CJUE, Conclusions de l'avocat général La Pergola, 4 mai 1995, 2274/87
Mots clés
requérant · assurance · règlement · communautaire · commission · paragraphe · maladie · renvoi · statut · prestations · rapport · pourvoi · équivalence · critère · sécurité sociale
Synthèse
Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 2274/87
Date de dépôt : 06 septembre 1993
Titre : Pourvoi - Article 4, paragraphes 4 et 6, du règlement (Euratom, CECA, CEE) nº 2274/87 - Fixation de l'indemnité prévue au paragraphe 1 du même article - Exclusion du régime commun de couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes.
Rapporteur : Moitinho de Almeida
Avocat général : La Pergola
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1995:115
Texte
Avis juridique important
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61993C0396
Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 4 mai 1995. - Helmut Henrichs contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Article 4, paragraphes 4 et 6, du règlement (Euratom, CECA, CEE) nº 2274/87 - Fixation de l'indemnité prévue au paragraphe 1 du même article - Exclusion du régime commun de couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes. - Affaire C-396/93 P.
Recueil de jurisprudence 1995 page I-02611
Conclusions de l'avocat général
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Introduction
1 Par le pourvoi précité, M. Henrichs, ex-agent temporaire de la Commission des Communautés européennes et actuellement fonctionnaire en Allemagne auprès du ministère fédéral de la Recherche et de la Technologie, a attaqué l'arrêt du Tribunal de première instance du 24 juin 1993 rendu dans l'affaire T-92/91 (Rec. p. II-611), et a demandé à la Cour d'annuler les décisions adoptées par la Commission le 25 avril et le 3 mai 1991 sur la base du règlement (Euratom, CECA,CEE) n_ 2274/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, instituant des mesures particulières de cessation des fonctions d'agents temporaires des Communautés européennes (1) (ci-après le «règlement»). Le requérant a aussi demandé à la Cour de condamner la défenderesse à des dommages-intérêts ainsi qu'aux dépens à la fois de première instance et de la présente procédure.
2 S'agissant d'un pourvoi qui, en application de l'article 51 du protocole sur le statut CEE de la Cour de justice, est limité aux questions de droit, nous renvoyons, pour la description des faits, intégralement à l'arrêt du Tribunal, du reste non susceptible de recours, sous cet angle, devant la Cour.
3 Le requérant développe de manière distincte ses arguments relatifs à chacune des décisions attaquées. Nous formulerons nos conclusions en tenant compte de l'ordre suivi dans le pourvoi.
La décision du 25 avril 1991
Le défaut de motivation
4 Dans le premier moyen qu'il invoque contre l'arrêt du Tribunal en ce qui concerne la demande d'annulation de la décision de la Commission du 25 avril 1991, le requérant fait valoir que cette décision n'est pas motivée. Toutes les allégations du requérant portent cependant sur des éléments de fait: elles concernent en effet l'ignorance de sa part des données sur lesquelles fonder son analyse du bulletin de salaire. Or elles ne peuvent servir de base à un pourvoi, étant donné les dispositions péremptoires de l'article 51 du statut CEE de la Cour de justice.
5 Il y a en outre et en tout état de cause lieu de relever que le requérant s'est borné à reprendre les arguments déjà exposés en première instance, en violation du principe, maintes fois énoncé par la Cour, selon lequel «un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt du Tribunal dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande» (2). La Cour a également précisé dans sa jurisprudence qu'«un pourvoi qui se limite à reproduire les moyens et arguments qui ont déjà été présentés en première instance ... constitue en réalité une demande visant à obtenir un réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour» (3).
6 Pour ces motifs, nous estimons que le premier moyen invoqué par le requérant doit être rejeté comme étant irrecevable.
La prétendue violation de l'article 4, paragraphe 4, du règlement
7 Le deuxième moyen du requérant relatif à la décision de la Commission du 25 avril 1991 concerne la violation de la part de cette dernière de l'article 4, paragraphe 4, du règlement visé. Cet article est rédigé en ces termes:
«Le montant des revenus bruts perçus par l'intéressé dans ses nouvelles fonctions vient en déduction de l'indemnité prévue au paragraphe 1, dans la mesure où ces revenus, cumulés avec cette indemnité, dépassent la dernière rémunération globale brute du bénéficiaire établie sur la base du tableau des traitements en vigueur le premier jour du mois pour lequel l'indemnité est à liquider. Cette rémunération est affectée du coefficient correcteur visé au paragraphe 3.
Les revenus bruts et la dernière rémunération globale brute visés au premier alinéa s'entendent comme étant des montants pris en compte après déduction des charges sociales et avant déduction de l'impôt.
L'intéressé est tenu de fournir les preuves écrites qui peuvent être exigées et de notifier à l'institution tout élément susceptible de modifier ses droits à l'indemnité.»
De l'avis du requérant, dans son calcul du montant de la rémunération perçue par lui comme fonctionnaire en Allemagne, la Commission n'a pas opéré les déductions prévues. Le montant de la rémunération considérée par la Commission comme étant le «revenu brut» excède donc selon lui celui à prendre en considération aux fins de l'article 4, paragraphe 4, du règlement visé.
8 Accueillant la thèse de la Commission, le Tribunal a estimé que ce moyen de recours n'est pas fondé. Le requérant critique maintenant cette position en avançant différents arguments: le Tribunal a selon lui avant tout omis de se prononcer sur ce que le règlement entend par les «revenus bruts» dont il convient de déduire les «charges sociales»; il a en outre attribué aux notions de revenus et de charges, telles qu'elles figurent dans la réglementation communautaire, une valeur différente de celle qui résulte du droit allemand; enfin, il n'a pas tenu compte de la pratique suivie par la Commission dans l'application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement.
Les arguments ainsi avancés résultent en définitive de l'idée que la Commission n'a pas déterminé ni appliqué correctement les notions de revenus et de charges sociales, telles qu'elles devraient être entendues par référence aux dispositions du droit allemand. Il convient à notre avis de s'arrêter sur ce point.
9 Plus précisément, le requérant soutient que le régime de couverture sociale en vigueur dans le sytème juridique allemand, qui le concerne en qualité de fonctionnaire d'État, s'inspire, d'après son économie, d'un principe d'«alimentation»: l'État-employeur verse au fonctionnaire à la fois une somme destinée à couvrir en partie le coût de l'affiliation à l'assurance maladie et une aide spéciale, appelée «Beihilfe», destinée à couvrir, toujours en partie, les frais médicaux du fonctionnaire. Les montants afférents à l'un et à l'autre postes, une fois identifiés, devraient être considérés comme des charges sociales et donc déduits de la rémunération de l'intéressé. Ainsi, en l'espèce, il s'agirait d'une charge sociale, déductible comme telle au sens du règlement, dont il doit verser le montant à un organisme de sécurité sociale pour que sa famille et lui bénéficient d'une assurance maladie: et cela même s'il ne s'agit pas de montants expressément et ponctuellement indiqués sur le bulletin de salaire avec leur motif, ou que l'intéressé doit de son côté quantifier ou prouver avoir versés.
Ce n'est qu'en appliquant un tel critère que l'on parviendrait à déterminer le montant correct des revenus bruts à prendre en considération aux fins de l'article 4, paragraphe 4, du règlement.
10 La Commission oppose à cela, dans son mémoire en réponse, une interprétation différente des postes dont le requérant demande la déduction de sa rémunération brute. Elle allègue précisément que les prestations à titre de charges sociales doivent être considérées comme déduites à l'origine par l'État allemand en sa qualité d'employeur. Par ailleurs, quantifier de telles charges est une opération très difficile, ainsi que l'a admis le requérant lui-même. Les montants en question seraient donc supposés être déjà déduits, mais dans une mesure impossible à définir concrètement. Dès lors que, pour cette raison aussi, les charges en question ne figurent pas sur le bulletin de salaire, elles ne peuvent, affirme la Commission, faire l'objet d'autres déductions. Il en résulte que la thèse du requérant est dénuée de fondement.
11 La question de droit, qui est ici soumise à la Cour, concerne donc la signification des notions à appliquer au traitement du requérant: et aux fins du présent litige, il suffit d'examiner parmi ces notions celle qui est relative aux charges sociales. Le règlement distingue, en effet, ces charges des charges fiscales en établissant qu'elles ont une incidence différente sur les revenus bruts.
12 Le requérant critique l'arrêt du Tribunal en invoquant la mauvaise définition juridique des notions en question que donne la Commission et que confirme le Tribunal, dans la mesure où ces notions sont pertinentes pour l'application du règlement.
Pour être plus précis, il est utile de souligner que, toujours de l'avis du requérant, le Tribunal a fait une interprétation erronée des dispositions applicables en ce qu'il a attribué aux charges concernées une signification différente de celle qui résulte du droit allemand.
13 Le problème ainsi soumis à la Cour est donc de vérifier si l'article 4, paragraphe 4, du règlement a, aux fins du présent litige, renvoyé au droit national - dans notre cas, au droit allemand - et avec quels résultats.
14 Au point 22 de son arrêt, le Tribunal a seulement effleuré le problème, mais, en se référant à un autre arrêt qu'il a rendu dans l'affaire Khouri/Commission (4), il a résolu la question de savoir s'il peut connaître d'une disposition nationale et de l'application qui en est faite par l'autorité communautaire, lorsqu'une disposition communautaire est tributaire d'une disposition nationale. S'agissant du cas d'espèce, le Tribunal s'est en effet reconnu compétent pour examiner les arguments invoqués par le requérant à l'appui du fait que la Commission a méconnu ou mal compris les dispositions applicables du droit allemand.
15 Cet arrêt Khouri/Commission contient au point 32 d'autres affirmations qui méritent d'être rappelées ici.
Dans cet arrêt, le Tribunal a repris une opinion que la Cour avait exprimée en ces termes dans l'affaire Ekro (5): «Il découle des exigences tant de l'application uniforme du droit communautaire que du principe d'égalité que les termes d'une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause.»
Après avoir rappelé la jurisprudence Ekro, le Tribunal a toutefois estimé devoir en outre préciser de la manière suivante comment peut s'effectuer le renvoi du droit communautaire au droit national: «Le Tribunal considère cependant que, en l'absence d'un renvoi exprès, l'application du droit communautaire peut impliquer, le cas échéant, une référence au droit des États membres lorsque le juge communautaire ne peut déceler dans le droit communautaire ou dans les principes généraux du droit communautaire les éléments lui permettant d'en préciser le contenu et la portée par une interprétation autonome.»
16 Les précisions que nous donne cet arrêt du Tribunal constituent à notre avis une contribution claire et utile à la solution du problème du renvoi, tel qu'il se pose dans notre cas.
Le critère énoncé par le juge de première instance est clair: l'application du droit communautaire peut comporter une référence au droit national, même sans renvoi exprès, une fois exclue la possibilité de définir sur la base du droit communautaire et de ses principes généraux le contenu et la portée de la règle à appliquer.
Examinons le cas d'espèce. Nous sommes pour notre part d'avis que pour l'interprète le problème ne se pose pas non plus de comprendre les dispositions de l'article 4, paragraphe 4, du règlement - bien entendu de manière limitée aux effets qui importent ici - en prenant en considération le contexte des critères d'interprétation que l'on peut déduire du système, ou des principes généraux, du droit communautaire.
Dans la disposition qui régit le cas d'espèce, le renvoi au droit national n'est pas exprès, mais est certainement inhérent à la ratio legis: il s'agit donc d'un renvoi plus imposé qu'autorisé par les finalités poursuivies par le législateur communautaire. Nous n'avons en réalité pas affaire à une disposition destinée à harmoniser le régime de la matière régie au niveau national, à éliminer ou à réduire les divergences entre les différentes réglementations en vigueur. L'article 4, paragraphe 4, n'a pas non plus demandé aux États membres de rendre le traitement des intéressés conforme à un critère que l'on puisse retrouver dans l'ordre juridique communautaire. Il s'agit au contraire d'une règle qui, édictée spécifiquement pour les fonctionnaires communautaires qui ont cessé leur activité, se borne à prendre comme base pour son application les dispositions, quelles qu'elles soient, prévues par le droit applicable dans chaque cas afin de déterminer les revenus et les charges sociales découlant de l'exercice des nouvelles fonctions ou activités exercées par l'ex-fonctionnaire.
Ce faisant le législateur communautaire savait du reste qu'il se référait à des critères qui peuvent varier d'un ordre juridique à l'autre, et qui de fait varient, selon les choix de politique législative, sous-jacents dans chaque régime à la détermination du revenu et des charges, qui doivent être déduites de ce dernier. Le règlement examiné a donc été adopté dans l'idée évidente qu'il n'était pas opportun d'interférer dans le pouvoir d'appréciation normatif laissé aux législateurs nationaux, et donc dans l'appréciation des solutions prévues par les législations auxquelles il renvoie. Le renvoi se présente comme on l'a vu: on a voulu en définitive reconnaître, ou supposer, qu'il appartient à chaque ordre juridique national de définir un rapport équitable et raisonnable entre revenus et charges sociales. La différence de traitement des ex-fonctionaires au niveau communautaire qui peut résulter de cette solution, en raison du lieu où ceux-ci exercent leurs nouvelles fonctions, est donc due aux dispositions du droit interne, dans lesquelles la réglementation communautaire ne veut pas interférer.
17 Il faut par conséquent, en l'espèce, vérifier si le droit allemand prévoit des charges sociales et comment il en détermine le montant par rapport aux revenus bruts.
Or, le Tribunal a constaté qu'il résulte du bulletin de salaire du requérant qu'aucune partie de la rétribution qu'il perçoit n'est affectée à l'acquittement de charges de ce type. Il s'agit là d'une appréciation de fait, qui n'est comme telle pas susceptible d'être contestée dans le cadre de la présente procédure. Pour conclure en droit que l'ordre juridique allemand ne prévoit pas de charges sociales déductibles des revenus bruts de l'intéressé au sens du règlement, on peut s'appuyer, en tout état de cause, sur la considération selon laquelle l'interprète appelé à appliquer la disposition communautaire ne peut pas donner sa propre version du traitement versé au requérant, décomposant ou recomposant à partir d'hypothèses les différentes lignes de revenus, de manière différente de celle attestée par le bulletin de salaire: une telle opération herméneutique s'écarterait de la compétence de la Commission et du juge, auquel il appartient de contrôler la décision de ce dernier organe.
Le renvoi au droit national, dans les termes précisés ci-dessus, empêche d'autre part - il est à peine nécessaire de le dire - que le bulletin de salaire soit évalué à partir d'une notion de revenu et de charge sociale que la Cour soit éventuellement en mesure de tirer du système juridique communautaire.
A cela s'ajoute que le requérant n'a prouvé avoir versé - conformément au principe onus probandi incumbit ei qui dicit et aux dispositions de l'article 4, dernier paragraphe, du règlement - aucun montant qui résulte du bulletin de salaire ni aucune autre somme ou cotisation à quelque titre que ce soit, imposés par l'ordre juridique pour pouvoir jouir en tant que fonctionnaire d'État du système de protection sociale prévu par le droit allemand. Les arguments avancés par le requérant à l'appui du caractère erroné de l'affirmation du juge de première instance, selon laquelle le versement de prétendues charges sociales n'était pas prouvé, sont irrecevables dans le cadre du pourvoi puisqu'ils ont trait à des faits établis par le Tribunal.
Les motifs exposés ci-dessus confirment donc le caractère non fondé du moyen tiré de la violation de l'article 4, paragraphe 4, du règlement pour non-déduction des charges sociales.
La prétendue absence de prise en considération de l'article 8 de la Bundesbesoldungsgesetz
18 Le requérant soutient que la Commission aurait dû tenir compte de la possible réduction de sa rémunération prévue par l'article 8 de la Bundesbesoldungsgesetz (BBesG). Le Tribunal aurait à son tour eu tort de ne pas tenir compte des éventuelles conséquences préjudiciables découlant de la disposition précitée, ou du préjudice qui pourrait lui être causé par l'application de la disposition analogue de l'article 56 de la Beamtenversorgungsgesetz (BeamtVG).
La Commission répond que la question soulevée par ce moyen est prématurée, la réduction attendue par le requérant n'ayant pas encore été opérée par les autorités allemandes à la date de la décision attaquée et ne résultant effectivement pas du bulletin de salaire. La Commission précise en outre que, dans l'éventualité où une telle retenue serait effectuée par les autorités nationales, elle tiendrait compte de la diminution conséquente du revenu de l'intéressé dans le cadre de l'application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement. En ce qui concerne l'article 56 de la BeamtVG, la Commission réplique que cette disposition ne pourrait s'appliquer que dans le cas, pas encore actuel, où le requérant bénéficierait en Allemagne d'une pension.
19 Il y a lieu à cet égard de se rallier à la position défendue par la Commission. Il est évident que ce moyen ne peut pas être accueilli puisqu'il concerne le non-respect seulement éventuel du règlement communautaire à appliquer. A la date de l'introduction du recours, l'administration allemande n'avait encore effectué aucune retenue et on ne pouvait pas prévoir si et quand elle le ferait. Si donc la réduction salariale en question devait avoir lieu et que la Commission, comme elle l'a déclaré, tenait correctement compte de la nouvelle rémunération, il n'y aurait pas d'atteinte au droit communautaire.
20 Le cas d'espèce ainsi posé, il est difficile de saisir le fondement de la question de savoir si la situation salariale invoquée par le requérant sera ou non prise en considération pour déterminer le montant de l'indemnité qui lui est due en application du règlement. La Cour ne peut pas se prononcer maintenant sur cette question, elle ne le pourra que lorsque les autorités allemandes auront concrètement procédé à la réduction envisagée et que la Commission aura, pour sa part, omis de revoir le traitement de l'intéressé conformément aux prescriptions du droit national applicable. Seul un tel comportement éventuel de la Commission peut concrétiser l'infraction à l'article 4 du règlement sous l'angle ici considéré et faire l'objet du contrôle de légalité réservé à la Cour.
Le moyen invoqué par le requérant n'est donc pas fondé.
Le prétendu défaut d'interprétation finaliste du règlement
21 Le requérant soutient en outre que la Commission n'a pas correctement appliqué l'article 4, paragraphe 4, en ne lui donnant pas une interprétation «finaliste», c'est-à-dire en ne l'interprétant pas conformément aux objectifs qu'à son avis le législateur a entendu poursuivre.
Selon lui, si la Commission avait adopté le critère herméneutique qu'il invoque, elle aurait dû tenir compte, aux fins du calcul prévu à l'article 4, paragraphe 4, du traitement fiscal différent auquel sa rémunération est soumise au niveau national, par rapport au régime fiscal communautaire. Le règlement viserait en outre à assurer au bénéficiaire de l'indemnité une rémunération qui ne soit pas inférieure au traitement antérieurement perçu en qualité de fonctionnaire communautaire. Le Tribunal aurait à son tour eu tort d'exclure le fait que la progressivité de l'imposition nationale puisse avoir une incidence sur la solution du cas d'espèce.
La Commission fait à cet égard remarquer que les dispositions de l'article 4, paragraphe 4, régissent intégralement ses pouvoirs de détermination de la rémunération brute à prendre en considération. Elle affirme n'être investie d'aucune compétence pour procéder à une uniformisation fiscale des traitements au niveau national, d'ailleurs explicitement exclue par cet article.
22 Même si on voulait en l'espèce donner au règlement une interprétation finaliste, le résultat ne serait certainement pas celui que le requérant avance. On pourrait tout au plus convenir que, en prévoyant le régime de l'indemnité, le législateur communautaire a voulu garantir au bénéficiaire un certain niveau de rétribution sans possibilité d'y déroger. Ce que le requérant ne prend pas en considération est que le mode de calcul du montant de cette rémunération est défini par le même règlement. S'il est en effet prévu que l'indemnité et les nouveaux revenus sont cumulables, ce cumul n'est admis, selon les dispositions expresses de l'article 4, que dans les limites de la dernière rétribution versée au requérant comme fonctionnaire communautaire et toujours à la condition de déterminer sans tenir compte de l'imposition fiscale le montant du traitement maximum admis, en tenant compte de l'un ou l'autre poste pouvant se cumuler.
Nous estimons donc qu'il convient d'adhérer au point de vue défendu par la Commission. Le moyen avancé par le requérant n'est pas fondé.
La décision du 3 mai 1991
23 L'article 4, paragraphe 6, du règlement visé dispose:
«Le bénéficiaire de l'indemnité a droit, pour lui-même et les personnes assurées de son chef, aux prestations garanties par le régime de sécurité sociale prévu à l'article 72 du statut, sous réserve qu'il verse la cotisation y afférente, calculée sur la base du montant de l'indemnité visée au paragraphe 1 et qu'il ne soit pas couvert par une autre assurance maladie, légale ou réglementaire.»
La Commission a adopté sur la base de cette disposition la décision qui exclut le requérant du bénéfice de l'assurance maladie communautaire, assimilant les prestations fournies par la «Beihilfe» à celles d'un régime d'assurance maladie légal ou réglementaire.
Le prétendu défaut de motivation
24 Le requérant invoque d'abord le défaut de motivation de la décision litigieuse. Un premier moyen est tiré de ce que la mesure prise à l'égard du requérant se borne à reproduire le texte de l'article 4, paragraphe 6, du règlement, sans préciser ni indiquer le motif pour lequel cette disposition a été appliquée en l'espèce.
25 La Commission objecte que sa référence à l'équivalence entre les prestations de la «Beihilfe» et celles du régime communautaire d'assurance maladie constitue une motivation suffisante.
26 Comme l'affirme l'arrêt attaqué, la question, ainsi posée, porte en substance sur le fond plutôt que sur la carence de la motivation. Nous estimons nous aussi que la mesure examinée est suffisamment motivée. La motivation résulte de l'appréciation d'équivalence, à laquelle, en adoptant la décision attaquée, la Commission s'est expressément référée. Savoir ensuite si cette appréciation est justifiée en droit est une autre question, qui suppose l'existence d'une motivation et en concerne le fond.
Nous concluons donc au rejet de ce moyen.
27 Toujours en ce qui concerne le prétendu défaut de motivation, le requérant soutient, en outre, que la mesure attaquée le laisse dans l'incertitude sur sa situation juridique et ne lui permet pas de la connaître. La Commission aurait, par ailleurs, fait la promesse, sans s'y tenir, de réexaminer et de préciser les questions liées à cette situation. Ce moyen n'est pas davantage fondé. Comme le fait observer la Commission, la mesure adoptée en l'espèce est une décision, obligatoire en application de l'article 189 du traité CEE. Il s'agit donc d'un acte qui, de par les effets qui lui sont reconnus, apparaît pleinement propre à rendre certaine la situation juridique de l'intéressé, lequel a été et reste à ce jour certainement exclu de l'affiliation au régime social prévu dans le règlement. D'autre part, le dispositif de la décision examinée a ouvert au requérant l'accès aux voies de recours juridictionnelles, dont il a effectivement fait usage. La sécurité et la protection de sa situation subjective n'ont donc pas été affectées.
Enfin, les affirmations du requérant quant au réexamen des questions concernant son traitement ont trait à des données de fait et ne sont par conséquent pas recevables dans la présente procédure.
La prétendue violation de l'article 4, paragraphe 6, du règlement
28 Le Tribunal a exclu que le requérant puisse bénéficier de l'assurance maladie communautaire puisqu'il est couvert par le régime prévu pour les fonctionnaires par le droit allemand.
Le requérant fait valoir le caractère erroné des conclusions du juge de première instance. Les prestations garanties par le droit communautaire diffèrent selon lui sensiblement du type d'aide que le régime de la «Beihilfe» lui permet de recevoir; en l'absence d'équivalence entre les deux régimes sociaux en question, aucun élément ne permet de lui refuser le droit aux prestations sociales prévues par l'article 4, paragraphe 6.
En l'espèce, on ne pourrait pas non plus appliquer par analogie le critère énoncé par la Cour dans l'arrêt Kontogeorgis/Commission (6). Dans cette affaire, affirme le requérant, la Cour a exclu du bénéfice du régime social communautaire toute personne qui, en relation avec le risque maladie, peut bénéficier d'une autre couverture sociale complète, tandis que l'aide accordée au fonctionnaire allemand par le biais du système de la «Beihilfe» n'a pas cette nature. Les motifs ainsi invoqués entraîneraient l'annulation de la décision attaquée.
La défenderesse répond à cela qu'elle a adopté la mesure en question sur la base de l'équivalence en substance entre la «Beihilfe» et le régime social communautaire. La couverture sociale dont le requérant dispose selon le régime national, et qui entraîne son exclusion de la caisse de maladie communautaire, serait toutefois à évaluer, ainsi qu'il résulte de l'arrêt Kontogeorgis, indépendamment du taux effectif de remboursement des différentes prestations: il n'est ni dans la lettre ni dans l'esprit de l'article 4, paragraphe 6, estime la Commission, qu'il doive s'agir d'une couverture totale.
29 L'examen du présent moyen de recours exige que l'on examine en premier lieu comment l'article 4, paragraphe 6, définit le droit revendiqué par le requérant.
Ce droit, reconnu au bénéficiaire de l'indemnité et aux autres personnes assurées par son intermédiaire, consiste à jouir du régime social prévu par l'article 72 du statut des fonctionnaires communautaires. Le droit de l'ex-fonctionnaire aux prestations sociales se rattache au droit à l'indemnité et résulte du traitement garanti également à toute personne n'étant plus en service actif. L'article 4, paragraphe 6, contient, toutefois, deux dispositions: la première étend de manière générale au bénéficiaire de l'indemnité le régime prévu par le statut; la seconde déroge à cette disposition dans le cas où l'intéressé est couvert par un autre régime, légal ou réglementaire, d'assurance maladie. Le fonctionnaire qui bénéficie du régime statutaire a droit à un niveau maximum garanti de prestations; s'il est couvert par un autre régime dont les prestations sont de niveau inférieur, il a droit au montant correspondant à la différence entre le niveau de cet autre régime et celui prévu par le statut. Le bénéficiaire de l'indemnité ne peut en revanche bénéficier que d'un seul régime social: quand il est couvert par ailleurs, il est privé du droit de se voir appliquer les dispositions statutaires. La disposition qui déroge dans cette dernière hypothèse au régime commun de l'article 72 du statut est destinée à exclure le droit de l'ex-fonctionnaire à recevoir le même traitement que le fonctionnaire encore en service, et doit donc être interprétée selon les principes qui s'appliquent aux dispositions qui limitent des droits.
30 Précisons tout de suite ce qu'implique le point de vue que nous proposons. Il existe un premier critère, à notre avis inéluctable, de lecture de l'article 4, paragraphe 6. Il convient d'admettre que, en reconnaissant au bénéficiaire le droit au régime statutaire, le législateur communautaire a voulu lui refuser le bénéfice d'un tel régime uniquement en présence d'un régime social équivalent, et non pas de n'importe quelle couverture sociale. Le fait qu'une telle équivalence doit exister est le fondement implicite mais clair de la disposition à appliquer. L'interprète doit nécessairement vérifier son existence dans le cas d'espèce avant d'exclure le bénéficiaire de l'indemnité des prestations qui lui sont sinon dues.
En effet, c'est à un certain critère d'équivalence que s'en remet la motivation de la mesure attaquée. La Commission a nié au requérant le droit de s'affilier à l'assurance maladie prévue par le régime commun parce que, par rapport à ce régime, la «Beihilfe», par laquelle il est couvert en droit allemand, constitue un régime légal de prestations qui sont «à la connaissance» de la Commission «comparables». Le jugement d'équivalence n'est formulé qu'en ces termes. Comme nous l'avons dit au point 26, il convient d'examiner si cette motivation est non seulement suffisante, mais aussi correcte. Tel est bien le point à éclaircir dans le cadre de l'interprétation de l'article 4, paragraphe 6. Le juge est appelé à préciser quel critère d'équivalence résulte de cette disposition aux fins du présent litige.
31 Le juge de première instance a estimé que la décision du 3 mai 1991 n'était pas critiquable sur la base d'une série d'appréciations que nous ne pensons pas pouvoir partager pour les raisons exposées ci-après.
32 Nous commençons par l'opinion selon laquelle la «Beihilfe» aurait les caractéristiques d'un régime «légal» au sens du règlement, parce que le mécanisme des prestations prévues est fondé sur un dispositif de droit public. Certes, un régime légal ou réglementaire d'assurance maladie doit tirer son origine d'un acte public émanant des organes investis de la fonction normative. Le présent litige concerne toutefois le statut et les droits des fonctionnaires, et la matière est toujours réservée, dans les systèmes actuels de l'État de droit, à la compétence du législateur. Il en est ainsi, en régime de constitution rigide, dans l'ordre juridique allemand. La loi fondamentale de Bonn comporte à cet égard les dispositions des articles 73, paragraphe 8, et 74a: les rapports entre l'État-employeur et les fonctionnaires, les formes d'assurance sociale dont ils peuvent bénéficier, relèvent du domaine qui doit être, et est effectivement, couvert par la loi. Cela ne signifie cependant pas que le législateur allemand a concrètement édicté un régime de sécurité sociale équivalent aux prescriptions de l'article 72 du statut. Aux fins de l'équivalence, il faut tenir compte non seulement de la qualification formelle de la source comme étant légale ou réglementaire, mais aussi du contenu normatif des dispositions qu'elle engendre, et qui définissent dans notre cas le régime applicable à la place du régime communautaire. L'importance du régime de fond examiné, ainsi que de son origine formelle, ou de sa source, a été du reste affirmée par la Cour dans d'autres affaires où il s'agissait de vérifier la violation alléguée du principe de non-discrimination ou d'établir si la pension de certains employés rentrait dans le cadre du rapport de travail plutôt que dans celui de la sécurité sociale. Nous nous référons au récent arrêt Beune (7), ainsi qu'à la jurisprudence Bilka (8) à laquelle cet arrêt renvoie.
33 Le Tribunal a reconnu dans notre cas la nécessité de prendre en considération le régime de fond de la «Beihilfe». Il a toutefois décidé de prendre pour critère les dispositions de ce régime en matière de taux et de plafonds de remboursement des frais médicaux et est parvenu à la conclusion que le niveau des prestations prévues est comparable à celui d'un système de sécurité sociale de droit commun. Le juge de première instance a ainsi assimilé le cas de la «Beihilfe» au «type commun», c'est-à-dire à une catégorie de réglementation de l'assurance maladie comprise par lui, sans autres explications à cet égard, dans le sens généralement admis, et auquel devrait être ramené tout régime légal ou réglementaire pouvant couvrir le bénéficiaire de l'indemnité au sens du règlement.
Mais le problème qui se pose est celui d'examiner l'équivalence entre la «Beihilfe» et, concrètement, le régime communautaire, et aucun autre. Le Tribunal se prononce sur cette question, ainsi précisée, uniquement pour conclure qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce par analogie l'arrêt Kontogeorgis. Cette affaire concernait une disposition analogue à l'article 4, paragraphe 6, régissant l'assurance maladie des ex-membres (de la Commission et des Cours communautaires: article 11 du règlement n_ 422/67/CEE, n_ 5/67/Euratom du Conseil, du 25 juillet 1967, portant fixation du régime pécuniaire du président et des membres de la Commission, du président, des juges, des avocats généraux et du greffier de la Cour de justice, JO 1967, 187, p. 1). Elle posait aussi un problème d'équivalence entre le régime social communautaire et le régime national applicable à l'intéressé, considérés comme des régimes s'excluant l'un l'autre dans le même sens que dans le cadre du présent litige.
Voyons, toutefois, à quel résultat on parvient en étendant à l'espèce les principes énoncés dans l'arrêt Kontogeorgis.
Dans cet arrêt, la Cour a établi que l'équivalence - précisément dans les termes dans lesquels il convenait de la considérer dans cette affaire et qui se présentent de manière analogue dans la nôtre - ne doit pas être comprise comme une référence au niveau des prestations, et aux conditions prévues pour les verser, à moins que cela soit explicitement prévu par les dispositions communautaires régissant l'espèce.
Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de clauses expresses de la teneur décrite, de sorte que l'interprète ne peut pas se substituer au législateur, qui de son côté n'a pas prévu d'équivalences précises entre les niveaux de couverture.
Le précédent jurisprudentiel invoqué par le Tribunal plaide donc justement dans le sens que, en attribuant une importance décisive sinon exclusive à l'équivalence dans le montant des prestations, l'arrêt attaqué s'est fondé sur un principe d'appréciation quantitative, auquel les dispositions régissant le cas d'espèce ne permettent pas de recourir.
34 Toutefois, pour les raisons déjà exposées, il y a en tout état de cause lieu de se prononcer sur l'équivalence.
La jurisprudence de la Cour montre que, dans un cas comme le nôtre, l'équivalence quantitative des prestations doit être appréciée par rapport aux dispositions expresses et précises du législateur, et non, pour ainsi dire, à une quelconque «rule of thumb», dont le juge veuille se servir, qui conduirait par la force des choses à des résultats approximatifs et discutables. D'autre part, il serait d'un formalisme vain d'empêcher l'ex-fonctionnaire de s'affilier à l'assurance communautaire uniquement parce qu'il perçoit des prestations maladie sur la base d'autres dispositions, de loi ou de rang secondaire, sans vérifier si et comment des dispositions de ce type peuvent équivaloir au régime prévu par l'article 72 du statut.
Si le critère suivi par le juge de première instance ne peut pas être accepté, il convient d'en définir un autre, qui soit adapté aux exigences de l'espèce: il doit donc s'agir d'une interprétation utile et raisonnable des conditions définies pour priver l'ex-fonctionnaire du droit aux prestations statutaires.
Or, à notre avis, sur la base d'une interprétation correcte de l'article 4, paragraphe 6, l'équivalence doit avant tout être appréciée en déterminant le critère de sécurité sociale qui caractérise le régime communautaire, et ensuite en contrôlant si l'autre régime, légal ou réglementaire, qui couvre le requérant en l'espèce, s'inspire de ce critère.
35 La caractéristique essentielle du régime communautaire est précisée dans l'article 72 du statut. Le fonctionnaire a droit à un certain niveau de prestations, selon un critère sous-jacent d'adéquation. Il ne s'agit pas de couverture totale, mais du niveau maximum compatible avec les exigences du budget, laissée à l'appréciation discrétionnaire du législateur communautaire. Le niveau ainsi prévu reste fixe - et dans ce sens il s'agit de prestations «garanties», comme le dit l'article 4, paragraphe 6 - indépendamment de la circonstance que l'intéressé jouisse d'un autre régime légal de couverture, ou même d'assurance privée. Face à un régime légal dont le niveau de prestations est inférieur à celui du régime communautaire, nous savons que l'assurance maladie de la Communauté sert à couvrir la différence par rapport à ce qui est statutairement prévu. Ainsi qu'il résulte du statut, et en particulier de ce qu'on appelle les dispositions anticumul, destinées à régir les cas de double couverture et prévues par l'article 72, paragraphe 4, le régime légal de l'assurance maladie remplit sa fonction sociale caractéristique par le biais d'un critère d'adéquation et de primarité (9). Quant à l'assurance privée, elle est considérée comme complémentaire par le régime de l'article 72, en ce sens qu'elle peut librement couvrir les dépenses non remboursables de l'assurance communautaire. Les prestations du régime communautaire s'adaptent donc en tout cas au niveau préétabli. La garantie offerte au fonctionnaire consiste, en définitive, à lui avoir reconnu le droit au taux maximum de remboursement consenti, par le biais d'un régime d'assurance doté d'un caractère de primarité et d'autosuffisance; l'adéquation de la couverture n'est pas rendue dépendante du concours d'autres formes ou sources d'assistance, et est fixée, une fois pour toute, par la prévision des limites dans lesquelles l'assurance communautaire défraie le fonctionnaire des dépenses de maladie.
36 Cela dit, il convient de vérifier si le régime de la «Beihilfe» est caractérisé par les critères de couverture mis en lumière par rapport au système communautaire. C'est ici l'article 79 de la BBG qui s'applique, en combinaison avec l'article 1er, paragraphe 1, des dispositions d'application y afférentes. La première de ces dispositions dispose que l'État-employeur protège l'intéressé dans son service et dans sa position de fonctionnaire et protège ses intérêts, ainsi que ceux de sa famille, même après la cessation de ses fonctions. Dans l'article 1er, paragraphe 1, des modalités d'application, il est précisé que la protection du fonctionnaire, prévue de manière générale par l'article 79, joue concrètement aux fins qui nous intéressent ici: par le biais, dit le législateur allemand, du versement d'«aides»; et ces aides «complètent», en cas de maladie (et de maternité, de décès, de mesures de médecine préventive et de vaccination) «la couverture privée, à la charge de la rémunération courante». Ce régime a donc un caractère complémentaire, vient s'ajouter mais non se substituer à l'assurance maladie normale, que le fonctionnaire est tenu de souscrire à ses propres frais. Ces modalités, typiquement complémentaires, de l'aide accordée au fonctionnaire pour rendre moins onéreuse la couverture du besoin essentiel que constitue les soins médicaux, sont ensuite régies par des dispositions d'application: la «Beihilfe» prend en charge la part qui lui revient des frais médicaux, sous réserve du seuil spécifique fixé pour son intervention, de manière limitative, au montant résiduel non remboursé par l'assurance maladie primaire. La «Beihilfe» - qui est de manière significative définie comme une aide, plutôt que comme un régime de sécurité sociale au sens propre du terme - constitue, en substance, une autre source dans laquelle le fonctionnaire peut puiser dans les cas définis par la loi. La fonction subsidiaire caractéristique du système s'explique aussi par la considération selon laquelle, étant donné les qualités de grand professionnalisme et d'indépendance attribuées à la fonction publique, le fonctionnaire a été assimilé au travailleur indépendant et on lui a reconnu une faculté de choix analogue pour la couverture du risque maladie. Le système de la «Beihilfe» s'adapte, en raison de son mode de conception, à cet aspect important de la position du fonctionnaire que l'article 79 de la BBG veut protéger. Le fonctionnaire est exclu du champ d'application du code de sécurité sociale mais couvert en contrepartie, en ce qui concerne les dépenses médicales, par le régime particulier des aides que nous avons rappelé.
37 Les considérations exposées démontrent que le régime communautaire et celui de la «Beihilfe», loin d'être équivalents, divergent incontestablement en raison des critères essentiels qui leur sont respectivement applicables: l'un est de manière caractéristique organisé comme un système primaire et autosuffisant d'assurance, l'autre, en revanche, comme une aide venant en complément de l'assurance privée. La conclusion à laquelle nous parvenons n'est par ailleurs pas contredite par le fait que la «Beihilfe» intervient aussi lorsque le fonctionnaire n'a pas prévu par lui-même de s'assurer pour le risque maladie, même si l'aide ainsi versée reste contenue dans les limites préétablies. La couverture fournie au fonctionnaire allemand n'a pas, pas même dans ce dernier cas, la nature d'une assurance maladie comparable au régime communautaire. Le législateur allemand la conçoit comme un moyen d'aide dans l'optique de ce qu'on appelle le principe «alimentaire», et non comme le remboursement adéquat des frais de maladie. Le régime d'intervention en faveur de toute personne qui ne bénéficie pas d'une autre assurance ne doit, par ailleurs, pas être considéré comme étant dissociable de l'ensemble du système de la «Beihilfe»: il ne constitue qu'une partie du cadre normatif; la logique du système est que la «Beihilfe», insuffisante lorsqu'elle opère indépendamment d'une autre couverture, atteint au contraire le résultat optimal de maximiser le remboursement des dépenses médicales supportées par le fonctionnaire seulement en présence, et à titre de complément, d'un régime social primaire. Le critère d'adéquation adopté par le législateur allemand ne peut alors être compris autrement que dans ce sens: l'intervention de la «Beihilfe» couvre les besoins de l'intéressé uniquement quand elle s'ajoute aux prestations découlant des autres formes d'assurance considérées, dans un tel système, comme primaires. Cela confirme qu'il s'agit d'un critère fondamentalement et sans méprise possible différent de celui prévu par l'article 72 du statut, qui garantit au fonctionnaire communautaire le niveau maximum de prestations, à titre autonome et primaire, même sans l'éventuelle présence d'autres moyens de couverture.
38 Rappelons, enfin, uniquement pour compléter par une autre interprétation les observations formulées jusqu'ici, la position adoptée par le gouvernement allemand et contenue dans le document n_ 7481 qui est une note «Point I/A du groupe `statut' au Comité des représentants permanents», que le requérant a produit après avoir introduit son pourvoi.
Il est dit dans cette déclaration que les prestations versées en cas de maladie au titre du régime applicable à la fonction publique en Allemagne («Beihilfe») ne sont pas des remboursements de frais au titre d'une assurance maladie obligatoire et qu'elles ne sauraient y être assimilées. Il en découle, d'après cette déclaration, que les prestations du régime d'assurance maladie des Communautés européennes sont prééminentes en raison du caractère subsidiaire du régime de la fonction publique allemande.
La Commission fait valoir qu'il s'agit d'une déclaration unilatérale et non contraignante. A notre avis, sous réserve du respect du principe iura novit curia, on peut toutefois y voir un document produit dans le cadre du devoir général de coopération des parties avec le juge en ce qui concerne tant la connaissance que l'interprétation d'une disposition appartenant, comme dans le cas d'espèce, à un ordre juridique différent de l'ordre juridique communautaire.
Selon la déclaration en question, le régime de la «Beihilfe» ne peut être qualifié de régime normatif d'assurance maladie. Il suffirait donc de souscrire à un tel point de vue pour conclure, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter d'autres arguments, que le requérant ne se trouve pas dans les conditions prévues par l'article 4, paragraphe 6, du règlement aux fins de son éventuelle exclusion de l'assurance maladie communautaire.
On arrive, du reste, au même résultat en suivant le raisonnement que nous avons développé plus haut, de quelque façon que l'on veuille qualifier le régime applicable au fonctionnaire dans l'ordre juridique allemand, ici considéré. Qu'il s'agisse ou non de prestations d'assurance au sens propre du terme, le remboursement des frais médicaux par le biais de la «Beihilfe» est seulement subsidiaire et complémentaire par rapport aux prestations provenant d'une autre assurance autonome et primaire. Il s'agit là de la donnée essentielle et objective du système allemand. La déclaration ne pouvait pas ne pas le reconnaître. En aucun cas, ce système ne revêt des caractéristiques équivalentes au régime communautaire, lequel prévoit, comme nous l'avons expliqué, des critères et garanties de couverture différents.
39 La Commission, en adoptant la décision attaquée, et le Tribunal, en la confirmant, n'ont pas correctement compris et appliqué le critère d'équivalence entre les deux régimes sociaux à comparer, parvenant ainsi de manière erronée à exclure le requérant de l'affiliation à l'assurance maladie communautaire.
Nous concluons, pour les raisons exposées ci-dessus, en ce sens qu'il y a lieu d'accueillir le moyen tiré de la violation de l'article 4, paragraphe 6. Comme des mesures d'instruction complémentaires ne sont pas nécessaires sur ce point puisqu'il s'agit d'une question de droit, nous estimons que le litige peut être tranché par la Cour, conformément aux dispositions de l'article 54 de son statut. Nous proposons donc que la décision du 3 mai 1991 soit annulée.
La demande de dommages-interêts
40 Le requérant demande en outre à la Cour de lui reconnaître le droit à la réparation du préjudice subi en raison du comportement de la défenderesse.
Puisque nous proposons de faire droit au recours du requérant uniquement sur le moyen invoqué à l'appui de l'annulation de la décision de la Commission du 3 mai 1991, à notre avis la demande présentement examinée doit être aussi appréciée uniquement en relation avec cette décision.
L'arrêt du Tribunal a rejeté le recours du requérant et jugé légales les mesures attaquées. La demande de réparation du préjudice subi soumise au juge de première instance ne pouvait donc pas être accueillie en raison de l'absence d'illégalité du comportement de la Commission. Partant de là, le Tribunal n'a donc pas examiné si la demande d'indemnisation était fondée, pas plus qu'il n'a examiné les éléments de fait motivant la prétention du requérant.
A notre avis, ces éléments de fait sont justement importants pour déterminer l'existence éventuelle et l'étendue du préjudice ainsi que la mesure dans laquelle il est imputable à la Commission. Nous estimons que la Cour ne dispose pas, en l'état actuel du dossier, des données suffisantes pour se prononcer en la matière. Ce point nécessite un approfondissement et nous proposons par conséquent d'en renvoyer l'examen au Tribunal.
Sur les dépens
41 Comme nous avons conclu sur le fond en proposant de renvoyer l'affaire au Tribunal afin qu'il examine la question des dommages-intérêts, il appartient au juge de renvoi, en application de l'article 122 du règlement de procédure de la Cour, de se prononcer sur les dépens.
Conclusions
Sur la base des considérations exposées ci-dessus, nous proposons à la Cour de:
- rejeter le pourvoi contre l'arrêt du Tribunal du 24 juin 1993 dans l'affaire T-92/91, en ce qui concerne les moyens relatifs à la décision de la Commission du 25 avril 1991;
- déclarer fondé le pourvoi contre l'arrêt du Tribunal du 24 juin 1993 dans l'affaire T-92/91, relativement aux moyens concernant la décision de la Commission du 3 mai 1991, et par conséquent casser sur ce point l'arrêt du Tribunal, ainsi que, en application de l'article 54 du statut CEE de la Cour de justice, annuler la décision de la Commission du 3 mai 1991;
- casser l'arrêt du Tribunal en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts;
- renvoyer l'affaire au Tribunal afin qu'il statue sur la demande de dommages-intérêts et sur les dépens.
(1) - JO L 209, p. 1.
(2) - Ordonnance du 26 avril 1993, Kupka-Floridi/CES (C-244/92 P, Rec.<"NOTE", Font = F2, Top Margin = 0.000 inches, Left Margin = 0.721 inches, Tab Origin = Column>p. I-2041). Ordonnance du 26 septembre 1994, X/Commission (C-26/94 P, Rec. p. I-4379).
(3) - Arrêt du 22 décembre 1993, Eppe/Commission (C-354/92 P, Rec. p. I-7027).
(4) - Arrêt du 18 décembre 1992, Khouri/Commission (T-85/91, Rec. p. II-2637).
(5) - Arrêt du 18 janvier 1984, Ekro (327/82, Rec. p. 107).
(6) - Arrêt du 12 décembre 1989, Kontogeorgis/Commission (C-163/88, Rec. p. 4189).
(7) - Arrêt du 28 septembre 1994, Beune (C-7/93, Rec. p. I-4471).
(8) - Arrêt du 13 mai 1986 (170/84, Rec. p. 1607).
(9) - La pratique en matière d'application de l'article 72, paragraphe 4, en ce qui concerne les fonctionnaires communautaires en service ou retraités qui bénéficient de la «Beihilfe» va, à notre connaissance, dans le sens de la non-application dans ce cas de la règle anticumul. Cette pratique tire son fondement logique du fait que le fonctionnaire ou le retraité communautaire est en tout état de cause tenu de verser l'intégralité de la cotisation à la caisse de maladie de sorte qu'il ne doit pas supporter une réduction des prestations communautaires et peut au contraire jouir pleinement des deux systèmes.