financières résultant pour eux de ces emprunts, ni constater qu'ils auraient été avertis par la banque d'un risque de surendettement, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'exécution, par la SOCIETE GENERALE, de son obligation de mise en garde, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.