Chronologie de l'affaire
Tribunal judiciaire de Pontoise 28 septembre 2021
Cour d'appel de Versailles 07 juillet 2022

Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 7 juillet 2022, 21/06206

Mots clés Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages · société · prescription · assurances · FILS · procédure civile · conditions · contrat · remise · action · vestiaire · assureur · abeille · connaissance

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro affaire : 21/06206
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Pontoise, 28 septembre 2021
Président : Madame Marie-José BOU

Chronologie de l'affaire

Tribunal judiciaire de Pontoise 28 septembre 2021
Cour d'appel de Versailles 07 juillet 2022

Texte

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58E

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 21/06206

N° Portalis DBV3-V-B7F-UY56

AFFAIRE :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES

C/

S.A.R.L. SARAZIN ET FILS

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 28 Septembre 2021 par le TJ de PONTOISE

N° Chambre : 1ère

N° RG : 20/01361

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure DUMEAU

Me Marc FLACELIERE de l'AARPI JUDISIS AVOCATS AARPI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES

N° SIRET : 306 522 665

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628

APPELANTE

****************

S.A.R.L. SARAZIN ET FILS

N° SIRET : 481 366 334

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Marc FLACELIERE de l'AARPI JUDISIS AVOCATS AARPI, Postulant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 7 - N° du dossier 021850 -

Représentant : Me Linda DERRADJI-DESLOIRE de l'AARPI JUDISIS AVOCATS AARPI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 7

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

La société Sarazin et fils exerce une activité d'abattage d'arbres en forêt, d'élagage, de fabrication et de vente de bois de chauffage et est assurée auprès de la société Aviva assurances pour ses véhicules et matériels agricoles.

Le 17 novembre 2016, elle a acquis une machine 'combiné scie fendeur type continental 600" auprès de la société Brico'tech.

Se plaignant de désordres électriques sur la machine, la société Sarazin et Fils a déclaré le sinistre auprès de la société Aviva assurances à la fin du mois de novembre 2016 et, le 23 novembre 2016, celle-ci a missionné un expert pour examiner l'engin. Les opérations d'expertise ont été menées en présence de la société Sarazin et fils et de la société Brico'tech. L'expert a rendu son rapport le 29 septembre 2017.

Par acte du 6 mars 2020, la société Sarazin et fils a assigné la société Aviva Assurances devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

Par ordonnance du 28 septembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- débouté la société Aviva assurances de sa demande tendant à voir déclarer l'action de la société Sarazin et fils prescrite à son encontre,

- condamné la société Aviva assurances à payer à la société Sarazin et fils la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens,

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

Sur le fondement des articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances, le juge de la mise en état a jugé que l'action de la société Sarazin et fils visant à actionner la garantie de son assureur n'était pas prescrite dès lors que l'expert avait rendu son rapport le 29 septembre 2017 et que par une lettre du 11 septembre 2019, la société Aviva assurances avait refusé sa garantie, en déduisant que cette lettre avait nécessairement été précédée d'une demande de garantie dans le délai de prescription de deux ans.

Selon déclaration du 12 octobre 2021, la société Aviva assurances a interjeté appel.

Par dernières écritures du 6 avril 2022, la société Abeille IARD & santé, anciennement dénommée Aviva assurances, prie la cour de :

- lui donner acte de sa nouvelle dénomination sociale qui n'est plus Aviva assurances mais Abeille IARD et Santé,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- déclarer prescrite l'action de la société Sarazin et fils à l'encontre de la société Abeille IARD et santé,

- condamner la société Sarazin et fils à payer à la société Abeille IARD et santé la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 31 décembre 2021, la société Sarazin et fils prie la cour de :

- débouter la société Aviva assurances de l'ensemble de ses demandes tendant à voir constater la prescription de l'action de la société Sarazin et fils,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

y ajoutant,

- condamner la société Aviva assurances à régler à la société Sarazin et fils la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.


MOTIFS DE LA DECISION


L'appelante soutient que la désignation de l'expert du 23 novembre 2016 a interrompu la prescription biennale qui a couru jusqu'au 23 novembre 2018 et qu'entre ces dates, la société Sarazin et fils ne justifie d'aucun acte interruptif de sorte que lors de l'assignation du 6 mars 2020, l'action était prescrite. Elle avance que le mail du 23 juillet 2019 ne peut avoir d'effet interruptif, ne portant pas sur le règlement d'une indemnité et étant postérieur au 23 novembre 2018. Elle reproche au juge de la mise en état d'avoir imaginé une lettre de la société Sarazin et fils. Elle ajoute qu'en tout état de cause, ce courrier aurait été daté de 2019, soit largement postérieur au 23 novembre 2018. Elle fait valoir que la société Sarazin et fils ayant communiqué dès son assignation les stipulations contractuelles, notamment les conditions générales, elles ont bien été portées à sa connaissance et relève qu'elle ne pouvait ignorer les dispositions des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances qui sont issues de la loi.

L'intimée fait siens les motifs de l'ordonnance. Elle observe que le délai biennal courait jusqu'au 23 novembre 2019 alors que le courriel du 23 juillet 2019, rappelant qu'Aviva devait sa garantie, est interruptif de prescription, de même que la lettre recommandée du 13 décembre 2019. Elle note aussi qu'en vertu des articles L. 112-2 et L. 112-3 du code des assurances, l'assureur qui se prévaut d'une stipulation contractuelle doit prouver l'avoir portée à la connaissance de l'assuré, faute de quoi il ne peut s'en prévaloir, et qu'il incombe à la société Aviva assurances d'établir que les conditions générales ont été portées à sa connaissance pour qu'elles lui soient opposables. Elle invoque la jurisprudence de la Cour de cassation faisant peser sur l'assureur un devoir d'information sur la prescription biennale et avance qu'à défaut pour la police de stipuler les points de départ et causes d'interruption de celle-ci, le délai biennal est inopposable à l'assuré de même que dans l'hypothèse où les conditions générales lui sont inopposables.

***

L'article L.114-1 du code des assurances dispose :

Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d'un contrat d'assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l'article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. (...)

L'article L. 114-2 du même code prévoit que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

C'est à tort que l'appelante soutient qu'elle peut se prévaloir de la prescription dès lors que la société Sarazin et fils ne pouvait ignorer la loi et donc les dispositions légales relatives à la prescription.

En effet, aux termes de l'article R. 112-1 du même code dont se prévaut l'intimée au travers de la jurisprudence qu'elle cite, les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance et il incombe à l'assureur de prouver qu'il a satisfait à ces dispositions, dont l'inobservation est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L 114-1 du code des assurances.

De plus, il appartient à celui qui se prévaut d'une clause de démontrer qu'elle a été portée à la connaissance de son co-contractant.

Il convient de rappeler que l'article R. 112-3 du code des assurances dans sa version applicable dispose que la remise des documents visés au deuxième alinéa de l'article L.112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.

Or, au cas d'espèce, l'appelante ne produit aux débats aucun document de remise à l'assurée des conditions particulières et générales.

Si en pièce 6, l'intimée communique elle-même des lettres par lesquelles l'agent général Aviva lui a remis des avenants de régularisation en lui demandant de lui retourner un exemplaire 'des présentes conditions particulières', ces lettres ne sont pas datées et les documents ne contiennent pas de conditions particulières signées, ni ne font référence à la remise de conditions générales à l'assurée.

Il est exact que la société Sarazin et fils communique aussi aux débats les conditions générales du contrat Agriter d'assurance des véhicules et matériels agricoles et que cette pièce était déjà visée dans le bordereau annexé à son assignation introductive du 6 mars 2020.

Néanmoins, à supposer que lesdites conditions générales reproduisent l'ensemble des règles nécessaires relatives à la prescription, la détention par l'assurée de ces conditions générales au jour de l'acte introductif d'instance, soit le 6 mars 2020, ne permet pas de déterminer la date précise à laquelle elles les a obtenues et de prouver qu'elle en a eu connaissance antérieurement, notamment lors de son adhésion à la police ou même avant le sinistre.

Partant les conditions générales doivent être déclarées inopposables à l'assurée, ce dont il suit que le délai de prescription édicté par l'article L 114-1 du code des assurances lui est inopposable.

L'ordonnance entreprise qui a débouté l'assureur de sa demande tendant à voir déclarer l'action prescrite à son encontre sera donc confirmée.

L'ordonnance sera aussi confirmée sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile. L'appelante sera condamnée aux dépens d'appel. Il n'y a pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS



La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Ajoutant :

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Abeille IARD & santé anciennement dénommée Aviva assurances aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,