Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 14 mai 2009
Tribunal de Grande Instance de Paris 11 février 2010

Tribunal de Grande Instance de Paris, 11 février 2010, 2009/01480

Mots clés procédure · validité du constat de l'APP · action en contrefaçon · sursis à statuer · procédure pendante · procédure devant la CJCE · droit communautaire · question préjudicielle · responsabilité · internet · mot-clé · prestataire Internet · mesures techniques · demande de question préjudicielle · contrefaçon de marque · imitation · lien commercial · similitude visuelle · similitude phonétique · sonorité · syllabe finale identique · marque notoire · usage · usage à titre de marque · risque de confusion · produit d'occasion · atteinte à la marque de renommée · marque de renommée · exploitation injustifiée · usage à titre d'information · produit authentique · exception · référence nécessaire · préjudice · avilissement · atteinte au pouvoir attractif · caractère important des actes incriminés · concurrence déloyale · atteinte à la dénomination sociale · atteinte à l'enseigne · atteinte au nom de domaine · réservation d'un nom de domaine · utilisation dans une publicité · activité identique ou similaire · volonté de profiter de la notoriété d'autrui · publicité mensongère · fait distinct des actes de contrefaçon · site internet · interdiction · portée territoriale

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2009/01480
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LOUIS VUITTON ; VUITTON ; LV
Classification pour les marques : CL01 ; CL02 ; CL03 ; CL04 ; CL05 ; CL06 ; CL07 ; CL08 ; CL09 ; CL10 ; CL11 ; CL12 ; CL13 ; CL14 ; CL15 ; CL16 ; CL17 ; CL18 ; CL19 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL23 ; CL24 ; CL25 ; CL26 ; CL27 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL33 ; CL34 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42
Numéros d'enregistrement : 1627892 ; 1450750 ; 1540178
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 14 mai 2009, N° 2009/01480
Parties : LOUIS VUITTON MALLETIER SA / EBAY INTERNATIONAL AG (Suisse) ; EBAY Inc. (États-Unis)

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 14 mai 2009
Tribunal de Grande Instance de Paris 11 février 2010

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 11 Février 2010

3ème chambre 4ème section N° RG : 09/01480

DEMANDERESSE S.A. LOUIS VUITTON MALLETIER [...] 75001 PARIS représentée par Me Patrice DE CANDE- Selarl M DE CANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L280

DÉFENDERESSES Société eBAY INTERNATIONAL AG Helvetiastrasse 15/17 - 3005 BERNE (SUISSE)

Société eBAY INC [...] CA 95125(ETATS UNIS D'AMERIQUE) représentées par Me Olivier LAUDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R144

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Claude H, Vice-Présidente Agnès MARCADE, Juge Rémy MONCORGE, Juge assistés de Katia CARDINALE, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 16 Décembre 2009 tenue publiquement

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE



La société Louis Vuitton Malletier (ci-après LVM) est titulaire des marques : -française verbale LOUIS VUITTON déposée le 16 novembre 1990 et enregistrée sous le numéro 1 627 892 pour désigner notamment les produits suivants : « sacs de voyage, trousse de voyage, sacs à main, mallettes, mallettes pour documents, cartables, serviettes, porte-documents, porte-cartes, portefeuille, porte-monnaie non en métaux précieux » ; cet enregistrement a été régulièrement renouvelé ; - française verbale VUITTON déposée le 19 février 1988 et enregistrée sous le numéro 1 450 750 pour désigner notamment les produits suivants : « cuir et imitation du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes, malles et valises » ; cet enregistrement a été régulièrement renouvelé ; -française semi-figurative LV déposée le 7 juillet 1989 et enregistrée sous le numéro 1 540 178 pour désigner notamment les produits suivants : « sacs de voyage, trousse de voyage, sacs de campeur, havresacs, sacs à dos, sacs à provisions, sacs de plage, sacs à roulettes, sacs à main, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits « vanity cases », mallettes, mallettes pour documents, cartables, serviettes, porte-documents, porte-cartes, portefeuille, porte-monnaie non en métaux précieux, étuis porte clefs, bourses, gibecières, parapluies, produits en cuir et imitations du cuir » ; cet enregistrement a été régulièrement renouvelé.

La société LVM a constaté qu'une recherche effectuée sur des moteurs de recherche à partir de mots clés reprenant certaines de ses marques, mais avec une faute d'orthographe, généraient l'apparition de liens commerciaux renvoyant vers les sites Internet ebay.fr et ebay.com.

Le 21 mars 2005, la société LVM mettait en demeure la société eBay International AG d'avoir à cesser ces pratiques.

Le 11 avril 2005, cette dernière lui répondait que la réservation des liens commerciaux auprès des moteurs de recherche n'était pas de son fait mais de celui de ses affiliés et s'engageait à faire cesser ces pratiques.

Le société LVM a toutefois constaté que celles-ci perduraient et a alors fait dresser le 23 janvier 2006, un procès-verbal de constat par l'Agence de Protection de programmes, ainsi que deux procès-verbaux de constat par Maître A, huissier de justice à Paris, les 13 juin et 3 décembre 2006, sur les moteurs de recherche Internet GOOGLE et YAHOO.

C'est dans ces conditions que la société LVM a fait assigner par actes en date des 5 décembre 2006 les sociétés eBay Inc. et eBay International AG devant le tribunal de grande instance de Paris, à titre principal, en contrefaçon de marques et, à titre subsidiaire, pour atteinte à la renommée de ses marques.

Après l'assignation, la société LVM a fait procéder à d'autres procès-verbaux de constat par Maître S les 6 décembre 2007, 8,13 et 21 octobre 2008 sur les moteurs de recherche GOOGLE, YAHOO, MSN et ALTAVISTA ou par Maître A les 18,25 et 27 avril 2007 et 16 juillet 2009 concernant le site Internet eBay.

Par ordonnance en date du 14 décembre 2007, le juge de la mise en état a rejeté les exceptions d'incompétence et de nullité soulevées par les sociétés eBay. Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 22 mai 2009.

Par décision en date du 14 mai 2009, le juge de la mise en état a rejeté les demandes de droit à l'information de la société LVM.

Par dernières conclusions signifiées le 29 octobre 2009, la société LVM maintient ses demandes au titre de la contrefaçon de marques et de l'atteinte à la renommée de celles-ci, à titre principal. Elle ajoute, à titre subsidiaire, une demande sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil. Elle forme également des demandes au titre de la concurrence déloyale et de la publicité trompeuse. Elle sollicite, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte et la condamnation in solidum des sociétés eBay à lui payer les sommes de 600.000 € en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon et de l'atteinte à la renommée de ses marques, 600.000 € en réparation du préjudice résultant de l'activité déloyale et parasitaire. Elle sollicite en outre la somme de 60.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle explique que la présente procédure a pour objet d'obtenir la cessation par eBay ou ses affiliés de l'utilisation publicitaire faite de ses marques pour assurer la promotion de la plateforme eBay sur laquelle sont proposés en quantité importante des produits de contrefaçon.

Elle estime que cette activité est constitutive d'actes de contrefaçon de ses marques ou à tout le moins d'atteinte à la renommée de celles-ci ainsi que d'actes de concurrence déloyale et parasitaire notamment par le biais d'atteinte aux dénomination sociale, enseigne et nom de domaine lui appartenant. Elle considère que le site Internet exploité par eBay peut être défini comme une plateforme unique sur laquelle peuvent être achetés des objets mis aux enchères mais également à prix fixe, les sociétés défenderesses percevant une double rémunération à savoir des frais d'insertion du texte proposant le bien à la vente et une commission sur chacune des transactions.

Elle ajoute qu'eBay prodigue de nombreux conseils aux Internautes vendeurs occasionnels ou professionnels et déduit que loin d'être un spectateur passif des annonces mises en ligne sur son site, eBay déploie des activités d'accompagnement actif de ses clients et de promotion active de sa plateforme dans le but d'augmenter le nombre de ventes sur son site et donc sa rémunération.

Selon elle, eBay suggère à ses vendeurs d'avoir recours à la recherche sponsorisée (activité publicitaire adossée aux moteurs de recherche permettant de faire apparaître des annonces publicitaires comprenant en leur sein des liens hypertextes redirigeant l'internaute vers le site de l'annonceur). Elle indique avoir constaté de nombreuses annonces publicitaires destinées à promouvoir la plateforme eBay en relation avec l’utilisation de ses marques.

Elle soutient qu'eBay donne également des conseils dans le choix des mots clés achetés auprès de GOOGLE et suggère même d'effectuer des fautes d'orthographe ce qui augmente le trafic.

Elle indique qu'il ressort des procès-verbaux de constat que l'interrogation des moteurs de recherche à partir de mots proches de VUITTON mais mal orthographiés (VITTON ou VUITON) fait apparaître dans la colonne liens commerciaux une annonce publicitaire pour eBay et l'activation de ce lien amène l'internaute sur la page d'eBay pour l'inviter soit à s'inscrire sur le site, soit vers des pages proposant une liste de produits à vendre tels que des sacs VITTON ou LOUIS V. Elle en déduit qu'il est clairement établi que, pour favoriser la fréquentation de son site d'enchères en ligne et les redevances générées, eBay fait apparaître dans le cadre des programmes publicitaires des moteurs de recherche des annonces grâce à des mots-clés utilisant les marques mondialement connues de LVM ou des imitations de celles-ci.

Elle ajoute que les annonces déclenchées sur les moteurs de recherche dans leur partie réservée à la publicité ont pour objet de promouvoir la plateforme eBay dans son ensemble et que ces annonces laissent penser qu'il existe une relation commerciale particulière entre LVM et eBay qui pourrait permettre aux internautes d'acquérir sur cette plateforme des produits vendus à bas prix en raison de cette relation commerciale.

Elle estime que les sociétés eBay ne démontrent pas que les mots clés litigieux ont été réservés par des tiers et qu'en tout état de cause, à supposer tel, sa responsabilité est engagée sur le fondement de son fait personnel pour négligence fautive ou par la responsabilité du fait d'autrui, ses affiliés agissant sous son contrôle et sa direction.

Par conclusions récapitulatives en date du 3 décembre 2009, les sociétés eBay Inc. et eBay International AG entendent voir débouter la société Louis Vuitton Malletier de l'ensemble de ses demandes. A titre subsidiaire, elles sollicitent que soit posée à la Cour de justice des communautés européennes une question préjudicielle et, à défaut, qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de cette Cour dans l'affaire C23 8-08 GOOGLE FRANCE C/ CNRRH. Elles demandent en outre l'allocation de la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles exposent que la majorité des produits proposés à la vente par les internautes sont authentiques et qu'en cas de vente de contrefaçons, les agissements sont rapidement enrayés.

Elles estiment qu'en l'espèce, la société LVM est dans l'incapacité de prouver que les liens publicitaires litigieux renvoient effectivement vers les rares produits non authentiques ayant pu échapper à leur vigilance.

Elles ajoutent qu'à part la réservation de quelques mots clés du fait de la société eBay International AG, la réservation des autres mots clés litigieux sont le fait de leurs affiliés.

Pour les mots clés réservés par la société eBay International AG, elles arguent d'une erreur, que certains mots clés n'auraient pas eu pour effet de désigner des produits et, pour d'autres, que les produits désignés ne seraient ni identiques ni similaires à ceux désignés dans les marques invoquées.

Pour les mots clés réservés par des tiers, elles font valoir que la demanderesse ne distingue pas entre les activités d'eBay Inc. responsable du site ebay.com et d'eBay International AG, société suisse, responsable du site ebay.fr ce qui ne leur permet pas de connaître les griefs qui leur sont reprochés. Elles soutiennent qu'aucun fait personnel de reproduction, d'usage ou d'apposition ne peut leur être reproché. Elles estiment que le délit de contrefaçon ne pourrait être réalisé en cas de simple négligence fautive, que les mots clés ne sont pas utilisés à titre de marque, que les annonces renvoient en tout état de cause à des produits authentiques et qu'aucun risque de confusion ne peut être retenu.

Elles ajoutent que la société LVM ne saurait leur reprocher de ne pas démontrer que ces mots clés ont été réservés par des tiers, la charge de la preuve incombant à cette dernière et les procès-verbaux de constat ne leur permettant pas de savoir qui est le réservataire des mots clés.

Elles précisent que les plateformes d'affiliation ont, conjointement avec eBay International AG, enjoint à tous les affiliés du programme d'affiliation eBay France de cesser tout achat de mots clés LOUIS VUITTON ainsi que leurs dérivés jusqu'à l'issue de la présente procédure. Elles versent aux débats trois procès-verbaux de constat d'huissier des 4 et 8 février et 3 juin 2008.

Elles soutiennent que les conditions de la contrefaçon de marque ne sont pas remplies s'agissant en l'espèce d'un usage à titre informatif et non d'un usage à titre de marque et qu'aucun risque de confusion n'est par ailleurs démontré. Elles ajoutent qu'elles sont légitimes à utiliser ces marques en application de la règle de l'épuisement des droits s'agissant de produits authentiques.

Elles estiment que la société LVM ne démontre pas le caractère contrefaisant des produits offerts sur les sites eBay.

A cet égard, elles contestent la validité des procès-verbaux de constat établis par l'APP au motif que les agents de l'APP ne sont pas habilités à cette fin (PV du 23 01 2006 et du 18 juin 2003) et en demandent le rejet des débats.

Elles en contestent en tout état de cause le caractère probant au motif que le contenu des sites n'a pas été vérifié. Pour le même motif, elles critiquent le procès- verbal de constat en date du 13 juin 2006 établi par Maître A.

Elles considèrent que le procès-verbal de Me S du 4 novembre 2003 doit également être écarté des débats car communiqué de manière tronquée et que celui du même huissier qui concerne des sites locaux d'autres pays non destinés au public français n'est pas pertinent. Elles contestent enfin le caractère concluant des procès-verbaux de Maître A des 18,25 et 27 avril 2007 car, selon elle, ils consistent en l'achat de produits Louis Vuitton sur eBay sans passer par les liens commerciaux litigieux.

Elles concluent que la présence éventuelle d'un nombre limité de contrefaçons sur les sites en cause ne saurait avoir pour conséquence de leur interdire d'indiquer aux acheteurs potentiels la présence sur leur site de produits de marques VUITTON vendus licitement.

Elles contestent enfin le montant du préjudice allégué par la demanderesse et soutiennent que les mesures de réparation qui seront prononcées par le Tribunal ne peuvent concerner que le territoire français. Elles invoquent enfin le caractère non nécessaire des mesures d'interdiction, les agissements critiqués ayant selon elles cessés. La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 décembre 2009.


MOTIFS

Sur la validité des procès-verbaux de constat

Les sociétés défenderesses sollicitent que le procès-verbaux de constat en date du 23 janvier 2006 et du 18 juin 2003 établis par l'Agence de Protection des programmes soient écartés des débats au motif qu'ils auraient été établis par un agent assermenté en dehors de l'habilitation donnée par le Code de la propriété intellectuelle à l'Agence précitée qui se limitent, selon elles, aux seules infractions aux droits d'auteur.

Toutefois, et ainsi que le fait pertinemment valoir la société LVM, la preuve de la contrefaçon de marque peut être apportée par tous moyens.

En conséquence, bien que réalisé en dehors du champ de compétence des agents assermentés de l'Agence de protection des programmes prévu à l'article L331-2 du Code de la propriété intellectuelle, les procès-verbaux de constat susvisés peuvent valoir à titre de simple renseignement, étant observé qu'il ne s'agit pas de constatations effectuées par des officiers ministériels en exécution d'une ordonnance juridictionnelle et que le régime des actes d'huissier ne leur est pas applicable.

Il n'y a donc pas lieu de les écarter des débats.

S'agissant des autres procès-verbaux de constat, les critiques des sociétés défenderesses portent sur leur pertinence à démontrer les faits de contrefaçon allégués. Cette question devra donc être examinée par le Tribunal lorsque seront abordés les faits de contrefaçon.

Sur l'imputabilité des agissements incriminés

II est constant que la caractérisation de la contrefaçon suppose la démonstration d'un fait personnel imputable au contrefacteur.

En l'espèce, la société LVM reproche aux sociétés eBay Inc. et eBay International AG la réservation à titre de mots clés de signes considérés comme identiques ou similaires à ses marques afin de faire paraître des annonces publicitaires destinées à promouvoir leur site Internet.

Les sociétés défenderesses soutiennent tout d'abord que la société LVM s'abstient de faire la distinction entre les deux sociétés eBay dont elle sollicite la condamnation et de distinguer les agissements qu'elle imputerait à l'une ou à l'autre.

Toutefois, ce grief concerne le partage de responsabilité entre ces sociétés, si celle- ci est retenue, et ne saurait, comme le soutiennent à tort les défenderesses, constituer à lui seul un motif de rejet des prétentions de la société LVM. Il ressort des procès-verbaux de constat versés aux débats à savoir celui de l'APP du 23 janvier 2006 (pièce n°9 LVM), ceux de Maître A des 13 juin 2006 (pièce n° 10 LVM), 3 décembre 2006 (pièce n° 23 LVM) et 6 décemb re 2006 (pièce n° 24 LVM) et ceux de Maître S des 6 décembre 2007 (pièce n° 4 9 LVM), 8 octobre 2008 (pièce n° 50 LVM), 13 octobre 2008 (pièce n° 51 LVM) et 21 octobre 2008 (pièce n° 52 LVM), que 25 mots clés VUITON (Google et Yahoo shopping), VUITTON (Yahoo shopping), VITTON (Google, Yahoo shopping, Yahoo et Altavista), VUITTON (Yahoo), WUITTON (Google et MSN), WUITON (Google), WITTON (Google), LOUISVITON (Google, Yahoo et Altavista), V (Yahoo et Altavista), LOUISVITTON (Yahoo et Altavista), LOUISVUITON (Altavista), LOUIS V (Yahoo et Altavista), LOUISVUITTON (Altavista), VUTON (Google) et VIUTTON (Google) ont été réservés sur les moteurs de recherche Google, MSN, Altavista , Yahoo ou Yahoo shopping, grâce auxquels apparaissent des annonces publicitaires et des liens commerciaux avec les sites ebay.fr, ebay.com ou ebayexpress.com.

Bien que dans leurs dernières écritures récapitulatives en date du 3 décembre 2009, les société défenderesses sont moins affirmatives et considèrent qu'il est impossible en l'état de déterminer si les mots clés ont été réservés par la société eBay International AG ou par ses affiliés, il convient de relever avec la société LVM que dans leurs écritures en date du 24 septembre 2009, les sociétés eBay INC et eBay International AG reconnaissent que les mots clés visés dans les procès-verbaux de constat de 2008 à savoir V, LOUIS V, WUITTON, WUITON, WITTON, LOUISVITON, VUTON et VIUTTON ont été réservés automatiquement par un logiciel interne utilisé par la société eBay International AG.

En conséquence, et quand bien même, l'attestation en date du 27 octobre 2009 de Monsieur Alexander V S, Directeur général eBay France, mentionne qu'il est impossible de déterminer avec les seules informations contenues dans les procès- verbaux de constat si les liens commerciaux constatés résultent de la réservation de mots-clés par eBay International AG ou un affilié, les sociétés défenderesses ne sauraient revenir sur la reconnaissance précédemment rappelée, aucun élément ne démontrant que celle-ci était une erreur et que ces mots clés n'ont pas été réservés par ce logiciel et donc par la société eBay International AG.

En revanche, s'agissant des autres mots-clés, la société LVM, demanderesse à l'action en contrefaçon et sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne caractérise nullement un fait personnel des sociétés eBay de reproduction, d'usage ou d'appropriation de ses marques.

Ainsi que le font justement valoir les sociétés défenderesses, il ne ressort nullement des nombreux procès-verbaux de constat susvisés que l'une ou l'autre des sociétés eBay soit à l'origine de la réservation des mots clés en cause ou des annonces publicitaires qui résultent de ces mots clés, et ce quand bien même les annonces générées les concerne directement et leur bénéficie.

A cet égard, la société LVM ne saurait soutenir que les sociétés défenderesses soulevant une prétendue cause extérieure d'irresponsabilité, il leur appartient de démontrer la réalité de cette cause étrangère. En effet, il ressort des pièces versées aux débats par les sociétés eBay que les mots-clés commandant l'affichage des liens commerciaux et des annonces peuvent avoir été achetés par des affiliés qui ont souscrit au programme d'affiliation eBay.

Le programme d'affiliation proposé par la société eBay repose sur l'intervention d'une plateforme de prestataire de services (tradedoubler ou commision junction) qui conclut des contrats, d'une part avec eBay et, d'autre part, avec les affiliés, de telle sorte qu'il n'existe pas de relations contractuelles directes entre les sociétés eBay et les affiliés.

Or, selon l'attestation précitée de Monsieur Alexander V S, il apparaît d'un faisceau d'indices que ces mots clés n'ont pas été réservés par les sociétés défenderesses mais par des affiliés, sans que le nom de ceux-ci puisse être précisément déterminé car seule la précision des URL de redirection dans les procès-verbaux de constat aurait permis d'établir l'identité de la personne à l'origine de la réservation des mots- clés, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce.

La société LVM soutient alors que la responsabilité des sociétés défenderesses devra être retenue sur le fondement de l'article 1383 du Code civil en raison de leur inaction fautive, n'ayant pas pris toutes les dispositions utiles auprès de leurs affiliés pour leur interdire de réserver les mots clés litigieux et par conséquent de faire un usage contrefaisant de ses marques. Elle ajoute que les sociétés défenderesses incitent ses adhérents et affiliés à utiliser les liens sponsorisés dont elles n’ignorent pas qu'ils sont susceptibles de porter atteinte aux droits des tiers.

Toutefois, et ainsi que le font pertinemment valoir les sociétés défenderesses, il ne peut être déduit de termes généraux du programme d'affiliation d'eBay qui mentionne la possibilité d'effectuer des fautes d'orthographe dans le choix des mots clés pour augmenter le trafic généré, une incitation à la contrefaçon par les sociétés eBay. En effet, il ressort des éléments versés au débat que, les internautes commettant fréquemment des erreurs dans la saisie de mots sur les moteurs de recherche, il est désormais usuel de réserver à titre de mot-clé le terme correctement orthographié et ses dérivés. A cet égard, il convient de remarquer avec les défenderesses, que la pratique préconisée par eBay dans les recommandations concerne des mots du langage courant.

II ressort par ailleurs des pièces versées que dans le cadre de son programme d'affiliation, la société eBay AG exige que ses affiliés respectent les lignes de conduite qu'elle a édictées et prévoit notamment l'interdiction aux affiliés assurant la promotion du site Internet ebay.fr d'utiliser comme mots clés des expressions répréhensibles ou des signes portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle de tiers et ce, sous peine de sanction.

Ainsi qu'il a été précédemment rappelé, les sociétés eBay n'ont pas de relation contractuelle avec les affilés et n'ont aucun moyen technique de maîtriser les mots- clés réservés par ceux-ci et ne peuvent donc exercer un contrôle a priori.

En revanche, il est prévu de demander a posteriori aux affiliés par l'intermédiaire des plateformes Commission Junction et TradeDoubler de cesser l'usage de mots- clés considérés comme portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Il résulte de ce qui précède que, n'ayant pas connaissance des mots clés réservés par les affiliés, ni la maîtrise de ceux-ci et en interdisant, sous peine de sanctions, dans les lignes de conduite de réserver des mots-clés contrefaisant, aucune faute d'imprudence ou de négligence ne peut être retenue contre les sociétés eBay.

La société LVM soutient alors que les sociétés eBay sont responsables du fait de leurs affiliés au sens de l'article 1384, premier alinéa, du Code civil puisque, dans le cadre du programme d'affiliation, eBay a pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses affiliés laquelle lui est exclusivement profitable.

Toutefois, la responsabilité du fait d'autrui prévue au premier alinéa de l'article 1384 du Code civil, n'apparaît pas pouvoir s'appliquer à la présente espèce.

En effet, bien que la société eBay ait édicté des règles de conduites auxquelles les affiliés adhèrent en signant un contrat avec la plateforme d'affiliation et qu'en cas de non respect de ces règles des sanctions sont prévues, il ne peut en être déduit comme le fait la société LVM que les sociétés eBay soient responsables de ces sociétés d'Internet marketing que sont les affiliés et des faits dommageables commis par eux. Elle n'a en effet aucun contrôle ou direction de leur activité, ces sociétés étant totalement indépendantes.

En conséquence, la société LVM sera déboutée de ses demandes pour les mots clés autres que ceux visés dans les procès-verbaux de constat de 2008 à savoir V, LOUIS V, WUITTON, WUITON, WITTON, LOUISVITON, VUTON et VIUTTON qui ont été réservés par la seule société eBay International AG.

Pour ces derniers, il convient d'examiner si l'utilisation de ceux-ci constitue une contrefaçon des marques LOUIS VUITTON, VUITTON ou LV dont la société LVM est titulaire.

En revanche, les demandes formées contre la société EBay Inc. dont il n'est pas démontré qu'elle est à l'origine à l'origine de la réservation des mots-clés litigieux seront rejetées.

Sur la contrefaçon des marques II a été précédemment exposé que la société LVM est titulaire des marques : -française verbale LOUIS VUITTON déposée le 16 novembre 1990 et enregistrée sous le numéro 1 627 892 pour désigner notamment les produits suivants : « sacs de voyage, trousse de voyage, sacs à main, mallettes, mallettes pour documents, cartables, serviettes, porte-documents, porte-cartes, portefeuille, porte-monnaie non en métaux précieux » ; cet enregistrement a été régulièrement renouvelé ; - française verbale VUITTON déposée le 19 février 1988 et enregistrée sous le numéro 1 450 750 pour désigner notamment les produits suivants : « cuir et imitation du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes, malles et valises » ; cet enregistrement a été régulièrement renouvelé ; -française semi-figurative LV déposée le 7 juillet 1989 et enregistrée sous le numéro 1 540 178 pour désigner notamment les produits suivants : « sacs de voyage, trousse de voyage, sacs de campeur, havresacs, sacs à dos, sacs à provisions, sacs de plage, sacs à roulettes, sacs à main, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits « vanity cases », mallettes, mallettes pour documents, cartables, serviettes, porte-documents, porte-cartes, portefeuille, porte-monnaie non en métaux précieux, étuis porte clefs, bourses, gibecières, parapluies, produits en cuir et imitations du cuir »; cet enregistrement a été régulièrement renouvelé.

Il résulte des procès-verbaux de constat dressés par Maître S les 8, 13 et 21 octobre 2008 (pièces LVM n° 50 à 52) que :

-Sur le moteur de recherche GOOGLE, lorsque l'huissier saisit le mot « wuitton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien commercial d'un encart « sacs Wuitton www.eBay.fr Tout l'univers Wuitton Comparez, trouvez, achetez, vendez » ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche indique que la recherche n'a permis de trouver aucun objet ; Lorsque l'huissier saisit le mot « wuiton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien commercial d'un encart « sacs Wuiton www.eBay.fr Tout l'univers Wuiton Comparez, trouvez, achetez, vendez » ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche indique que la recherche n'a permis de trouver aucun objet ; Lorsque l'huissier saisit le mot « witton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien commercial d'un encart « sacs Witton Tout l'univers Witton Comparez, trouvez, achetez, vendez www.eBay.fr» ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche indique Hôtel à Witton - réservez votre hôtel à Witton Profitez de nos offres spéciales ; Lorsque l'huissier saisit le mot « vuton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien commercial d'un encart « sacs Vuton Tout l'univers Vuton Comparez, trouvez, achetez, vendez www.eBay.fr» ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche indique que la recherche n'a permis de trouver aucun objet ; Lorsque l'huissier saisit le mot « viutton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien commercial d'un encart « sacs Viutton www.eBay.fr Tout l'univers Viutton Comparez, trouvez, achetez, vendez » ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche indique qu'aucun résultat ne correspond exactement à votre demande ; s'affiche toutefois une offre d'un vendeur situé à l'étranger concernant un produit Louis Vuitton ; -Sur le moteur de recherche YAHOO, lorsque l'huissier saisit le mot « viton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien sponsorisé d'un encart « sacs Viton Emportez les partout : sacs à main stylisés à prix fous sur eBay www.eBay.fr ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche contient des produits à la vente tels qu'un tableau d'éveil, un pulvérisateur et un canif ; Lorsque l'huissier saisit le mot « louis viton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique lien sponsorisé d'un encart « sacs louis viton www.eBay.fr Emportez les partout : sacs à main stylisés à prix fous sur eBay ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche contient des dossiers presse et un dépliant louis viton offerts à la vente; -Sur le moteur de recherche ALTAVISTA, lorsque l'huissier saisit le mot « viton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique résultat sponsorisé d'un encart « sacs Viton Emportez les partout : sacs à main stylisés à prix fous sur eBay www.eBay.fr ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche contient des produits à la vente tels qu'un tableau d'éveil, un pulvérisateur et un canif ; -Sur le moteur de recherche MSN, lorsque l'huissier saisit le mot « wuitton », il constate la présence en haut de l'écran sous la rubrique site sponsorisé d'un encart « sacs Wuitton www.eBay.fr Découvrez un énorme choix de sacs à main de grandes marques sur eBay ! Tout l'univers Wuitton » ; lorsque l'huissier clique sur l'hyper lien, la page qui s'affiche indique qu'aucun résultat ne correspond exactement à votre recherche mais est affiché un sac pour transporter les animaux proposé à la vente par un vendeur situé à l'étranger ;

II ressort de ce qui précède, qu'en l'espèce, l'utilisation des signes considérés comme contrefaisant les marques de la société LVM se fait dans l'annonce publicitaire qui s'affiche dans la rubrique « liens commerciaux » ou « liens sponsorisés » et ne se limite pas à une procédure de sélection de mots clés.

Les questions préjudicielles posées à la Cour de Justice des Communautés européennes et notamment celles de l'affaire C 238-08 GOOGLE France contre CNRHH concernent l'utilisation dans « Adwords » de mots clés correspondant à des marques mais ne concernent pas, comme en l'espèce, l'usage des marques dans le texte même des annonces affichées.

En conséquence, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Justice des Communautés européennes et la demande de ce chef des sociétés défenderesses sera rejetée.

Pour les mêmes raisons, il ne sera pas fait droit à la demande de question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés européennes, les faits objets de la présente espèce à savoir l'usage d'une marque dans le cadre d'une publicité ne requérant pas une interprétation par La Cour des textes communautaires applicables.

Il ressort que la société eBay International AG a réservé les mots clés V, LOUIS V, WUITTON, WUITON, WITTON, LOUISVITON, VUTON et VIUTTON.

A cet égard, il est indifférent que cette réservation ait été faite par erreur et de manière automatisée par un logiciel utilisé par la société eBay International AG, la bonne foi étant inopérante s'agissant de la contrefaçon de marque.

Les signes LOUIS VITON et LOUISVITON présentent de grandes ressemblances visuelles et phonétiques avec la marque LOUIS VUITTON, la suppression d'un U et d'un T ne faisant pas disparaître pour le public ces grandes ressemblances et ce d'autant plus que la marque antérieure est renommée ce que ne conteste pas les sociétés défenderesses.

Les signes VITON, WUITTON, WUITON, WITTON, VUTON et VIUTTON présentent également de grandes ressemblances visuelles et phonétiques avec la marque antérieure VUITTON, dont la renommée n'est pas plus contestée, en raison du même nombre de syllabes, deux, du même son d'attaque VUI ou proche VI ou VU et de la même syllabe de fin TON.

Il apparaît des constats d'huissier précités que la saisine par l'internaute de ces mots clés sur les moteurs de recherche Google, Altavista, MSN ou Yahoo génère l'apparition dans les résultats de la recherche, dans les rubriques liens commerciaux, résultats sponsorisés ou sites sponsorisés, d'annonces publicitaires dans le cadre desquelles ces signes sont toujours utilisés en association avec le mot sacs.

En conséquence, les sociétés défenderesses ne sauraient sérieusement soutenir que les signes en cause ne sont pas utilisés à titre de marque, à savoir pour désigner des produits, puisque toutes les annonces publicitaires critiquées font directement référence aux sacs, produits pour lesquels les marques LOUIS VUITTON et VUITTON bénéficient d'une particulière renommée pour le public.

En l'espèce, comme le soutiennent les sociétés défenderesses, il apparaît que l'internaute qui saisit le mot clé sur le moteur de recherche et lit les annonces litigieuses apparaissant sur son écran dans un endroit distinct de celui afférent aux résultats de recherche naturels, comprend qu'il s'agit d'une publicité pour le site de vente aux enchères ebay.fr qui propose un ensemble de produits d'occasion. Il n'existe donc pas de risque de confusion dans l'esprit de ce consommateur quant à l'origine des produits en ce sens que l'Internaute ne sera pas amené à croire que les produits en cause proviennent de la société eBay ou que cette dernière est économiquement liée à la société LVM.

En revanche, il résulte de l'ensemble de ces éléments, et notamment du fait que les pages Internet du site ebay.fr auxquelles l'internaute accède lorsqu'il clique sur un lien, lui proposent des produits différents ou n'offre aucun produit, que l'utilisation de ces signes dans les annonces en cause renvoie au site de vente eBay.fr en utilisant une phrase d'accroché dont l'objectif est d'inciter l'internaute à visiter le site Internet en cause.

En conséquence, cet emploi de signes imitant les marques LOUIS VUITTON et VUITTON jouissant d'une renommée porte préjudice à la société LVM en avilissant et en affaiblissant le pouvoir distinctif de ses marques par une utilisation massive pour promouvoir un site de vente aux enchères de produits divers et en ce qu'il constitue une exploitation injustifiée de cette dernière, la société eBay International AG bénéficiant indûment de la renommée de ces marques pour engendrer du trafic sur son site de vente aux enchères créant ainsi dans l'esprit de l'internaute de fausses impressions quant aux relations entretenues entre la société eBay International AG et la société LVM.

De même, les sociétés défenderesses ne sauraient arguer que l'usage de ces signes est faite afin d'informer le public sur la vente aux enchères de produits authentiques sur le site eBay. En effet, si l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, cette utilisation ne doit pas porter atteinte aux droits du titulaire de la marque et notamment ne pas tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque.

La contrefaçon de marque est ainsi caractérisée. Sur la concurrence déloyale

La société LVM invoque à l'appui de ses demandes au titre de la concurrence déloyale l'atteinte à sa dénomination sociale LOUIS VUITTON MALLETIER, à l'enseigne bénéficiant d'un rayonnement national et international LOUIS VUITTON et à son nom de domaine www.louisvuitton.com.

Il ressort des pièces versées aux débats que la société demanderesse dont la dénomination sociale est LOUIS VUITTON MALLETIER exploite des magasins sous l'enseigne nationalement voire internationalement connue LOUIS VUITTON ainsi que le site Internet louisvuitton.com.

Il convient de rappeler à ce stade que seule la réservation de mots clés jugée imputable à la société eBay International AG peut être retenue en l'espèce, la démonstration d'une faute personnelle étant nécessaire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

La société eBay International AG en générant à partir des mots clés VIT0N, LOUIS V, WUITTON, WUIT0N, WITTON, LOUISVITON, VUT0N et VIUTTON réservés auprès des moteurs de recherche Google, MSN, Altavista ou Yahoo, des annonces commerciales reprenant les termes correspondant à ces mots clés associés au mot « sacs » et destinées à promouvoir le site Internet ebay.fr a porté atteinte aux droits que détient la société LVM sur sa dénomination sociale, enseigne et nom de domaine.

En effet, les termes litigieux sont très proches tant visuellement que phonétiquement de la dénomination sociale, de l'enseigne ou du nom de domaine précités et, sont utilisés dans les annonces en association avec l'un des produits phares de la demanderesse, à savoir le sac.

La société eBay International AG a ainsi cherché à tirer profit de la renommée attachée au nom de LOUIS VUITTON constituant l'élément principal de la dénomination sociale, de l'enseigne et du nom de domaine de la société LVM et ce afin de promouvoir son site de vente aux enchères et a commis une faute distincte de celle constitutive de la contrefaçon de marque et caractérisant un acte d'agissement parasitaire.

Sur la publicité trompeuse

La société LVM invoque les dispositions de l'article L 121-1 du code de la consommation et 20 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique et soutient que la notion imprécise de « lien commercial » n'identifie pas clairement aux yeux de l'internaute l'existence d'un message de publicité mais véhicule bien plus probablement l'idée d'un accord entre deux entreprises ou d'un partenariat permettant à l'une de distribuer les produits de l'autre ce qui est particulièrement trompeur.

Toutefois, il a déjà été considéré que les annonces générées par les mots clés en cause constituaient une atteinte à la renommée des marques LOUIS VUITTON et VUITTON et en conséquence, seuls des faits distincts de ceux de la contrefaçon ne peuvent être à ce stade retenus. En outre, ainsi qu’il a été précédemment relevé, il n’existe pas de risque de confusion dans l'esprit du consommateur, l'Internaute comprenant en l'espèce qu'il s'agit d'une publicité pour le site de vente aux enchères ebay.fr qui propose un ensemble de produits d'occasion.

Le grief de publicité trompeuse sera en conséquence rejeté.

Sur les mesures réparatrices

II sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision étant précisé que ces mesures d'interdiction ne concernent que le territoire national, les marques dont la contrefaçon a été retenue étant des marques françaises.

Il convient en outre de préciser que seuls des mots clés réservés par la société eBay International AG ont été retenus dans la cause et qu'en conséquence cette seule société sera con damnée à réparer le préjudice causé par ses agissements, les demandes formées contre la société eBay Inc. devant être rejetées.

Il y a lieu dans ces conditions de condamner la société eBay International AG à payer à la société LVM la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée aux marques LOUIS VUITTON numéro 1 627 892 et VUITTON numéro 1 450 750 ainsi que la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements parasitaires.

Il convient en outre, à titre de complément d'indemnisation, d'autoriser la publication du dispositif du présent jugement selon les modalités ci-dessous précisées.

Sur les autres demandes

II y a lieu de condamner la société eBay International AG, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société LVM qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 30.000 €.

Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire qui est en outre compatible avec la nature du litige, sauf en ce qui concerne les mesures de publication de la décision.

PAR CES MOTIFS



Le Tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, Rejette la demande des sociétés eBay Inc. et eBay International AG tendant à écarter des débats les procès-verbaux de constat de l'Agence de Protection des programmes en date du 23 janvier 2006 et du 18 juin 2003;

Rejette la demande de sursis à statuer des sociétés eBay Inc. et eBay International AG ;

Dit n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes ;

Rejette les demandes de la société Louis Vuitton Malletier fondées sur les articles L713-2 et L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Dit qu'en générant à partir des mots clés V, LOUIS V, WUITTON, WUITON, WITTON, LOUISVITON, VUTON et VIUTTON réservés auprès des moteurs de recherche Google, MSN, Altavista ou Yahoo, des annonces commerciales reprenant les termes correspondant à ces mots clés, associés au mot « sacs », et destinées à promouvoir le site Internet ebay.fr, la société eBay International AG a porté atteinte à la renommée des marques LOUIS VUITTON numéro 1 627 892 et VUITTON numéro 1 450 750 dont la société Louis Vuitton Malletier est titulaire ;

Dit qu'en générant à partir des mots clés V, LOUIS V, WUITTON, WUITON, WITTON, LOUISVITON, VUTON et VIUTTON réservés auprès des moteurs de recherche Google, MSN, Altavista ou Yahoo, des annonces commerciales reprenant les termes correspondant à ces mots clés, associés au mot « sacs », et destinées à promouvoir le site Internet ebay.fr, la société eBay International AG a porté atteinte à la dénomination sociale, à l'enseigne et au nom de domaine de la société Louis Vuitton Malletier et a ainsi commis des agissements parasitaires ;

En conséquence :

Fait interdiction à la société eBay International AG de poursuivre de tels agissements et ce sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision ;

Condamne la société eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 100.000 € de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à ses marques ;

Condamne la société eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 100.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des agissements parasitaires ;

Autorise la publication, aux frais de la société eBay International AG, du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues au choix de la société Louis Vuitton Malletier, sans que le coût de chaque publication n'excède la somme de 5.000 € H.T., ainsi qu'en partie haute de la page d'accueil du site www.ebay.fr pendant une durée d'un mois et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la date à laquelle la présente décision sera devenue définitive ; Se réserve la liquidation des astreintes ordonnées ;

Déboute la société Louis Vuitton Malletier de sa demande au titre de la publicité trompeuse ;

Déboute la société Louis Vuitton Malletier de l'ensemble de ses demandes formées contre la société eBay Inc. ;

Condamne la société eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société eBay International AG à payer les entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL M DE CANDE conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne les mesures de publication.