Cour d'appel de Rennes, 11 mars 2014, 2012/05544

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Rennes
  • Numéro de pourvoi :
    2012/05544
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : MAISONS DU MONDE / JJA SA ; CENTRAKOR STORES SAS ; VETURA SAS ; STOKOMANI SAS
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Toulouse, 29 septembre 2008
  • Président : Monsieur Alain POUMAREDE
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Rennes
2014-03-11
Tribunal de grande instance de Bobigny
2008-10-02
Tribunal de grande instance de Toulouse
2008-09-29

Texte intégral

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 11 MARS 2014 3ème Chambre Commerciale R.G : 12/05544 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, Madame Aurélie GUEROULT, Conseiller, rédacteur GREFFIER : Madame Béatrice F, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 10 Décembre 2013

ARRÊT

: Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mars 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats APPELANTE : Société MAISONS DU MONDE représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Le Portereau 44120 VERTOU Représentée par Me Jacqueline BREBION de la SCP BREBION CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Pierre MASSOT de la SELARL ARENAIRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS INTIMÉES : SA JJA société inscrite au RCS de BOBIGNY et agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...] Bâtiment 3 93150 LE BLANC MESNIL Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Delphine BRUNET-STOCLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS SAS CENTRAKOR STORES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Avenue Saint Granier Zone d'activités Saint Martin du Touch 31000 TOULOUSE Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Delphine BRUNET-STOCLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS SAS VETURA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...] 93697 PANTIN CEDEX Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Delphine BRUNET-STOCLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS SAS STOKOMANI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ZA Parc Technologique d'Alata [...] 60100 CREIL Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Delphine BRUNET-STOCLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS I - EXPOSE DU LITIGE La société MAISONS DU MONDE commercialise des articles d'arts de la table, d'ameublement et de décoration dans plus de deux cents magasins, situés principalement en France et dans le reste de l'Europe. La société JJA a pour objet le commerce de gros de différents biens d'équipement de la maison et de la personne principalement importés de Chine, et destinés notamment à des commerces et distributeurs discount. Les sociétés CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA sont des distributeurs clients de la société JJA, laquelle n'exploite aucun magasin en son nom propre. La société MAISONS DU MONDE a lancé en 2006 un plan de collection sur le thème « Ethnic Chic », dont faisait partie la gamme « Tombouctou ». Au sein de cette gamme. Elle a commercialisé trois toiles sur le thème du voyage en Afrique. Ces toiles produites en Chine par la société CNACC ont été livrées courant janvier 2007, déposées à l'INPI à titre d'enveloppe SOLEAU le 12 janvier 2007 et implantées dans les magasins fin janvier 2007. Entre novembre 2007 et mars 2008, la société JJA a importé deux séries de trois tableaux de style africain qu'elle a commercialisées notamment par le biais des sociétés CENTRAKOR STORES, VENTURA et STOKOMANI. Ayant constaté que des toiles ressemblantes étaient vendues par la société CAP 3P (désormais CENTRAKOR STORES) dans l'enseigne « Malin Plaisir » à Rézé (44), la société MAISONS DU MONDE a, sur autorisation du Président du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 29 septembre 2008 et du Président du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 2 octobre 2008, fait procéder le 17 octobre 2008 à la saisie contrefaçon des toiles litigieuses dans les locaux des sociétés JJA (importateurs) et CENTRAKOR STORAGE. Par jugement contradictoire en date du 10 mai 2012, le tribunal de grande instance de Nantes a: Débouté la SAS MAISONS DU MONDE de ses demandes au titre de la protection du droit d'auteur; Déclaré les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA responsables in solidum d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, Condamné in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI à payer à la SAS MAISONS DU MONDE la somme de 20'000 €de dommages- intérêts Débouté les parties de leurs demandes de publication de la décision Condamné in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA aux dépens Condamné in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA à payer à la SAS MAISONS DU MONDE la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. MAISONS DU MONDE a déclaré faire appel de cette décision le 8 août 2012 à l'encontre des quatre autres sociétés. L'ordonnance de clôture est du 20 novembre 2013. Par conclusions de procédure du 2 décembre 2013, les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, VETURA ET STOKOMANI, intimées demandent à la cour : Vu les articles 15, 16, 135, 783 et 784 du Code de procédure civile, Déclarer irrecevables les conclusions signifiées et déposées le 15 novembre 2013 par la Société MAISONS DU MONDE, et écarter des débats les pièces n°7.4, 7.5, et 10.11 n'ayant pas fait l'objet de communication en temps utile par la société MAISONS DU MONDE, et à titre subsidiaire d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 20 novembre2013 et renvoyer à la mise en état. L'appelante demande quant à elle à la cour de dire recevables ses conclusions signifiées le 15 novembre 2013 et ses pièces. Sur la procédure L'appelante a signifié ses conclusions d'appel le 5 novembre 2012, et les intimées ont conclu en réplique le 3 janvier 2013 avant que l'appelante y réponde le 1er mars 2013. Par avis du 3 octobre 2013, l'ordonnance de clôture a été fixée au 20 novembre 2013. Le même jour les intimées ont de nouveau conclu avec de nouveaux argumentaires et communiqué six nouvelles pièces, pour la plupart anciennes de plusieurs années. Les conclusions de l'appelante du 15 novembre 2013, qui ne contiennent ni moyens nouveaux ni demandes nouvelles, ainsi que les trois pièces communiquées, l'ont été en réponse au nouvel argumentaire fait par les intimées. Les pièces corroborent seulement des pièces antérieurement communiquées et n'appellent pas de nouvelle réponse. Ces conclusions et pièces ne portant pas atteinte aux droits de la défense des intimées ne violent pas le principe de la contradiction et ne seront en conséquence ni rejetées ni écartées des débats. L'appelant demande à la cour de : Vu les articles: L111-1, L.122-4, L. 335-2, L. 335-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 1382 et suivants du Code civil, DECLARER la société MAISONS DU MONDE recevable en son appel et bien fondée en ses demandes; CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Nantes en ce qu'il a condamné les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, VETURA et STOKOMANI pour concurrence déloyale et parasitaire. INFIRMER pour le surplus le jugement Et statuant à nouveau: DIRE ET JUGER que la reproduction, l'importation en France et/ou la détention, l'offre en vente et la vente en France par les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA de produits reproduisant les caractéristiques originales des toiles « TOMBOUCTOU» de la société MAISONS DU MONDE, constituent la contrefaçon de ces toiles et que ces agissements constituent également et de façon distincte des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au sens des articles L . 111-1, L122-4, L. 335-2, L. 335-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et 1382 et suivants du code civil.

En conséquence

, INTERDIRE aux sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI ET VETURA de reproduire, d'importer, de faire fabriquer, de commercialiser, d'offrir en vente et de vendre, sous quelque dénomination que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, tout article comportant les caractéristiques ci-dessus mentionnées et constituant la contrefaçon des toiles « TOMBOUCTOU» de la société MAISONS DU MONDE; ORDONNER, sous le contrôle d'un Huissier de Justice désigné à cet effet, aux frais des intimées et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la destruction de la totalité des stocks d'articles jugés contrefaisants, en leur possession; DIRE ET JUGER qu'en application de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991, les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par la Cour ayant statué sur la présente demande; CONDAMNER les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA à payer à la société MAISONS DU MONDE les sommes de : - 50 000 euros en réparation de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de ses toiles « TOMBOUCTOU», - 100 000 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi du fait des actes de contrefaçon; - 250'000 €en réparation du préjudice qui découle des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire ORDONNER la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues, français ou étrangers, au choix de la concluante et aux frais des sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA dans la limite d'un plafond hors taxes global de 15000 euros pour l'ensemble des trois publications, et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires; DIRE ET JUGER irrecevables et mal fondées les demandes en procédure abusive formées par les intimées sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; DIRE ET JUGER irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés intimées et les en débouter; CONDAMNER les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA à payer à la société MAISONS DU MONDE la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; CONDAMNER les intimées aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de constat et les frais de saisie-contrefaçon, dont distraction au profit de la SCP BREBION - CHAUDET, Avocat au Barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Les intimées demandent à la cour de : Vu les articles L.111-1 et suivants et L.331-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 1382 du Code civil, Vu l'article 559 du Code de procédure civile, CONFIRMER le jugement rendu le 10 mai 2012 par le Tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a jugé : - jugé que les tableaux TOMBOUCTOU n'étaient pas originaux, - jugé la Société Maisons du Monde irrecevable à agir sur le terrain du droit d'auteur, - débouté la Société Maisons du Monde de ses demandes et prétentions indemnitaires fondées sur la prétendue contrefaçon de ses droits, - débouté la Société Maisons du Monde de ses demandes de publications judiciaires, Recevant l'appel incident INFIRMER le jugement rendu le 10 mai 2012 par le Tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a : - jugé que les Sociétés JJA. Centrakor Stores, Stokomani et Vetura avaient commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire. - condamné, in solidum, les Sociétés JJA, Centrakor Stores, Stokomani et Vetura à payer à la Société Maisons du Monde la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef. - condamné les mêmes à payer à la Société Maisons du Monde la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau, DEBOUTER la Société Maisons du Monde de toutes ses prétentions et demandes fondées sur de prétendus actes de concurrence déloyale et parasitaire. CONDAMNER la Société Maisons du Monde à verser aux Sociétés JJA, Centrakor Stores, Vetura et Stokomani, chacune, la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice subi en raison du caractère abusif de la procédure intentée à leur encontre, AUTORISER à titre de réparation complémentaire les Sociétés JJA. Centrakor Stores, Vetura et Stokomani à publier par extrait(s) de leur choix la décision à intervenir dans 3 revues ou magazines de leur choix aux frais de la Société Maisons du Monde pour un coût maximum de 5.000 euros HT par insertion et sur le site Internet www.jja-sa.com exploité par la Société JJA. CONDAMNER la Société Maisons du Monde à verser aux Sociétés JJA, Centrakor Stores, Vetura et Stokomani chacune la somme de 30.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. CONDAMNER la Société Maisons du Monde aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet, Avocat au Barreau de Rennes, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties : - du 15 novembre 2013 pour l'appelant - du 3 octobre 2013 pour les intimées II- MOTIFS Sur la protection au titre du droit d'auteur sur les toiles TOMBOUCTOU L'article L 111-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que : « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusive et opposable à tous. » Ce droit est conféré, selon l'article L 112-2 de ce même code à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quel qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. En préliminaire il convient de relever que la société MAISONS DU MONDE justifie d'une entité constitué de stylistes et établit l'organisation du processus de création (attestations Mme C, Mme D, M.Lemaitre, Mme R) : réunions de style à la suite desquels les projets présentés sous forme de prototype ou de dessin ordinateur sont étudiés puis ensuite validés. Mme R chef de produit styliste, dans une attestation du 4 août 2008, expose son goût de l'Afrique, du voyage, son cheminement ayant conduit à la création de ces trois tableaux. Mme D, et M.Lemaitre , respectivement acheteuse et chef de produit à la MAISON DU MONDE confirment le travail de création de Mme R, et aussi le travail de groupe, qui a présidé à la confection de ces toiles à compter de 2006 pour la saison printemps-été 2007. Si les intimées relèvent comme l'a fait le tribunal qu'il apparaît étonnant que la société MAISONS DU MONDE ne puisse produire et justifier du travail qui a abouti à ces confections, par des planches de recherches, croquis, esquisse ou dessin informatique, l'appelant produit au débats une attestation de Mmes D et Martin, stylistes qui expliquent notamment que la transmission du travail original au fournisseur permet de gagner du temps, garantit que celui-ci puisse prendre en compte et reproduire les prototypes avec toutes ses subtilités et donc produire un échantillon conforme à la création. Elles indiquent également que compte tenu du volume de produits créés chaque saison il n'est matériellement pas possible de pouvoir conserver l'ensemble des créations, faute de place. Le fournisseur chinois atteste dans ce sens avoir fabriqué en série, à partir des peintures originales qui lui ont été transmises en juillet 2006 et avec des instructions précises et échantillons de l'écriture de Mme R les quantités commandées. Le caractère éligible de l'œuvre à la protection au titre du droit d'auteur s'apprécie en fonction de son originalité qui doit traduire un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur, révélé par des choix esthétiques qui lui sont propres . La société MAISONS DU MONDE décrit les trois toiles qu'elle invoque comme originales et méritant protection du fait de la combinaison : - d'arrière plans structurés par des bandes verticales et horizontales dans des tons sable, ocre ou rose, marron et or, avec des dégradés - de motifs et de dessins caractéristiques (buste de femme africaine avec colliers plastrons stylisés, motifs géométriques parfois en relief, collage de pièces, de matières, motifs de l'art africain de type totems, croix, épis etc,) - de mentions manuscrites dans la calligraphie de Madame R, à la manière de notes d'un carnet de voyages. Les parties s'accordent à dire à raison que chacun des éléments figurant sur les toiles TOMBOUCTON ne sont en eux même pas protégeables dès lors qu'ils sont issus directement du fonds commun d'inspiration de l'art tribal africain, du domaine public de l'art africain. Ainsi l'utilisation de couleurs ocre , marron, doré, beige, et leurs dégradés, les effets de bande, les plastrons et représentations de femmes africaines, les tirets , points, épis, croix, lignes de tirets, éléments dorés...pris isolément ne sont pas éligibles à la protection du droit d'auteur. Néanmoins un traitement esthétique particulier de ces éléments isolés peut permettre d'accéder à la protection du droit si elle révèle un choix original de son créateur. Il convient dès lors d'apprécier cette création en fonction de l'impression d'ensemble qu'elle laisse à celui qui la regarde. Le parti pris dans la composition des toiles , avec l'agencement sur celles-ci de ces différents éléments de décor, sur des arrières plan constitués de bandes essentiellement verticales mais également associées à des bandes horizontales, dans des couleurs exclusivement marron, ocres avec des dégradés, l'apposition sur celles-ci de différents motifs (buste de femme et silhouette, motifs géométriques répétés, collage de pièces, filet doré, motifs en relief, mentions manuscrites dans une calligraphie particulière dans les tons ocre ou gris à la manière de notes d'un carnet de voyages , révèlent un choix esthétique propre et donne à ces toiles une physionomie globale spécifique, un aspect particulier et reconnaissable que l'on ne retrouve pas dans les créations antérieures invoquées par les intimées . Aucune des antériorités invoquées par les intimées ne présentent simultanément la combinaison des caractéristiques qui singularisent les toiles de la société MAISONS DU MONDE. Les comparaisons faites par les intimées avec des éléments antérieurs, pour dénier toute originalité aux toiles de la société MAISONS DU MONDE, ne sont guère probantes et se fondent en outre sur des comparaisons d'éléments, pris de façon isolés, alors que la société MAISONS DU MONDE ne revendique pas l'exclusivité sur ces éléments mais sur leur combinaison. Ainsi si les bougies Kapula , antérieures, présentent des motifs géométriques que l'on peut retrouver sur les toiles de la MAISON DU MONDE mais les couleurs sont différentes, associent le rouge, l'oranger , le jaune vif, le vert tandis que les toiles Tomboucton utilisent des couleurs dans les ocres, marron et doré. Surtout ces toiles associent également des éléments très différents figurant sur les larges bandes, formes rondes, silhouette ou visage de femme parée d'un collier plastron simplifié, représentation de masques en bois ou statuette ou tabouret et appuis têtes. De même figurent sur ces toiles, des mentions graphiques avec une écriture particulière dans le ton ocre ou gris évoquant un carnet de voyage. De la même façon le tissu d'ameublement Flamboyant produit pas les intimés se révèle bien différent de ce qui apparaît sur les toiles, s'agissant de couleurs vives et de motifs géométriques exclusivement. Il en est ainsi également des toiles de Mme V dont les seules ressemblances sont constituées par la représentation de silhouettes de femmes représentées avec leur colliers plastrons. Ces peintures sont essentiellement dans les tons orangers et les silhouettes de femmes sont sans rapport avec celles figurant sur une des toiles invoquées par l'appelante. La posture, la coiffure, sont très différentes, de même que les colliers très colorés, ce qui n'est pas le cas des toiles invoquées. La toile carrée de Mme P est également très différente dès lors qu'elle ne figure que des motifs abstraits. Il en est encore de même des peintures de Ursula S ou Aaron S ou Graham R. Ainsi nonobstant le fait que les toiles Tombouctou reprennent des éléments connus, la combinaison de ceux-ci est nouvelle, révèle une originalité, même limitée et traduit un effort créatif même si ces créations correspondent aux tendances générales de la mode qui déclinent en matière de décoration des styles africain. Ces toiles se distinguent des réalisations antérieures dans le même domaine. L'originalité de ces toiles étant établie, elles sont éligibles à la protection du droit d'auteur. Les intimées, qui indiquent que la position de l'appelante a désormais changé en ce qu'elle aurait présenté en première instance Mme R comme étant la seule et l'unique créatrice des tableaux et qu'elle revendiquait alors en être l'auteur, ne produisent aucun élément probant en ce sens et le jugement ne permet nullement de le confirmer. Les intimées ne justifient d'aucune exploitation équivoque par la société MAISONS DU MONDE des créations revendiquées. En effet, les toiles sont divulguées et ont été exploitées sous le nom de la société MAISONS DU MONDE avec le processus de création précédemment décrit. Personne d'autre, et notamment Mme R qui expose qu'elle a élaboré lesdites toiles sur la base du thème et des instructions données lors des réunions de style et que « En vertu de mon contrat je cède mes droits d'auteur, sur mes créations à MAISONS DU MONDE », ne revendique ces créations. La société MAISONS DU MONDE est présumée être titulaire des droits sur ces créations et établit au demeurant qu'elles ont été crées en interne. Sur la contrefaçon Par application de l'article L 122-3 du code de la propriété intellectuelle toute reproduction intégrale ou partielle d'une œuvre faite sans le consentement du titulaire des droits d'auteur constitue une contrefaçon. Les toiles rectangulaires importées et commercialisées par les intimées reproduisent les caractéristiques essentielles de la toile rectangulaire Tombouctou sur laquelle figure la reproduction de deux objets mobiliers en bois de la société MAISONS DU MONDE. L'arrière-plan de ces trois toiles litigieuses des intimées est structuré de la même façon avec sur chacune d'entre elle un rectangle rose pâle accolé à un rectangle de même largeur ocre qui correspond au rectangle rose pâle accolé à un rectangle de même largeur ocre plus clair de la toile rectangulaire Tombouctou susvisée. Figure également sur ces toiles un rectangle blanc dont les bords se fondent dans un dégradé de couleur taupe, comme sur la toile Tombouctou . Les trois toiles ont chacune sur un de leur côté horizontal une bande marron de faible largueur sur laquelle est apposée des signes de couleur doré en relief , laquelle jouxte une autre bande de couleur dans les tons taupe-gris, plus large, tout comme sur la toile Tombouctou. Figurent aussi sur ces toiles des petits rouleaux de couleurs orangé collés sur un grillage de couleur doré, tout comme sur la toile Tombouctou où ces motifs quoique doré sont de même forme. La représentation de masques et d’appuis tête en bois sont disposés sur une diagonale, tout comme sur la toile Tombouctou et des motifs géométriques figurant sur ces trois toiles en haut, à droite ou à gauche, figurent également sur la toile Tombouctou. Figure encore sur ces trois toiles, des inscriptions manuscrites gris sur trois couleurs différentes ocre, marron et blanc, tout comme sur la toile Tomboucton avec une calligraphie très approchante. Les deux toiles carrées des intimées sur lesquelles ne figurent pas de silhouette de femme reprennent également les principales caractéristiques de la toile rectangulaire Tombouctou susvisée avec la structure, les motifs et les associations de couleurs et de motifs , propres à cette dernière et visés supra. La dernière toile carrée des intimées, celle où figure un buste de femme reprend quant à elle les éléments caractéristiques d'une partie de la toile carrée Tombouctou. Ainsi en haut à gauche, une bande de couleur sable/rosé au-dessous de laquelle est peinte une bande de couleur blanche qui se fond progressivement dans un dégradé de blancs qui devient en bas, une bande rectangulaire de couleur grise; à droite, une large bande verticale de couleur ocre avec, et en son centre, une bande de couleur or sur laquelle est reproduit un large cercle doré. Cette structure est la même que sur la toile Tombouctou. Des petites pièces en métal sont collées au-dessus et en dessous du cercle doré reproduit sur la toile litigieuse, à l'instar des petites pièces collées autour du cercle doré en relief reproduit sur la partie droite de la toile carrée Tombouctou. Une pièce en métal carré orne le cercle doré comme dans le cercle doré de la toile Tombouctou . Comme sur la toile Tomboucton, ne figure pas sur la toile litigieuse sur un des côtés horizontale la bande marron de faible largeur, qui se retrouve pourtant sur toutes les autres toiles litigieuses des intimées. La toile carrée litigieuse reproduit aussi les motifs et dessins caractéristiques de la toile carrée Tombouctou. Le buste de femme africaine sans chevelure de la toile litigieuse reprend les éléments caractéristiques du buste de la toile Tombouctou, absence de chevelure, collier plastron avec des bandes laissant voir la peau de la femme, et figure comme dans la toile Tombouctou, en haut à gauche de la toile. Les motifs certes connus et figurant sur la toile Tombouctou, quoique différents sont cependant placés cependant également à la même place que ceux de la toile Tombouctou, et laissent une impression similaire. Les mentions calligraphiques en ton gris figurent également autour de la silhouette, comme sur la toile Tombouctou. Nonobstant le fait que la taille de ces toiles litigieuses soit plus grande en ce qui concerne les modèles rectangulaires que celle de la société MAISONS DU MONDE ou encore qu'il s'agisse de modèles de forme carrée et qu'il existe des différences d'emplacement ou de taille des arrières plans ou des motifs ou encore des variations quant aux motifs et dessins y figurant ou des différences peu sensibles de couleurs, et que ces toiles ne reproduisent pas strictement les deux toiles Tombouctou, les principales caractéristiques de celles-ci se retrouvent sur ces six toiles litigieuses . Les modifications invoquées par les intimées n'altèrent pas la reprise des choix artistiques originaux des toiles de la société MAISONS DU MONDE. Ces différences ne confèrent pas une impression d'ensemble différente aux toiles opposées. Les toiles opposées donnent la même impression visuelle d'ensemble. Les toiles litigieuses ont simplement été adaptées. Compte tenu de ces éléments, l'ensemble des toiles litigieuses des intimées constituent des contrefaçons par imitation ou adaptation de la toile rectangulaire (sur laquelle figure la reproduction de deux objets mobilier en bois) et de la toile carré de la société MAISONS DU MONDE puisqu'exécutées sans l'accord de la société MAISONS DU MONDE. Par contre la dernière toile de la société MAISONS DU MONDE sur laquelle ne figure ni représentation d'objets mobiliers ni silhouette n'a quant à elle pas été contrefaite. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société MAISONS DU MONDE de ses demandes au titre de la protection du droit d'auteur. Les toiles litigieuses référencées 707121 et 707122 constituent des contrefaçons. Sur la concurrence déloyale et parasitaire. L'action en concurrence déloyale ne peut être exercée concurremment à une action en contrefaçon que sur le fondement d'actes distincts des actes incriminés au titre de la contrefaçon. La société MAISONS DU MONDE fonde son action en concurrence déloyale sur l'importation et la commercialisation en France, après leur succès avéré, de décors identiques ou quasi identiques à ceux de sa gamme, créant ainsi un effet de gamme brouillant les repères de la clientèle et créant ainsi des risques de confusion et d'association qui lui sont préjudiciables. Si elle justifie de conséquences économiques négatives, ils s'inscrivent dans la même situation de fait et ne constituent pas des faits distincts de concurrence déloyale. Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il condamné les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, VETURA et STOKOMANI pour concurrence déloyale et parasitaire et de débouter la société MAISONS DU MONDE de ses demandes indemnitaires à ce titre. Sur l'indemnisation au titre de la violation du droit d'auteur de la société MAISONS DU MONDE. La contrefaçon entraîne des préjudices, détournement de clientèle par la mise en vente de produits à moindre coût, manque à gagner, dévalorisation de l'image de la société MAISONS DU MONDE alors que les intimés ont vendu ces toiles litigieuses contrefaisantes aux seins d'enseignes Discount ou de moindre gamme, qui ne correspondent pas à l'image de marque de la société MAISON DU MONDE. Celle-ci justifie avoir entrepris des efforts conséquents pour créer, pour présenter ses marchandises de façon attractive tant dans les magasins que par ses catalogues. Il est incontestable que les intimées ont profité des investissements effectués par la société MAISONS DU MONDE. En effet, par ses créations, l'agencement de ses magasins , la présentation particulière de ses produits, dont ont bénéficié également ses toiles Tombouctou , et par des catalogues soignés, la société MAISONS DU MONDE attire la clientèle dans ses magasins, qui découvre alors l'ensemble de ses marchandises, et notamment les toiles invoquées, crées par des stylistes, nonobstant le fait qu'elles ne figurent pas sur le catalogue, fait découvrir et apprécier un style, en l'espèce le style ethnique africain. Elle crée compte tenu de l'ensemble de ces efforts une attraction envers ses produits, ce qui a ainsi permis aux intimés qui en ont bénéficié, d'écouler de nombreux articles similaires à moindre prix. (Les toiles litigieuses se vendant 4,99 € tandis que l'original carrée, certes plus grande, se vendait 14,90 € et la toile originale rectangulaire 9,90 €) . La société MAISONS DU MONDE établit avoir vendu au 26 octobre 2010, selon document comptable certifié par le commissaire aux comptes, 34 558 toiles Tombouctou et non 38 866 toiles pour un chiffre d'affaire global 400 242 € TTC essentiellement en France mais aussi en Belgique, en Italie en Espagne. De son côté, la société JJA a indiqué avoir acquis auprès de son fournisseur chinois Xianju Hetal Arts & Crafts Factory 55200 toiles litigieuses fin 2007. Au 19 novembre 2008 elle en avait revendu 37 080 à des détaillants dont les sociétés CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA. L'appelante justifie également de l'achat d'une toile litigieuse importée par la société JJA le 24 avril 2009 dans un magasin Petit Casino à Brest, ce qui ne permet cependant pas d'établir que les intimées aient poursuivi la commercialisation des produits litigieux durant toute l'année 2009. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de condamner les intimées in solidum à verser à la société MAISONS DU MONDE la somme globale de 100.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits et à son image ainsi que du préjudice résultant de la perte d'une chance de réaliser un chiffre d'affaire plus important si des articles contrefaits n'avaient pas été commercialisés en grande quantité. Sur les demandes accessoires Lors de la saisie contrefaçon pratiquée le 17 octobre 2008 dans les locaux de la société JJA il a été indiqué à l'huissier instrumentaire qu'il y avait en stock 9288 pièces des toiles référencées 707121 et 14.256 pièces des toiles référencées 707122. Il y a lieu d'ordonner la destruction des toiles contrefaisantes détenues par la société JJA, aux frais de la société JJA et en présence d'un huissier de justice, dans les trois mois de la présente décision, sans qu'une astreinte soit cependant nécessaire. Il n'y a pas lieu d'interdire spécifiquement l'interdiction de commercialiser les articles dont le caractère contrefaisant est établi. La publication de la décision n'apparaît pas nécessaire. Sur la demande de dommages et intérêts formée par les intimées pour procédure abusive. La procédure engagée par la société MAISONS DU MONDE est justifiée et nullement abusive. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les intimées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Sur les frais irrépétibles et les dépens Les intimées qui succombent à l'instance seront condamnées aux dépens et ne peuvent de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande en revanche de faire droit à la demande de la société MAISONS DU MONDE sur le fondement de ce texte. Il lui sera alloué de ce chef une somme de 10.000 €.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Déboute les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI de leurs demandes tendant à écarter les dernières conclusions produites par l'appelante et les pièces communiquées n°7.4, 7.5, et 10.11, Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a : - Déclaré les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA responsables in solidum d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, - Condamné in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI à payer à la SAS MAISONS DU MONDE la somme de 20'000 €de dommages- intérêts - Débouté la SAS MAISONS DU MONDE de ses demandes au titre de la protection du droit d'auteur; Statuant de nouveau : - Dit que la reproduction, l'importation en France et/ou la détention, l'offre en vente et la vente en France par les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI et VETURA de produits reproduisant les caractéristiques originales des toiles « TOMBOUCTOU» de la société MAISONS DU MONDE, constituent la contrefaçon de ces toiles, - Dit que les trois toiles référencées 707121 et les trois toiles référencées 707122 constituent des contrefaçons, - Ordonne la destruction, dans les trois mois de la présente décision, des toiles contrefaisantes référencées 707121 et 707122 détenues par la société JJA, aux frais de la société JJA et en présence d'un huissier de justice, - Dit n'y avoir lieu à astreinte, interdiction spécifique ou publication de la présente décision, - Condamne in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI à payer à la SAS MAISONS DU MONDE la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à ses droits et à son image et perte d'une chance, - Déboute la société MAISONS DU MONDE de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, - Déboute les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI de leurs demandes de dommages-intérêts, - Condamne in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI à payer à la SAS MAISONS DU MONDE la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne in solidum les sociétés JJA, CENTRAKOR STORES, STOKOMANI aux dépens qui comprendront les frais de constat et les frais de saisie-contrefaçon, dont distraction au profit de la SCP BREBION - CHAUDET, Avocat au Barreau de Rennes conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.