AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 24 septembre 2003, qui, pour infraction à la réglementation du travail dans les transports routiers, a confirmé le jugement l'ayant condamné à 1 500 francs d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4, paragraphe 6, du règlement CEE 3820/85 du Conseil du 20 décembre, 15, paragraphe 7, 3, paragraphe 1, du règlement CEE 3821/85 du 20 décembre 1985, 1, 3, 3 bis de l'ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958, 3, alinéa 1, du décret 86-1130 du 17 octobre 1986,
111-4,
111-5 du Code pénal,
591 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Robert X... coupable de l'infraction de non-présentation de feuilles d'enregistrement à l'occasion d'un transport routier et en conséquence l'a condamné à une amende de 1 500 francs (225 ) ;
"aux motifs du premier juge que "le transport de déchets hospitaliers est soumis à une réglementation plus spécifique et que, par ailleurs, le transport n'a pas eu lieu sur une distance limitée" ;
"et aux motifs qu' "en l'espèce, il s'agit d'un camion Volvo d'un PTAC de 13 tonnes -en location- dont le chargement se compose de 2,5 T de déchets hospitaliers ; des éléments du dossier, il appert qu'il s'agit d'un transport de déchets d'un point A à un point B (de l'hôpital de Meaux à Melun) et non pas d'une activité de ramassage ou de collecte type enlèvement d'ordures ménagères ;
par ailleurs, ces déchets relèvent de la nomenclature des matières dangereuses classées dans l'arrêté ADR (Accord Européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par la route) du 27 décembre 1996 ; la législation sociale européenne est donc applicable à ce transport qui a l'obligation d'utiliser le chrono-tachygraphe : le conducteur devait présenter les feuilles d'enregistrement de la semaine en cours ainsi que celle du dernier jour de la semaine précédente au cours duquel il a conduit ; le chauffeur s'est borné à prétendre que son employeur exigeait qu'elles soient déposées tous les soirs au siège de l'entreprise" ;
"alors, d'une part, que l'arrêt ADR du 27 décembre 1996 (Accord Européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par la route), ne prévoit aucune prescription particulière qui viendrait restreinte la mise en oeuvre de l'exemption prévue par l'article 4, paragraphe 6, du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 dont bénéficient les véhicules affectés au ramassage des immondices ; qu'en considérant cependant que l'arrêté ADR précité aurait eu pour effet de soumettre les véhicules affectés à la collecte des déchets hospitaliers en exécution d'une mission de service public locale à l'obligation d'utiliser un chrono-tachygraphe, la cour d'appel a étendu le champ de l'incrimination au-delà de ce que prévoit la loi et, partant, a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que les obligations prévues par le règlement CEE n° 3821/85 ne s'appliquent qu'aux véhicules affectés au transport par route de voyageurs ou de marchandises et qu'en sont expressément exclus, par application de l'article 4, paragraphe 6, du règlement CEE n° 3820/85, les véhicules affectés à l'enlèvement des immondices, lesquels s'entendent comme des déchets de toutes sortes, y compris des déchets spéciaux, ainsi que cela résulte de l'interprétation donnée de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés Européennes du 21 mars 1996 ; qu'en restreignant le champ de cette exemption à la seule activité de ramassage d'ordures ménagères (arrêt p. 4, alinéa 1), l'arrêt attaqué a violé par fausse application les dispositions de l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 3820/85 précité ;
"alors, enfin, que, si les juges du fond apprécient souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à leur appréciation, encore doivent-ils motiver leur décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué se borne à affirmer que le camion contrôlé le 3 juillet 1999 effectuait une opération de transport "d'un point A à un point B", sans s'expliquer aucunement sur le mémoire du demandeur, ni sur les justificatifs produits en annexe, d'où il résultait que le camion en question était exclusivement affecté à la collecte des déchets récupérés dans les centres hospitaliers situés entre Meaux et Melun, en vue de leur incinération, de telle sorte que la distance totale parcourue en fin de service était seulement de 220 km entrecoupée d'arrêts fréquents ; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à établir que l'activité exercée par Jean-Robert X... entrait dans le champ d'application de l'exemption précitée, la cour d'appel n'a pas satisfait à l'exigence posée par l'article
593 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, lors d'un contrôle routier, le conducteur d'un camion appartenant à la société Aubine Onyx, n'a pu présenter les disques chronotachygraphes ; que Jean-Robert X..., directeur général de la société précitée, a été poursuivi, sur le fondement de l'article 15.7 du règlement CEE/3821-85 du 20 décembre 1985, pour n'avoir pas pris toutes les dispositions lui incombant afin de faire respecter par ses préposés les prescriptions relatives à la réglementation du travail dans les transports routiers ;
Attendu que, pour le déclarer coupable et rejeter l'argumentation du prévenu qui soutenait que le véhicule contrôlé n'était pas soumis à la réglementation imposant l'utilisation de disques chronotachygraphes, en vertu de l'article 4.6 du règlement CEE/3820-85 du 20 décembre 1985, dans la mesure où il était affecté à l'enlèvement de déchets hospitaliers et n'avait parcouru que 220 km dans la journée, les juges relèvent qu'il s'agissait d'un transport de déchets, de l'hôpital de Meaux à Melun, et non d'une activité de ramassage d'ordures ;
Attendu qu'en l'état de ces seules constatations et énonciations, procédant de leur appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus, d'où il résulte que le véhicule n'était pas affecté au ramassage des déchets et à leur acheminement à proximité, de sorte qu'il ne pouvait bénéficier de l'exemption prévue par l'article précité, les juges ont, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions du prévenu, justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Menotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;