Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 22 octobre 2013, 12-25.992

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2013-10-22
Cour d'appel de Montpellier
2012-07-10

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que, depuis un contrat de services du 2 mars 1993, la société La Languedocienne assurait des prestations logistiques pour la société Gec Alsthom Protection & Contrôle, aux droits de laquelle est venue la société Aviva, puis la société Schneider Electric protection et contrôle (la société Schneider), les parties étant, dans le dernier état de leurs relations, unies par un contrat renouvelable par écrit, par périodes d'un an ; que le 30 mai 2008, la société Areva a notifié à la société La Languedocienne son intention de ne pas renouveler le contrat à son expiration, prévue le 30 novembre 2008 ; que cette dernière l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts pour rupture d'une relation commerciale établie ;

Sur le moyen

unique, pris en ses trois premières branches : Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen

, pris en sa quatrième branche :

Vu

l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que écarter le moyen de la société Schneider, qui faisait valoir que le préavis avait commencé à courir dès que la société Areva avait fait part à la société La Languedocienne de sa décision de recourir à un appel d'offres pour ses besoins en logistique, et retenir sa responsabilité pour n'avoir pas respecté un préavis suffisant, l'arrêt retient

que le point de départ du préavis est la date à laquelle la société Areva a pris l'initiative de résilier le contrat de partenariat par un courrier exprès et non les courriels antérieurs par lesquels elle s'est bornée à informer son partenaire qu'elle allait recourir à un appel d'offres ;

Attendu qu'en statuant ainsi

, alors que la notification par la société Areva à la société La Languedocienne de son recours à un appel d'offres pour choisir son prestataire en logistique manifestait son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et faisait ainsi courir le délai de préavis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il retient la responsabilité de la société Schneider Electric protection et contrôle pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et la condamne à payer à la société La Languedocienne la somme de 428 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société La Languedocienne aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Schneider Electric protection et contrôle la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Schneider Electric protection et contrôle Le moyen reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR dit que la société AREVA T & D PROTECTION & CONTROLE, aux droits de laquelle vient la société SCHNEIDER ELECTRIC PROTECTION & CONTROLE, a engagé sa responsabilité, sur le fondement de l'article L.442-6, 5° du Code de commerce, en raison de la rupture brutale de la relation commerciale entretenue depuis 1993 avec la société LA LANGUEDOCIENNE et condamné la société SCHNEIDER ELECTRIC PROTECTION & CONTROLE, venant aux droits de la société AREVA T & D PROTECTION & CONTROLE, à payer à la société LA LANGUEDOCIENNE la somme de 428.000 ¿ à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice ; AUX MOTIFS QUE « l'article L.442-6 I (5°) du code de commerce dispose que tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers engage sa responsabilité s'il rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que ce texte a vocation à sanctionner la rupture brutale d'une relation commerciale établie, intervenue sans motif légitime de la part de son auteur, qui engage ainsi sa responsabilité sur un fondement délictuel à l'égard du cocontractant auquel la rupture cause un préjudice, même si un préavis prévu contractuellement a été respecté, dès lors que celui-ci est jugé insuffisant ; il importe peu, pour son application, que le contrat, dans lequel s'inscrit la relation, a été conclu pour une durée déterminée, stipulée renouvelable tacitement ou par l'effet d'un accord express, du moment que la relation entretenue entre les parties est stable ; qu'au cas d'espèce, le fait qu'à compter du 1er novembre 2002, le contrat de partenariat conclu entre la société Gec Alsthom et la société La Languedocienne l'ait été pour une durée de deux ans et que son renouvellement éventuel, par périodes annuelles, ait été soumis à un accord express et écrit des parties, n'a pas pour effet d'exclure l'application de l'article L.442-61 (5°) susvisé ; que force est, en effet, de constater que malgré les modifications apportées aux conditions de durée et de renouvellement du contrat, les parties ont entretenu une relation commerciale, sans interruption, pendant plus de quinze ans et que cette relation a évolué au fil du temps vers un accroissement des tâches confiées à la société La Languedocienne, chargée à compter de novembre 2002 de la gestion du stock et des expéditions, ainsi que de la sous-traitance logistique, en plus de l'emballage et du conditionnement des produits de la société Gec Alsthom ; que le chiffre d'affaires réalisé par la société La Languedocienne, dans le cadre de ses relations avec la société Gec Alsthom devenue la société Areva, s'est toujours maintenu, de 1993 à 2007, entre 30 et 49% de son chiffre d'affaires total selon les renseignements fournis par le cabinet d'expertise comptable « Axiome Alpha » ; qu'en outre, pour l'exécution des prestations qui lui étaient confiées, la société La Languedocienne a dû réaliser divers investissements tels l'achat de logiciels spécifiques conçus et développés pour répondre à la demande de son partenaire et l'installation d'un dispositif de régulation de température et d'humidité pour l'équipement d'une salle de stockage à empoussièrement limité ; que ces éléments sont de nature à établir que les parties avaient inscrit leur relation dans la durée, alors que les prestations, qui en l'objet, étaient par nature pérennes ; qu'à défaut d'usages reconnus ou d'accords professionnels, la durée du préavis de rupture doit être appréciée eu égard aux circonstances ; qu'il a déjà été indiqué que le respect du préavis contractuel - six mois en l'occurrence - n'a pas pour effet d'exonérer l'auteur de la rupture de la responsabilité délictuelle, qu'il est susceptible d'encourir sur le fondement de l'article L.442-6 I (5°) ; que la société Areva venant aux droits de la société Gec Alsthom n'est pas davantage fondée à soutenir que la société La Languedocienne ne pouvait bénéficier d'un préavis supérieur à six mois, au motif que le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, prévoit un délai de préavis maximum de trois mois lorsque la relation a duré un an et plus ; que la stabilité, du moins apparente, dans laquelle se trouvait installée la relation commerciale entre les parties, que caractérisent plus de 15 années d'une collaboration ininterrompue, un volume d'affaires significatif, de l'ordre de 30 % du chiffre global, et l'existence d'investissements spécifiques, justifiait que soit accordé à la société La Languedocienne un préavis de 18 mois, que celle-ci aurait pu mettre à profit pour réorganiser son entreprise et trouver de nouveaux marchés ; que, contrairement à ce que soutient la société Areva, le préavis, dont a bénéficié la société La Languedocienne, n'a pas été de neuf mois, puisqu'elle s'est bornée à informer son partenaire, notamment par courriels des 15 et 22 février 2008, qu'elle allait recourir à un appel d'offres, mais n'a pris l'initiative de résilier le contrat de partenariat que par courrier recommandé du 30 mai 2008, à effet du 30 novembre suivant ; que le point de départ du préavis est donc la date à laquelle la société La Languedocienne a été effectivement informée de la rupture du contrat ; qu'ayant ainsi bénéficié d'un préavis de six mois, insuffisant eu égard aux circonstances, la société La Languedocienne a donc subi un préjudice, qui correspond à la marge commerciale brute dont elle a été privée durant le reliquat de préavis de douze mois qui aurait dû lui être accordé et au cours duquel son activité de prestataire pour le compte de la société Areva aurait dû être poursuivie ¿ » ; 1°/ ALORS, d'une part, QUE le cocontractant qui décide de ne pas renouveler un contrat à durée déterminée arrivé à son terme n'engage pas sa responsabilité au titre de l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt (p. 2) que, par un nouvel avenant du 25 janvier 2005, il a été convenu de la reconduction du contrat de partenariat pour une durée ferme d'un an à compter du 30 octobre 2004 ; qu'en décidant cependant que la société LA LANGUEDOCIENNE devait bénéficier d'un préavis de 18 mois, la Cour d'appel a violé l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°/ ALORS, d'autre, QUE (subsidiaire) que le cocontractant qui décide de rompre une relation commerciale établie ne saurait ne peut être tenu au respect d'un délai de préavis supérieur à la durée du contrat qui le lie à l'autre partie ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt (p. 2) que, par un nouvel avenant du 25 janvier 2005, il a été convenu de la reconduction du contrat de partenariat pour une durée ferme d'un an à compter du 30 octobre 2004 ; que, dans ses écritures d'appel, la société SCHNEIDER ELECTRIC PROTECTION & CONTROLE avait soutenu qu'elle ne pouvait être tenue au respect d'un délai de préavis supérieur à la durée du contrat qu'elle avait décidé de refuser de renouveler, soit un an ; que la société LA LANGUEDOCIENNE devait bénéficier d'un préavis de 18 mois, la Cour d'appel a violé l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce ; 3°/ ALORS, de troisième part, QUE (subsidiaire) l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la LOTI régit les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport ; qu'aux termes de l'article 12.2 du décret n°2003-1295 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société LA LANGUEDOCIENNE était chargée à compter de novembre 2002 de la gestion du stock et des expéditions, ainsi que de la sous-traitance logistique, en plus de l'emballage et du conditionnement des produits de la société GEC ALSTHOM ; qu'en énonçant cependant que la société SCHNEIDER ELECTRIC PROTECTION & CONTROLE n'est pas davantage fondée à soutenir que la société LA LANGUEDOCIENNE ne pouvait bénéficier d'un préavis supérieur à six mois, au motif que le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, prévoit un délai de préavis maximum de trois mois lorsque la relation a duré un an et plus, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; 4°/ ALORS, enfin, QUE (subsidiaire), l'auteur de la rupture d'une relation commerciale, s'il est tenu de respecter un préavis, n'a pas à notifier par écrit sa décision de rompre le contrat ; qu'il suffit que le partenaire commerciale ait pu savoir que la relation commerciale allait être rompu ; que la Cour d'appel a retenu que contrairement à ce que soutient la société AREVA, le préavis, dont a bénéficié la société LA LANGUEDOCIENNE, n'a pas été de neuf mois, puisqu'elle s'est bornée à informer son partenaire, notamment par courriels des 15 et 22 février 2008, qu'elle allait recourir à un appel d'offres, mais n'a pris l'initiative de résilier le contrat de partenariat que par courrier recommandé du 30 mai 2008, à effet du 30 novembre suivant, de sorte que le point de départ du préavis est donc la date à laquelle la société LA LANGUEDOCIENNE a été effectivement informée de la rupture du contrat ; qu'il se déduisait de ces constations que la société AREVA avait manifesté son intention de rupture et ainsi fait courir un préavis dont la durée devait s'imputer sur celle du préavis jugé nécessaire ; qu'en décidant cependant d'accorder à la société LA LANGUEDOCIENNE un préavis de 18 mois, la Cour d'appel a violé l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.