COUR D'APPEL DE PARIS 4ème Chambre - Section B Arrêt du 18 janvier 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/10203
Décision déférée à la Cour : Décision du 11 Avril 2007 -Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS - RG n° 06/3766dve
APPELANTS
Monsieur Paul-Antoine B
représenté par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour assisté de Maître Frédérique F, avocat au Barreau de Paris, plaidant pour Maître Antoine T, avocat au barreau de PARIS, P 10,
Monsieur A DE METZ
représenté par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour assisté de Maître Frédérique F, avocat au Barreau de Paris, plaidant pour Maître Antoine T, avocat au barreau de PARIS, P 10,
MONSIEUR L DE L'INPI [...] 75008 PARIS, Représenté par Christine LESAUVAGE, chargée de mission,
APPELÉE EN CAUSE
la société YELLO STROM VERWALTUNGSGESELLSCHAFT MbH, société de droit allemand en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [...]
représentée par la SCP d'avoués OUDWOT FLAURAUD, assistée de M Stéphanie LEGRA.ND, avocat au Barreau/de Paris, RI65.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 novembre 2007, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur GIRARDET, président, Madame REGNIEZ, conseiller, Monsieur MARCUS, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD
Ministère public :
représenté lors des débats par Madame Brigitte G, substitut général qui a fait connaître son avis.ARRÊT: - contradictoire.
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. M P A YARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. Vu la décision du 14 mai 2007 par laquelle le directeur général de l'INPI a partiellement accueilli l'opposition n° 06 3766 formée le 29 novembre 2006 par la société de droit allemand YELLO STROM VERWALTUNGSGESELLSCHAFT (ci-après la société YELLO STROM), titulaire de la marque internationale verbale, désignant la France, YELLO, enregistrée le 15 octobre 2002 sous le n° 800 447, pour désigner notamment les services "Exploitation d'une chaîne de téléachat, à savoir conduite, réalisation et conclusion de contrats d'achat et de vente de produits et de services; gestion de données informatisées; services d'une agence de tarification, à savoir détermination des prix des marchandises et/ou services; services d'une agence de multimédia, à savoir planification et conception de mesures publicitaires, présentation d'entreprises sur Internet et autres supports ; services de commerce électronique, à savoir prise de commandes, services de facturation pour systèmes électroniques de commande, négociation et conclusion de transactions commerciales par l'intermédiaire de boutiques électroniques, présentations de produits et de services; fourniture et location d'espaces publicitaires, y compris sur Internet ; établissement de contacts économiques par Internet; publicité sur Internet pour des tiers; compilation d'informations dans des bases de données informatiques; gestion de données dans des serveurs de bases de données; mise en mémoire et traitement de données pour des tiers ; collecte, sauvegarde et mise à disposition de données, images, informations audio et vidéo; mise à disposition d'informations économiques sur Internet. Fournitures d'accès à Internet; messagerie électronique; services en ligne, à savoir transmission de nouvelles, d'images et d'informations en tout genre; services de messagerie sur Internet, à savoir transfert de messages en tous genres vers des adresses électroniques; services d'ingénieur-conseil en télécommunications; fourniture d'accès à des plateformes de commerce électronique sur Internet; fourniture d'accès à des textes, images, offres multimédias, bases de données et programmes informatiques sur Internet. Fourniture d'informations culturelles, historiques, sportives, en madère de divertissement, vie courante et mode sur Internet; fourniture d'informations sur Internet en matière de médias et événements culturels courants; organisation de jeux sur Internet; édition d'imprimés sous forme électronique, y compris pour intranets et Internet", à rencontre de la demande d'enregistrement n° 06 3 446 686 déposée le 21 août 2005 par Messieurs A DE METZ et Paul Antoine B, portant sur le signe complexe YELLOW KORNER pour désigner notamment les services : "Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tract, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publications de textes publicitaires ; locations d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; relations publiques télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d'ordinateurs ou par réseau défibres optiques ; communications radiophoniques ou téléphoniques ; services de radiotéléphonie mobile ; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial ; services d'affichage électronique (télécommunications) ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; agences de presse ou d'informations (nouvelles) ; location d'appareil de télécommunication ; émissions radiophoniques ou télévisées ;services de téléconférences ; services de messagerie électronique .-Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; services de loisir ; publication de livres ; prêts de livres ; dressage d'animaux ; production de films sur bandes vidéo ; location de films cinématographiques ; location d'enregistrements sonores ; location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision ; location de décors de spectacles ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ;organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation déplaces de spectacles ; services de jeux proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique) ; service de jeux d'argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro-édition " ;
Vu le recours formé par Messieurs DE METZ et B le 13 juin 2007 et leurs mémoires en date des 13 juillet, 26 octobre et 9 novembre 2007 aux termes desquels Messieurs DE METZ et B demandent à la Cour d'annuler la décision du directeur général de I'INPI et de condamner la société YELLO STROM à leur verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu le mémoire en date du 16 novembre 2007 par lequel la société YELLO STROM demande à la cour d'écarter des débats la pièce produite sous le n° 10, non débattue devant TINPI, de rejeter le recours et de condamner in solidum Messieurs DE METZ et B à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les observations du 29 octobre 2007 du directeur général de I'INPI tendant au rejet du recours;
Le ministère public ayant été entendu en ses observations ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Considérant que
la société YELLO STROM demande ajuste titre que la pièce n° 10 communiquée pour la première fois en appel par les requérants soit écartée dès lors que les débats, en l'absence d'effet dévolutif du recours, ne portent que sur les moyens et pièces débattues devant I'INPI ;
Sur la comparaison des services
* sur les services de "comptabilité" et les "services de commerce électronique, à savoir, services de facturation pour systèmes électroniques de commande"
Considérant que selon Messieurs BR1AT et DE METZ, ces services ne sont pas similaires dès lors que : - si les services de comptabilité relèvent de la compétence des comptables, les services de commerce électronique pour systèmes électroniques de commande relèvent de la compétence des commerciaux au sein d'une entreprise, - ces services sont de nature et d'objet différents, les premiers servant à établir la comptabilité d'une entreprise et sont réalisés en interne, tandis que les seconds servent à la réalisation par une entreprise de ses opérations commerciales et supposent la présence d'un tiers extérieur à l'entreprise, et en particulier d'un client qui en est le destinataire, - les services de comptabilité font l'objet d'une réglementation et ne constituent nullement une activité commerciale ;
Considérant, cela exposé, que dans leur analyse, les requérants occultent que le service désigné n'a pas une portée générale mais est relatif aux services de facturation pour systèmes électroniques de commande ;
Que l'argumentation fondée sur la différence tenant à ce que l'un ne s'occupe que de comptabilité et l'autre de la réalisation d'opérations commerciales n'est donc pas pertinente ;Considérant que, comme le souligne exactement le directeur de l'INPI, le terme "facture" se définit comme une pièce comptable indiquant la quantité, la qualité, la nature et les prix des marchandises vendues, des services exécutés, et le terme "facturation" renvoie à l'action d'établir une facture et qu'il se déduit de ces définitions que les prestations visées par les deux marques ont la même nature et objet, à savoir la tenue de comptes et des opérations commerciales réalisées par une entreprise et relèvent de la compétence des mêmes professionnels, en l'occurrence les comptables, que les services soient effectués ou non sur support électronique ;
* sur la comparaison des services de "communications radiophoniques ou téléphoniques ; agences de presse ou d'information (nouvelles) ; location d'appareil de communication ; émissions radiophoniques ou télévisées ; services de téléconférence" et les "services en ligne, à savoir transmission de nouvelles, d'images et d'informations en tout genre ; services de messagerie sur internet, à savoir transfert de messages en tous genres vers des adresses électroniques"
Considérant que les requérants exposent que ces services sont fournis sur des supports totalement différents : radio, télévision ou presse pour les premiers, internet pour les seconds, qu'ils ne sont pas de même nature et n'ont pas le même objet, les premiers concernant l'échange d'informations tandis que les seconds ne concernent que la transmission unilatérale d'informations et de messages ;
Mais considérant que les services en ligne et les transferts de messages en tous genres vers des adresses électroniques ne sauraient être réduits à une seule liaison unilatérale, dès lors qu'ils permettent également des dialogues et en conséquence des échanges d'informations ; que l'ensemble de ces services désignent en réalité des prestations de communication à distance permettant de transmettre et d'échanger des messages et des informations de toutes sortes par des moyens techniques appropriés ; qu'ils sont ainsi d'une nature et d'un objet similaires, et qu'il importe peu qu'ils puissent être diffusés sur des supports différents dans la mesure où le public du fait de la nature et l'objet des prestations peut leur attribuer une même origine ;
Que c'est dont à juste titre que le directeur de J'INPI a dit que ces services étaient similaires ;
Sur la comparaison des signes
Considérant que selon les requérants, le signe complexe déposé par eux ne présente aucun risque de confusion avec le signe verbal "YELLO" ;
Que visuellement, ils estiment essentiellement que dans le signe complexe, les deux termes non alignés sont mis en valeur par deux traits plus clairs, un trait horizontal tiré à hauteur du mot "KORNER" et soulignant les lettres "O" et "W" du terme "YELLOW" placé au dessus, et un trait vertical partant du bas du "K" de "KORNER" et s'arrêtant au dessus du mot "YELLOW", et que le mot "KORNER" - et non le mot "YELLOW"- ressort nettement, dans la mesure où il commence par la lettre "K", utilisée rarement dans le vocabulaire français, ce qui accroche le regard et contribue davantage à différencier les deux signes en cause ;
Que phonétiquement, malgré la reprise du mot YELLO en attaque, il n'existe pas davantage de similitude en raison de l'expression deux fois plus longue que l'expression YELLO et en raison du mot "KORNER" qui attire l'oreille du fait de son caractère inhabituel ;Qu'intellectuellement, la marque antérieure "YELLO" n'a aucune signification alors que dans l'expression complexe le mot "YELLOW" évoque pour le public français la couleur jaune et le terme "KORNER" un coup franc accordé à une équipe sportive, ou l'idée d'un but ou de coin; qu'ainsi le terme "YELLOW" est perçu comme un qualificatif du terme "KORNER" et forme un ensemble distinctif ;
Qu'ils se réfèrent également à de précédentes décisions et notamment une décision relative aux signes "YELLO" et "YELLOW PLANET" par laquelle il a été dit que "même sans constituer une expression indivisible dotée d'une signification propre, la dénomination "YELLOW PLANET" se distingue tant visuellement et phonétiquement que sur le plan conceptuel du néologisme "YELLO" de sorte que le risque de confusion entre les deux signes en cause n'est pas démontré";
Considérant, cela exposé, qu'il sera rappelé que le risque de confusion entre les signes doit s'apprécier globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants ; que de ce point de vue, les précédents cités par les requérants ne sauraient s'imposer à la cour, les signes n'étant pas identiques (la marque YELLOW PLANET en cause comportant, outre la dénomination, éléments figuratifs qui interfèrent sur une impression d'ensemble) ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le terme "KORNER" ne constitue nullement l'élément distinctif du signe contesté ; qu'en effet, visuellement, ce terme est lu par le consommateur comme un "corner", c'est à dire un lieu dans un magasin dans lequel sont proposés les produits visés par le signe, et, de ce fait, est perçu dans son sens commun sans caractère distinctif à la différence du terme "YELLOW" qui, outre la référence à la couleur jaune qualificatif d'un mot commun, est placé en attaque et en exergue par rapport au vocable "KORNER" (inscrit à droite et en dessous), ce qui lui confère un caractère dominant dans le signe contesté ;
Considérant qu'ainsi que le souligne le directeur de l'INPI, le terme "YELLO" est repris dans le signe contesté, en position d'attaque et sous une forme proche sur le plan visuel et identique sur le plan phonétique, la présence du "-W" ne modifiant pas la prononciation du terme par le consommateur français ; que malgré l'adjonction ci-dessus rappelée, et l'orthographe différente de YELLO, l'impression d'ensemble entre les signes est très proche et est susceptible de conduire le consommateur à penser que les produits et services ont une origine commune ; que c'est donc par des motifs pertinents que le directeur de l'INPI, tenant compte de tous les facteurs pertinents de l'espèce et notamment, l'identité entre les produits et services et leur grande similarité, et l'absence d'éléments figuratifs de nature à apporter une forte distinction entre les deux signes, a retenu qu'il existait un risque de confusion entre les signes ;
Que le recours sera rejeté ;
Considérant que des raisons d'équité commandent de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens ;
Considérant que compte tenu de la nature du recours, il n'y a pas lieu de condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
:
Ecarte des débats la pièce n° 10 communiquée par les requérants ;Rejette le recours formé par Messieurs B et DE METZ à l'encontre de la décision de l'INPI;
Rejette toutes autres demandes ;
Dit que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe aux parties et au directeur de l'Institut National de la propriété industrielle par lettre recommandée avec avis de réception.