Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Clermont-Ferrand 02 mai 2017
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand 08 janvier 2021
Cour d'appel de Riom 06 décembre 2022

Cour d'appel de Riom, 1ère Chambre, 6 décembre 2022, 21/00287

Mots clés Demande formée par le propriétaire de démolition d'une construction ou d'enlèvement d'une plantation faite par un tiers sur son terrain · propriété · parcelle · localité · commune · procédure civile · bornage

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro affaire : 21/00287
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 08 janvier 2021
Président : M. Philippe VALLEIX

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Clermont-Ferrand 02 mai 2017
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand 08 janvier 2021
Cour d'appel de Riom 06 décembre 2022

Texte

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 6 décembre 2022

N° RG 21/00287 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FREO

-LB- Arrêt n°

[E] [D] / Commune [Localité 9]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 08 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 18/02228

Arrêt rendu le MARDI SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [E] [D]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérik DUPLESSIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

Commune [Localité 9]

Mairie

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-Sophie JUILLES de la SELARL DMMJB AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS : A l'audience publique du 03 octobre 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 6 décembre 2022, après prorogé du délibéré initialement prévu le 15 novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon un acte administratif en la forme authentique reçu par le sous-préfet de Riom, agissant par délégation du préfet de la région Auvergne, le 1er décembre 1998, la propriété de plusieurs parcelles situées [Adresse 6] (63) a été transférée de la section des habitants de [Localité 9] à la commune de [Localité 9], dont la parcelle [Cadastre 11] (anciennement cadastrée sous les numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 5]), d'une contenance de 0 hectare 17 ares et 10 centiares.

Cet acte a été rectifié, s'agissant de l'origine de la propriété de certaines parcelles, dont la parcelle [Cadastre 11], par une attestation en la forme authentique du sous-préfet de Riom en date du 1er mars 1999 précisant que ces parcelles ont été attribuées aux habitants de [Localité 9] par le remembrement du 20 avril 1977.

L'acte de transfert de propriété et l'attestation rectificative ont été publiés à la conservation des hypothèques de Riom le 4 mars 1999.

Courant 2015, Mme [E] [D], propriétaire des parcelles cadastrées section [Cadastre 10] et [Cadastre 1], jouxtant la parcelle [Cadastre 11], a entrepris pour clore son terrain d'implanter une haie de thuyas puis une barrière dans le prolongement de celle-ci.

Considérant que cette implantation empiétait sur la parcelle [Cadastre 11], le maire de la commune de [Localité 9] a, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du [Cadastre 1] octobre 2015, enjoint à Mme [D] de restituer cette parcelle en procédant à la dépose du portail et à l'arrachage de la haie de thuyas dans un délai d'un mois.

Estimant être propriétaire de la parcelle [Cadastre 11], Mme [D] a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par requête enregistrée le 17 novembre 2015, d'une demande d'annulation de la décision du [Cadastre 1] octobre 2015 du maire de [Localité 9] lui enjoignant de procéder à la dépose du portail et à l'arrachage de la haie de thuyas.

Par jugement du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la requête de Mme [D], retenant d'une part que celle-ci ne rapportait pas la preuve de son droit de propriété sur la parcelle [Cadastre 11], objet de la décision attaquée, d'autre part que cette parcelle faisait partie du domaine privé de la commune, en l'absence d'affectation à l'usage du public ou à un service public, de sorte que la décision du maire de la commune d'enjoindre à Mme [D] de déposer le portail et d'arracher la haie de thuyas sur ce domaine privé constituait un acte de pure gestion du domaine privé ne mettant en cause que des rapports de droit privé et ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative.

Par courrier du 18 août 2017, le maire de la commune de [Localité 9] a mis en demeure Mme [D] de supprimer la haie de thuyas et de retirer le portail dans un délai de 15 jours.

Après avoir fait constater par huissier le 20 septembre 2017 que la haie de thuyas et la clôture étaient toujours en place, la commune de [Localité 9], par assignation en date du 19 octobre 2017, a saisi le juge des référés sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile pour obtenir la condamnation de Mme [D] à faire supprimer ces éléments.

Par ordonnance du [Cadastre 1] janvier 2018, le juge des référés a rejeté cette demande.

Par acte d'huissier délivré le 14 juin 2018, la commune de [Localité 9] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand Mme [D] pour obtenir sa condamnation sous astreinte à supprimer la haie et le portail litigieux.

Par jugement du 8 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

-Condamné Mme [E] [D] à supprimer, à ses frais, la haie de thuyas et la barrière ainsi que toute autre clôture irrégulièrement implantée sur la parcelle [Cadastre 11] appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 9], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

-Débouté la commune de [Localité 9] de ses demandes plus amples ou contraires [ndr : demande indemnitaire à hauteur de 10'000 euros] ;

-Condamné Mme [E] [D] à payer à la commune de [Localité 9] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné Mme [E] [D] aux dépens de l'instance.

Mme [D] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 4 février 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 juin 2022.

Vu les conclusions en date du 4 mai 2021 aux termes desquelles Mme [D] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- Condamnée à supprimer, à ses frais, la haie de thuyas et la barrière ainsi que toute autre clôture irrégulièrement implantée sur la parcelle [Cadastre 11] appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 9], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

-Condamnée à payer à la commune de [Localité 9] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamnée aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

-Débouter la commune de sa demande visant à la suppression, à ses frais, de la haie de thuyas et la barrière ainsi que toute autre clôture irrégulièrement implantée sur la parcelle [Cadastre 11] appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 9], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

-Constater la prescription acquisitive dont elle bénéficie sur la parcelle [Cadastre 11] conformément au bornage physique établi en 1973 et constaté par huissier de justice en 1976 et en conséquence débouter la commune de [Localité 9] de ses demandes et juger qu'elle est propriétaire de la parcelle [Cadastre 11] par prescription acquisitive ;

-Condamner la commune de [Localité 9] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 27 juillet 2021 aux termes desquelles la commune de [Localité 9], représentée par son maire en exercice, Mme [T] [F], demande à la cour de :

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 8 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;

-Condamner Mme [D] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la même aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.


MOTIFS DE LA DÉCISION


Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...», ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

-Sur la portée de l'appel :

Il n'est pas relevé appel des dispositions du jugement ayant débouté la commune de [Localité 9] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

-Sur la demande de condamnation de Mme [D] à supprimer la haie de thuyas et la barrière implantées sur la parcelle [Cadastre 11] :

Aux termes de l'article 544 du code civil, le propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

L'article 545 du même code dispose que « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »

En application de ces dispositions, tout propriétaire est en droit d'obtenir la suppression des aménagements et installations empiétant sur son fonds.

En l'espèce, il n'est pas discuté que Mme [D] a installé une haie de thuyas et une barrière sur la parcelle cadastrée [Cadastre 11]. Elle prétend toutefois être propriétaire de cette parcelle, ce que conteste la commune de [Localité 9], de sorte qu'il convient, avant de statuer sur la situation d'empiètement et la demande de suppression de celui-ci, d'examiner la question de la propriété de la parcelle litigieuse.

Pour statuer sur le droit de propriété, les juges du fond disposent du pouvoir d'apprécier souverainement les différentes preuves produites devant eux et doivent retenir « les présomptions de propriété les meilleures et les plus caractérisées ».

En l'occurrence, les parties revendiquent de part et d'autre un droit de propriété sur la parcelle cadastrée [Cadastre 11] située entre la voie communale correspondant à la parcelle cadastrée [Cadastre 8] et les parcelles appartenant à Mme [D], cadastrées section [Cadastre 10] et [Cadastre 1].

Il sera précisé en premier lieu que, contrairement à ce que soutient l'intimée, il ne peut être considéré que le litige opposant les parties quant à la propriété de la parcelle [Cadastre 11] ait été tranché par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans son jugement du 2 mai 2017, qui ne s'est prononcé dans le dispositif que sur sa compétence, pour la décliner, au motif que la décision querellée relevait d'un acte de pure gestion du domaine privé de la commune ne mettant en cause que des rapports de droit privé.

La commune de [Localité 9] se prévaut au soutien de sa position d'un titre de propriété, tandis que Mme [D] de son côté invoque l'existence d'un bornage et, en toute hypothèse, un droit de propriété par écoulement de la prescription acquisitive. Elle affirme en outre être victime d'une rupture d'égalité entre les habitants de la commune alors que selon elle d'autres usagers ont été autorisés à s'approprier l'entretien et l'aménagement des parcelles jouxtant la voirie.

-Sur le titre de propriété invoqué par la commune de [Localité 9] :

La commune de [Localité 9] communique l'acte administratif en la forme authentique reçu par le sous-préfet de Riom, agissant par délégation du préfet de la région Auvergne, le 1er décembre 1998, aux termes duquel la propriété de plusieurs parcelles situées [Adresse 6] (63) a été transférée de la section des habitants de [Localité 9] à la commune de [Localité 9], dont la parcelle [Cadastre 11] (anciennement cadastrée sous les numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 5]), d'une contenance de 0 hectare 17 ares et 10 centiares.

Il est indiqué en page 2 de cet acte, s'agissant de l'origine de propriété des parcelles transférées, que « les habitants de [Localité 9], commune de [Localité 9], sont devenus propriétaires de ces immeubles à une date antérieure au 1er janvier 1956 ».

La commune de [Localité 9] produit également l'attestation rectificative établie en la forme authentique par le sous-préfet de Riom le 1er mars 1999, qui précise que certaines parcelles, dont la parcelle [Cadastre 11], ont été attribuées aux habitants de [Localité 9] par le remembrement du 20 avril 1977.

L'intimée communique aussi la page 4 du procès-verbal du remembrement rural de la commune de [Localité 9] comprenant le tableau récapitulatif des parcelles abandonnées, dont les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5], constituant l'actuelle parcelle [Cadastre 11].

Le titre de propriété dont est titulaire la commune de [Localité 9] est conforme à l'actuel plan cadastral selon le relevé de propriété et l'extrait de plan cadastral produits.

Mme [D] conteste cependant, par voie d'exception d'illégalité, la validité de l'acte de transfert de propriété du 1er décembre 1998, en remettant en cause la régularité d'une part de la procédure suivie pour aboutir à ce transfert, d'autre part de la procédure de remembrement, considérant que le juge judiciaire est compétent, en présence d'une illégalité manifeste, pour statuer sur ces questions et écarter l'acte de 1998.

Mme [D] soutient en effet que la commune ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une section d'habitants, qu'elle ne justifie ni d'une délibération de la commission syndicale, ni d'une demande conjointe émanant de la moitié des membres de la section, ni du respect du formalisme devant présider à la présentation d'une telle demande.

Par ailleurs, Mme [D] considère que les opérations de remembrement intervenues au cours de l'année 1977 sont irrégulières alors que sous l'empire du droit applicable à l'époque, seules les parcelles agricoles pouvaient être l'objet d'un remembrement.

La commune de [Localité 9] rappelle quant à elle qu'hors les cas d'illégalité manifeste, non caractérisée selon elle en l'espèce, il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la régularité des procédures administratives, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge administratif, éventuellement par voie de question préjudicielle qui n'a pas lieu d'être en l'occurrence eu égard à la date de l'acte litigieux et à l'expiration des délais de recours.

Il sera rappelé qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article [Cadastre 2] de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.

De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire.

Toutefois, le juge judiciaire ne peut retenir une exception préjudicielle, et donc surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif, que si l'exception préjudicielle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige.

S'agissant de la validité de l'acte de transfert de propriété du 1er décembre 1998, il convient de rappeler que celui-ci a été dressé en la forme authentique de sorte que les mentions qui y figurent, constatées par l'autorité ayant établi l'acte, font foi jusqu'à inscription de faux. En l'occurrence, il est constaté dans l'acte qu'en application de l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales, la demande de transfert des biens à la commune de rattachement de [Localité 9] a été présentée par les deux tiers des électeurs de la section de [Localité 9], celle-ci étant représentée par M. [R] [C], en application de l'article L. 2411-2 du même code, de sorte que l'argumentation de Mme [D] quant à l'absence de preuve d'une section de commune, d'une délibération syndicale ou à l'absence de demande de transfert par la moitié des membres de la section, est manifestement inopérante.

Par ailleurs, s'agissant de l'absence de caractère agricole de la parcelle [Cadastre 11], qui remettrait en cause la régularité du remembrement intervenu il y a plus de 40 ans, la commune de [Localité 9] justifie au contraire par la production du procès-verbal de remembrement, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, que toutes les parcelles abandonnées concernées par cette opération relevaient, pour la nature de culture, de la rubrique « T », pour « terre », les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] (ancienne numérotation de la parcelle [Cadastre 11]), se situant en classe 2, ce qui correspond à des terres cultivables, de sorte que l'argumentation présentée par Mme [D], qui ne repose que sur des affirmations, est là-encore manifestement inopérante.

Il ressort de ces explications que Mme [D] ne peut se prévaloir de l'illégalité manifeste de l'acte mais que pour autant le sursis à statuer n'est pas justifié en l'absence d'exception préjudicielle présentant un caractère sérieux.

Il apparaît ainsi que la commune de [Localité 9] justifie détenir un titre de propriété efficace concernant la parcelle querellée.

-Sur le bornage matérialisant la parcelle [Cadastre 11] :

Pour s'opposer à la demande, Mme [D] soutient qu'elle justifie de son droit de propriété sur la parcelle litigieuse par des documents démontrant qu'un bornage fixant les limites de sa propriété est matérialisé sur les parcelles. Elle affirme que ce bornage prouve qu'une partie de la parcelle [Cadastre 11] serait intégrée dans sa parcelle [Cadastre 10], qui s'arrêterait au niveau de la voie communale cadastrée [Cadastre 8].

Elle produit à l'appui de ses prétentions :

-Un extrait de plan cadastral qui daterait de 1886 (date non visible sur le document) ;

-Un constat d'huissier dressé le 25 août 1976 qui décrit les bornes présentes aux contours des parcelles appartenant à M. [N] [D] ;

-Un extrait de plan cadastral qui daterait de 1993 (date non lisible sur le document produit).

C'est par une juste appréciation des éléments qui lui étaient soumis et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, pour écarter cette argumentation a relevé que :

-Le constat d'huissier du 25 août 1976 ne constituait pas un procès-verbal de bornage mais un procès-verbal de constatation, établi à la demande de M. [D], décrivant les bornes qui auraient été plantées en 1973 par des experts géomètres du cabinet Gilbert, chargé des opérations de remembrement ;

-Que le rapport des travaux de bornage du cabinet Gilbert n'était pas versé aux débats de sorte qu'il n'était pas possible de vérifier la conformité des constatations de l'huissier avec la délimitation de l'ensemble de parcelles jouxtant le chemin vicinal n°26 résultant du remembrement antérieur ;

-Que l'indication selon laquelle les bornes auraient été « plantées pour délimiter les parcelles (') [Cadastre 1] et [Cadastre 2] de la section [Cadastre 1] appartenant à M. [D] et [Adresse 7] aux terrasses » ne résultait que des déclarations du requérant au constat ;

-Qu'il n'était fait aucune référence dans ce constat à la limitation des parcelles à l'ouest par rapport à la parcelle [Cadastre 11], pourtant existante au moment du constat, visible sur le plan annexé, et créé au moment du remembrement ;

-Que M. [D] n'a émis au cours du constat aucune revendication de la parcelle [Cadastre 11] et que seule une des quatre bornes mentionnées dans ce constat avait été retrouvée lors du constat d'huissier établi par maître [W] à l'initiative de la commune de [Localité 9] en mars 2016.

-Sur la prescription acquisitive trentenaire :

Mme [D] soutient qu'elle est propriétaire de la parcelle litigieuse en application des dispositions des articles 2261 et 2272 du code civil.

En application de l'article 2261 du code civil, la possession ne permet d'acquérir la propriété que si elle est « continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Aux termes de l'article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Selon l'article 2265 du code civil, pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

Au soutien de ses prétentions, Mme [D] se réfère au procès-verbal d'huissier établi le 25 août 1976 ainsi qu'à deux sommations interpellatives aux termes desquelles les témoins interrogés par l'huissier affirment que la propriété de Mme [D] a toujours été bordée d'une haie de thuyas qui a toujours été entretenue par elle-même ou par son époux, et avant par ses parents. Elle produit également une attestation d'une personne affirmant avoir toujours considéré que la parcelle bordant la route faisait partie intégrante du terrain de M. et Mme [D].

La commune de [Localité 9] produit quant à elle les attestations de deux membres de la famille de Mme [D] qui affirment que la parcelle [Cadastre 11] n'a jamais été la propriété de Mme [D] et de ses auteurs mais a toujours appartenu à la commune de [Localité 9].

Le premier juge a par ailleurs rappelé que l'arrêté de transfert des biens en date du 1er décembre 1988 a été porté à la connaissance du public par voie d'affichage conformément aux dispositions de l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales et a été personnellement notifié à Mme [D], ce qui n'est pas remis en cause par celle-ci devant la cour.

Il ressort de ces éléments que, contrairement à ce qu'elle affirme, Mme [D] ne peut se prévaloir d'une prescription écoulée dans les conditions prévues par l'article 2261 du code civil lui permettant de revendiquer la propriété de la parcelle litigieuse par voie d'usucapion.

-Sur le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les administrés devant les charges publiques :

Le premier juge a exactement considéré que ce moyen était inopérant alors que la commune de [Localité 9] était en droit d'agir pour faire cesser l'empiètement sur son domaine privé, disposant à ce titre de l'ensemble des prérogatives d'un propriétaire privé, légitime à agir pour obtenir la remise en état des lieux, alors même qu'il a pu tolérer des atteintes à son droit de propriété sur son fonds pendant plusieurs années.

En considération de l'ensemble de ces explications, il apparaît que c'est à bon droit que le premier juge a accueilli la demande de la commune de [Localité 9] tendant à la condamnation de Mme [D] à supprimer la clôture et la haie de thuyas implantées sur la parcelle [Cadastre 11].

Le jugement sera en conséquence confirmé.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [D] aux dépens de première instance, rappelant que ceux-ci ne comprennent pas le coût du constat établi par maître [W], non désigné par une décision de justice.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mme [D] à payer à la commune de [Localité 9] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [D], qui succombe à l'instance, supportera les entiers dépens d'appel ce qui exclut qu'elle puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait en revanche inéquitable de laisser la commune de [Localité 9] supporter l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts devant la cour. Mme [D] sera condamnée à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS



LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne Mme [E] [D] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [E] [D] à payer à la commune de [Localité 9] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président