Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire en fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Par un jugement n° 1702160 du 23 février 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 avril 2018 et le 23 août 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2017 du préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'article L. 313-11-11 du CESEDA dans un délai de 15 jours, ou à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le préfet, qui s'est fondé sur des ordonnances sans rapport avec la pathologie justifiant sa demande, et alors que le médecin de l'Agence Régionale de Santé a considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une gravité exceptionnelle et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine, n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande ;
- le préfet a communiqué des ordonnances au conseiller santé placé auprès de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, méconnaissant ainsi le secret médical ;
- le préfet du Calvados s'est estimé lié par les observations du conseiller Santé et a ainsi méconnu sa propre compétence ;
- il présente un diabète ainsi qu'une hépatite B, et pas seulement une anévrosite plantaire ; les traitements contre l'hépatite B, notamment certaines molécules, ne sont pas disponibles en Mongolie ; il souffre en outre de complications liées à son diabète, notamment une cardiopathie ischémique, affection qui n'est pas prise en charge par le système de santé mongole ; il disposait en outre d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé ; le préfet n'a pas apporté la preuve contraire ; une coronarographie a établi l'existence d'une lésion monotronculaire ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;
- les arrêtés portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination sont par voie de conséquence voués à l'annulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à son mémoire produit en première instance et soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C...A..., ressortissant de Mongolie né le 8 décembre 1968, relève appel du jugement du 23 février 2018 du tribunal administratif de Caen qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire en fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat".
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de titre de séjour de M.A....
4. En deuxième lieu, il est constant que le préfet a transmis au conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France, afin de recueillir son avis sur l'état de santé de M.A..., des ordonnances médicales communiquées par ce dernier de manière non confidentielle. Le conseiller santé, qui est lui-même un médecin soumis au respect du secret médical et qui intervient en tant que membre de l'administration, ne saurait être considéré comme un tiers vis-à-vis des agents préfectoraux. Dès lors, il n'est pas établi que le préfet aurait méconnu le principe du secret médical.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet se serait estimé lié par l'avis donné par le conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France.
6. En quatrième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
7. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Par un avis rendu le 21 septembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié à cet état de santé dans son pays d'origine. Le préfet du Calvados, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif que l'intéressé, au vu des ordonnances qu'il a communiquées spontanément, suivait un traitement pour l'anévrosite plantaire, traitement disponible en Mongolie. M.A..., qui conteste cette appréciation, fait valoir qu'il souffre de diabète ayant entraîné des complications cardiaques ainsi que d'une hépatite B. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment de la base de données " MedCOI ", et d'un rapport sur l'accès aux soins en Mongolie, que l'Entécavir et plusieurs molécules similaires sont disponibles en Mongolie, ledit rapport indiquant que le traitement des hépatites est pris en charge par le système d'assurance maladie mongol. Ce rapport précise également que la Mongolie dispose de nombreuses infrastructures médicales, aptes à prendre en charge et à traiter de nombreuses pathologies, pas seulement dans la capitale. Si le requérant fait valoir que le Tenofovir n'est pas accessible en Mongolie, il n'est pas pour autant établi que son état de santé nécessiterait la prise de cette molécule. Il ressort du même rapport que l'accès aux soins ainsi que de nombreux médicaments sont disponibles en Mongolie pour lutter contre les deux types de diabète (1 ou 2). Par ailleurs, si M. A...indique souffrir d'une cardiopathie ischémique en lien avec son diabète, le certificat médical qu'il produit en date du 25 janvier 2018 et le compte-rendu d'une coronarographie réalisé le 5 juillet 2018 sont postérieurs à la décision contestée.
9. Dans ces conditions, le préfet doit être regardé comme apportant la preuve que le traitement nécessité par l'état de santé de M. A...est disponible en Mongolie. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Par voie de conséquence, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, dès lors qu'il devait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :
10. A l'appui de ses conclusions, M. A...se borne à invoquer l'illégalité de la décision de refus de séjour. Il résulte des points précédents que ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être écartées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 juin 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01766