TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 09 mars 2017
3ème chambre 4ème section N° RG : 15/12535
Assignation du 01 septembre 2015
DEMANDERESSE S.A. CHRISTIAN DIOR COUTURE, prise en la personne de son directeur général et président du conseil d'administration, Monsieur Sydney Toledano, domicilié en cette qualité audit siège [...] 75008 PARIS représentée par Maître Sophie HAVARD DUCLOS de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R144
DÉFENDERESSE S.A.S. FOLIES DOUCES [...] Zone Industrielle Auguste V 33610 CESTAS représentée par Me Marc SYLBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0024
COMPOSITION DU TRIBUNAL Camille LIGNIERES, Vice-Présidente Laure A, Vice-Présidente Laurence L, Vice-Présidente assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier
DEBATS À l'audience du 20 janvier 2017 tenue en audience publique
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
La société Christian Dior Couture (dite DIOR) est connue mondialement pour ses articles de luxe dans le secteur de la mode et des accessoires.
Les boucles d'oreilles dénommées « Mise en Dior Tribale » auraient été présentées au public lors du défilé Dior de janvier 2013.
La société DIOR expose qu'elle a commercialisé ces boucles d'oreilles pour la première fois en mai 2013 au sein de sa boutique Avenue Montaigne à Paris, et que ces boucles sont toujours commercialiséesdans le monde entier et notamment en France, à travers le réseau de boutiques détenues en propre par la société Christian Dior Couture, ainsi que dans des boutiques multimarques.
La société DIOR revendique la combinaison des caractéristiques suivantes sur ces boucles d'oreille :
- une structure asymétrique composée de :
- deux perles en résine, l'une de petite taille (8 millimètres de diamètre) et l'autre, d'une taille deux fois supérieure à la petite perle (16 millimètres de diamètre) ;
- la tige est fixée à la petite perle par un embout en métal ;
- la grosse perle comporte une petite pièce en métal en forme de disque, trouée en son centre pour recevoir l'autre extrémité de la tige ;
- de sorte que la plus petite perle est destinée à se positionner sur l'oreille tandis que la grosse perle se positionne derrière le lobe, d'où elle dépasse.
Les boucles « Mise en Dior Tribale »ont fait l'objet, le 16 juillet 2013, d'un dépôt de modèle communautaire, enregistré sous le numéro 002274977-0001, dont l'une des vues est la suivante :
La société DIOR indique avoir été informée d'une retenue douanière diligentée le 19 août 2015 par la Brigade de Sécurité Intérieure de Paris Sud, relevant de la Direction Régionale des Douanes de Paris, portant sur un total de 354 paires de boucles d'oreilles susceptibles de porter atteinte à ses droits de modèle communautaire ; les 9 types de boucles d'oreilles retenus ayant été référencés par l'Administration des Douanes par les lettres A à I.
Selon la société DIOR, les produits A à F et H, seraient contrefaisants de son modèle « Mise en Dior Tribale ».Les boucles d'oreilles litigieuses proviennent de Chine et étaient détenues par la société Folies Douces, immatriculée au R.C.S. de Bordeaux sous le numéro 351 837 406, dont le siège social est situé [...] (33), exploitant de nombreux magasins à l'enseigne « Réserve Naturelle ».
En application de l'article L.521-17 al 2 du Code de la propriété intellectuelle, l'Administration des Douanes a procédé, le 2 septembre 2015, à un prélèvement d'échantillons parmi les marchandises ayant fait l'objet de la mesure de retenue et sept modèles de boucles d'oreilles, correspondant aux références A à F et H, ont été mis sous scellés.
Par exploit du 1er septembre 2015, la société Christian Dior Couture a fait assigner la société Folies Douces en contrefaçon de ses droits de modèle communautaire et de ses droits d'auteurs.
La société DIOR, dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 septembre 2016, demande au tribunal de :
Vu les articles
L. 122-4,
L. 335-2,
L. 335-3,
L. 515-1 du Code de la propriété intellectuelle, Vu le Règlement (CE) n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires et notamment ses articles 4, 5, 6, 10, 19, 82 et 83, Vu les pièces versées aux débats, Il est demandé au Tribunal de : - Recevoir la société Christian Dior Couture en ses demandes, et ce faisant, la déclarer bien fondé et y faire droit ;
- Dire et juger mal fondées les conclusions signifiées par la société Folies Douces et la débouter en toutes fins qu'elles comportent ;
À titre principal, - Dire et juger que le modèle communautaire n°002274977-0001 de la société Christian Dior Couture est parfaitement valide en ce qu'il est nouveau et qu'il possède un caractère individuel ;
- Dire et juger la société Christian Dior Couture jouit sur le modèle de boucles d'oreilles Mise en Dior Tribale, qui est une création originale, de l'ensemble des droits d'auteur protégés par les dispositions des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle ;
- Dire et juger l'importation, la détention, l'offre en vente et la vente en France, par la société Folies Douces, de boucles d'oreilles produisant sur l'utilisateur averti la même impression visuelle globale que celle produite par le modèle communautaire n°002274977-0001 de la société Christian Dior Couture, constituent des actes de contrefaçon dudit modèle communautaire ;- Dire et juger la société Folies Douces, en important, en détenant, en offrant à la vente et en vendant sur le territoire français des boucles d'oreilles reprenant les caractéristiques essentielles du modèle de boucles d'oreilles Mise en Dior Tribale, a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur de la société Christian Dior Couture sur ce modèle ;
En conséquence : - Condamner la société Folies Douces à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral et du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits sur son modèle communautaire Mise en Dior Tribale ;
- Condamner la société Folies Douces à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 300.000 euros en réparation de son préjudice financier ;
À titre subsidiaire, - Dire et juger la société Folies Douces, en important, en détenant, en offrant à la vente et en vendant sur le territoire français des boucles d'oreilles reprenant les caractéristiques essentielles du modèle de boucles d'oreilles Mise en Dior Tribale et prêtant à confusion avec ce modèle, ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Christian Dior Couture sur ce modèle ;
En conséquence : - Condamner la société Folies Douces à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 300.000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
En tout état de cause : - Faire interdiction à la société Folies Douces d'importer, de détenir, d'offrir en vente et de vendre tout modèle de boucles d'oreilles constituant la contrefaçon des boucles d'oreilles Mise en Dior Tribale sur le territoire français mais également sur l'ensemble du territoire européen sur le fondement de l'article 83.1 du Règlement (CE) n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé le délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Ordonner confiscation et la destruction, aux frais de la société Folies Douces, de l'intégralité des boucles d'oreilles jugées contrefaisantes se trouvant en la possession des Douanes, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Dire et Juger qu'en application de l'article
L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution, les astreintes prononcées serontliquidées, s'il y a lieu, par le tribunal ayant statué sur la présente demande ;
- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans quatre journaux ou magazines, français ou étrangers, au choix de la société Christian Dior Couture, aux frais de la société Folies Douces, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 5.000 euros hors taxe, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires ;
- Condamner la société Folies Douces à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions ;
- Condamner la société Folies Douces aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie Havard Duclos, sur le fondement de l'article
699 du Code de procédure civile.
En défense, la société Folies Douces se présente comme une société créée en 1986, qui développe son activité dans le domaine de la création et la vente de parfums, d'articles de maquillage, bijoux fantaisie, accessoires, au travers d'un réseau d'une centaine de points de vente, répartis principalement sur le territoire métropolitain.
Dans ses dernières conclusions en défense signifiées par voie électronique le 28 octobre 2016 , la société Folies Douces demande au tribunal de :
Vu les articles 4 à 6 du Règlement (CE) n° 6/2002, du Conseil du 12 décembre 2001, Vu les articles
L. 113-1 et
L 113-5 du Code de la propriété intellectuelle,
À TITRE PRINCIPAL Dire et juger que FOLIES DOUCES n'a commis aucun acte de contrefaçon des droits au préjudice de DIOR, relativement au modèle communautaire revendiqué par cette dernière et enregistré sous le n° 002274977-0001 Dire et juger que FOLIES DOUCES n'a commis aucun acte de contrefaçon de droit d'auteur au préjudice de DIOR, relativement au modèle revendiqué par cette dernière et commercialisé sous la dénomination « Mise en Dior Tribale ». En conséquence : Débouter DIOR de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens.
À TITRE SUBSIDIAIRE Dire et juger que le préjudice moral et le préjudice d'atteinte aux droits d'auteur et de modèle allégué par DIOR ne sauraient excéder une indemnisation fixée à 2.000 €.Dire et juger que le préjudice financier allégué par DIOR ne saurait excéder une indemnisation fixée à 2.000 €.
EN TOUT ETAT DE CAUSE Condamner DIOR au paiement de la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens toutes taxes comprises qui pourront être directement recouvrés par Maître Marc SYLBERG dans les conditions de l'article
699 du Code de procédure civile.
La clôture a été prononcée en date du 10 novembre 2016.
MOTIFS
-sur la validité du modèle communautaire de DIOR
La société Folies Douces remet en cause la validité du modèle qui lui est opposé en faisant valoir qu'il est dépourvu de nouveauté et de caractère individuel. Selon elle, il s'agit en réalité d'une simple adaptation du piercing au secteur du luxe. Elle ajoute que le caractère individuel ne peut consister en une certaine façon de porter une boucle d'oreille.
La société DIOR réplique que son modèle de boucle d'oreille « Mise en Dior Tribale » combine, au sein d'une structure asymétrique, deux perles de résine dans un rapport de taille de un à deux, positionnées de part et d'autre du lobe de l'oreille, la plus grosse des deux perles étant placée à l'arrière du lobe. Elle prétend que la photographie du piercing dit « haltère » présentée en défense comme une antériorité ne peut être datée et que ce piercing est d'une forme différente.
Sur ce ;
Aux termes de l'article 4 alinéa 1 er du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 applicable en l'espèce, la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.
En application des articles 5 et 6 du même règlement, un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public et comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public :
En application de l'article 10 de ce règlement, pour l'appréciation du caractère individuel, sont pris en compte non pas les éléments banals et communs des produits concernés mais les éléments arbitraires et différents de la norme ; il appartient au créateur d'un dessin ou modèle, en l'absence de contraintes techniques, de prendre desdistances importantes avec l'antériorité la plus proche quand son degré de liberté de créateur le permet.
L'utilisateur averti est le professionnel du secteur concerné, soit en l'espèce celui de la bijouterie-joaillerie.
En examinant les 7 vues du certificat de propriété du modèle communautaire n° 002274977-0001, il apparaît qu'est protégée l'apparence d'une boucle d'oreille composée de deux perles de forme sphérique de même matière, de tailles différentes, reliées entre elles par deux éléments dont l'un comporte une tige s'insérant dans l'orifice de l'autre.
Les vues 2/8, 3/8 et 7/8 montrent que la petite perle repose sur une coupelle qui est reliée à la tige et que la grosse perle est munie d'une pièce avec un trou dans lequel s'insère la tige. Il s'en déduit que, selon une utilisation normale, la partie munie de la tige est celle qui se place à l'avant du lobe de l'oreille et que la grosse perle est positionnée à l'arrière du lobe de l'oreille et sert de fermoir.
La structure même de la boucle fait que la position naturelle est de positionner la petite perle sur le devant du lobe alors que la grosse perle est faite pour servir de fermoir et se positionner derrière le lobe de l'oreille.
La photographie des piercings présentés en page 7 des conclusions en défense n'a pas date certaine et ne peut donc constituer une antériorité au modèle critiqué. Surabondamment, ce piercing dit « haltère » présente deux sphères de taille identique de part et d'autre du lobe de l'oreille et n'a donc pas la même apparence que celle protégée par le modèle de la société DIOR.
Ces piercings ne sont donc pas destructeurs de nouveauté.
La caractéristique selon laquelle la boucle d'oreilles protégée est composée de deux perles sphériques de tailles différentes dont la plus grosse sert de fermoir constitue des éléments arbitraires qui sortent de la norme du secteur de la joaillerie-bijouterie tel qu'il existait lors du dépôt du modèle en juillet 2013. Le modèle de la société DIOR est pourvu de caractère individuel.
Le modèle n° 002274977-0001 est donc valide et peut être opposé à la société Folies Douces.
-la protection des boucles d'oreilles « Mise en Dior Tribale » par le droit d'auteur
La société DIOR revendique des droits d'auteur sur les boucles d'oreille qu'elle oppose à la société Folies Douces. Celle-ci en conteste à la fois la titularité et l'originalité.-titularité des droits
L'article
L 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l'œuvre est divulguée.
Une personne morale qui commercialise une œuvre sous son nom de façon non équivoque est présumée titulaire des droits d'exploitation à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon en l'absence de revendications du ou des auteurs.
Pour bénéficier de cette présomption, il lui appartient de caractériser l'œuvre sur laquelle elle revendique des droits, de justifier de la date et des modalités de la première commercialisation sous son nom et d'apporter la preuve que les caractéristiques de l'œuvre qu'elle a commencé à commercialiser à cette date sont identiques à celles qu'elle revendique.
En l'espèce, la société DIOR prouve qu'elle commercialise sous son nom les boucles « Mise en Dior Tribale » depuis au moins le 21 mai 2013, dans sa boutique avenue Montaigne à Paris, (factures en pièce 3 et 14 en demande) Ces boucles ont fait l'objet de promotions publicitaires nombreuses et régulières sous le nom de DIOR, dans la presse écrite en Europe, courant 2013-2014, (pièces 4 et 6 en demande)
En outre, il a été dit plus haut que la société DIOR a déposé en juillet 2013 un modèle communautaire protégeant l'apparence de ces boucles.
La société DIOR justifie donc être titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur la boucle d'oreille « Mise en Dior Tribale ».
-l'originalité
L'article
L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.
Le droit de l'article susmentionné est conféré, selon l'article
L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.
Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité d'une œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétendauteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. L'originalité d'une œuvre doit s'apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l'effort créatif et le parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur.
En l'espèce, selon la société Folies Douces, la boucle de DIOR ne porte pas l'empreinte de son auteur, s'agissant uniquement d'une adaptation du piercing de type haltère à l'univers du luxe, DIOR ne revendiquant par ailleurs qu'une simple façon de porter le bijou, en faisant valoir qu'une façon de porter un bijou, ne saurait prétendre à aucune protection au titre du droit d'auteur.
Il a été vu plus haut que la structure même de la boucle est faite de telle façon que la perle la plus grosse sert de fermoir et est donc visible car elle dépasse très nettement du lobe de l'oreille. La combinaison d'une petite perle sphérique très classique pour une boucle d'oreille et d'un fermoir de forme identique mais dont la grosse taille évoque les bijoux dits « tribaux », inspirés des bijoux des arts premiers, révèle un effort créatif particulier qui mérite d'être protégé par le droit d'auteur.
La société DIOR est donc recevable dans son action en contrefaçon de droit d'auteur concernant sa boucle d'oreille « Mise en Dior Tribale ».
sur la contrefaçon du modèle
La société DIOR soutient que les boucles litigieuses sont contrefaisantes de son modèle en ce que l'observateur averti y retrouve la combinaison des éléments protégés par son modèle.
La société Folies Douces réplique que les boucles qu'elle importe pour être commercialisées en France ne sont pas contrefaisantes du modèle de la société DIOR en ce que la grosse perle se porte à l'avant et la petite perle se porte à l'arrière, et que c'est ainsi qu'elle sont présentées dans leur emballage destiné à la commercialisation.
Sur ce ;
Il convient d'appliquer l'article 19 du Règlement CE 6/2002 du 12 décembre 2001 selon lequel : « 1-Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est- appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. »Le tribunal en comparant les boucles objets du prélèvement d'échantillons des marchandises retenues par les Douanes (procès- verbal en pièce 19 en demande) aux vues du modèle de la société DIOR retrouve :
-une structure asymétrique composée de : -deux perles en résine, l'une de petite taille et l'autre, d'une taille deux fois supérieure à la petite perle ;
-la tige fixée à la petite perle ; -la grosse perle qui comporte une petite pièce en métal en forme de disque, trouée en son centre pour recevoir l'autre extrémité de la tige;
- de sorte que la plus petite perle est destinée à se positionner sur l'oreille tandis que la grosse perle se positionne derrière le lobe, d'où elle dépasse.
Contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, la composition de la boucle litigieuse fait aussi que sa position naturelle est de positionner la petite perle sur le devant du lobe alors que la grosse perle est faite nécessairement pour servir de fermoir et se positionner derrière le lobe de l'oreille.
En outre, l'emballage transparent permet à l'acheteur de voir la structure entière de la boucle litigieuse offerte à la vente et de savoir comment elle se positionne sur le lobe de l'oreille.
Il en ressort que les boucles de la société Folies Douces produisent la même impression visuelle d'ensemble, pour un observateur averti, que celle du modèle de DIOR.
Par conséquent, les boucles litigieuses incorporent le modèle communautaire de la société DIOR et sont contrefaisantes de ce modèle.
Sur la contrefaçon du droit d'auteur
La société DIOR revendique les mêmes caractéristiques que celle revendiquées dans la contrefaçon du modèle en faisant valoir que la plus petite perle est destinée à se positionner sur l'oreille tandis que la grosse perle se positionne derrière le lobe, d'où elle dépasse.
La société Folies Douces a les mêmes arguments de défense que ceux développés pour s'opposer à la matérialité de la contrefaçon du modèle.
Sur ce ;
Selon l'article
L122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. L'article L 122-2 du mêmecode précise que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit est illicite ».
Pour les mêmes motifs que ceux indiqués pour la contrefaçon du modèle de la société DIOR, il est démontré que toutes les caractéristiques revendiquées par la société DIOR pour sa boucle « Mise en Dior tribale » sont reprises par les boucles litigieuses dont il n'est pas contesté qu'elles sont offertes en vente en France par la société Folies Douces.
Les faits de contrefaçon de droit d'auteur sont également imputables à la société Folies Douces.
Sur la réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de modèle et de droit d'auteur
La société DIOR fait valoir qu'elle commercialise avec un très grand succès le modèle « Mise en Dior Tribale », auquel de lourds investissements de communication ont été et sont toujours consacrés dans le monde entier et notamment en France. Elle soutient que l'importation et la commercialisation, par la société Folies Douces, de boucles d'oreilles reproduisant les caractéristiques de sa boucle « Mise en Dior Tribale » ont inévitablement conduit à la banalisation et à la vulgarisation de ce modèle.
En défense, la société Folies Douces réplique que la demanderesse ne justifie pas des éléments comptables ou chiffrés de nature à déterminer les investissements en communication consentis pour le modèle de boucles d'oreilles. La défenderesse ajoute que le quantum du préjudice allégué, étant donné la vente de 2.000 paires de boucles d'oreilles à 2,95 euros, ne peut dépasser la somme totale 2000 euros.
sur ce ;
Aux termes des articles
L 331-1-3 et
L 521-7 du code de la propriété intellectuelle, respectivement relatifs au droit d'auteur et au droit des dessins et modèles : « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives [de l'atteinte aux droits /de la contrefaçon], dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° et les bénéfices réalisés par [l'auteur de l'atteinte aux droits / le contrefacteur] y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui- ci a retirées de [l'atteinte aux droits / la contrefaçon] ».
Concernant les bénéfices du contrefacteur, il ressort des éléments versés au dossier, notamment dans le cadre de la retenue douanière, que 11.068 paires de boucles d'oreilles contrefaisantes ont été importées d'un fournisseur chinois en France par la société FoliesDouces, que 8.852 étaient détenues en stock le jour du contrôle des Douanes, que près de 2.000 paires ont été vendues, que les boucles contrefaisantes sont revendues en France au prix de 2,95 euros, (pièces n°10 et 19 en demande)
Concernant le manque à gagner de la société DIOR, le prix de vente au public de la boucle « Mise en Dior Tribale » est selon le type de boucle entre 270 et 590 euros, cependant, le tribunal ne connaît pas la marge pratiquée par la société DIOR.
Quant au préjudice moral subi par la société DIOR, celle-ci justifie du fait que la boucle « Mise en Dior Tribale » constitue le produit phare de sa collection d'accessoires par l'importance de ses investissements pour la promotion de ce dernier, et elle prouve que ce bijou connaît un grand succès depuis 2013, puisqu'il a généré un chiffre d'affaires en France de 3.756.227 euros de mai 2013 à juin 2014, (pièces 4, 6 et 15 en demande) Il est évident que la commercialisation en masse de la boucle contrefaisante au prix de 2,95 euros engendre une banalisation de la boucle DIOR. Si la clientèle des produits de luxe DIOR ne va pas nécessairement se détourner vers l'achat de boucles contrefaisantes de mauvaise qualité, néanmoins elle sera touchée par cet effet de vulgarisation de la boucle DIOR et sera moins encline à vouloir l'acquérir.
En tenant compte de tous ces éléments, le préjudice patrimonial, y compris économique et moral, subi par la société DIOR du fait de l'importation, le stockage et l'offre en vente sur le territoire français de la boucle contrefaisante de sa boucle « Mise en Dior tribale » sera fixé à hauteur de 60.000 euros.
Sur les autres mesures réparatrices
L'espèce justifie que soit ordonnée la publication judiciaire de la présente décision dans les conditions fixées dans le dispositif.
Il sera également fait droit aux demandes d'interdiction de commercialiser et de destruction selon les modalités précisées dans le dispositif.
Sur les autres demandes
La société Folies Douces, partie qui succombe, sera condamnée à supporter les entiers dépens.
La société Folies Douces devra également participer aux frais irrépétibles engagés dans ce litige par la société DIOR à hauteur de 5000 euros.Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, excepté sur les mesures de destruction et la publication judiciaire de la décision.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par remise au greffe du jugement contradictoire, et rendu en premier ressort,
Dit valide le modèle de l'Union européenne de la société DIOR référencé 002274977-0001,
Dit recevable la société DIOR dans sa demande en contrefaçon de droit d'auteur de sa boucle « Mise en Dior Tribale »,
Dit que la société Folies Douces s'est rendue coupable de contrefaçon de droit d'auteur de la boucle « Mise en Dior Tribale » et de modèle, par l'importation et la commercialisation de la boucle incorporant le modèle référencé 002274977-0001 dont la société DIOR est titulaire,
Condamne la société Folies Douces à payer à la société DIOR la somme de 60.000 euros en dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon de modèle et de droit d'auteur,
Fait interdiction à la société Folies Douces de commercialiser la boucle incorporant le modèle n° 002274977-0001 et reprenant les caractéristiques de la boucle « Mise en Dior Tribale » protégée par le droit d'auteur, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 150 euros par produit contrefaisant,
Ordonne la destruction, aux frais de la société Folies Douces, de l'intégralité des boucles d'oreilles jugées contrefaisantes se trouvant en la possession des Douanes, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, l'astreinte courant pendant 3 mois,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,
Ordonne la publication dans deux journaux nationaux ou éditions étrangères, quotidiens ou hebdomadaires, aux frais de la société Folies Douces, dans la limite de 4000 euros HT par insertion de l'extrait suivant du présent jugement, une fois celui-ci devenu définitif, :» Par jugement du 9 mars 2017, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la condamnation de la société Folies Douces pour contrefaçon de modèle et du droit d'auteur sur sa boucle « Mise en Dior Tribale » en paiement de dommages et intérêts et a ordonné des mesures d'interdiction de commercialiser et de destruction du stock sous astreinte»;Condamne la société Folies Douces à payer à la société DIOR la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire de la décision, excepté sur les mesures de destruction et la publication judiciaire de la décision.
Condamne la société Folies Douces aux dépens.