Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Montpellier 03 novembre 2015
Cour administrative d'appel de Marseille 16 mars 2017

Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 15MA04921

Mots clés travail et emploi · licenciements Autorisation administrative · salariés protégés · société · comité · travail · mandat · licenciement · entreprise · restauration · salarié · membres · autorisation · hygiène · employeur

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro affaire : 15MA04921
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 03 novembre 2015, N° 1404250
Président : M. LASCAR
Rapporteur : M. Georges GUIDAL
Rapporteur public : M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Montpellier 03 novembre 2015
Cour administrative d'appel de Marseille 16 mars 2017

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 3 de l'unité territoriale des Pyrénées-Orientales a autorisé la société Guy Barboteu Restauration à le licencier.

Par un jugement n° 1404250 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2015, la société Guy Barboteu Restauration, représentée par la SELAS Fidal, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 novembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-le tribunal a estimé à tort que les fautes reprochées au salarié ne présentaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement ;

-les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.

1. Considérant que la société Guy Barboteu Restauration, qui exploite une entreprise de restauration collective, a sollicité le 22 mai 2014 l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. A..., salarié protégé ; que, par une décision du 10 juillet 2014, l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation sollicitée ; que la société Guy Barboteu Restauration relève appel du jugement du 3 novembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que lorsqu'un employeur demande à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande des motifs justifiant, selon lui, le licenciement, l'inspecteur du travail ne pouvant, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autres motifs que ceux énoncés dans la demande ;

3. Considérant que la maison de retraite " Les Cistes ", qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), a confié son activité de restauration collective à un prestataire extérieur, la société Guy Barboteu Restauration ; que cette dernière a sollicité l'autorisation de licencier M. A..., qui exerce ses fonctions dans la cuisine de cet établissement, en lui reprochant de nombreuses négligences dans l'accomplissement de son travail de cuisinier et l'absence de respect des procédures d'hygiène et de sécurité ; que, pour motiver son autorisation, l'inspectrice du travail, après avoir écarté le grief tenant au défaut du respect des procédures d'hygiène et de sécurité, a retenu les autres faits invoqués par l'employeur et a accordé l'autorisation sollicitée estimant que, pris dans leur ensemble, ceux-ci étaient d'une gravité suffisante pour justifier la mesure de licenciement ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'enquête contradictoire conduite par l'inspectrice du travail, que M. A... a servi le 13 mars 2014 treize gaufres périmées aux résidents, qu'il a oublié, le 3 février 2014, de leur apporter différents plats, circonstance qui a d'ailleurs conduit la directrice adjointe de la maison de retraite à assurer elle-même le service ; que l'intéressé a reconnu avoir apporté le 17 mars 2014 un oeuf à un patient au régime alimentaire sans oeuf, et le 27 mars 2014 avoir oublié les soupes mais en revanche avoir servi des plats en double ; qu'il a enfin admis lors de la réunion du comité d'entreprise avoir modifié un dessert maison inscrit au menu établi par un diététicien pour le remplacer par un yaourt ; que ces faits s'inscrivent dans un contexte particulier, l'intéressé ayant déjà fait l'objet auparavant de sept avertissements pour des négligences diverses constatées entre 2011 et 2014 ; que M. A..., titulaire d'un baccalauréat professionnel restauration, option cuisine, a été engagé en qualité de cuisinier de niveau III, échelon A, de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration collective, correspondant à une bonne maîtrise des activités conduites, un savoir-faire dans le métier et une autonomie dans le travail ; que même s'il intervenait sous l'autorité d'un chef de cuisine, il bénéficiait d'une autonomie réelle dans l'exercice de ses fonctions ; qu'eu égard à son niveau de responsabilité et à la circonstance qu'il s'adressait à des personnes vulnérables et malades, ces faits sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, alors même qu'ils n'auraient pas revêtu un caractère intentionnel et n'auraient pas occasionné de troubles de santé chez les intéressés ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que les faits reprochés à M. A... n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier, à eux seuls, le licenciement du salarié et pour annuler en conséquence la décision du 10 juillet 2014 de l'inspectrice du travail ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-13 : " Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le salarié ayant siégé en qualité de représentant du personnel dans ce comité, pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat ou la disparition de l'institution " ; que selon l'article L. 2421-3 du même code : " Le licenciement envisagé par l'employeur (...) d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement " ; que l'article L. 2323-4 dudit code dans sa rédaction alors en vigueur énonce que " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 2411-13 et L. 2421-3 du code du travail que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un représentant des salariés au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou d'un salarié ayant siégé en cette qualité pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise ; qu'à cette fin, il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé, en lui transmettant des informations précises et écrites sur les motifs de celle-ci, ainsi que le prescrivent les dispositions de l'article L. 2323-4, en portant à la connaissance des membres du comité l'identité du salarié visé par la procédure ainsi que l'intégralité des mandats détenus par ce dernier, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause ; que la méconnaissance de cette obligation entache d'illégalité la procédure de licenciement, à moins qu'il ne soit établi, eu égard aux circonstances de l'espèce, que les membres du comité ne pouvaient ignorer ces informations ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de licenciement de M. A..., membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 27 mars 2012 au 10 avril 2014 et qui bénéficiait de la protection légale en sa qualité d'ancien membre, en vertu des dispositions de l'article L. 2411-13 du code du travail, a été soumis au comité d'entreprise qui a exprimé un avis favorable au licenciement envisagé lors d'une réunion du 19 mai 2014 ; que l'ordre du jour de cette réunion qui figure sur le courrier de convocation adressé le 7 mai 2014 aux membres du comité se borne à faire état, sans aucune autre précision, de l'examen du " projet de licenciement de M. A... " ;

10. Considérant que si la convocation ne mentionnait pas l'ancien mandat détenu par l'intéressé, il est constant que M. A... a présenté sa candidature au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et que celle-ci n'a pas été retenue lors de la désignation des membres de cette instance le 10 avril 2014 ; que les membres du comité d'entreprise qui assistaient à la séance du comité d'entreprise le 19 mai 2014 étaient les mêmes que ceux qui avaient refusé de reconduire M. A... en qualité de représentant des salariés au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 10 avril 2014 ; qu'ils ne pouvaient, de ce fait, ignorer l'ancien mandat détenu par l'intéressé ; qu'en outre, lors de la de la réunion du comité d'entreprise, la nature du mandat anciennement détenu par M. A... a été rappelée par le président, en début de réunion au moment de la présentation de l'ordre du jour, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de séance ; qu'ainsi, les prescriptions de l'article L. 2323-4 du code du travail n'ont pas été méconnues ;

11. Considérant qu'en vertu des articles R. 2325-1 et R. 2325-3 du code du travail, le secrétaire du comité d'entreprise, désigné parmi ses membres titulaires, consigne dans les procès-verbaux les délibérations du comité d'entreprise et les communique à l'employeur et aux membres du comité ; que la désignation comme secrétaire de la séance du comité d'entreprise d'une personne qui n'est pas au nombre de ses membres titulaires, si elle méconnaît les dispositions de l'article R. 2325-1 précité, a, dans les circonstances de l'espèce, été sans influence sur l'avis émis par le comité d'entreprise sur le projet de licenciement de M. A..., dès lors qu'il n'est pas allégué que le procès-verbal établi par M. B..., membre suppléant, ne constituait pas un compte rendu fidèle de la séance du 19 mai 2014 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Guy Barboteu Restauration est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 10 juillet 2014 de l'inspectrice du travail de la section 3 de l'unité territoriale des Pyrénées-Orientales ;

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Guy Barboteu Restauration ;

D É C I D E :



Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Guy Barboteu Restauration au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guy Barboteu Restauration et à M. C... A....

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 28 février 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2017.

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N° 15MA04921

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