Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2014, 13-22.008

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-10-23
Cour d'appel de Reims
2012-10-03

Texte intégral

Attendu selon l'arrêt attaqué

(Reims, 3 octobre 2012), que M. X..., engagé en qualité de livreur manutentionnaire à compter du 24 octobre 1997 par la société Trans Affaires 08, a été licencié pour motif économique par lettre du 30 décembre 2008 ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que le salarié fait grief à

l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen que ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre sur une période d'un an, ni la baisse du résultat net pendant cette même période ne suffisent à caractériser les difficultés économiques alléguées par l'employeur ; que pour dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse reposant sur un motif économique, la cour d'appel retient qu'il résulte des pièces produites aux débats et notamment de l'attestation de l'expert-comptable que l'activité de la société a chuté en 2008 (- 22 % sur le 4e trimestre) ; que le chiffre d'affaires a encore décru en 2009 (- 20,29 %) ; qu'au 31 décembre 2008, le résultat net comptable était de 1,77 % du chiffre d'affaires HT contre 4,97 % au 31 décembre 2007 ; que les difficultés économiques sont ainsi établies dans un secteur d'activité particulièrement touché et la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité de la société est une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

qu'en se déterminant ainsi

quand ni la baisse du chiffre d'affaires sur une année, ni la baisse du résultat net sur cette même période ne suffisaient à caractériser la réalité des difficultés économiques alléguées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a constaté l'importance et la persistance de la chute du chiffre d'affaires et du résultat net sur plusieurs exercices comptables, la réduction drastique des concours bancaires voire le refus d'une banque, la prise de mesures draconiennes pour réduire les charges d'exploitation et assurer la pérennité de l'entreprise rendant nécessaire la suppression d'emplois, dont celui du salarié, a ainsi caractérisé l'existence de difficultés économiques ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

:

Attendu que le salarié fait grief à

l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen que si l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, c'est à condition de tenir compte de chacun d'entre eux ; que, pour le débouter de sa demande, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait le droit de privilégier certains critères ; que, s'il avait plus d'ancienneté que ses collègues, il était célibataire sans charge de famille et était le moins polyvalent ;

qu'en statuant ainsi

, sans évoquer la totalité des critères, ni les points attribués aux autres livreurs, la cour d'appel qui n'a pas vérifié si les notes avaient été attribuées en fonction de critères objectifs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail ; Mais attendu qu'ayant fait ressortir par motifs propres et adoptés, que l'employeur avait appliqué l'ensemble des critères légaux de l'ordre des licenciements à tous les collègues de l'intéressé appartenant à la même catégorie professionnelle, tout en privilégiant ceux afférents à la situation familiale et aux qualités professionnelles, la cour d'appel a pu en déduire que les critères de l'ordre des licenciements n'avaient pas été méconnus ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille quatorze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de monsieur X... fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté en conséquence le salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de licenciement est ainsi libellée : « ¿Nous sommes confrontés à un très fort ralentissement de fréquentation des clients dans notre magasin depuis plusieurs mois, entraînant une importante baisse de notre activité de vente de meubles, literie et articles de décoration. Nous constatons une chute considérable de nos commandes par rapport aux années précédentes. Cela est lié notamment à la crise économique que nous subissons actuellement et la tendance pour 2009 n'envisage pas une amélioration de la situation puisque l'on prévoit une baisse de 30 % d'activité dans notre secteur. Notre chiffre d'affaires actuel ne nous permet pas de faire face à nos charges fixes, qui, elles ne diminuent pas. Dans ce contexte difficile, afin d'assurer la pérennité de notre activité et de sauvegarder sa compétitivité, nous sommes dans la nécessité absolue de réorganiser notre entreprise et de réduire nos charges (notamment celles de personnel), ce qui entraîne la suppression de votre poste de livreur manutentionnaire. Ne disposant d'aucune solution de reclassement que nous pourrions le cas échéant vous proposer, nous n'avons pas d'autres choix que celui de procéder à la rupture de votre contrat de travail¿ » ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que l'employeur justifie notamment par une attestation d'expert comptable précise et motivée que l'activité de la société a chuté en 2008 (- 22 % sur le 4ème trimestre 2008) et que ce n'est que grâce aux mesures prises en fin d'année 2008, qu'en 2009 la société n'a pas été déficitaire, son chiffre d'affaires ayant encore décru les années suivantes (-20,29 % en 2009) et un nouveau licenciement étant intervenu début 2009 ; qu'au 31 décembre 2008 le résultat net comptable était de 1,77 % du chiffre d'affaires hors taxes contre 4,97 % au 31 décembre 2007 ; que, de plus, les concours bancaires ont été réduits de façon drastique par la SNVB et le Crédit Lyonnais a refusé de s'engager sur des encours supplémentaires ; que le gérant a réduit son salaire au point de ne conserver que le montant permettant de valider les trimestres de retraite et le salaire de son épouse a été réduit au SMIC ; que l'expert comptable explique que si aucune mesure n'avait été prise, la société aurait dégagé un déficit, perdu totalement ses concours bancaires et cessé toute activité et ajoute que même en 2012 la situation est encore fragile puisqu'un chômage partiel sur le second trimestre est envisagé ; que les difficultés économiques telles que relatées par l'expert comptable sont établies au regard des pièces produites dans un secteur d'activité particulièrement touché et la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité de la société est une cause réelle et sérieuse de licenciement ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la lettre de licenciement fait d'abord état d'une baisse importante de la fréquentation de la clientèle entraînant une baisse significative de l'activité et d'une chute considérable des commandes ; que l'employeur précise que la tendance pour 2009 ne s'est pas améliorée et qu'il est prévu une baisse de 30 % d'activité dans ce secteur ; que la SARL Trans Affaires 08 signale que la baisse d'activité entraîne nécessairement une réduction des frais fixes en particulier des frais de personnel afin d'assurer la pérennité de son activité et de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que l'employeur amène les éléments chiffrés qui permettent de constater que l'activité de l'entreprise a baissé de 22,15 % en 2008 par rapport à 2007 et que cette baisse d'activité s'est confirmée sur l'exercice 2009 enregistrant une nouvelle baisse de 20,29 % en 2009 par rapport à 2008 ; que parallèlement à cette baisse d'activité la banque a opéré une baisse progressive mais significative de son concours financier ; que l'attestation de madame Muriel Y... Z..., versée aux débats, est très explicite puisqu'elle explique que si l'employeur n'avait pas pris les mesures de licenciement des quatre personnes pour alléger ses frais fixes et en particulier les frais de personnel, le déficit se serait creusé de 36.800 euros ; que de plus, cet expert comptable indique que si l'employeur n'avait pas pris les mesures de gestion, les concours bancaires auraient diminués fortement ou auraient été supprimés ; que la réorganisation de l'entreprise, pour permettre la sauvegarde de la compétitivité de la société, est une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique ; que ne vaut-il mieux pas faire une coupe difficile mais nécessaire dans les frais de personnel en licenciant quatre personnes que de voir sa société placée en liquidation judiciaire six mois plus tard avec pour conséquence le licenciement de la totalité du personnel ? ; qu'en conséquence, le licenciement pour motif économique de monsieur Dominique X... repose bien sur une cause réelle et sérieuse et celui-ci sera débouté de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre sur une période d'un an, ni la baisse du résultat net pendant cette même période ne suffisent à caractériser les difficultés économiques alléguées par l'employeur ; que pour dire que le licenciement de monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse fondée sur un motif économique, la cour d'appel retient qu'il résulte des pièces produites aux débats et notamment de l'attestation de l'expert-comptable que l'activité de la société a chuté en 2008 (- 22 % sur le 4ème trimestre) ; que le chiffre d'affaires a encore décru en 2009 (- 20,29 %) ; qu'au 31 décembre 2008, le résultat net comptable était de 1,77 % du chiffre d'affaires HT contre 4,97 % au 31 décembre 2007 ; que les difficultés économiques sont ainsi établies dans un secteur d'activité particulièrement touché et la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité de la société est une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en se déterminant ainsi quand ni la baisse du chiffre d'affaires sur une année, ni la baisse du résultat net sur cette même période ne suffisaient à caractériser la réalité des difficultés économiques alléguées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'ordre des licenciements ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'employeur a respecté les critères légaux résultant de l'article L. 1233-5 du code du travail ; qu'il a le droit de privilégier certains critères et notamment les salariés qui ont des charges de famille et qui sont polyvalents ; que si monsieur X... avait plus d'ancienneté que ses collègues, il était célibataire sans charge de famille et était le moins polyvalent, les deux autres livreurs non licenciés ayant un conjoint et bénéficiant d'un permis poids lourds aux termes d'une formation payée par l'entreprise que monsieur X... avait refusé d'effectuer, ce qui l'empêchait de conduire le camion lors des livraisons ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail fixent la liste des critères à prendre en compte pour fixer l'ordre des licenciements, l'employeur peut privilégier l'un d'eux ; qu'en l'espèce, la situation de famille des salariés et les qualités professionnelles de ceux-ci (polyvalence) ont été privilégiés ; que l'employeur a procédé au licenciement d'une vendeuse sur deux et de quatre chauffeurs livreurs manutentionnaires sur quatre ; que, sur les quatre manutentionnaires livreurs, seul monsieur Dominique X... n'était pas titulaire du permis C utile pour la conduite de grandes camionnettes ; que cette formation est prise en charge à 100 % par l'entreprise comme en attestent les autres chauffeurs livreurs ; qu'or, monsieur Dominique X... a toujours refusé de passer ce permis C malgré les demandes réitérées de l'employeur (voir attestation de monsieur A...) ; que messieurs B... et C..., salariés de l'entreprise, attestant des manques d'implication, de prise de responsabilités et de qualités professionnelles de monsieur Dominique X..., ce qui ne facilitait pas la réorganisation de l'entreprise ; que la SARL Trans Affaires 08 précise que monsieur Dominique X..., comme son frère Thierry, est célibataire, vit chez ses parents à proximité de son lieu de travail ; qu'à l'inverse, les autres livreurs manutentionnaires ont une de famille et un foyer à faire vivre ; qu'en conséquence, l'employeur a respecté les directives de l'article L.1233-5 du code du travail sur l'ordre des licenciements et monsieur Dominique X... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'ordre des licenciements ; ALORS QUE si l'employeur peut privilégier l'un des critères retenus pour déterminer l'ordre des licenciements, c'est à condition de tenir compte de chacun d'entre eux ; que, pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait le droit de privilégier certains critères ; que, si monsieur X... avait plus d'ancienneté que ses collègues, il était célibataire sans charge de famille et était le moins polyvalent ; qu'en statuant ainsi, sans évoquer la totalité des critères, ni les points attribués aux autres livreurs, la cour d'appel qui n'a pas vérifié si les notes avaient été attribuées en fonction de critères objectifs a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail.