Chronologie de l'affaire
Conseil de Prud'hommes de Nanterre 05 novembre 2021
Cour d'appel de Versailles 22 septembre 2022

Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 septembre 2022, 22/00452

Mots clés Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution · statuer · procédure civile · localité · habitat · public · contrat · référé · mise à pied · prud'hommes · congés payés

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro affaire : 22/00452
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Conseil de Prud'hommes de Nanterre, 05 novembre 2021
Président : Madame Isabelle VENDRYES

Chronologie de l'affaire

Conseil de Prud'hommes de Nanterre 05 novembre 2021
Cour d'appel de Versailles 22 septembre 2022

Texte

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 22/00452

N° Portalis DBV3-V-B7G-U77Y

AFFAIRE :

[R] [B]

C/

Société [Localité 4] HABITAT PUBLIC

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE

N° Section : RE

N° RG : 21/00230

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant fixé au 07 juillet 2022,puis prorogé au 22 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [B]

né le 09 septembre 1961 à [Localité 3] (95)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Laurent LECANET de l'ASSOCIATION LECANET & LINGLART, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P554 et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANT

****************

Société [Localité 4] HABITAT PUBLIC

N° SIRET : 484 201 157

Ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : Me Marilyn NOTARI de l'AARPI OCTO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1699 et Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Greffière lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

Greffière placée lors de la mise à disposition : Mme Virginie BARCZUK

RAPPEL DES FAITS CONSTANTS

L'Office Public de l'Habitat [Localité 4] Habitat Public (OPH [Localité 4] Habitat) est un organisme public à caractère industriel et commercial, présidé par le maire de la ville de Colombes dans les Hauts-de-Seine. Il dispose de 9 000 logements et de 7 000 parkings et emploie 220 collaborateurs salariés, à l'égard desquels il applique la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat et des sociétés de coordination du 06 avril 2017.

M. [R] [B], né le 09 septembre 1961, a été engagé une première fois par cet organisme le 23 octobre 2000, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur administratif et financier, des ressources humaines et de l'informatique. Mme [E], UMP, était alors maire de la ville de [Localité 4].

A la suite d'une alternance politique à la tête de l'équipe municipale, M. [B] s'est vu notifier son licenciement par courrier du 30 septembre 2011.

En 2014, Mme [E] a de nouveau été élue maire de la ville de [Localité 4].

Après une promesse d'embauche du 11 septembre 2014, M. [B] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par l'OPH [Localité 4] Habitat le 15 septembre 2014 en qualité de chargé de mission auprès de la présidente et de la direction générale, moyennant une rémunération annuelle brute de 87 000 euros pour une durée de travail de 35 heures par semaine.

Le salarié prétend qu'il a signé le 18 septembre 2014, un avenant au contrat de travail, intitulé « annexe au contrat de travail », prévoyant que des indemnités lui seraient dues en cas de licenciement intervenant dans l'hypothèse d'un changement de présidence du conseil d'administration et de directeur général, en ces termes : « Après cinq années d'ancienneté, en cas de rupture de son contrat de travail, y compris pour faute grave, M. [R] [B] bénéficiera d'une indemnité contractuelle de licenciement qui ne pourra être inférieure à un mois de salaire brut par année de présence, ainsi que d'une indemnité complémentaire de même montant, dans la limite de 12 mois, nette de cotisations CSG et CRDS, ainsi que de son préavis.

A titre de dommages-intérêts, M. [R] [B] bénéficiera également de son indemnité de départ à la retraite, qu'il aurait perçue à son départ à l'âge de 65 ans.

Au surplus, en cas de mise à pied à titre conservatoire, M. [R] [B] bénéficiera du maintien intégral de sa rémunération.

Ces clauses sont convenues en cas de changement de la présidence du conseil d'administration de l'office, et du directeur général, ayant pour conséquence son licenciement, et de la certitude pour M. [R] [B] de ne pouvoir retrouver par la suite un emploi équivalent, en termes de responsabilités et rémunération dans un autre organisme de logement social. ».

Le 14 novembre 2014, M. [B] a été nommé au poste de secrétaire général.

En juin 2020, M. [O], appartenant à Europe Écologie Les Verts, a été élu maire de la ville de [Localité 4].

Après une mise à pied conservatoire et un entretien préalable qui s'est déroulé le 27 avril 2021, l'OPH [Localité 4] Habitat Public a notifié à M. [B] son licenciement pour faute grave par courrier du 05 mai 2021.

Faisant valoir qu'indépendamment de la contestation des motifs de son licenciement, il n'avait perçu aucune des indemnités pourtant convenues contractuellement, M. [B] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir condamner l'OPH [Localité 4] Habitat Public au versement provisionnel de diverses sommes indemnitaires et salariales par requête reçue au greffe le 26 juillet 2021.

Les parties ont précisé lors des débats qu'une procédure avait été engagée au fond le 04 mai 2022 et qu'une audience était prévue le 02 juin 2022 devant le bureau de conciliation et d'orientation.

La décision contestée

Par ordonnance contradictoire rendue le 05 novembre 2021, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- déclaré la demande de l'OPH [Localité 4] Habitat Public recevable et bien fondée,

- sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours,

- partagé par moitié les dépens entre les parties.

L'OPH [Localité 4] Habitat Public a en effet fait valoir qu'il contestait l'annexe dont se prévalait le salarié, à titre principal mais également le contrat de travail du 15 septembre 2014, et qu'il avait déposé plainte devant la juridiction pénale.

M. [B] avait demandé au conseil de prud'hommes :

- constater que sa demande est urgente et ne se heurte à aucune contestation sérieuse,

- constater que sa demande vise à faire cesser un trouble manifestement illicite,

en conséquence,

- condamner l'OPH [Localité 4] Habitat Public à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité contractuelle de licenciement : 48 913,56 euros,

. indemnité complémentaire : 48 913,56 euros,

. indemnité compensatrice de préavis : 24 456,75 euros,

. congés payés sur préavis : 2 445,67 euros,

. indemnité contractuelle de départ à la retraite : 42 121,18 euros,

. rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire : 4 441,89 euros,

. congés payés sur mise à pied conservatoire : 444,19 euros,

. article 700 du code de procédure : 3 000 euros.

L'OPH [Localité 4] Habitat Public avait, quant à lui, demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

Par ordonnance rendue le 27 janvier 2022, le premier président de la cour d'appel de Versailles a autorisé M. [B] à faire appel de la décision du conseil de prud'hommes de Nanterre.

M. [B] a interjeté appel par déclaration du 11 février 2022 et a fait assigner l'OPH [Localité 4] Habitat Public selon la procédure à jour fixe, par acte du 10 mars 2022.

Prétentions de M. [B], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 18 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour d'appel de :

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :

. déclaré la demande de l'OPH [Localité 4] Habitat Public recevable et bien fondée,

. sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours,

. partagé par moitié les dépens entre les parties,

statuant de nouveau,

- rejeter la demande de sursis à statuer,

- constater que sa demande est urgente et ne se heurte à aucune contestation sérieuse,

- constater que sa demande vise à faire cesser un trouble manifestement illicite,

en conséquence,

- condamner l'OPH [Localité 4] Habitat Public à lui verser, à titre de provision, les sommes suivantes :

. indemnité contractuelle de licenciement : 48 913,56 euros bruts,

. indemnité complémentaire : 48 913,56 euros nets,

. indemnité compensatrice de préavis : 24 456,75 euros,

. congés payés sur préavis : 2 445,67 euros,

. indemnité contractuelle de départ à la retraite : 42 121,18 euros nets,

. rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 4 441,89 euros,

. congés payés sur mise à pied conservatoire : 444,19 euros.

Le salarié appelant sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et d'orientation et une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de l'OPH [Localité 4] Habitat, intimé

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 19 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'OPH [Localité 4] Habitat Public demande à la cour d'appel de :

- déclarer M. [B] irrecevable en ses prétentions figurant dans ses écritures excédant le périmètre de sa déclaration d'appel, notamment ses demandes tendant à :

. constater que sa demande est urgente et ne se heurte à aucune contestation sérieuse,

. constater que sa demande vise à faire cesser un trouble manifestement illicite,

- condamner en conséquence l'OPH [Localité 4] Habitat Public à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité contractuelle de licenciement : 48 913,56 euros bruts,

. indemnité complémentaire : 48 913,56 euros nets,

. indemnité compensatrice de préavis : 24 456,75 euros,

. congés payés sur préavis : 2 445,67 euros,

. indemnité contractuelle de départ à la retraite : 42 121,18 euros nets,

. rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 4 441,89 euros,

. congés payés sur mise à pied conservatoire : 444,19 euros,

. article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

- l'en débouter,

à titre principal et par voie de conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 5 novembre 2021 en ce qu'elle a :

. déclaré la demande de l'OPH [Localité 4] Habitat Public recevable et bien fondée,

. sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours,

. partagé par moitié les dépens entre les parties,

à titre subsidiaire,

vu les dispositions conjuguées des articles 542, 562, 901-4°, 954 et l'article 568 du code de procédure civile, et la saisine opérée par M. [B] du conseil de prud'hommes de Nanterre,

- sur le fond, rejeter comme irrecevable sinon mal fondée la demande d'évocation de l'affaire formulée par M. [B] et renvoyer l'affaire devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre,

à titre infiniment subsidiaire, en cas d'évocation de l'affaire,

- dire n'y avoir lieu à référé,

- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes,

à défaut,

- annuler les dispositions de l'«annexe au contrat de travail»,

- réduire la provision à de plus justes proportions et subordonner une éventuelle condamnation au paiement d'une provision au dépôt par M. [B] d'une somme d'argent équivalente auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations,

- débouter en tout état de cause M. [B] de tous moyens ou prétentions plus amples ou contraires au présent dispositif.

L'office sollicite en outre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'audience a été fixée le 19 mai 2022.

À l'issue des débats, il a été proposé aux parties de recourir à la médiation, ce qu'elles ont décliné.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la recevabilité de l'ensemble des prétentions de M. [B] devant la cour d'appel

L'OPH [Localité 4] Habitat Public soulève l'irrecevabilité des prétentions de M. [B], excédant le périmètre de sa saisine (au titre de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant) en ce qu'il a omis de solliciter que la cour infirme l'ensemble des chefs du jugement critiqués.

S'agissant de la déclaration d'appel

L'article 542 du code de procédure civile dispose : « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. »

L'article 562 du même code dispose : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. ».

En l'espèce, la déclaration d'appel est rédigée en ces termes :

« L'appel tend à l'annulation, l'infirmation ou la réformation de la décision susvisée et jointe à la présente déclaration, en ce qu'elle :

- déclare la demande de l'OPH [Localité 4] Habitat recevable et bien fondée,

- sursoit à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours,

- partage par moitié les dépens entre les parties.

Plus généralement, l'appel porte sur toutes les dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l'appelant, selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions et au vu des pièces de première instance et de celles qui seront communiquées devant la cour. ».

L'OPH [Localité 4] Habitat Public reproche à l'appelant de s'être ainsi abstenu de critiquer expressément l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle n'a pas statué sur ses demandes figurant dans sa requête du 26 juillet 2021 tendant à :

« - constater que sa demande est urgente et ne se heurte à aucune contestation sérieuse,

- constater que sa demande vise à faire cesser un trouble manifestement illicite,

en conséquence,

- condamner l'OPH [Localité 4] Habitat Public à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité contractuelle de licenciement : 48 913,56 euros,

. indemnité complémentaire : 48 913,56 euros,

. indemnité compensatrice de préavis : 24 456,75 euros,

. congés payés sur préavis : 2 445,67 euros,

. indemnité contractuelle de départ à la retraite : 42 121,18 euros,

. rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire : 4 441,89 euros,

. congés payés sur mise à pied conservatoire : 444,19 euros,

. article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros. ».

Mais, comme le soutient pertinemment M. [B], conformément aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel ne doit contenir que les chefs de jugement critiqués, tels qu'ils figurent dans le dispositif de la décision attaquée, et non les prétentions des parties.

Or, il sera constaté que l'appelant a bien visé tous les chefs de jugement qu'il critique, dans sa déclaration d'appel.

La cour est donc saisie de ces chefs, à savoir le sursis à statuer pour l'essentiel, et dispose du pouvoir d'évoquer les autres demandes, si elle l'estime opportun.

S'agissant des conclusions de l'appelant

L'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile dispose : « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. »

L'OPH [Localité 4] Habitat Public fait valoir qu'alors que l'ordonnance de référé ne tranche pas les demandes de M. [B], mais se prononce uniquement sur le sursis à statuer, l'appelant se contente dans le dispositif de ses conclusions de solliciter de la cour qu'elle infirme l'ordonnance en ce qu'elle déclare la demande de l'OPH [Localité 4] Habitat Public recevable et bien fondée, qu'elle sursoit à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale en cours et qu'elle partage les dépens par moitié. L'Office prétend que, ce faisant, l'appelant omet de demander à la cour d'infirmer ou de réformer la décision, « en ce qu'il n'a pas jugé les demandes principales de M. [B] » et d'insérer dans son dispositif l'ensemble des chefs du jugement critiqué.

De la même façon que cela a été retenu pour la déclaration d'appel toutefois, la cour est saisie, aux termes des conclusions d'appelant, de l'appel portant sur le sursis à statuer et dispose, le cas échéant, de son pouvoir d'évocation pour examiner les demandes de M. [B].

Il n'y a donc pas lieu de prononcer l'irrecevabilité de ces demandes.

Sur le sursis à statuer

L'OPH [Localité 4] Habitat Public conteste la réalité et la véracité du contrat de travail du 15 septembre 2014 et de l'« annexe au contrat de travail » produits par le salarié dans le cadre de l'instance.

L'office indique qu'il a déposé plainte contre X le 20 septembre 2021 auprès de M. le procureur de la République du tribunal judiciaire de Nanterre pour des chefs de faux en écriture par un dépositaire en charge d'une mission de service public, usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement.

Il indique qu'en l'absence de retour de la plainte simple déposée, il a déposé le 24 décembre 2021 une plainte avec constitution de partie civile des mêmes chefs, auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Nanterre.

Il ajoute qu'ayant appris le 05 janvier 2022 que le procureur avait diligenté une enquête, il a par l'intermédiaire de son conseil écrit au doyen des juges d'instruction que sa plainte avec constitution de partie civile était désormais sans objet. Par ordonnance du 10 janvier 2022, le doyen des juges d'instruction a constaté son désistement.

Il indique que le 21 mars 2022, il a reçu un avis de classement à victime au motif que les faits dénoncés ou révélés dans le cadre de cette procédure ne sont pas punis par un texte pénal.

Il précise enfin que, contestant les termes de ce classement sans suite, il a porté plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux en écritures par un dépositaire d'une mission de service public, usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement, auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Nanterre.

L'OPH [Localité 4] Habitat Public soutient que la procédure pénale permettra notamment de démontrer que le contrat de travail et surtout de la prétendue annexe, sur lesquels s'appuie M. [B] pour demander des indemnités contractuelles sont des faux et ont été conclus de manière manifestement frauduleuse et de mettre en lumière le degré d'implication de M. [B] et de M. [P] alors directeur de l'office par intérim dans l'élaboration de faux documents.

M. [B] s'oppose au sursis, soutenant qu'il n'existe aucune raison objective qui permettrait de laisser penser qu'il existerait un quelconque doute sur la véracité des documents soumis à la juridiction. Il prétend que la plainte pénale ne vise qu'à paralyser la procédure de référé.

Sauf dans les cas où il est prévu par la loi, le sursis à statuer est souverainement décidé par le juge, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Il est rappelé qu'en application de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine et qu'en application de l'article 379 du même code, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge, qu'à l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.

L'article 4 du code de procédure pénale énonce : « L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. ».

Pour apprécier s'il est dans l'intérêt d'une bonne justice de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale, la cour retient, en premier lieu, que M. [B] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes, laquelle rend des décisions qui n'ont autorité de la chose jugée qu'au provisoire. A ce titre, il appartient au juge de rechercher si, au moment où il statue, les conditions du référé sont réunies, d'autres décisions ultérieures, y compris en référé, étant susceptibles de tirer les conséquences de l'issue de la plainte pénale.

La cour retient en deuxième lieu que le juge civil dispose de toute compétence pour se prononcer sur la validité du document qui lui est soumis. Ainsi, l'article 299 du code de procédure civile prévoit que si un écrit sous seing privé produit en justice est argué de faux, il est procédé à l'examen de l'écrit litigieux.

La cour relève ensuite qu'il existe une discussion entre les parties sur l'existence même du document litigieux.

L'office affirme que le document litigieux n'existerait pas dans la mesure où il n'en trouverait pas trace dans le dossier personnel du salarié.

M. [B] indique de son côté que l'avenant a été établi en deux exemplaires dont l'un lui a été remis, que si l'office a perdu son exemplaire, cela ne relève pas de sa responsabilité. Il fait valoir à juste titre que cette perte ne résulte que des affirmations de l'office et ne peut faire échec à ses droits.

La cour retient que le salarié produit une copie certifiée conforme établie par un huissier de justice du contrat de travail et de l'annexe, lesquels pourront être utilement discutés devant le juge des référés.

La cour retient enfin, concernant les circonstances de la signature de ces documents, les explications données par M. [P], alors directeur de l'office par intérim, qui atteste en ces termes : « M. [B] m'a fait part de son désir de ne pas rester face au risque d'une nouvelle alternance politique de la ville et qu'il ne voulait pas revivre cette période de souffrance et d'angoisse. C'est dans ces conditions que j'avais décidé dans l'intérêt de l'office de signer à M. [B] une annexe à son contrat de travail contenant des clauses particulières en cas de licenciement, y compris pour fautes graves, qui à défaut de ne pas le protéger contre son licenciement pouvait lui permettre de se retourner. » (pièce 21 du salarié).

M. [P] a par ailleurs confirmé la véracité de ces documents dans un message du 14 septembre 2021 en ces termes : « Je profite de ce mail pour vous confirmer que ces documents sont bien réels et qu'ils ont bien été signés par moi-même en tant que directeur général, poste que j'occupais à cette date. » (pièce 20 du salarié).

Les explications données par M. [P] rendent vraisemblables que tant le salarié, qui voulait se préserver des difficultés précédemment rencontrées, que l'employeur, qui voulait conserver ce salarié, avaient intérêt à signer un tel avenant.

Les attestations de MM. [N] et [S] et de Mme [L], produites par l'office se limitent à énoncer que ces documents n'étaient pas connus par les nouveaux dirigeants de l'office, ce qui est insuffisant ici à justifier qu'il soit sursis à statuer (pièces 8, 9 et 10 de l'employeur).

Au demeurant, ainsi que le souligne M. [B], il n'existe aucune certitude que l'action publique ait été mise en mouvement, une simple plainte ne pouvant avoir automatiquement cet effet, la première plainte ayant été classée sans suite, l'intimé s'étant désisté de la seconde et la troisième ne datant que de quelques jours avant l'audience du 19 mai 2022.

Il se déduit de l'ensemble de ces considérations qu'il n'est pas, en l'espèce, dans l'intérêt d'une bonne justice, de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale.

L'OPH [Localité 4] Habitat sera débouté de cette demande, par infirmation de l'ordonnance entreprise.

Sur la faculté d'évocation

Il est rappelé qu'en application de l'article 380 du code de procédure civile, lorsque l'appel d'un jugement de sursis à statuer a été autorisé, la cour d'appel, qui examine l'affaire, a la faculté d'évoquer les points non jugés.

Il est cependant de bonne justice en l'espèce de ne pas évoquer l'affaire pour garantir aux parties le bénéfice d'un double degré de juridiction, les délais de procédure restant satisfaisants malgré le renvoi devant la juridiction de premier degré.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'OPH [Localité 4] Habitat Public supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera en outre condamné à payer à M. [B], en cause d'appel, une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros.

L'OPH [Localité 4] Habitat Public sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

L'ordonnance sera infirmée en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles de procédure.

PAR CES MOTIFS



La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire ;

REJETTE la demande d'irrecevabilité formulée par l'Office Public de l'Habitat [Localité 4] Habitat Public ;

INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le conseil des prud'hommes de Nanterre le 05 novembre 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DIT n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur les demandes de M. [R] [B] ;

DIT n'y avoir lieu à évocation de l'affaire ;

RENVOIE la cause et les parties devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre ;

CONDAMNE l'Office Public de l'Habitat [Localité 4] Habitat Public à payer à M. [R] [B] une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE l'Office Public de l'Habitat [Localité 4] Habitat Public de sa demande présentée sur le même fondement ;

CONDAMNE l'Office Public de l'Habitat [Localité 4] Habitat Public au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Présidente, légitimement empêchée, et par Madame Virginie BARCZUK, Greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE placée, P/ LA PRESIDENTE empêchée,