LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article
L. 113-8 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 14 octobre 2009, alors qu'elle circulait au volant de son véhicule, assuré auprès de la société Assurances du crédit mutuel (la société ACM), Mme X..., qui transportait ses trois enfants mineurs, s'est déportée sur la voie de gauche de la chaussée, en raison d'un moment d'inattention, et a percuté le véhicule de M. Y..., assuré par la société Groupama Centre Manche (la société Groupama), qui arrivait en sens inverse ; que M. Y..., Mme X... ainsi que ses trois enfants mineurs ont été blessés dans l'accident ; que Mme X... a fait l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; que la société ACM, exposant avoir découvert que Mme X... avait commis une fausse déclaration intentionnelle en ne déclarant pas lors de la souscription du contrat l'existence d'un délit de fuite pour lequel elle avait été condamnée le 21 juin 2005, a, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 28 février 2011, informé Mme X..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), M. Y... et la société Groupama de ce qu'elle entendait se prévaloir de la nullité du contrat en application des dispositions de l'article
L. 113-8 du code des assurances ; que la société ACM a assigné Mme X... en annulation du contrat et la société Groupama en remboursement des provisions versées à Mme X..., ès qualités ;
Attendu que pour déclarer cette action irrecevable, l'arrêt retient que la société ACM fait justement valoir que le paiement d'une indemnité aux ayants droit d'une victime d'un accident de la circulation, tant que la nullité du contrat n'a pas été judiciairement prononcée, est obligatoire pour l'assureur et ne peut pas constituer une renonciation à se prévaloir de la cause de nullité ; qu'il est exact que dans toutes les propositions de versement de provision que la société ACM a faites, il était indiqué que le versement était fait « pour le compte de qui il appartiendra » ; que selon les dispositions de l'article
L. 211-9 du code des assurances, en cas de pluralité de véhicules, s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres ; que c'est en application de ce texte, ou par application de la convention IRCA, que la société Groupama a procédé à l'indemnisation de M. Y..., le procès-verbal de transaction signé par les intéressés faisant apparaître la société Groupama comme agissant pour le compte de la société ACM le subrogeant dans les droits et actions de M. Y... contre tout tiers responsable ; que la société Groupama a alors adressé à la société ACM une réclamation afin d'être remboursée de la somme forfaitaire de 1 490 euros, à laquelle la société ACM a fait droit sans réserves par courrier du 9 mars 2011 ; que la société ACM fait valoir qu'elle s'est conformée aux dispositions conventionnelles qui s'appliquent entre compagnies d'assurances, ce qui ne peut valoir renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance devant le juge ; que s'il se déduit des termes de l'article 7. 1 de la convention IRCA que la société ACM était fondée à engager une action pour faire trancher la question de la nullité du contrat d'assurance sans être tenue par la clause lui imposant la procédure d'escalade et d'arbitrage, il ne résulte nullement de ces dispositions qu'elle se trouvait conventionnellement dans l'obligation de procéder à contribution à première demande ; que dans ce contexte précis et, contrairement à ce qu'affirme la société ACM, le paiement de l'indemnité forfaitaire vaut renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme X... ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une renonciation non équivoque de la société ACM à se prévaloir de la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle qu'elle avait, avant le remboursement litigieux, dénoncé aux victimes, au FGAO, et à la société Groupama, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 août 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Groupama Centre Manche aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Assurances du crédit mutuel la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Assurances du Crédit Mutuel.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action engagée par les Assurances du Crédit Mutuel en vue de faire prononcer la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme X... et d'obtenir de la société Groupama Centre Manche remboursement des indemnités réglées pour le compte de qui il appartiendra à Mme X... en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs,
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article
L. 211-9 du code des assurances, en cas de pluralité de véhicules, s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres ; que c'est bien en application de ce texte, ou par application de la convention IRCA vantée par les ACM, que Groupama a procédé à l'indemnisation de M. Y..., le procès-verbal de transaction signé par les intéressés faisant apparaître Groupama comme agissant pour le compte des ACM en le subrogeant dans les droits et actions de M. Y... contre tous tiers responsable ; que Groupama a alors adressé aux ACM une réclamation tendant à être remboursé de la somme forfaitaire de 1490 euros, à laquelle elles ont fait droit sans réserves par courrier du 9 mars 2011 ; que les ACM font valoir qu'elles se sont conformées aux dispositions conventionnelles qui s'appliquent entre compagnies d'assurances, ce qui ne peut valoir renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance devant le juge ; qu'elles s'appuient sur les termes de l'article 7. 1 de la convention IRCA selon lequel tous les litiges relatifs à l'attribution du mandat et à l'application du protocole d'accord organismes sociaux/ entreprises d'assurances ainsi que ceux relatifs aux recours en contribution jusqu'à un montant fixé par la convention, qui est de 100 000 euros, sont obligatoirement soumis aux procédures d'escalade et d'arbitrage, à l'exclusion de toute intervention judiciaire ; que l'article 7. 1 alinéa quatre prévoit que les décisions obtenues en violation de ces principes sont sans effet entre les assureurs, à l'exception de celles statuant sur une exception de garantie légale ou contractuelle ; que s'il se déduit bien des termes de cet article que les ACM étaient fondées à engager une action pour faire trancher la question de la nullité du contrat d'assurance sans être tenues par la clause leur imposant la procédure d'escalade et d'arbitrage, il ne résulte nullement des dispositions citées qu'elles se trouvaient conventionnellement dans l'obligation de procéder à contribution à première demande ; que les articles
L 211-9 à L 211-17 auxquels renvoient l'article
L 211-20 du code des assurances ne visent que les offres qui doivent être faites à la victime, et non à l'assureur subrogé dans ses droits ; que c'est bien le même gestionnaire (M. Z...) qui a tout à la fois dénoncé la garantie de la compagnie et effectué 10 jours après le règlement au titre du recours forfaitaire ; que dans ce contexte précis et, contrairement à ce qu'affirment les ACM, le paiement de l'indemnité forfaitaire vaut renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme X... ;
1°- ALORS QUE les Assurances du Crédit Mutuel faisaient valoir, ce qui n'était du reste pas même discuté par Groupama, que cette dernière avait directement indemnisé M. Y... sur le fondement de la convention IRCA du 1er avril 2002 ; qu'en s'abstenant de trancher le point de savoir si ce règlement était intervenu sur le fondement de ladite convention et en s'abstenant de rechercher si celle-ci ne faisait pas obligation aux Assurances du Crédit Mutuel, dès lors qu'elles se prévalaient de la nullité du contrat d'assurance, de rembourser Groupama, de sorte que ce remboursement ne pouvait valoir renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance mais était au contraire la conséquence de la volonté de de se prévaloir de cette nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du Code civil ;
2°- ALORS QUE les Assurances du Crédit Mutuel faisaient valoir que, selon l'article 7. 1 de la convention IRCA, le règlement des litiges entre assureurs obéissait à des règles distinctes selon que le plafond de 100. 000 euros visé par le texte était ou non atteinte et que ce plafond était largement atteint, et même dépassé, en ce qui concerne l'enfant Ali X... ; qu'elles en déduisaient que le paiement d'un règlement forfaitaire de 1. 490 euros intervenu dans le cadre de la convention pour les seuls dommages de M. Y... ne pouvait en aucun cas être regardé comme valant renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.
3°- ALORS au surplus QUE l'assureur de responsabilité automobile est tenu, tant que le contrat n'a pas été annulé, d'indemniser aussi bien la victime que toute personne venant aux droits de celle-ci, en ce compris un autre assureur subrogé dans les droits de cette dernière ; qu'en retenant que les paiement de l'indemnisation du dommage corporel de M. Y..., fait sans réserve par les Assurances du Crédit Mutuel entre les mains de Groupama, subrogé par les droits de ce dernier, valait renonciation par les Assurances du Crédit Mutuel à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance, quand les Assurances du crédit Mutuel étaient légalement tenues de procéder à ce paiement tant que le contrat n'était pas annulé, la cour d'appel a violé l'articles
L. 211-20 du code des assurances, ensemble l'article
L. 113-8 dudit code ;