Cour d'appel de Versailles, Chambre 12, 8 septembre 2022, 21/07394

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    21/07394
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Nanterre, 9 novembre 2021
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/631ade67f575634f1371efc1
  • Président : Monsieur François THOMAS
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2022-09-08
Tribunal de commerce de Nanterre
2021-11-09

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 58D 12e chambre

ARRET

N° CONTRADICTOIRE DU 08 SEPTEMBRE 2022 N° RG 21/07394 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U4ME AFFAIRE : S.A. ALLIANZ IARD C/ SA GROUPE MECANIQUE DECOUPAGE - GMD ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE N° Chambre : 5 N° RG : 2021F01095 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Martine DUPUIS Me Anne-Laure DUMEAU RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A. ALLIANZ IARD RCS Nanterre n° 542 110 291 [Adresse 1] [Adresse 1] Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2167670 Représentant : Me HAM substituant à l'audience Me Antoine CHATAIN de l'AARPI Chatain & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R137 APPELANTE **************** SA GROUPE MECANIQUE DECOUPAGE - GMD RCS Nanterre n° 387 655 764 [Adresse 2] [Adresse 2] Société MOTOKOM [T] [F] 2123/72 MERDE (SLOVAQUIE) Représentées par Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42993 et Me Sabine LIEGES de la SELARL ASTON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0184 INTIMEES **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Madame Véronique MULLER, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire, Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT, EXPOSE DU LITIGE La société Groupe mécanique découpage (ci-dessous, la société GMD), spécialisée dans la production d'équipements automobiles, s'est développée à l'international notamment en Slovaquie par l'intermédiaire de sa filiale, la société Motokom, qui a pour activité l'emboutissage. La société GMD a souscrit une police d'assurance 'multirisques industrielle' n°017 803 094/NBO auprès de la compagnie Allianz Iard (ci-dessous la société Allianz) à effet du 1er janvier 2018. Le 25 octobre 2019 selon les sociétés GMD et Motokom et le 5 novembre 2019 selon la société Allianz, une avarie a affecté la presse d'emboutissage du site exploité par la société Motokom. Le 23 décembre 2019, la société GMD a déclaré ce sinistre à son courtier pour le compte de la société Motokom, tant au titre de son contrat d'assurance dommages, qu'au titre de sa police d'assurance de responsabilité civile. Suite à cette déclaration de sinistre, la société Allianz a missionné le cabinet TGS pour lui apporter des précisions sur les circonstances de la survenance du sinistre et ses conséquences financières. Mme [P], en qualité d'expert, a chiffré l'indemnité potentielle de la société Motokom à 515.574 €, franchise déduite. Les 9 et 28 juillet 2020, la société GMD a sollicité l'indemnisation de son préjudice matériel et des frais supplémentaires. Le 14 septembre 2020, la société Allianz a opposé un refus de garantie adressé au courtier de la société GMD en faisant état des conclusions de son expert et en indiquant que les dommages subis n'étaient pas garantis par la police d'assurance. Par lettre recommandée du 18 novembre 2020, la société GMD a demandé à la société Allianz la communication du rapport d'expertise. Par acte du 23 décembre 2020, les sociétés GMD et Motokom ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre aux fins de condamnation de la société Allianz à leur payer une provision d'un montant de 515.574€ en indemnisation du préjudice consécutif au bris de machine. Par ordonnance du 21 avril 2021, le juge des référés a, vu la contestation sérieuse, dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé l'affaire au fond. Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a : - débouté la société Allianz de sa demande d'exclusion de garantie au titre des articles 35 et 36 de sa police d'assurances ; - condamné la société Allianz à payer à la société Motokom une provision d'un montant de 438.459 € à valoir sur son préjudice matériel et frais/coûts supplémentaires causé par le sinistre bris de machine ; - enjoint à la société Allianz de reprendre les opérations d'expertise relatives aux réclamations formulées par les clients des sociétés Motokom et GMD du fait de ce sinistre bris de machine, sans qu'il ne soit jugé, à ce jour, du bien-fondé de l'indemnisation de ces réclamations ; - débouté la demande de la société GMD et la société Motokom que soit condamnée la société Allianz à communiquer les rapports du cabinet TGS sous astreinte de 500 € par jour de retard ; - débouté la société GMD et la société Motokom, d'une part, et la société Allianz, d'autre part, de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - condamné la société Allianz aux dépens. Par déclaration du 14 décembre 2021, la société Allianz a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, la société Allianz demande à la cour de: - Déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par la société Allianz ; Y faisant droit, - Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 9 novembre 2021 en ce qu'il a : / Débouté la société Allianz de sa demande tendant à voir juger que les conditions de mobilisation de sa garantie ne sont pas réunies et en tout état de cause de sa demande d'application des exclusions de garantie 35 et 36 insérées dans la police d'assurance Multirisque industrielle n°017 803 094 / NBO ; / Condamné la société Allianz à payer à la société Motokom une provision d'un montant de 438.459 € à valoir sur son préjudice matériel et frais/coûts supplémentaires causé par le sinistre bris de machine ; / Enjoint à la société Allianz de reprendre les opérations d'expertise relatives aux réclamations formulées par les clients des sociétés GMD et Motokom du fait du sinistre bris de machine ; / Débouté la société Allianz de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; / Condamné la société Allianz aux entiers dépens ; - Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : / Débouté la société GMD et la société Motokom de leur demande de condamnation de la société Allianz à communiquer les rapports du cabinet TGS sous astreinte de 500 € par jour de retard ; / Débouté la société GMD et la société Motokom de leur demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés, Sur la demande de provision tirée de l'application de la garantie bris de machine, - Juger que les intimées échouent à démontrer le caractère soudain et fortuit de l'avarie survenue sur la presse d'emboutissage ; - Juger que la société Allianz est au demeurant fondée à opposer aux intimées les exclusions n°35 et 36 de la police d'assurance garantie « bris de machines » n'est pas mobilisable en l'espèce ; Par conséquent, - Juger que la garantie « bris de machines » n'est pas mobilisable en l'espèce ; Sur la demande d'injonction à la société Allianz de reprendre les opérations d'expertise relatives aux réclamations formulées par les clients de la société Motokom du fait du sinistre bris de machine du 5 novembre 2019, - Ecarter des débats la pièce adverse correspondant au contrat conclu par la société GMD avec la société PSA, produite uniquement en langue anglaise ; - Juger qu'il ne saurait être fait injonction à la société Allianz de poursuivre l'analyse d'une réclamation qu'elle n'a pas vocation à indemniser dès lors que sa garantie n'est pas mobilisable; - Juger qu'au demeurant les intimées ne démontrent pas en quoi la police par elle souscrite auprès de la société Allianz aurait vocation à couvrir les préjudices immatériels dont elles font état ; Par conséquent, - Débouter les sociétés GMD et Motokom de leur demande ; Sur l'appel incident formé par les intimées, - Déclarer mal fondé l'appel incident formé par les sociétés GMD et Motokom et les débouter de leur demande de condamnation de la société Allianz au paiement d'une provision d'un montant de 600.000 € ; Sur les frais irrépétibles et les dépens, - Condamner les sociétés GMD et Motokom à payer à la société Allianz la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel ; - Débouter les sociétés GMD et Motokom de leur demande de condamnation de la société Allianz au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par dernières conclusions notifiées le 9 mai 2022, les sociétés GMD et Motokom demandent à la cour de : - Recevoir les sociétés GMD et Motokom en leurs demandes ; - Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la garantie était acquise et a enjoint à la société Allianz de reprendre l'expertise relative à la responsabilité de la société Motokom en lien avec le bris de la presse ; - Infirmer le jugement en ce qu'il n'a alloué à la société Motokom qu'une provision de 438.459 €; - Condamner la société Allianz à payer à la société Motokom une provision d'un montant de 600.000 € ; - Condamner la société Allianz à payer à la société GMD la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - La condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par la société Aston conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, la date des plaidoiries a été fixée au 10 mai 2022. Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la mobilisation de la garantie La société Allianz indique que la garantie 'bris de machine' couvre tout bris ou détérioration atteignant les biens assurés de manière soudaine et fortuite, et qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve des conditions de survenance du sinistre. Elle avance que les intimées sont incapables d'établir que le dommage est survenu le 25 octobre 2019, l'ayant dans leurs premières écritures et dans leurs pièces daté du 5 novembre 2019. Elle affirme que la casse de la pièce est survenue à la suite de signes annonciateurs, et que le sinistre a été très tardivement déclaré au courtier, après entière réparation de la machine et alors qu'aucun constat matériel n'était plus possible. Elle souligne que la société GMD avait connaissance dès le 6 novembre 2019 de la panne, que les pièces des intimées sont peu crédibles, qu'il n'est pas prouvé que la machine a été arrêtée le 25 octobre 2019. Selon elle, le jugement n'a pu retenir de date certaine quant à la survenance de la panne, de sorte qu'il aurait dû débouter les intimées de leur demande, ce d'autant qu'il n'a pas pris en compte tous les éléments fournis par l'expert d'Allianz qui établissent que le problème avait été identifié plusieurs jours avant la casse, et que la machine a continué d'être utilisée. Elle conteste aussi le quantum de la condamnation. Les intimées relèvent que la société Allianz n'a, jusqu'à la procédure de référé, jamais considéré que les conditions de garantie n'étaient pas réunies, n'a émis aucune réserve alors qu'elle a fait réaliser une expertise de plusieurs mois. Ils font état de la définition très large du 'bris de machines' de la police d'assurance, de la contrariété avec le caractère 'soudain et fortuit',du fait que le contrat d'assurance s'interprète en faveur de l'assuré. Elles affirment que la casse est survenue le 25 octobre 2019, que la date du 5 novembre 2019 évoquée à plusieurs reprises est une erreur, et que lors du sinistre la société Motokom a voulu faire réparer rapidement par les prestataires habituels avant de réaliser que la remise en état pérenne prendrait plusieurs mois, ce qui explique la déclaration à l'assurance le 23 décembre 2019. Elles soutiennent que la société Elpotech a fait un diagnostic le 28 octobre 2019 après démontage, que la machine était hors d'usage au 30 octobre. Elles ajoutent que les conditions de la garantie sont réunies, car la casse de la machine est accidentelle et a pour origine un vice de la machine, ce qu'établit le rapport de l'expert de la société Allianz, et que celle-ci a reconnu dans un courriel. Elles écartent les exclusions avancées par l'assureur, faute d'être formelles et limitées, en contradiction avec les conditions de la garantie, et dont la charge de la preuve incombe à l'assureur. Elles affirment que l'avarie provient d'un vice caché lié à l'usinage des cannelures du moyeu de la presse. *** La police d'assurance 'multirisque industrielle' n°017 803 094/NBO souscrite par la société GMD auprès de la compagnie Allianz Iard définit le 'bris de machines' de la façon suivante : 'survenance de dommages matériels subis de façon soudaine et fortuite sur les machines ou matériels y compris informatique, tels que bris, déformations, fissurations, effondrements résultant notamment des causes suivantes : - causes internes : erreurs de conception, de calcul, défaut de matière, vice de construction, - causes externes : introduction, pénétration, chute ou heurt de corps étrangers, - incidents d'exploitation : grippage, déréglage, vibration, desserrage de pièces, échauffement mécanique, usure mécanique, thermique ou chimique, défaut de graissage, manque d'eau dans les chaudières ou récipients à vapeur, coup de bélier, surchauffe localisée, coup de feu, défaillance des appareils de régulation, contrôle, sécurité, maladresse, négligence, inexpérience ou malveillance des préposés des assurés ou de tiers'. Il résulte de ces termes que le contrat garantit, suite à la survenance d'un événement non exclu, les biens assurés pour tous dommages matériels d'origine soudaine et accidentelle. Il appartient à la société GMD d'établir les conditions de survenance du sinistre, afin que la garantie soit mobilisée, et le jugement a à raison indiqué qu'il lui revenait, ainsi qu'à la société Motokom, de caractériser l'existence d'une casse intervenue de manière soudaine et fortuite de la presse, afin que la garantie 'bris de machine' puisse être mobilisée. En l'espèce, la société GMD soutient que la casse sur la presse d'emboutissage du site exploité par la société Motokom est intervenue le 25 octobre 2019, et qu'elle a mandaté les sociétés Elpotech et Pressing Mechanic, ses prestataires habituels. De son côté, la société Allianz souligne que les intimées ont revendiqué à plusieurs reprises, dans les échanges et premières conclusions, que la casse était intervenue le 5 novembre 2019, et qu'elles ont produit des pièces analysant les conséquences financières du sinistre en le datant du 5 novembre 2019. Il n'est pas contesté que le 25 octobre 2019 était un vendredi, et les sociétés GMD et Motokom versent une attestation traduite de la société Elpotech du 30 octobre 2019 indiquant que, le 28 octobre 2019, ses techniciens ont été appelés pour réaliser un diagnostic de la panne de la machine Mecfond 800t ; elle précise que, après démontage de l'embrayage, ils ont constaté l'endommagement de la denture cannelée du disque d'embrayage, qui s'est coincé au niveau de la denture cannelée, ce qui a bloqué le fonctionnement normal de la machine. Elle ajoute proposer de réaliser un nouveau disque d'embrayage, ou une nouvelle denture cannelée intérieure du disque d'embrayage. Si la société Allianz relève que cette attestation est dressée sur un papier à en-tête qui porte, en bas, mention de la date du 31.01.2019, soit une date antérieure à la date de survenance de la casse, et qu'elle n'a pas été produite devant son expert de sorte qu'elle serait sujette à caution, la cour observe que la mention de la date du 31.01.2019 apparaît fixée sur le papier à en-tête, de sorte qu'elle ne serait pas indicatrice de la date à laquelle ce courrier aurait été envoyé. Du reste la société Elpotech a adressé un nouveau courrier, portant tampon du 25 mars 2011, confirmant qu'elle avait été appelée par la société Motokom le 28 octobre 2019 en raison de la rupture brutale de la roue d'embrayage de sa presse 800t, et ce courrier est aussi dressé sur un papier à en-tête portant mention du 31.01.2019, de sorte que cette indication n'est pas révélatrice de la date à laquelle le courrier a été dressé, et qu'il ne peut en être déduit que ces attestations sont à considérer avec prudence. Les intimées ont également produit des documents présentés comme les fiches quotidiennes de production rédigées en langue slovaque et remplies de manière manuscrite en langue hongroise, et celle du 25 octobre 2019 porte la mention traduite indiquant que la presse a craqué, que le bélier est resté en bas, et que le moteur s'est éteint. La société Allianz fait état du caractère contestable de ces pièces, en relevant qu'il n'est pas justifié que toutes les fiches de production ont été versées, mais ne conteste pas véritablement le sens de l'indication qui y figure. La présentation qui y est faite des événements est corroborée par l'attestation du directeur du site Motokom du 12 février 2021, selon laquelle le 25 octobre 2019 le coulisseau de la machine est resté en bas (après un bruit), et qu'il a été décidé de lancer la réparation du disque d'embrayage, et la fabrication d'un disque neuf par le fabricant de la presse. Si ces pièces émanent de la société Motokom, il n'en demeure pas moins qu'elles sont concordantes quant aux circonstances de survenance du dommage. Il est aussi versé un courriel du service de la maintenance de GMD au fournisseur Mecfond indiquant, le 30 octobre 2019, avoir besoin d'une pièce pour la presse Mecfond 800t et, dans un courriel du lendemain, GMD indique que les pièces dont elle a besoin sont des inserts d'embrayage. Au cours de ces échanges avec le fournisseur Mecfond, GMD lui a adressé le 6 novembre 2019 une photographie insérée dans le corps de son courriel montrant l'usure des dents de l'embrayage, et Allianz n'établit pas que ce cliché a été ajouté au couriel postérieurement. Ce d'autant qu'il est justifié d'un autre courriel du 30 octobre 2019 adressé à Mecfond contenant une photo. Le devis du 4 novembre 2019 de Mecfond vise du reste expressément la demande urgente qui lui a été présentée le 30 octobre 2019. Les intimées ont aussi versé un devis de la société Pressingmechanic du 8 novembre 2019 portant sur la réparation du support de garniture de l'embrayage de la presse Mecfond, d'un montant de 5.659 €. Ce devis a été dressé le 8 novembre 2019, soit deux jours après les échanges entre la société GMD et le fabricant Mecfond révélant que la société GMD était ennuyée par le délai de livraison de 3 mois que lui avait annoncé le fabricant, ce qui tend à expliquer que la société GMD ait alors recherché auprès de Pressing Mechanic une solution provisoire. L'expertise réalisée à la demande de la société Allianz retient aussi que la société GMD, 'compte-tenu du long délai d'approvisionnement des pièces auprès de Mecfond et pour limiter l'immobilisation de la presse, ... s'est rapprochée de la société Pressingmechanic pour effectuer une réparation provisoire'. La société Allianz reconnaît également (point 23 de ses conclusions) que la société Motokom a fait réaliser des travaux provisoires sur la presse afin de permettre une reprise rapide de son activité. Il ressort tant du courrier d'Elpotech du 30 octobre 2019 que du courriel adressé à Mecfond le 6 novembre 2019 contenant le cliché illustrant l'usure de ses dents que l'embrayage a été démonté. Il est ainsi établi que dès le 28 octobre 2019, la société Motokom avait contacté son interlocuteur habituel pour l'entretien de la presse, laquelle a été démontée, qu'un diagnostic a été établi, que dès le 30 octobre 2019 la société GMD a adressé au fabricant de la presse Mecfond un message 'SOS' sollicitant l'envoi d'une pièce de rechange de l'embrayage, et qu'elle a, au vu des délais annoncés de fourniture de la pièce par le fabricant Mecfond, sollicité la fourniture d'une pièce auprès de Pressing Mechanic aux fins de réparation provisoire. Dès lors, et s'il est effectivement surprenant que les intimées aient revendiqué à plusieurs reprises dans les échanges et conclusions la date du 5 novembre 2019 comme la date de la casse, il ressort des pièces versées que cette casse est bien intervenue le 25 octobre 2019, que la presse a alors été démontée pour permettre le diagnostic de la panne, avant qu'une réparation provisoire ne soit effectuée. De même, la tardiveté de la déclaration de sinistre, réalisée le 23 décembre 2019, ne peut être utilement invoquée par la société Allianz pour contester la date de survenance du dommage, ce d'autant qu'elle soutient que celui-ci serait intervenu le 5 novembre 2019, date au vu de laquelle la déclaration de sinistre du 23 décembre 2019 apparaît aussi tardive. Sur le caractère soudain et fortuit de la survenance du dommage La société Allianz critique le jugement qui a retenu que les intimées avaient poursuivi quelques jours l'exploitation de la presse après l'apparition des premiers symptômes, qu'il n'était pas démontré que la société Motokom avait fait preuve de négligence fautive, et que cela ne retirait pas le caractère soudain et fortuit de l'apparition du dommage. Elle relève que son expert a retenu que le sinistre s'est initié dans le temps pour aboutir à l'avarie, que l'origine du problème a été identifiée plusieurs jours avant le dommage par l'assuré, qui a poursuivi son utilisation jusqu'à l'avarie. Elle avance qu'il importe de déterminer si l'avarie est intervenue dans un contexte accidentel, et qu'en l'espèce elle ne s'est pas produite 'dans l'instant' puisqu'un problème avait été identifié auparavant. Elle demande la réformation du jugement en ce qu'il retient que les conditions de la garantie sont réunies. Les intimées soutiennent que la casse de la presse est accidentelle, que la presse a cessé de fonctionner le 25 octobre 2019 jusqu'à sa réparation provisoire en novembre 2019 par Pressing Mechanic. Elles ajoutent que selon l'expert de la société Allianz, l'avarie s'explique par les modalités d'usinage des cannelures, soit un vice de la machine, non décelable et qui s'est révélé brutalement. Elle remarque qu'Allianz a reconnu que le bris de la machine avait été soudain, et que la société Motokom n'avait pas commis de faute dans l'exploitation de la presse. *** La police d'assurance définissant le 'bris de machines' comme la survenance de dommages matériels subis de façon 'soudaine et fortuite' sur les machines ou matériels, il importe de vérifier si la casse est intervenue dans de telles conditions. La société Allianz a fait réaliser une expertise par le cabinet TGS, lequel avait considéré la date du 5 novembre 2019 comme celle de la survenance de l'avarie, suivant en cela les indications données par les intimées. Cette expertise a été faite sans déplacement sur les lieux, au vu des pièces reçues et des échanges par téléphone et visio-conférence, et les pièces n'ont pu être examinées par l'expert, qui a été missionné plusieurs mois après l'avarie et après remontage des pièces. Pour autant, cette expertise relève qu'un cliché photographique du moyeu montre que les cannelures ont disparu par usinage, usinage trouvant son origine dans 'un excès de jeu dans l'assemblage, une différence importante de dureté dans les aciers et la fréquence des chocs à la frappe'. Elle décrit le phénomène de dégradation des cannelures, qui s'amplifie graduellement en service, et indique 'en résumé, l'avarie vécue sur la presse s'est révélée brutalement à partir d'un phénomène de dégradation qui s'est initié dans le temps en l'absence de signe annonciateur. Le phénomène n'était pas visible sans un démontage qui n'avait pas de raison d'être en l'absence d'un historique connu de ce type d'avarie chez GMD'. Il s'en suit que la cause du dommage est une dégradation progressive interne de la presse qui ne pouvait être détectée sans démontage, l'évolution des intimées quant à la date de survenance de la casse étant sans conséquence quant à sa cause. Dans ses observations complémentaires, l'expert d'Allianz indique qu'il est hautement probable que des vibrations et des bruits inhabituels soient survenus lors des phases transitoires compte tenu de l'état du moyeu. Pour autant, ces observations supplémentaires contenues dans le complément d'analyse du 17 janvier 2021 ont été rédigées en réponse à des questions du conseil de la société Allianz et ne sauraient modifier son analyse contenue dans son rapport du 22 mai 2020, ayant été relevé que la presse avait été démontée après le 25 octobre 2019 pour identifier l'origine de la panne ; aussi la société Allianz ne peut soutenir que l'assurée avait identifié plusieurs jours avant la casse l'origine du problème et les mesures pour y remédier, et avait poursuivi l'utilisation de la presse jusqu'à l'apparition de l'avarie. Il sera rappelé que l'expert, dans son rapport du 22 mai 2020, a indiqué que 'le seul indice possible aurait été la perte de la matière des cannelures qui doit représenter environ 2,5 kg d'acier si elle n'était pas restée prisonnière des capotages supérieurs de la presse sans communication avec le circuit hydraulique'. Il ressort de ce qui précède que l'avarie étant survenue brutalement, du fait de l'usinage d'une pièce interne qui n'était pas visible, étant au surplus relevé que dans un courriel du 20 octobre 2020 la société Allianz évoquait 'cette brusque panne' et relevait que 'l'expertise n'a pas démontré qu'un comportement fautif de l'assuré aurait été à l'origine de la rupture de cette pièce survenue dans des conditions normales d'usage et d'exploitation, l'assuré ayant par ailleurs pris toutes les précautions pour anticiper les conséquences de cette panne'. L'usure mécanique figure bien au rang des incidents d'exploitation couverts au titre des bris de machine par le contrat d'assurance, étant rappelé qu'il ressort de l'expertise que la dégradation de la pièce n'était pas visible sans démontage et résulte de son usage dans le temps. Aussi les conditions de survenance, de façon soudaine et fortuite, du bris de machine apparaissent réunies. Sur l'application des exclusions de garantie La société Allianz soutient que la garantie 'bris de machine' couvre les bris causés à la machine autres que ceux affectant les pièces objets d'une usure, et qu'en l'espèce les éléments de presse affectés par l'avarie avaient été identifiés avant la survenance du sinistre. Selon elle, le sinistre provenant d'une érosion des pièces dans le cadre d'une exploitation prolongée ou d'une usure par fonctionnement, les clauses d'exclusion 35 et 36 sont applicables. Les intimées demandent que les exclusions 35 et 36 soient écartées faute d'être limitées et formelles, et leur rédaction ne permettant pas à l'assuré de connaître précisément les cas dans lesquels elles s'appliquent. Elles ajoutent qu'il revient à la société Allianz de démontrer que le bris de la presse provient d'une cause visée par les causes d'exclusion dont elle fait état, ce qu'elle ne fait pas. *** Les clauses d'exclusion visées par la société Allianz sont les suivantes : 35. Les dommages dus à l'usure normale et prévisible quelle qu'en soit l'origine (thermique, mécanique, chimique) et ceux provenant de l'effet prolongé de l'exploitation tels que l'oxydation, la corrosion, érosion, l'incrustation de la rouille, l'entartrage, l'encrassement, les rayures, égratignures, sauf les dommages matériels non exclus par ailleurs ; atteignant des parties d'un bien assuré même si, dans leur origine ou leur étendue, ils résultent de l'usure d'une autre partie de ce même bien. 36. Le bris des pièces subissant, par leur fonctionnement et/ou leur nature, une usure nécessitant un remplacement périodique (y compris briquetages réfractaires), lorsque le sinistre reste limité à ces seuls biens. Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie. En l'espèce, c'est à raison que le jugement a relevé que le 'bris de machines' tel que prévu par le contrat d'assurance couvre notamment 'l'usure mécanique, thermique ou chimique', alors que la clause d'exclusion 35 l'écarte. A la lecture de ces deux clauses contradictoires, l'assuré est dans l'impossiblité de pouvoir connaître avec précision l'ensemble des cas dans lesquels l'exclusion pourrait s'appliquer, de sorte que la clause d'exclusion 35 empêche la société Motokom de savoir si son dommage est garanti. Elle sera donc écartée. Il n'est pas davantage justifié par la société Allianz que l'embrayage de la presse nécessitait un remplacement périodique, tel que l'évoque la clause d'exclusion 36, étant rappelé que le rapport TGS avait retenu que l'avarie avait pour cause un phénomène de dégradation qui s'est initié dans le temps en l'absence de signe annonciateur, et n'a pas retenu un quelconque défaut d'entretien. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Allianz de sa demande d'exclusion de la garantie au titre des clauses 35 et 36. Sur le quantum de la provision Les intimées sollicitent que la provision fixée à la charge de la société Allianz soit élevée à 600.000 €, en retenant qu'il s'agit du montant de l'évaluation provisoire réalisée par l'expert de la société Allianz. Celle-ci s'oppose à la demande de provision portée par les intimées à 600.000 €, en relevant qu'il s'agit d'une provision, qui a été chiffrée par son expert à 438.459 €, soit la somme retenue en 1ère instance. *** Le jugement a condamné la société Allianz à verser à la société Motokom, à titre de provision, la somme de 438.459 € au titre de son préjudice et de ses frais causés par le sinistre de la machine, en retenant que ce montant correspondait à l'évaluation des pertes retenue par la société Allianz, après prise en compte des abattements, amélioration et application de la franchise de 2274 €. Si l'estimation des dommages figurant au rapport d'expertise du 22 mai 2020 commandé par la société Allianz fait état d'une évaluation provisoire pour le volet pertes d'exploitation de 600.000 €, l'appelante a fait réaliser une note de chiffrage du 18 mars 2022 retenant un préjudice de perte d'exploitation de 440.733 €, dont il convient de déduire la franchise, aboutissant ainsi à une indemnité potentielle de 438.459 €. Aussi, cette évaluation portant spécifiquement sur le chiffrage du préjudice, étant plus récente, et s'agissant d'une provision, il convient de confirmer ce montant, et de débouter les intimées de leurs demandes tendant à la voir fixer à 600.000 €. Sur la poursuite des opérations d'expertise La société Allianz reproche au jugement d'avoir ordonné la poursuite des opérations d'expertise, sans que ne soit justifié le fondement de la demande d'indemnisation. Elle avance que la clause 11.2 de son contrat d'assurance ne permet pas de retenir l'engagement de sa garantie, et qu'il en est de même de l'article 13.2 de son contrat. Au contraire, les intimées soutiennent que les articles 11.2 et 13.2 du contrat sont clairs et permettent de justifier la poursuite des opérations d'expertise. *** L'article 13.2 de la police prévoit que sont couverts, au titre des engagements contractuels, 'les pénalités, indemnités, dédommagements ou débits qui seraient mis à la charge de l'assuré à la suite d'un dommage matériel non exclu en vertu de ses engagements contractuels pris avant la survenance du sinistre'. Les sociétés GMD et Motokom produisent, pour justifier de la réalité de leurs pertes entrant dans le champ de cet article, une attestation du Directeur Administratif et Financier Groupe pour le Groupe GMD du 23 mars 2021 affirmant que 'son principal client a procédé, de manière unilatérale, à des compensations sur le règlement de factures déjà émises pour un montant de 1.688.000 €, relatif à la casse de la presse 800T'. Pour autant, il revenait à ces sociétés de produire une attestation d'un tiers comme un commissaire aux comptes, démontrant qu'elles avaient dû supporter une pénalité, et la seule production d'une pièce dressée par l'un de leurs employés ne peut suffire, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même. La production du contrat rédigé en anglais, partiellement traduit, entre les sociétés PSA et GMD prévoit des délais de livraison que doit respecter GMD pour ses livraisons à PSA, mais si les sociétés GMD et Motokom avancent qu'elles sont tenues contractuellement des conséquences des défauts d'approvisionnement en pièces de la société PSA, ce contrat ne prévoit pas précisément les montants des pénalités en cas de non-respect des délais de livraison. Aussi, et alors que c'est aux sociétés GMD et Motokom de justifier de leur demande, elles n'établissent pas au vu des seules pièces fournies devant la cour que la demande de poursuite des opérations d'expertise soit justifiée. En conséquence, il ne sera pas fait droit à cette demande, et le jugement sera réformé sur ce point. La cour constatant que la demande des sociétés intimées se limitait à une demande de provision et à la poursuite de l'expertise, il n'y a pas lieu de renvoyer au tribunal de commerce. Sur les autres demandes La condamnation prononcée au titre des dépens à l'encontre de la société Allianz en 1ère instance sera confirmée. Succombant en son appel, la société Allianz sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au versement de la somme de 7000 € à la société GMD.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a enjoint à la société Allianz de reprendre les opérations d'expertise, L'infirme sur ce point, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Allianz à payer à la société GMD la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Allianz aux entiers dépens qui seront recouvrés par la société Aston conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,Le président,