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Tribunal administratif de Toulouse, 4ème Chambre, 25 juillet 2023, 2303242

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
  • Numéro d'affaire :
    2303242
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : M. Farges
  • Nature : Décision
  • Commentaires :
  • Avocat(s) : CAYSSIALS
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Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Toulouse
25 juillet 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une protestation et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 7 juin 2023, M. O D, Mme F A, Mme N G et Mme L C, ayant désignés M. D comme leur représentant unique en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, demandent au tribunal d'annuler la délibération n° 3 du 31 mai 2023 du conseil municipal de Pins-Justaret portant élection de trois adjoints au maire. Ils soutiennent que : - lors du conseil municipal du 31 mai 2023, il a été procédé à l'élection de trois nouveaux adjoints : un homme en remplacement d'un adjoint démissionnaire, les deux autres (un homme et une femme) dans le cadre de la création de deux nouveaux postes d'adjoints qui faisait, en réalité, suite à la démission de deux adjoints hommes intervenue quelques mois plus tôt ; - cette désignation est contraire au principe de respect de la parité globale qui doit exister dans la désignation des adjoints ; en effet, à l'issue du vote, l'équipe municipale est composée de cinq adjoints femmes et de trois adjoints hommes, alors que la composition initiale du conseil municipal était régulièrement constituée de quatre femmes et quatre hommes ; - en tant qu'élus d'opposition, ils ont refusé de prendre part au scrutin, estimant que celui-ci était contraire à la volonté du législateur telle qu'elle ressort, d'une part, de la réponse du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales à la question écrite n° 19807 de M. H, sénateur de Moselle, publiée le 11 février 2021 et, d'autre part, de la réponse du ministre de l'intérieur et des outre-mer à la question écrite n° 02791 de M. M, sénateur de l'Oise, publiée le 26 janvier 2023 ; ces deux réponses ministérielles insistent sur la nécessaire parité au sein des conseils municipaux et au sein des équipes d'adjoints au maire, au sens de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 ; - si le texte de loi ne prévoit certes pas expressément la situation de la création de postes d'adjoints en cours de mandat, il y a lieu de considérer que la volonté du législateur a été que soit respectée la parité finale des adjoints, dans toutes les circonstances de leur élection ; - l'élection des adjoints au maire n'a pas fait l'objet d'une délibération régulièrement publiée. Par un mémoire en observations, enregistré le 11 juin 2023, la commune de Pins-Justaret, représentée par Me Cayssials, conclut au rejet de la protestation électorale et à ce que soit mis à la charge des requérants le paiement à son profit d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la protestation est irrecevable, dès lors que les requérants ne justifient pas de leur qualité d'électeur ou d'éligible dans la commune ; - les griefs invoqués ne sont pas fondés ; il résulte en effet des dispositions de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales que le principe de parité impose, d'une part, de présenter pour chaque élection où plus d'un poste est à pourvoir, une liste où chaque sexe est représenté à parité, à une unité près au plus, d'autre part, de remplacer un adjoint démissionnaire par un candidat de même sexe ; ces dispositions n'imposent nullement qu'un poste d'adjoint créé en cours de mandat soit pourvu en considération du maintien de l'alternance des sexes, que ce soit dans l'ordre du tableau ou au sein du conseil municipal ; les réponses ministérielles invoquées sont dépourvues de valeur juridique ; au demeurant, la parité a été respectée dans l'élection des deux adjoints sur postes nouvellement créés et l'adjoint démissionnaire a été remplacé par un candidat de même sexe ; - le grief tiré de l'absence de formalisation de l'élection par une délibération est irrecevable, faute d'avoir été invoqué dans le délai de recours contentieux, et en tout état de cause infondé dès lors qu'aucun texte n'impose que le résultat d'une élection prenne la forme d'une délibération alors que sont formellement établis un procès-verbal de l'élection, la feuille de proclamation des résultats et le tableau du conseil municipal qui sont transcrits sur le registre des délibérations. Un mémoire présenté par M. D et autres, enregistré le 22 juin 2023, n'a pas été communiqué dès lors, notamment, qu'il a été présenté au-delà du délai de protestation prévu à l'article R. 119 du code électoral. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code électoral, - le code général des collectivités territoriales, - la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Sorin ; - les conclusions de M. Farges, rapporteur public ; - et les observations de M. D, Mme C et Me Pahor-Gafari, pour la commune de Pins-Justaret.

Considérant ce qui suit

: 1. Lors de sa séance du 16 mars 2022, le conseil municipal de Pins-Justaret, ayant pris acte de la démission successive de deux des huit adjoints au maire, de sexe masculin, a décidé par une délibération du même jour de réduire à six le nombre d'adjoints au maire, de sorte que le conseil municipal disposait, à compter de cette date, de quatre adjoints de sexe féminin et de deux adjoints de sexe masculin. A la suite de la démission d'un nouvel adjoint au maire, de sexe masculin, le conseil municipal a été convoqué, le 31 mai 2023, aux fins, d'une part, de fixer par une nouvelle délibération à huit le nombre des adjoints au maire, puis d'autre part, de procéder à l'élection des trois adjoints dont les postes étaient dès lors à pourvoir : un poste devenu vacant par démission, deux postes créés par la délibération précitée du même jour. A l'issue d'un scrutin de liste, ont été élus M. I J, en remplacement de l'adjoint démissionnaire, Mme L E et M. B K, au titre des deux postes d'adjoints créés. Par la présente protestation, M. D, Mme A, Mme G et Mme C, conseilleurs municipaux de la commune de Pins-Justaret, entendent contester l'élection de ces trois adjoints au maire. Sur la recevabilité de la protestation : 2. Aux termes de l'article L. 228 du code électoral : " Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection ". Et aux termes de l'article L. 248 de ce même code : " Tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. / Le préfet, s'il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n'ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif. " L'article L. 2122-13 du code général des collectivités territoriales ajoute que : " L'élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal. " 3. Il résulte des termes mêmes du procès-verbal de l'élection intervenue le 31 mai 2023, notamment produit en défense, que M. D, Mme A, Mme G et Mme C siègent en qualité de conseillers municipaux de la commune de Pins-Justaret, de sorte qu'ils remplissent au moins l'une des deux conditions posées au premier alinéa de l'article L. 248 du code électoral tenant à leur éligibilité, sauf à établir l'existence d'une fraude qui n'est pas même alléguée. Par suite, leur protestation est recevable. Sur le bien-fondé de la protestation : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal détermine le nombre des adjoints au maire sans que ce nombre puisse excéder 30 % de l'effectif légal du conseil municipal. " L'article L. 2122-4 du même code précise que : " Le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres, au scrutin secret () ". Et selon l'article L. 2122-7 de ce même code : " Le maire est élu au scrutin secret et à la majorité absolue. / Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative. / En cas d'égalité de suffrages, le plus âgé est déclaré élu. " Enfin, l'article L. 2122-7-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1461 susvisée, ajoute que : " Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. / Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative. En cas d'égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la moyenne d'âge la plus élevée sont élus. / En cas d'élection d'un seul adjoint, celui-ci est élu selon les règles prévues à l'article L. 2122-7. / Quand il y a lieu, en cas de vacance, de désigner un ou plusieurs adjoints, ceux-ci sont choisis parmi les conseillers de même sexe que ceux auxquels ils sont appelés à succéder. Le conseil municipal peut décider qu'ils occuperont, dans l'ordre du tableau, le même rang que les élus qui occupaient précédemment les postes devenus vacants. " Par ailleurs, selon l'article L. 2122-8 de ce même code : " () Pour toute élection du maire ou des adjoints, les membres du conseil municipal sont convoqués dans les formes et délais prévus aux articles L. 2121-10 à L. 2121-12. La convocation contient mention spéciale de l'élection à laquelle il doit être procédé () ". 5. Il résulte notamment de la combinaison des dispositions législatives citées au point précédent, telles qu'elles sont, notamment et pour partie, issues de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique et qui doivent être appliquées strictement, que tout adjoint au maire démissionnaire d'une commune de 1 000 habitants et plus doit être remplacé par un conseiller de même sexe et que cette élection a lieu au scrutin uninominal lorsque la vacance ne concerne qu'un seul adjoint. Par ailleurs, lorsque le conseil municipal d'une commune de 1 000 habitants et plus procède à l'élection de deux adjoints ou plus sur des postes nouvellement créés, ceux-ci sont élus au scrutin de liste, composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire, pas plus que des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi précitée, que la composition de cette liste devrait prendre en compte l'éventuelle absence de parité entre l'ensemble des adjoints, non plus que l'absence d'alternance entre les adjoints de chaque sexe, qu'elles soient préexistantes ou consécutives à ce scrutin. 6. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'à la suite de la démission d'un adjoint au maire de sexe masculin, le conseil municipal de Pins-Justaret a procédé, lors de sa séance du 31 mai 2023, à l'élection de M. I J aux fins de pourvoir à la vacance du sixième poste d'adjoint. Par ailleurs et au titre de cette même séance, le conseil municipal, après avoir adopté la délibération n° 2 portant à huit le nombre d'adjoints, a procédé à l'élection de Mme L E et de M. B K aux fins de pouvoir ces deux postes d'adjoints nouvellement créés. Alors même que ces élections se sont déroulées dans le cadre d'un scrutin de liste unique en vue de pourvoir ces trois postes relevant pourtant de deux modes de désignation théoriquement distincts, la seule circonstance invoquée par les protestataires selon laquelle l'élection de ces trois nouveaux adjoints ne permettrait pas de " rétablir la parité " ou d'atteindre " la parité intégrale " entre adjoints dans la mesure où le conseil municipal comporte désormais 5 adjointes et 3 adjoints au maire est sans incidence dès lors qu'outre le fait que cette situation était préexistante à l'élection en cause à raison des démissions successives de trois adjoints de même sexe et de la suppression consécutive de deux postes d'adjoints par une délibération précitée du 16 mars 2022, les dispositions légales précédemment rappelées, qui sont d'interprétation stricte en matière électorale, n'ont pas entendu expressément exiger qu'à l'occasion de l'élection de nouveaux adjoints au titre de postes nouvellement créés, dont la création peut d'ailleurs conduire à une imparité du nombre d'adjoints, le conseil municipal soit tenu de prendre en considération la situation préexistante dans l'équilibre des adjoints selon leur sexe. En outre, si les protestataires se prévalent de deux réponses ministérielles des 11 février 2021 et 22 septembre 2022 à deux questions écrites posées par des sénateurs, ces réponses, qui ne font pas grief et ne sont d'ailleurs pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux, ne sauraient en toute hypothèse utilement interpréter " l'intention du législateur " s'agissant de la nouvelle rédaction de l'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales alors même que cette intention alléguée ne découle ni du texte exprès de la loi précitée du 27 décembre 2019, qui est donc d'interprétation stricte, ni même des débats parlementaires intervenus à l'occasion de son adoption. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance alléguée des dispositions citées au point 2 lors de l'élection de trois adjoints au maire de Pins-Justaret et de l'objectif de parité au sein des conseils municipaux ne peut qu'être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales : " La séance au cours de laquelle il est procédé à l'élection du maire est présidée par le plus âgé des membres du conseil municipal. / Pour toute élection du maire ou des adjoints, les membres du conseil municipal sont convoqués dans les formes et délais prévus aux articles L. 2121-10 à L. 2121-12. La convocation contient mention spéciale de l'élection à laquelle il doit être procédé () ". Et l'article L. 2122-12 du même code précise que : " Les élections du maire et des adjoints sont rendues publiques, par voie d'affiche, dans les vingt-quatre heures. " 8. A supposer que les protestataires aient entendu soulever un grief tiré de ce que l'élection des trois adjoints au maire de Pins-Justaret n'aurait pas donné lieu à l'édiction d'une délibération formalisée régulièrement publiée, celui-ci ne saurait être accueilli dès lors qu'en tout état de cause, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une telle formalité lors de l'élection du maire et de ses adjoints. 9. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai () ". 10. A supposer que M. D et les autres protestataires aient entendu, par leur mémoire enregistré le 22 juin 2023, soulever de nouveaux griefs, ceux-ci sont, en toute hypothèse, irrecevables dès lors qu'ils n'ont pas été présentés devant le tribunal dans le délai de protestation de cinq jours qui a suivi l'élection, tel qu'il est requis par l'article R. 119 précité du code électoral. 11. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation de M. D et autres doit être rejetée. Sur les frais de l'instance : 12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et en toute hypothèse, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Pins-Justaret, qui a la qualité d'observatrice dans la présente instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La protestation introduite par M. D, Mme A, Mme G et Mme C est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Pins-Justaret présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. O D, Mme F A, Mme N G, Mme L C, M. I J, Mme L E et M. B K. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne, au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à la commune de Pins-Justaret. Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient : M. Sorin, président-rapporteur, M. Hecht, premier conseiller, Mme Pétri, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023. Le président-rapporteur, T. SORIN L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau, S. HECHTLa greffière, F. LE GUIELLAN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière en chef,